Intervention de Marlène Schiappa

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 mars 2021 à 16h30
Projet de loi confortant le respect des principes de la république — Audition de M. Gérald daRmanin ministre de l'intérieur et Mme Marlène Schiappa ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur chargée de la citoyenneté

Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté :

Mesdames, messieurs les sénateurs, le ministre de l'intérieur et moi-même avons présenté ce texte en conseil des ministres le 9 décembre dernier à l'occasion des 115 ans de l'adoption de la loi de 1905. Il est le fruit de larges consultations conduites avec la société civile, les partis politiques, les représentants des cultes, des élus, des intellectuels et des associations philosophiques.

Notre objectif est clair : il s'agit de défendre nos valeurs, les promesses républicaines de laïcité, d'émancipation et de progrès, et de lutter contre le terreau du terrorisme.

Cela passe d'abord par l'application d'un principe simple et concret : pas un euro d'argent public ne doit être donné aux ennemis de la République. Pour ce faire, nous proposons la création d'un contrat d'engagement républicain. Les associations qui souhaitent recevoir une subvention publique devront s'engager à le respecter. En cas de non-respect, la subvention sera suspendue. Elle sera toutefois susceptible d'être rétablie. Ainsi, l'État et les collectivités disposeront d'un outil juridique clair pour entraver l'action des associations qui ne respectent pas nos valeurs.

Le respect des principes de la République passe aussi par celui de l'égalité entre les femmes et les hommes. Les islamistes que nous combattons ne supportent pas la liberté des femmes, qui préfigure la liberté de la société dans son ensemble. Nous considérons que toutes les femmes qui vivent en France doivent bénéficier des mêmes droits, et que toutes doivent pouvoir être protégées dans leur intégrité. Nous ne pouvons accepter pour d'autres femmes ce que nous n'accepterions pas pour nous-mêmes, pour nos soeurs ou pour nos filles. Nous considérons donc que les pratiques dites « coutumières » telles que les mariages forcés, la polygamie, la discrimination en matière d'héritage et les certificats ou tests de virginité n'ont pas leur place en France.

Il y a des années, la France a eu le courage de dire non à la pratique des mutilations génitales. Nous devons pouvoir dire qu'aujourd'hui, la République ne tolère pas d'atteinte à la dignité humaine, que ce soit sur des femmes ou sur des hommes. C'est pourquoi l'Assemblée nationale a souhaité nommer ce chapitre du texte « Dispositions relatives au respect des droits des personnes et à l'égalité entre les femmes et les hommes ». Nous y veillons à l'égalité de traitement entre les héritiers, notamment pour que les filles ne puissent plus être déshéritées comme c'est le cas aujourd'hui du fait de failles dans le droit international.

Nous instaurons également dans ce texte une réserve générale de polygamie pour la délivrance et le renouvellement des titres de séjour. Les hommes de nationalité étrangère qui sont coupables de polygamie n'ont rien à faire dans notre pays. Quant aux femmes qui subissent cette situation de polygamie et se verraient mises en danger, elles bénéficieront d'un accompagnement et d'un examen individuel dans le cadre du renouvellement de leur titre de séjour.

Par ailleurs, nous voulons interdire aux professionnels de santé d'établir des certificats de virginité en rendant cette pratique passible de poursuites pénales. En dépit de l'opposition d'une petite minorité de gynécologues à cette mesure, il nous semble important de protéger les jeunes filles qui sont particulièrement vulnérables aux pressions séparatistes. L'Assemblée nationale a souhaité introduire une incrimination spécifique des personnes qui contraignent une femme à solliciter ce certificat de virginité, en l'assortissant d'un quantum de peine cohérent. Nous aurons l'occasion de débattre de ces mesures.

Nous allons également renforcer la lutte contre les mariages forcés, en rendant obligatoire la saisine du procureur de la République par l'officier d'état civil en cas de doute sérieux persistant sur le consentement de l'un des deux époux. Les élus locaux que nous avons rencontrés, notamment l'Association des maires de France, regrettent que la loi ne leur donne pas les moyens d'agir en la matière.

Toutes ces dispositions devront s'accompagner de politiques publiques fortes, car la loi ne se suffit pas à elle-même. Nous avons déjà commencé à travailler sur des politiques interministérielles, y compris de soutien vis-à-vis des élus locaux.

Enfin, le ministre de l'intérieur et moi-même avons déposé deux amendements. Le premier vise à instaurer une formation à la laïcité pour tous les agents publics, et le second à créer un maillage territorial de référents laïcité dans toutes les administrations publiques. L'Assemblée nationale a accueilli favorablement ces propositions. J'espère que le Sénat fera de même.

La laïcité est le ciment de notre République, c'est pourquoi elle doit être au coeur du service public. Je sais que le Sénat y est particulièrement attentif, et qu'il a d'ores et déjà engagé un travail important autour de ce texte. Je ne doute pas que nos débats permettront de l'améliorer encore. C'est un projet de loi équilibré, qui vise à apporter des réponses concrètes aux acteurs de terrain, singulièrement aux élus locaux.

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