Intervention de Gérald Darmanin

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 mars 2021 à 16h30
Projet de loi confortant le respect des principes de la république — Audition de M. Gérald daRmanin ministre de l'intérieur et Mme Marlène Schiappa ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur chargée de la citoyenneté

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes très honorés d'évoquer devant votre commission ce texte important pour la législature et pour le pays. La liberté d'association, la liberté de culte, la liberté d'expression et la laïcité ont été chèrement acquises, elles sont très encadrées par notre droit positif, et c'est un travail considérable que d'y toucher, mais aux attaques terroristes que la France subit depuis de nombreuses années s'ajoute désormais ce que Gilles Kepel nomme le « djihadisme d'atmosphère », phénomène plus diffus mais tout aussi meurtrier.

Ce texte de loi ne vise pas une énième fois à lutter contre le terrorisme. De nombreux gouvernements ont déjà doté la France de moyens et de dispositions législatives supplémentaires à cette fin. Entre le terrorisme et la radicalisation qui y mène, le Président de la République a identifié un phénomène qu'il a qualifié de séparatisme : il s'agit de cet islam politique et radical, qui est une dérive sectaire, dont nous nous efforçons par ce texte de limiter, voire de stopper l'entrisme.

Ce texte vise donc à renforcer les principes républicains et à lutter contre ce séparatisme, dont l'assassinat de M. Samuel Paty a montré qu'il reposait sur l'entrisme dans les services publics locaux, le communautarisme effréné, la pression sur les agents publics et la diffusion par les réseaux sociaux de fatwas numériques.

Nous savons désormais qu'il n'y a pas de différence de nature, mais une différence de degré entre le séparatisme et le terrorisme. Nous devons donc le combattre.

Les dispositions de ce texte sont nombreuses. Elles concernent en premier lieu le service public, singulièrement les services publics locaux. Pendant longtemps, nous avons délégué des missions de service public à des entreprises privées, si bien qu'aujourd'hui, des centaines de milliers d'agents remplissent des missions de service public sans être nécessairement soumis aux obligations de neutralité politique et religieuse auxquelles sont soumis les agents publics.

L'article 1er étend donc ces obligations de neutralité à des centaines de milliers de salariés dont le travail est assimilé à celui des agents de la fonction publique. Le port du voile ou les aménagements relatifs aux heures ou aux lieux de prière seront désormais interdits.

Une autre disposition très importante de ce texte est le résultat d'un compromis trouvé avec le président de l'Association des maires de France : il s'agit du référé laïcité, qui permettra de saisir le juge administratif de toute décision prise par une collectivité locale qui serait contraire au principe de laïcité.

D'autres mesures visent le champ associatif, qui est malheureusement trop souvent un lieu d'entrisme du séparatisme. Cela est d'autant plus scandaleux que certaines des associations concernées bénéficient de subventions publiques. Par ailleurs, nous renforçons les dispositions qui permettent de suspendre ou de dissoudre les associations.

J'en viens à la haine en ligne. La radicalisation est parfois plus efficace sur internet que dans les lieux de culte. Le garde des Sceaux et le secrétaire d'État chargé du numérique exposeront devant votre commission les dispositions nouvelles prévues par ce texte, notamment les sites miroirs.

Afin de lutter contre les pressions exercées contre les agents publics, ce texte prévoit un délit de séparatisme passible d'une peine d'emprisonnement de cinq ans, et pour les étrangers, d'une OQTF (obligation de quitter le territoire français). Je ne m'étends pas sur l'article 18, dit article « Samuel Paty », dont nous débattrons longuement.

Nous renforçons l'aide que nous apportons aux cultes, notamment en simplifiant des dispositions de la loi de 1905 ou en autorisant les associations cultuelles à posséder des immeubles de rapport, tout en renforçant la laïcité telle qu'elle fut portée par Aristide Briand et Gustave Dron, sénateur-maire de Tourcoing, qui visait à organiser les cultes en vertu d'un dispositif inventé pour eux.

Ce dispositif comporte un certain nombre de contraintes que nous devons assumer. Par exemple, le ministre de l'intérieur ne dispose pas d'informations sur les éventuels financements étrangers des cultes et ne peut s'y opposer. L'Assemblée nationale a introduit avec un avis favorable du Gouvernement l'interdiction de vendre un lieu de culte sans l'accord de l'État à d'autres États étrangers.

Par ailleurs, le texte prévoit la possibilité de fermer des lieux de culte lorsqu'ils sont soupçonnés de séparatisme. Parmi les 2 500 lieux de culte musulmans existant en France, les services de renseignement territoriaux estiment que 89 sont séparatistes. Dans l'état actuel du droit, le ministre de l'intérieur dispose de deux moyens de faire fermer des lieux de culte : si un attentat est intervenu et qu'un lien avec le lieu de culte a été prouvé, en vertu de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) - c'est ainsi que j'ai fait fermer la mosquée de Pantin au lendemain de l'assassinat de M. Paty - ou selon le régime qui s'applique à l'ensemble des établissements recevant du public (ERP). Si 17 lieux de culte sont fermés sur ce fondement, ils ne le sont pas au nom du discours qu'ils portent.

Les dispositions que nous vous proposons permettront demain au ministre de l'intérieur de faire fermer ces lieux de culte, notamment lorsque le juge administratif le confirmera. Dès que la loi sera promulguée par le Président de la République, je ferai organiser par les services du ministère de l'intérieur le contrôle au nom de la loi nouvelle des 89 lieux de culte séparatistes dans les semaines qui suivront.

Ce plan d'action, qui est un plan de réaction de la République vis-à-vis de de la paix publique, vise à la fois à protéger ceux qui croient - les musulmans sont les premières victimes de la barbarie islamiste dans le monde - et à assurer le respect des règles de la République.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion