Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette semaine se tient la semaine nationale des personnes handicapées physiques : elle permet de sensibiliser le grand public au handicap et de récolter des fonds pour des projets d’inclusion. Signe que le chemin est encore long pour parvenir à construire une société réellement inclusive pour ces 12 millions de Français qui souffrent de handicap.
Alors devons-nous voir un signe dans cette proposition de loi qui prévoit d’individualiser l’allocation aux adultes handicapés en supprimant la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul du montant versé ?
Le Sénat avait rejeté une telle disposition en octobre 2018, considérant que la solidarité familiale devait s’exercer avant la solidarité nationale.
Par ailleurs, il n’était pas responsable d’adopter une telle mesure en l’absence de chiffrage financier. Cette disposition a été reprise et adoptée à l’Assemblée nationale.
Le recueil de cent mille signatures sur la plateforme de pétition du Sénat a permis son inscription à l’ordre du jour de notre assemblée.
La question de la cohérence de notre système social a été soulevée par Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées : si nous individualisons l’AAH, il nous faudra justifier auprès des personnes concernées le maintien de la prise en compte des revenus du foyer dans le calcul des autres minima sociaux, comme le revenu de solidarité active ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Ce ne sont pas des prestations universelles, mais des ressources complémentaires destinées à venir en aide aux personnes qui en ont le plus besoin.
Le calcul actuel de l’AAH tient compte d’un plafond de ressources de 3 000 euros, si le bénéficiaire travaille, et de 2 270 euros, si c’est son conjoint, en raison d’un abattement supérieur à 50 % sur les revenus du bénéficiaire et de 28 % sur les revenus du conjoint.
Une alternative crédible à la déconjugalisation aurait été d’augmenter l’abattement qui s’applique sur les revenus du conjoint et d’aligner les deux plafonds de ressources à 3 000 euros.
Il me semble que ce dispositif contribuerait à renforcer la justice sociale à l’égard des personnes en situation de handicap les plus fragiles économiquement, sans présenter de risque de dérapage financier.
Le coût de la déconjugalisation et de la suppression du plafonnement, ce que propose le dispositif initial, serait de 20 milliards d’euros, sachant que le coût actuel de l’AAH s’élève à environ 11 milliards d’euros pour 1, 2 million de bénéficiaires.
La commission des affaires sociales a pris ses responsabilités, en supprimant le déplafonnement des ressources, ce qui abaisse le coût du dispositif à 560 millions d’euros.
Cependant, le plafonnement ne tient plus compte des revenus du foyer ; le caractère redistributif de l’allocation est donc remis en question.
La commission a adopté un amendement permettant de limiter les effets de bord, en proposant aux 44 000 foyers qui seraient lésés par la déconjugalisation de l’AAH de maintenir leurs droits pour une durée de dix ans.
La commission a également rétabli la modulation du plafond pour enfant à charge que le dispositif initial supprimait.
Malgré ces réserves sérieuses, l’individualisation de l’AAH est une demande sociétale forte, justifiée notamment par l’exposition plus importante des femmes porteuses de handicap au risque de violences conjugales. Le rapport d’information qui a été présenté en octobre 2019 par notre ancien collègue Roland Courteau est éloquent à ce sujet. Aussi, favoriser l’émancipation financière de ces personnes permettrait de mieux les protéger de situations dramatiques et souvent dissimulées.
Par ailleurs, il est proposé de repousser le plafond d’âge, fixé à 60 ans, pour demander à bénéficier de la prestation de compensation du handicap. Cette mesure, justifiée en raison de l’allongement de l’espérance de vie, coûterait, en cas de report à 65 ans, entre 10 millions et 57 millions d’euros selon le niveau de GIR pris en compte.
La PCH étant cofinancée par les départements, il conviendra de travailler de façon concertée à la définition de la nouvelle limite d’âge. Les finances départementales sont fortement sollicitées par la crise sanitaire et économique. Aussi, je serai favorable à cette mesure, à condition qu’elle fasse l’objet d’un accompagnement financier suffisant des départements par l’État.
À titre personnel, je voterai cette proposition de loi, mais la majorité du groupe Les Indépendants s’abstiendra pour les raisons invoquées dans mon intervention.