Séance en hémicycle du 9 mars 2021 à 14h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Georges Gruillot, qui fut sénateur du Doubs de 1988 à 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste, les explications de vote et le vote sur la proposition de loi relative au monde combattant, présentée par Mme Jocelyne Guidez et plusieurs de ses collègues (proposition n° 241 [2019-2020], texte de la commission n° 421, rapport n° 420).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

I. – Dans l ’ ensemble des dispositions législatives, les mots : « Office national des anciens combattants et des victimes de guerre » sont remplacés par les mots : « Office national des combattants et des victimes de guerre ».

II (nouveau). – Le présent article entre en vigueur le 1 er janvier 2023.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, à la rapporteure de la commission pendant sept minutes, puis au Gouvernement et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec fierté que je rapporte aujourd’hui les travaux de la commission des affaires sociales sur une proposition de loi dont je suis l’auteure et qui a reçu un grand nombre de cosignatures issues de nombreuses travées de notre assemblée.

Cette proposition de loi a fait l’objet de la procédure de législation en commission prévue par notre règlement. Le droit d’amendement s’est donc exercé en commission la semaine dernière, et il revient aujourd’hui au Sénat d’approuver le texte dans son ensemble.

Le recours à cette procédure se justifie par le caractère consensuel de cette proposition de loi et par son objet circonscrit.

En effet, il s’agit de faire évoluer le nom d’un établissement public que nous connaissons tous pour son action déclinée dans nos départements, à savoir l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONACVG.

Je souhaite revenir sur les raisons qui m’ont conduite à rédiger cette proposition de loi.

Tout d’abord, il me faut définir la notion d’« anciens combattants », qui correspond de fait aux titulaires de la carte du combattant, parfois appelée à tort carte d’« ancien combattant ».

Cette carte est décernée à tous les militaires qui justifient d’au moins quatre mois de présence sur un théâtre d’opérations. Dans les faits, compte tenu de la durée des missions dans lesquelles nos soldats sont engagés, la plupart des militaires peuvent se voir reconnaître la qualité de combattant dès lors qu’ils ont fait un séjour opérationnel, et ce même s’ils continuent leur carrière au sein de l’armée. On peut donc être ancien combattant à 20 ans, comme on peut être ancien combattant et néanmoins continuer à servir et à combattre pour la France.

Il y a aujourd’hui près de 2 millions d’anciens combattants dans notre pays. Il s’agit essentiellement d’anciens de la guerre d’Algérie, qui sont aujourd’hui au moins octogénaires. Cette troisième génération du feu va, comme les deux précédentes, s’éteindre naturellement dans les années à venir.

On voit aujourd’hui se développer une quatrième génération, composée de ceux et, de moins en moins rarement, de celles qui ont été engagés en opérations extérieures, les OPEX.

Ces opérations extérieures se sont intensifiées depuis le début des années 1990 et, surtout, depuis les années 2000. Pour autant, les ordres de grandeur ne sont plus les mêmes. Alors que près de 2 millions de soldats ont servi en Afrique du Nord, environ 200 000 cartes du combattant ont été décernées au titre des opérations extérieures depuis les années 1970.

Ainsi, comme nous le soulignons chaque année à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, le remplacement progressif de la génération des conflits d’Afrique du Nord par celle des OPEX s’accompagnera d’une décroissance rapide et extrêmement forte du nombre d’anciens combattants.

En outre, nous devons nous attendre à une évolution sociologique de cette population. Alors que les anciens d’Algérie et des conflits antérieurs sont, pour la plupart, d’anciens appelés, parfois incorporés contre leur gré, les militaires des OPEX sont tous des soldats de métier. Le rapport qu’ils entretiennent à l’égard de leur service sous les drapeaux n’est donc pas le même.

Plus jeune et plus féminisée, la population des combattants compte également davantage d’actifs, que ce soit au sein des armées ou dans le civil.

Le monde combattant ne se limite pas aux militaires. L’ONAVG accompagne également les veuves et les pupilles de la Nation, qui pourraient être, à l’avenir, plus nombreux en valeur relative. L’Office doit également, de plus en plus souvent, accompagner les parents de soldats morts pour la France.

Cette évolution sociologique entraînera une évolution des attentes et des besoins des ressortissants de l’ONACVG. En effet, les questions liées à la perte d’autonomie et aux invalides de guerre seront certainement moins prégnantes, alors que les enjeux de formation et de reconversion professionnelle deviendront plus importants.

L’ONACVG devra donc faire évoluer son action. Je sais que sa directrice générale est pleinement engagée dans cette évolution.

Or les termes « anciens combattants » renvoient souvent à une image dans laquelle les jeunes militaires ne se reconnaissent pas. Nous constatons, sur nos territoires, que les associations qui entretiennent la mémoire peinent, même si les choses évoluent lentement, à fédérer la génération des OPEX.

C’est d’autant plus problématique que ces associations voient le nombre de leurs membres décliner et qu’elles ont de plus en plus de difficultés à animer les cérémonies patriotiques et à faire vivre le souvenir.

Pour la même raison, le nom même de l’Office national peut dissuader certains jeunes anciens combattants de solliciter l’ONACVG, alors qu’ils en auraient besoin. Sa directrice estime à environ 30 000 le nombre de personnes éligibles à la carte du combattant, mais qui, pour une raison ou une autre, n’en ont pas fait la demande.

La proposition de loi vise donc à modifier le nom de cet établissement public, afin de faire disparaître le mot « ancien ».

Dans le texte initial figurait le nom « Office national du monde combattant ». Sur ma proposition, et avec l’accord du Gouvernement, la commission des affaires sociales a adopté un amendement permettant de retenir le nom « Office national des combattants et des victimes de guerre ». Cette appellation permet de rassurer les acteurs associatifs quant à la continuité des missions de l’Office. Elle autorise en outre le maintien du sigle ONACVG – le « A » de « ancien » devenant le « a » de « national » – et sa sonorité. L’ensemble des associations que j’ai auditionnées m’a fait part de son accord avec cette proposition.

Ce changement de nom n’aura bien entendu pas d’impact sur les missions de l’Office national, qui continuera notamment à entretenir la mémoire des conflits du passé.

Par ailleurs, la commission a décidé, également sur ma proposition, de fixer l’entrée en vigueur de ce texte au 1er janvier 2023. Cela permettra à l’Office de mettre en œuvre sereinement ce changement et d’effectuer un travail de pédagogie auprès de ses ressortissants.

Je connais, madame la ministre, votre engagement en faveur du monde combattant et l’attention que vous portez aux demandes qui en émanent. Cette proposition de loi constitue une étape dans l’adaptation de l’action de l’ONACVG aux évolutions du monde combattant. Il nous appartiendra collectivement de poursuivre ce travail.

Au bénéfice de ces explications, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter le texte élaboré par la commission des affaires sociales.

Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Geneviève Darrieussecq

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’histoire du monde combattant n’est pas autre chose que l’histoire de France. Cela nous relie tous et forge une part de notre identité collective.

Sur chacune de ces travées, vous partagez l’ambition de la reconnaissance, des droits à réparation et l’enjeu de la transmission de la mémoire. Je sais à quel point les parlementaires sont à l’écoute des anciens combattants et du monde associatif. Je sais que vous êtes attentifs à leur santé, leur moral et leurs revendications. Nous y travaillons ensemble depuis maintenant quatre ans.

Nous œuvrons également pour anticiper les transformations et assurer la pérennité du monde combattant, qui est à un moment charnière de son histoire. Dans cette perspective, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre doit demeurer l’opérateur principal du ministère des armées, un lien de proximité et un relais entre le monde combattant, la société civile et la puissance publique. Je remercie l’ensemble des équipes et des personnels de l’Office.

L’ONACVG œuvre au quotidien au service du monde combattant, mais également au service des pupilles de la Nation et des victimes du terrorisme, au service de nos blessés et au service de notre mémoire.

C’est pour cela que nous avons signé, le 20 juillet dernier, avec Mme Peaucelle-Delelis, directrice générale de l’Office, un nouveau contrat d’objectifs et de performance (COP) pour la période 2020-2025. Il accompagne la baisse du nombre de ressortissants et la mutation du monde combattant en maintenant l’ancrage départemental, en accélérant la modernisation et la dématérialisation, et en améliorant la relation avec les ressortissants. Nous avons également sécurisé son action sociale dans la durée, en orientant encore davantage l’Office vers les combattants des opérations extérieures.

À cet égard, les demandes de cartes et titres des militaires revenant d’un séjour en OPEX seront systématisées grâce à une présence renforcée des services de l’ONACVG au sein des régiments, en lien avec l’action sociale des armées. Déjà plus de 230 000 cartes du combattant ont été délivrées au titre des opérations extérieures. L’Office accroît donc son activité en direction des soldats, mais également en direction des blessés, notamment en matière d’insertion professionnelle.

Ainsi, notre objectif est de consolider la solidarité et d’affermir la fraternité au bénéfice des ressortissants, de tous les ressortissants, de l’ONACVG. C’est une belle ambition que nous partageons, je le sais, avec les parlementaires. C’est aussi ce qu’incarne, à sa façon et en complément, le Bleuet de France, la fleur de la solidarité.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, plus que jamais, l’ONACVG est la « maison des combattants ».

Votre proposition de loi, madame la rapporteure, est d’une vive portée symbolique, puisqu’elle exprime cet état de fait et vise à modifier le nom d’une institution plus que centenaire. À la notion d’« anciens combattants », vous avez souhaité substituer celle de « combattants ».

La logique qui a présidé à la rédaction de ce texte est la montée en puissance de la quatrième génération du feu. Vous estimez que la prise en compte des « nouveaux » anciens combattants doit passer par la terminologie. Nous vous suivons volontiers dans cette logique. Je partage votre volonté, d’autant que le nouveau COP concrétise ce souhait.

Je le rappelle, l’ONACVG est le fruit d’une évolution et l’héritage de chaque génération du feu. Il y eut d’abord l’Office national des mutilés, l’Office national des pupilles de la Nation, puis l’Office national des combattants. Ces trois offices ont fusionné en 1935.

Il y eut la création de la carte du combattant en 1926 et une suite d’avancées jusqu’à la carte « 62-64 » dernièrement. C’est en 1946 que son nom actuel, ONACVG, lui est donné. C’est le signe d’une institution qui n’a peur ni des évolutions ni de la modernisation et qui est capable de s’adapter à de nouvelles catégories de ressortissants.

Nous sommes attachés à ce système de reconnaissance, de réparation et d’accompagnement en faveur de ceux qui ont porté nos armes. C’est l’histoire liée aux conflits du XXe siècle qui se projette dans le XXIe siècle.

Madame la rapporteure, vous souhaitez aujourd’hui que la modernisation de l’ONACVG se concrétise par un changement de nom et que ce dernier devienne ainsi l’Office national des combattants et victimes de guerre. J’y suis favorable, mais, vous le savez, ce sont les ressortissants eux-mêmes qu’il faut convaincre. Ainsi, je vous remercie d’avoir sollicité l’avis des principales associations et fédérations du monde combattant, et pris en compte leurs remarques.

Je souhaite que ces discussions se poursuivent. Afin de faciliter et de préparer au mieux ce changement, je souhaite également que soit retenue, comme l’a fait la commission, une date d’entrée en vigueur différée.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le débat que nous avons aujourd’hui est à la hauteur de notre reconnaissance pour tous les combattants, de notre attachement au monde combattant et de notre volonté collective de faire vivre la mémoire.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous prononçons cet après-midi sur la proposition de loi de notre collègue Jocelyne Guidez relative au monde combattant.

Ce texte, examiné selon la procédure de législation en commission, a reçu l’assentiment de tous. À l’heure où la France connaît de profondes fractures sociales et culturelles, il me semble important de le préciser parce que les sujets mémoriels doivent avant tout rassembler et fédérer.

En votant cette proposition de loi, nous souhaitons porter une symbolique forte envers tous ceux qui, hier, se sont battus pour la France et envers ceux qui s’engagent pour elle aujourd’hui.

Au-delà de la simple volonté de rebaptiser l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, nous voulons actualiser et permettre une meilleure reconnaissance des anciens combattants d’aujourd’hui et de leurs familles.

L’ONACVG assure une mission auprès de tous les combattants, peu importe la génération du feu à laquelle ils appartiennent. Cependant, nous constatons tous, notamment lors des commémorations, le manque de lien entre ceux qui ont intégré l’armée sans l’avoir souhaité et ceux qui s’y sont engagés volontairement depuis la réforme de la professionnalisation de l’armée.

Il en est de même pour les veuves de guerre de la quatrième génération du feu et pour les pupilles de la Nation : il ne faut jamais les oublier. Nous devons nous préoccuper davantage de la prise en charge et de l’accompagnement des enfants qui ont perdu un parent en OPEX ou lors des attentats perpétrés par les terroristes islamistes.

J’en profite pour saluer l’action de nos anciens collègues et présidents du groupe d’études des sénateurs anciens combattants et de la mémoire combattante, Charles Revet et Patricia Morhet-Richaud, qui s’étaient fortement engagés afin que les « OPEX » puissent se reconnaître dans cet office et obtenir l’accompagnement qu’ils méritent pour leurs services rendus à la France.

En outre, la notion d’« ancien combattant » peut apparaître en décalage avec la réalité des soldats d’aujourd’hui, déjà anciens combattants à vingt ans. Cependant, nous devons faire un effort pour augmenter le nombre de cartes de combattant délivrées au titre des opérations extérieures.

Une réflexion s’impose afin d’améliorer et de renforcer les conditions de reconnaissance des combattants d’aujourd’hui, sans les opposer à ceux d’hier, car ce qui les rassemble, c’est le combat et le sacrifice sous le drapeau français.

Aussi, nous considérons que cette nouvelle appellation « Office national des combattants et des victimes de guerre », sans changement de sigle, permet une meilleure adaptation à la réalité du monde combattant en 2021, dans son intégralité. Je remercie ma collègue Jocelyne Guidez d’avoir consulté les associations, qui ont approuvé ce nouveau nom.

Le dialogue avec les organisations et les associations est indispensable et doit être régulier. Elles accomplissent un travail remarquable, autant qu’elles incarnent un maillon indispensable au cœur du devoir de mémoire. Je profite de cette tribune pour les remercier.

Le groupe Les Républicains votera en faveur de cette proposition de loi, car c’est un premier pas qui doit permettre de mener une réflexion collective sur la manière de rendre plus visibles et accessibles pour nos concitoyens les hommages de la Nation aux combattants.

Enfin, et pour conclure de façon plus personnelle, je tiens véritablement à rappeler qu’il est indispensable d’ancrer chez les citoyens français, dès leur plus jeune âge, une conscience mémorielle. Pour cela, nous devons développer l’esprit d’appartenance et de défense de la France.

Cela passe par l’apprentissage de la reconnaissance envers ceux qui se battent pour la paix et la sécurité de notre pays.

Cela passe aussi par l’acceptation de notre histoire, avec ses pages glorieuses et ses pages plus sombres qu’il faut regarder en face.

L’histoire a besoin de stabilité. Cessons de toujours vouloir la rendre contemporaine en commettant des erreurs d’interprétation que nos anciens combattants eux-mêmes ne comprennent pas. Arrêtons de stigmatiser notre pays si nous voulons impliquer les jeunes générations dans notre destin commun !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Martin Lévrier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Martin Lévrier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre existe dans sa forme actuelle depuis 1946, fondé sur la base d’un ensemble d’offices chargés d’apporter de l’aide aux anciens combattants et à leurs familles depuis la Grande Guerre. Depuis lors, il n’a cessé de défendre de façon juste et légitime les aspirations, voire les revendications, des anciens combattants.

Si ses effectifs connaissent une forte diminution à mesure que l’on s’éloigne des conflits meurtriers du XXe siècle, l’Office continue de soutenir actuellement près de 3 millions de personnes affectées par la guerre.

Sa mission historique est l’instruction et l’attribution des cartes et des titres de reconnaissance, du statut d’ancien combattant aux mentions « Mort pour la France », « Mort pour le service de la Nation » et « Mort en déportation ». L’Office est également chargé de l’accompagnement moral et matériel de ses ressortissants et des pupilles de la Nation.

Par ailleurs, il reste le premier opérateur de la politique mémorielle du ministère des armées aux côtés des communes, organisatrices des manifestations patriotiques, et des associations dont il facilite les relations.

En tant qu’ancien maire d’une commune rurale du Nord, je mesure l’importance d’associer les jeunes générations aux cérémonies officielles qui célèbrent les grands moments de notre histoire. J’en ai l’intime conviction, le souvenir des guerres nourrit notre aspiration profonde à la paix.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, présentée par nos collègues Jocelyne Guidez et Yves Détraigne, vise à renommer cette institution en « Office national du monde combattant et des victimes de guerre » afin d’offrir une meilleure représentation de l’ensemble du monde combattant, des anciens combattants aux soldats engagés sur les théâtres d’opérations extérieures. Je souhaite saluer, à la fois, la démarche de l’auteur et le travail du rapporteur sur ce texte.

Je rejoins la proposition de la commission des affaires sociales de maintenir la sonorité du titre actuel en préférant la désignation suivante : « Office national des combattants et des victimes de guerre », bien que la notion « monde combattant » englobe également toutes les personnes qui se consacrent au devoir de mémoire à travers leur engagement associatif. Nous devons aussi les prendre en considération. Sans être pour autant combattants ou anciens combattants, elles participent activement au développement d’une culture de paix, notamment auprès de la jeunesse.

La portée de cette proposition de loi pourrait paraître symbolique, mais, comme disait Camus, « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ».

Aussi, au nom du groupe Les Indépendants – République et Territoires, je soutiendrai cette proposition de loi, à laquelle je suis d’ailleurs associé en tant que cosignataire. Avec un ensemble d’autres initiatives parlementaires, elle contribue au renouvellement du lien entre l’armée et la Nation.

J’avais modestement apporté ma contribution à cette démarche en proposant une loi permettant à tout médaillé militaire ayant fait l’objet d’une citation à l’ordre de l’armée de bénéficier d’une draperie tricolore sur son cercueil. Mme Florence Parly, ministre des armées, avait d’ailleurs accédé à cette demande avant même l’examen du texte, et je l’en remercie.

Depuis la suspension du service national obligatoire, ce lien entre les armées et la Nation est fragile et nécessite d’être entretenu.

Les milliers de soldats engagés sur les théâtres d’opérations extérieures et à l’intérieur de l’espace national sont les boucliers protecteurs garants de notre souveraineté et de notre cohésion nationale. N’oublions jamais le dévouement dont ils font preuve, leur force morale, leur courage face à l’indicible. Ils placent leur destin au service de la France, agissant le plus souvent dans l’ombre, prêts à risquer leur vie pour en protéger d’autres. Les sacrifices qu’ils consentent appellent en retour notre considération, notre soutien et la reconnaissance nationale.

Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Martin Lévrier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis maintenant plus d’un siècle, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre œuvre auprès de nos combattantes, de nos combattants et de leurs familles pour leur apporter l’assistance et la reconnaissance qui leur sont dues.

Pour assurer la pérennité et la bonne mise en œuvre de ses missions, l’ONACVG doit refléter une image fidèle de toutes celles et de tous ceux qui forment le monde combattant, afin qu’ils et elles puissent s’y reconnaître.

Or, si aujourd’hui 30 000 personnes éligibles à la carte du combattant n’en ont pas fait la demande, si les associations du monde combattant peinent à fédérer la jeune génération, un constat s’impose : l’Office national des anciens combattants renvoie à un imaginaire collectif quelque peu dépassé.

En effet, avec l’arrivée de la quatrième génération du feu, engagée dans les opérations extérieures depuis la décennie 1990, le monde combattant change progressivement de visage : il est plus jeune, plus féminisé, plus divers. Les membres de cette génération, moins nombreux que les anciens de la guerre d’Algérie, ont été engagés sur une plus grande variété d’opérations et ont un rapport exclusivement professionnel à leur service, très différent de celui des générations précédentes.

Il est donc entièrement légitime que le nom de l’Office national chargé de leurs dossiers reflète cette évolution. C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires accueille favorablement la présente proposition de loi.

Bien que ce changement de dénomination ne modifie pas les missions de l’Office, nous soutenons les encouragements à engager une réflexion sur le futur de la politique pour le monde combattant. L’entretien et la transmission de la mémoire des anciens combattants en sont des composantes essentielles, mais pas les seules.

Si cette évolution ne s’accompagnait pas, aussi, d’une attention supplémentaire aux besoins et demandes de ses nouveaux ressortissants, cette institution perdrait de sa pertinence. Cela se concrétisera notamment par des besoins accrus en termes d’accompagnement au retour à la vie civile et à la vie professionnelle, ou par la reconnaissance des engagés en opérations intérieures. L’essentiel du travail reste donc à accomplir.

Enfin, nous constatons avec regret le retour de la mention du genre des personnels de l’armée française dans ce nouveau nom, alors que la formulation « Office national du monde combattant » permettait de l’éviter. Si nous comprenons l’attachement au symbole qu’est le sigle ONACVG ainsi conservé, nous regrettons que ce symbole contribue à perpétuer l’invisibilisation des femmes au sein de nos armées.

De meilleures inclusion et représentation des jeunes combattantes par l’ONACVG et par les associations du monde combattant s’imposent pourtant, d’autant plus depuis le lancement du plan mixité par le ministère des armées en mars 2019. Deux ans après, l’augmentation des effectifs féminins est encore très timide : nous sommes passés de 15, 5 % des effectifs à 16, 7 %. La part des femmes élevées au rang d’officier n’atteint, quant à elle, même pas 10 %.

Ces chiffres sont toujours insatisfaisants, alors que nous avons pourtant la quatrième armée la plus féminisée au monde. Au lendemain de la Journée internationale des droits des femmes, force est de constater que cette lutte est loin d’être achevée.

Malgré cette réserve sémantique, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en faveur de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les visages, parfois étonnamment jeunes, que nous scrutons sur de vieilles photographies écornées nous paraissent à la fois tous proches et très lointains, tant leurs expériences de la guerre sont difficiles à reconstituer.

Pour autant, les fantassins français vêtus de leurs pantalons rouges aux batailles de la Marne et les tankistes de la ligne Maginot ont de nombreux points communs avec ceux que l’on nomme aujourd’hui la quatrième génération du feu : impérieuse nécessité de défendre les territoires et les intérêts stratégiques de la France ; valeurs et principes de la Nation ; don de soi.

Notre histoire contemporaine est le résultat de leur dévouement, notre futur conditionné à leur courage.

En effet, le monde combattant n’englobe pas seulement les militaires qui ont servi la France lors des différentes guerres depuis la Première Guerre mondiale : il rassemble les anciens combattants, les militaires, les victimes civiles d’actes de guerre ou de terrorisme, ainsi que les associations et fondations qui œuvrent pour la mémoire des conflits contemporains.

Alors que nous débattons de ce texte, de nombreux citoyens sont encore engagés sur des théâtres d’opérations extérieures. J’aimerais profiter de cet instant pour saluer leur bravoure, leur patriotisme, leur engagement pour préserver la paix, les populations et la grandeur de la France.

Olifant, Bérénice, Hermine, et tant d’autres, ces missions existent depuis l’après-Algérie et jalonnent l’histoire de notre pays.

L’inauguration par le Président de la République, le 11 novembre 2019 à Paris, du monument en hommage aux soldats morts pour la France témoigne de l’importance de ces missions. Irak, Syrie, Centrafrique, Sahel : les opérations militaires extérieures sont devenues une composante structurelle de l’activité opérationnelle des armées. Depuis cinquante ans, 647 militaires français y ont trouvé la mort.

C’est dans une démarche similaire que Jocelyne Guidez et plusieurs de ses collègues ont souhaité déposer, le 14 janvier 2020, cette proposition de loi visant à renommer l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre en « Office national du monde combattant et des victimes de guerre ».

Il apparaissait nécessaire de préciser que le monde combattant est parfois regardé seulement sous le prisme de l’Histoire, quand il mériterait d’être associé à une approche contemporaine. L’expression « anciens combattants » témoigne d’ailleurs de ce regard passé qui est porté sur lui.

Il convenait de mieux prendre en compte les membres de cette quatrième génération du feu, tués ou blessés pour défendre nos valeurs et les intérêts stratégiques de la France. Cela commence d’évidence par le nom donné à l’institution chargée de leurs dossiers.

Aussi, je tiens à saluer le travail de compromis qui a été mené par notre collègue Jocelyne Guidez ainsi que par Mme la ministre déléguée Geneviève Darrieussecq afin de parvenir à un texte qui convienne aux acteurs concernés. Après des échanges avec les associations, le nom retenu est « Office national des combattants et des victimes de guerre ».

Pour mémoire, ce changement de nom était déjà mentionné dans les perspectives introduites au sein du contrat d’objectifs et de performance (COP) 2020-2025 de l’ONACVG. En effet, ce document mentionne : « Parallèlement, une nouvelle structuration territoriale des actions de l’Office, en matière de solidarité comme de mémoire, sera envisagée. Il sera alors temps de changer le nom de l’Office, qui pourrait devenir l’Office national des combattants et des victimes de guerre. »

Un amendement a donc été déposé en vue de l’examen en commission afin de modifier l’article unique du texte et de retenir comme nouveau nom : « Office national des combattants et des victimes de guerre ».

Cette réflexion relative à un changement de nom devait initialement aboutir à la fin du COP, en 2025. À la suite de discussions avec les parties prenantes, un amendement de Mme la rapporteure a modifié l’article unique afin de prévoir une entrée en vigueur de la proposition de loi au 1er janvier 2023.

Au travers de ce texte, c’est la reconnaissance du pays tout entier à l’égard de l’ensemble des morts pour la France, tombés pendant et depuis la Première Guerre mondiale, qui s’exprime aujourd’hui.

Ce ne sont pas uniquement les conflits qui construisent notre reconnaissance, mais toutes les femmes et tous les hommes qui se sont engagés, s’engagent et s’engageront, au point de donner leur vie. Nous devons ici les remercier et les reconnaître.

Notre devoir de mémoire est indispensable, et cette proposition de loi nous oblige à l’inscrire ainsi : comprendre le passé tel qu’il fut et construire le présent dans son lot d’incertitudes, afin de préparer un avenir qui n’oublie jamais le sacrifice de ceux qui ont donné leur vie pour notre patrie.

Cette proposition de loi devient le trait d’union entre le passé, le présent et ce que nous offrirons à notre jeunesse.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, c’est sans surprise que notre groupe votera en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a treize ans presque jour pour jour, le dernier « poilu » de la Grande Guerre, Lazare Ponticelli, disparaissait, marquant la fin de la première génération du feu. Peu à peu, les derniers combattants de 39-45 nous quittent. Ceux que l’on appelle les anciens d’Algérie sont encore très nombreux et, aujourd’hui, c’est sur eux que repose en grande partie la transmission de la mémoire combattante.

Demain, la quatrième génération du feu, composée des soldats en OPEX, sera la seule représentation de l’engagement au service de la France. Aussi, il est important qu’elle se reconnaisse dans les institutions qui la soutiennent. C’est l’objet de la proposition de loi que la commission des affaires sociales a adoptée la semaine dernière, un texte que j’ai cosigné ainsi que plusieurs de mes collègues du groupe RDSE.

Mon groupe approuve bien entendu le léger changement de terminologie de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, tel qu’il est proposé par la commission. Le choix simple de « combattants », délesté du qualificatif « anciens », nous va très bien, d’autant qu’il préserve l’acronyme, ce qui évitera des complications matérielles.

Ainsi, le nouveau nom « Office national des combattants et des victimes de guerre » collera mieux à l’évolution du monde combattant.

Le monde de « Ceux de 14 », comme l’a si bien et dramatiquement décrit Maurice Genevoix, a peu à voir avec l’engagement contemporain d’hommes et de femmes pour lesquels l’armée est un métier, un choix.

Plus concrètement, la notion d’« anciens combattants » est réductrice ; elle reflète de moins en moins la sociologie de la population combattante. Ainsi, comme le rapporteur l’a souligné, elle regroupera plus davantage d’actifs que de retraités. Par conséquent, l’Office national devra probablement recentrer ses missions pour répondre aux attentes des militaires OPEX, qui seront à terme leurs seuls ressortissants.

Parmi ces attentes, il y a la question de la reconversion. L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre est déjà investi dans cette action, cela a été rappelé.

Comme vous le savez, madame la ministre, les conditions du retour à la vie civile préoccupent bien souvent les militaires. Nous aurons sans doute l’occasion d’en discuter dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire afin d’améliorer ce qui est améliorable. Les carrières courtes sont une condition pour conserver une armée jeune et opérationnelle. En contrepartie, l’aide à la reconversion doit constituer un véritable droit.

Mes chers collègues, avec la disparition des combattants des grandes guerres et de celle d’Algérie, je le répète, c’est également la question de la transmission de la mémoire qui se pose. C’est un problème que nous avions déjà pu soulever lors de l’examen de la proposition de loi relative à l’interdiction de la vente des drapeaux des associations d’anciens combattants et à leur protection.

Certaines associations représentent l’ensemble des anciens combattants, mais d’autres sont liées aux conflits. Je pense en particulier aux associations représentant ceux qui ont combattu en Algérie, au Maroc ou en Tunisie. Nous savons que la disparition des membres de ces structures fragilise ces associations, certaines procédant d’ailleurs à des fusions pour pouvoir perdurer.

Depuis le 11 novembre 2019, le souvenir des soldats morts pour la France en OPEX est honoré par un monument dans le parc parisien André-Citroën. Depuis lors, la mémoire de l’engament en OPEX est ainsi symbolisée.

Cependant, et en parallèle, nous savons qu’il est important de maintenir durablement toute la mémoire combattante pour ce qu’elle enseigne en termes de valeurs.

Il faudra, par conséquent, sans doute réfléchir aux moyens de mieux associer les jeunes soldats, et au-delà la jeunesse en général, à l’enjeu mémoriel. Flécher davantage de missions du service civique vers le monde combattant pourrait y contribuer.

En attendant, mes chers collègues, comme je l’ai dit, mon groupe votera cette proposition de loi consensuelle.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ainsi qu ’ au banc de la commission. – M. Martin Lévrier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de nos collègues centristes modifie l’intitulé de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre afin de mieux prendre en compte la réalité des conflits armés.

En renommant cet office « Office national des combattants et des victimes de guerre », le Sénat a l’occasion d’envoyer un message symbolique. Ce message vient rappeler que notre pays est toujours actif dans de nombreux conflits armés.

Ainsi, lorsque le 2 janvier dernier, au cours d’une mission de l’opération Barkhane au Mali, deux soldats français ont été tués et un soldat blessé, l’actualité nous rappelait que le monde combattant ne se résumait pas aux militaires ayant servi la France lors de la Première Guerre ou de la Seconde Guerre mondiales.

Le monde combattant regroupe aujourd’hui de nombreux citoyens engagés sur des théâtres d’opérations extérieures, comme le Tchad, l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire, le Liban, et dans le cadre de l’opération Barkhane au Sahel et au Sahara.

La modification de l’intitulé de l’Office national répond d’ailleurs à une revendication des associations d’anciens combattants. Cette nouvelle dénomination participe de sa modernisation, afin que soient mieux reconnues et surtout mieux réparées les victimes de guerre.

Nous partageons le souci d’une modernisation de l’Office national, même si nous notons avec regret que cette volonté de tenir davantage compte de l’action militaire française contemporaine ne prenne pas en considération la féminisation de l’armée. Celle-ci dépasse pourtant les 20 %, plaçant notre armée au quatrième rang mondial des armées les plus féminisées.

Afin de tenir compte des 32 000 femmes qui servent dans les armées, il aurait fallu ajouter dans l’intitulé de la proposition de loi la mention « combattantes ». Néanmoins, la bataille idéologique ne s’arrête pas aux changements de mots ; elle concerne aussi l’enjeu d’une politique volontariste en matière de reconnaissance et de réparation.

Je pense ainsi aux nombreux Algériens engagés dans l’armée française contre le régime nazi, qui ont dû patienter des années avant d’obtenir la juste reconnaissance de leurs droits. Les Chibanis ainsi que les tirailleurs sénégalais, à qui notre pays doit tant, ont dû lutter patiemment pour obtenir l’égalité de traitement avec leurs frères d’armes.

Cette reconnaissance passe par le renforcement des moyens humains de l’administration des anciens combattants, et en particulier ceux de la sous-direction des pensions, située à La Rochelle, qui n’a pas les moyens de faire face au traitement des dossiers de demande de revalorisation de pensions d’invalidité.

Je pense également à la demi-part fiscale des veuves et veufs de guerre, supprimée progressivement depuis 2009 et rétablie enfin dix ans plus tard dans le cadre de la loi de finances pour 2019.

Les politiques d’économies sur le dos des anciens combattants et de leurs proches contreviennent précisément à l’idée d’une meilleure reconnaissance. Il faut, au contraire, donner les moyens humains et financiers pour assurer la réinsertion des combattants dans la société civile et valoriser leur action.

Alors que notre pays est confronté à une crise sanitaire sans précédent, l’engagement des combattants dans le passé doit servir d’exemple pour le présent.

Cette politique passe également par une meilleure reconnaissance des associations d’anciens combattants, qui mènent une action sociale en faveur de la réparation et assurent une indispensable mission mémorielle.

Je pense en particulier à l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC), créée en 1917 par Henri Barbusse et Paul Vaillant-Couturier, qui connaît des difficultés pour financer son journal Le Réveil des combattants. Le Gouvernement doit soutenir cette association afin qu’elle poursuive son engagement centenaire en faveur de la lutte contre le fascisme, pour l’amitié et la paix entre les peuples, contre les inégalités, pour la défense de tous les droits sociaux.

Les associations d’anciens combattants ne sont pas seulement des porte-drapeaux. Elles sont surtout engagées en faveur de la paix, de l’Histoire et de la citoyenneté. Cette proposition de loi permet de rappeler leur action, à laquelle je tiens à rendre hommage.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi qu ’ au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite à titre liminaire exprimer mon immense respect envers toutes celles et tous ceux qui se sont battus et qui se battent encore pour notre sécurité et celle de notre pays, ici et à l’étranger.

Je tiens également à remercier ma collègue rapporteure Jocelyne Guidez d’avoir pris l’initiative de ce texte, que j’ai cosigné avec ma collègue Gisèle Jourda et qui nous donne l’occasion de saluer en ces temps incertains le courage et l’engagement de nos soldats.

Il est fondamental de continuer à honorer, et pas seulement lors des commémorations officielles, les hommes et les femmes, trop souvent oubliés, qui se sont sacrifiés pour la France. Et les actions de notre collègue Jean-Marc Todeschini, qui a exercé les fonctions de secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, sont à saluer : elles ont permis une grande reconnaissance et une sanctuarisation des droits de tous les anciens combattants.

Ce devoir de mémoire et de transmission de notre histoire commune aux jeunes générations est sans nul doute un outil efficace en faveur de l’entente nationale. C’est aussi une manière d’apprendre à être citoyen.

Le texte qui nous est proposé aujourd’hui vise à modifier à compter du 1er janvier 2023 l’appellation « Office national des anciens combattants et victimes de guerre », en la remplaçant par « Office national des combattants et des victimes de guerre ».

Selon moi, une telle modification va bien au-delà du simple symbole. Elle doit nous permettre de marquer notre attachement à cet opérateur public centenaire, que nous souhaitons voir préservé et renforcé dans ses missions de proximité.

En cela, nous serons tous pour ce changement s’il permet à l’ONAC de remplir aux mieux ses missions, dans une société et un monde combattant en mutation.

Je tiens d’ailleurs à remercier les agents de l’ONAC et toutes les associations qui œuvrent au quotidien au plus près des territoires, au service non seulement des anciens combattants, mais également des pupilles de la Nation et des victimes du terrorisme.

Cette dénomination emporte davantage l’adhésion du monde associatif que le nom qui était initialement proposé. Elle permet de conserver le sigle ONACVG et sa sonorité auprès des anciens combattants tout en marquant une volonté de modernisation salutaire. Il est indispensable de conserver cette marque et ce sigle pour les près d’un million de personnes qui sont déjà familiarisées et habituées avec les services de l’ONAC et que nous devons par-dessus tout continuer à conforter.

Pour beaucoup, le terme d’anciens combattants ne faisait référence qu’aux militaires ayant servi la France durant les deux guerres mondiales. Or, aujourd’hui encore, il y a des soldats mobilisés, par exemple en Afghanistan, en Côte d’Ivoire et au Liban, mais également dans le cadre de l’opération Barkhane, au Sahel et au Sahara.

Mon groupe est évidemment favorable à cette stratégie d’adaptation, pour une plus grande reconnaissance des troisième et quatrième générations du feu, des soldats tués ou blessés lors de la guerre d’Algérie ou en opérations extérieures.

En effet, la population des anciens combattants décroît peu à peu. Elle se rajeunit progressivement. Elle se compose de plus en plus d’anciens soldats de métier, dont les situations statutaires et les attentes ne seront pas forcément les mêmes que celles de leurs ainés.

Néanmoins, mon groupe demeure également très attaché à la préservation du service public délivré par l’ONAC à un très haut niveau, ainsi qu’au maintien et au renforcement du maillage territorial faisant la force de l’Office.

La présence de la centaine des services départementaux dans l’Hexagone et en outre-mer est fondamentale pour affirmer la continuité des quatre missions centrales de l’ONAC. En effet, nous sommes catégoriquement opposés à toute tentative de régionalisation de l’Office.

Depuis le mois de septembre 2018, j’ai personnellement rencontré toutes les associations d’anciens combattants et de victimes de guerre de la Guadeloupe lors de réunions de travail sur leurs difficultés. La demande de proximité est réelle.

Depuis les dissidents antillais de la Seconde Guerre mondiale, il y a toujours eu une forte attractivité de l’armée en outre-mer.

De nombreux jeunes Guadeloupéens ont été, et sont aujourd’hui encore présents sur différents théâtres d’opérations. Ils sont souvent séduits par le régiment du service militaire adapté (RSMA), qui est un succès en outre-mer. Certains d’entre eux poursuivent une carrière militaire sur les fronts de combats, parfois au péril de leur vie.

Comment ne pas avoir une pensée pour Loïc Liber, qui a survécu au terroriste Mohamed Merah et en faveur duquel plusieurs associations et des parlementaires ont demandé la Légion d’honneur, même à titre dérogatoire ?

Ces anciens combattants des outre-mer, qui ont tant donné pour la patrie, vivent un retour difficile sur leur terre natale. Ils connaissent parfois des situations de pauvreté et de précarité.

Le groupe SER votera la présente proposition de loi, dont je remercie vivement l’auteure, au nom de toutes les personnes qui nous écoutent, car elles ont vraiment besoin d’une telle reconnaissance.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et RDPI. – M. Roger Karoutchi applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Duffourg, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duffourg

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui invités à nous prononcer sur la proposition de loi de notre collègue Jocelyne Guidez visant à modifier l’intitulé de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui deviendrait désormais l’Office national des combattants et victimes de guerre.

La proposition de loi, déposée par une sénatrice membre de l’Union Centriste, a évidemment fait l’unanimité au sein de notre groupe. Elle a été cosignée par de nombreux collègues sénateurs. Jocelyne Guidez l’a élaborée en concertation avec les associations d’anciens combattants et en lien avec le ministère.

Une telle modification d’intitulé n’est, certes, qu’un symbole, mais les symboles ont leur force ! Conserver le sigle ONAC permet de ne pas altérer la valeur de l’acronyme pour les anciens combattants.

Vous le savez, aujourd’hui, ceux qui ont servi ou qui servent à raison de quatre mois ont droit à la carte d’ancien combattant. Je pense notamment aux soldats qui interviennent dans le cadre des OPEX.

Néanmoins, je voudrais distinguer ceux qui ont choisi le métier des armes de ceux qui ont été appelés au XXe siècle, et même aujourd’hui, à servir sous les drapeaux. Des soldats de métier ont ainsi combattu aux côtés d’appelés ou de rappelés sur différents champs d’opérations.

La Grande Guerre a fait un million et demi de morts ou de disparus en France, et ne parlons pas des autres pays. Songeons également à la guerre de 1939-1945, à l’Indochine, à l’Afrique du Nord ou à d’autres théâtres d’opérations extérieures.

Aujourd’hui, les plus jeunes des anciens combattants d’Algérie approchent les quatre-vingts ans. Selon les données dont nous disposons, ils sont environ 36 000 titulaires d’une carte d’ancien combattant. Je le souligne, un million et demi de Français, auxquels il faut ajouter quelque 90 000 harkis, ont été appelés dans ce conflit, de 1956 à 1962. Je tiens ici à rendre hommage à tous ces soldats, dont 25 000 ne sont pas revenus, mobilisés pour combattre des compatriotes qui réclamaient leur liberté et leur indépendance.

La quatrième génération du feu, que l’on évoque aujourd’hui, est une armée de professionnels. Vous vous en doutez, les vétérans des deux guerres mondiales sont peu nombreux aujourd’hui, et les dernières générations des guerres d’Indochine et d’Afrique du Nord tendent à s’éteindre.

Les guerres actuelles ont changé de visage. Nos soldats se battent désormais dans des opérations extérieures sous l’égide de l’ONU ou d’organisations internationales au Sahel, en Afrique, au Moyen-Orient. Certains interviennent aussi sur notre territoire, dans le cadre de l’opération Sentinelle.

Le terme proposé par notre collègue Jocelyne Guidez, « Office national des combattants et des victimes de guerre », me paraît pertinent. En effet, il ne faut pas dissocier ceux qui se sont battus au XXe siècle de ceux qui combattent sur le terrain aujourd’hui, que ce soit en Europe, en Asie, en Afrique du Nord ou ailleurs.

Aujourd’hui, on compte un million de titulaires de la carte d’ancien combattant, et 30 000 personnes qui auraient pu l’obtenir ne l’ont pas demandée, pour diverses raisons. Ces publics doivent être accompagnés et aidés.

En effet, le changement d’appellation vise en définitive à sensibiliser les jeunes et les moins jeunes à la lutte pour un avenir commun, ainsi qu’à la nécessité de n’oublier ni le passé ni ceux qui se sont sacrifiés pour notre pays, mais également à donner un nouveau souffle à l’ONAC et à lui permettre de continuer à vivre. Il faut qu’il y ait toujours du respect, de la considération, de l’engagement, toutes générations confondues.

Les militaires engagés dans les OPEX vont revenir à la vie civile. Il faut les accompagner. Il y a malheureusement des soldats blessés et des soldats mutilés. Il y a aussi des veuves et des orphelins. La mission qui était dévolue à l’ONAC n’a pas changé. Il faut continuer à aider.

C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter la proposition de loi déposée par notre collègue Jocelyne Guidez.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi relative au monde combattant.

La proposition de loi est adoptée.

Applaudissements.

La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission des affaires sociales, la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant diverses mesures de justice sociale (proposition n° 319 [2019-2020], texte de la commission n° 401, rapport n° 400).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, faire de notre société une société pleinement inclusive : telle est l’ambition qui guide l’action du Gouvernement en matière de handicap depuis désormais quatre années.

Le sens de cette action, qui vise à améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap et à leur donner la possibilité de vivre une citoyenneté comme les autres, s’inscrit dans un projet plus large d’égalité des chances, de justice, d’équité, de liberté d’agir et de choisir. Ces principes républicains ne sauraient s’épanouir dans un système autre que celui de la solidarité.

La proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale vient justement remettre en cause le cœur de nos principes de solidarité et de redistribution.

Je souhaite le rappeler, car je pense que c’est fondamental : le fait que la solidarité nationale s’appuie sur la solidarité familiale pour adapter son soutien aux personnes précaires constitue la base même de notre système socio-fiscal. C’est un système qui considère le foyer comme la cellule protectrice, et ce dans l’esprit même du code civil, qui consacre à l’article 220 la solidarité entre époux. C’est un système qui s’attache à assurer en permanence une redistribution juste et dédiée en priorité à la protection des plus fragiles.

Cette juste articulation entre solidarité nationale et solidarité conjugale ne peut fonctionner que si les ressources du foyer des bénéficiaires sont prises en compte.

C’est dans cette philosophie que la loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées a créé l’allocation aux adultes handicapés (AAH) pour assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap dont les ressources sont les plus faibles.

Sur l’ensemble des pans de l’action publique, le Gouvernement a fait de l’augmentation du pouvoir d’achat des personnes en situation de handicap une priorité du quinquennat.

À ce titre, rappelons qu’actuellement 51 milliards d’euros, soit 2, 2 % de notre PIB, sont consacrés chaque année à l’amélioration et à la simplification du quotidien des personnes en situation de handicap. L’AAH représente à elle seule un budget de 11, 1 milliards d’euros en 2020.

Les deux vagues de revalorisation exceptionnelles menées en 2018 et en 2019 ont entraîné une augmentation d’environ 775 millions d’euros des dépenses annuelles.

À cela s’ajoutent des avancées majeures en termes d’accès aux droits : l’allongement de la durée d’octroi des droits, l’abandon de l’obligation de faire valoir le droit à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et le maintien automatique des droits acquis depuis le début de la crise sanitaire. Nous pouvons collectivement en être fiers.

L’AAH s’établissait à 810 euros par mois en avril 2018. Nous l’avons portée à 903 euros par mois en avril 2019, conformément à un engagement du Président de la République, ce qui représente une augmentation de pouvoir d’achat de près de 12 % pour le 1, 2 million de bénéficiaires. Cet investissement massif est estimé à plus de 2 milliards d’euros sur l’ensemble du quinquennat.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Je ne crois pas que l’on puisse remettre en cause la place du handicap au sein des priorités du Gouvernement et du quinquennat.

Néanmoins, ces actions ont toujours été menées dans l’objectif de faire des personnes en situation de handicap des citoyens à part entière, des citoyens ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs, faisant pleinement partie de notre système de solidarité, de notre système fiscal, de notre système redistributif, et contribuant aujourd’hui à cette notion de partage des ressources et des charges au sein d’une famille, d’un couple.

Toutefois, dans cette logique de droit commun, nous avons voulu assurer la prise en compte des spécificités des personnes en situation de handicap. Il s’agit non pas de créer un régime dérogatoire – vous savez à quel point j’ai à cœur d’inclure ces personnes –, mais bien d’avoir un système juste et adapté à chacun.

Permettez-moi de revenir sur ces mécanismes, certes complexes, mais importants pour prendre en compte la situation de handicap, selon trois objectifs spécifiques.

Tout d’abord, du fait de l’éloignement à l’emploi pour certaines personnes en situation de handicap, le montant de l’allocation est beaucoup plus élevé que celui du revenu de solidarité active (RSA) : 903 euros pour l’AAH contre 565 euros pour ce dernier.

Son fonctionnement est également fait pour favoriser le cumul d’un emploi et de l’AAH. Car rappelons que, dans 35 % des couples, c’est la personne en situation de handicap qui travaille.

En effet, le plafond pour percevoir l’AAH lorsqu’on est en couple est de 3000 euros si c’est la personne handicapée qui travaille et de 2270 euros si c’est le conjoint, en raison d’un abattement supérieur à 50 % sur les revenus du bénéficiaire et de 28 % sur ceux du conjoint.

Par ailleurs, les abattements retenus sur les ressources d’activité pour le calcul de l’AAH sont bien plus élevés que pour toutes les autres allocations, que l’on parle du conjoint ou du bénéficiaire, toujours pour favoriser l’incitation à la reprise d’activité.

La reconnaissance de la spécificité liée à la situation de handicap passe également par une exonération d’assiette fiscale pour l’AAH. De fait, une demi-part fiscale supplémentaire est attribuée aux foyers avec une personne en situation de handicap, à laquelle s’ajoute une exonération sur la taxe d’habitation et la taxe foncière.

Il est normal que ces règles existent. Comme je l’ai souligné, elles visent à permettre une meilleure intégration des personnes dans l’emploi. Cet accès à l’emploi est l’un des piliers de notre politique en matière de handicap.

Au-delà de ces considérations, la présente proposition de loi est surtout révélatrice d’un appel des associations concernant la situation des femmes en situation de handicap victimes de violences et sous emprise de leur conjoint.

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, j’étais hier matin dans un centre d’hébergement d’urgence qui favorise l’accès au droit et la mise en protection de jeunes femmes ayant subi des violences : j’y suis extrêmement sensible.

Madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, vous connaissez mon engagement sur le sujet. Je l’ai rappelé lors de la table ronde sur les violences faites aux femmes, à la fin de l’année 2018. Je sais que nous partageons ce combat, madame Billon.

Mais nous devons aller plus loin et donner une réponse concrète et opérationnelle. Et je remercie les auteurs de la présente proposition de loi de me donner l’occasion de répondre à ces femmes.

Comme je l’ai rappelé, actuellement, lorsqu’une séparation est signalée à une caisse d’allocations familiales (CAF), elle entre dans les situations prioritaires que la caisse s’engage à traiter en dix jours au maximum.

Ce mécanisme nécessite néanmoins un accompagnement individuel des femmes violentées pour leur permettre de se loger et de sortir de l’emprise de leur conjoint violent.

Afin de proposer des mesures destinées à améliorer le repérage et l’accompagnement des femmes, des travaux seront menés sur trois territoires d’expérimentation. Ils seront appuyés par le groupe de travail « handicap » mis en place dans le cadre du Grenelle des violences à l’encontre des femmes. Ils devront permettre de déterminer, puis d’expérimenter un cadre prévoyant notamment une plus grande réactivité du montant de l’AAH aux situations de violence conjugale.

Les premiers jalons de ces travaux ont été lancés hier, avec l’aide du département de la Gironde. Je souhaite que l’ensemble des parties prenantes puissent y trouver leur place : les associations, les acteurs du territoire, les élus locaux et, bien évidemment, les sénatrices et sénateurs concernés, notamment Alain Cazabonne, Nathalie Delattre et Florence Lassarade, entre autres. C’est avec vous que de telles politiques se construiront.

La proposition de loi que nous examinons pose de réelles questions sur le sens donné à nos politiques publiques et sur le chemin qu’il nous reste à parcourir pour améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap.

Les amendements du rapporteur Philippe Mouiller ont permis la correction de la rédaction initiale de la proposition de loi, en rétablissant l’existence d’un plafond de ressources, en respect des principes de solidarité, auxquels nous sommes tous attachés, comme j’ai pu le mesurer lors de nos échanges.

La réécriture de l’article 3 se concentre donc sur la neutralisation des ressources du conjoint dans le calcul des droits à l’AAH : la « déconjugalisation » de l’éligibilité de l’AAH. À ceci près qu’en raison des effets négatifs induits par ce mode de calcul, l’article 3 bis crée un nouveau droit d’option pendant dix ans pour les bénéficiaires actuels à conserver les règles de conjugalisation des ressources.

En plus de renchérir le coût de la mesure, qui atteint 730 millions d’euros, une telle disposition ajoute à la complexité du recours à l’allocation. Elle crée pour les personnes une incertitude forte et des difficultés à projeter leur pouvoir d’achat. Elle ne relève pas de la justice sociale. Elle ne crée qu’un dispositif à deux vitesses, aux règles toujours plus compliquées alors même que l’effort devrait être porté sur l’amélioration du recours au droit et la simplification des parcours de vie.

L’exemple le plus parlant concerne les couples de travailleurs en établissements et services d’aide par le travail (ÉSAT), pour lesquels la déconjugalisation entraîne une perte nette de 400 euros en moyenne. Comment pourront-ils actionner le droit d’option ? Les professionnels qui les accompagnent auront-ils dorénavant la charge de les conseiller en la matière ?

Ne créons pas de complexité dans les parcours des personnes ! Attachons-nous plutôt à leur simplifier l’accès aux dispositifs conçus pour les accompagner et les soutenir.

Depuis la loi de 2005, la création de la prestation de compensation de handicap (PCH) assure une prise en compte de la situation de handicap de manière individualisée et sans condition de ressources. Cette prestation vise à compenser les besoins d’autonomie des personnes avec de l’aide humaine, de l’aide technique, de l’aménagement du logement, du transport et des aides spécifiques.

En 2019, nous lui avons consacré 2, 6 milliards d’euros de dépenses publiques, en cofinancement avec les départements, chefs de file des politiques de solidarité.

Ainsi, un tiers des personnes qui touchent l’AAH peuvent avoir, en moyenne, 500 euros de plus avec la prestation de compensation de handicap.

La PCH et l’AAH répondent donc à des objectifs différents. La première vient compenser la situation de handicap de façon individuelle, en assurant les moyens de l’autonomie, comme son nom l’indique, alors que la seconde assure un revenu digne pour les personnes à faibles ressources.

Suivant cette idée, et comme je l’avais annoncé lors de mon audition le 18 février dernier, je vous propose donc qu’une mission puisse formuler des propositions s’agissant de la simplification et de l’articulation des dispositifs existants, afin d’assurer un soutien plus efficace et équitable aux personnes en situation de handicap.

Ces réflexions nécessitent un temps plus long que celui qui est offert par le débat parlementaire. C’est un sujet qui mérite un travail de fond, approfondi et concerté.

Je crois qu’il nous faut entamer un travail posé nous permettant de réexaminer les différents dispositifs existants, leur articulation avec la prestation de compensation du handicap, ainsi que leur place dans notre système de solidarité, au regard notamment de la création de la cinquième branche que tous les parlementaires mobilisent dans le débat.

Enfin, l’article 4 relève de 60 ans à 65 ans au moins l’âge maximum pour bénéficier de la PCH. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui siégez au sein de la Chambre haute de notre Parlement et qui êtes les garants des intérêts des territoires, vous comprendrez bien que nous ne pouvons pas prendre de telles dispositions sans avoir mené de travaux concertés avec les présidents des conseils départementaux, avec lesquels nous sommes en coresponsabilité. Car rappelons qu’une telle augmentation correspondrait à un coût supplémentaire de 20 millions d’euros.

Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à la proposition de loi telle qu’elle a été amendée par la commission des affaires sociales.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre débat de cet après-midi doit beaucoup à trois personnes.

Je souhaite tout d’abord saluer Mme Jeanine Dubié, députée, auteure de la proposition de loi que nous examinons.

Je voudrais citer ensuite Mme Véronique Tixier, qui, en septembre 2020, a déposé sur la plateforme de pétition du Sénat un court texte intitulé Désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l ’ allocation aux adultes handicapés. Sa proposition a rapidement recueilli de nombreux soutiens, jusqu’à dépasser le seuil requis pour saisir la Conférence des présidents. Cette dernière n’a toutefois pas attendu les 100 000 signatures pour décider d’inscrire à l’ordre du jour, sur proposition de la commission des affaires sociales, le véhicule législatif propre à répondre à cette demande.

Mais Mme Tixier elle-même doit aussi beaucoup au président Larcher. C’est en effet le groupe de travail placé sous sa présidence qui a souhaité la création d’une telle plateforme, en janvier 2020, pour revivifier les procédures de démocratie participative et, ainsi, enrichir la démocratie représentative. Nous en avons cet après-midi la preuve : ce mécanisme constitue une courroie de transmission rapide et efficace des souhaits de nos concitoyens qui nous permet cet après-midi de débattre à nouveau de l’allocation aux adultes handicapés.

Je dis « débattre à nouveau de l’AAH » par souci de concision, car ce débat est, plus exactement, une occasion de clarifier notre système de protection sociale. La déconjugalisation de l’AAH est en effet tout, sauf une mesure technique. Elle tient en une ligne dans le code de la sécurité sociale, mais c’est une ligne fondamentale dans notre logiciel de solidarité.

En rejetant la proposition de loi analogue de nos collègues du groupe CRCE en octobre 2018, le Sénat n’avait d’ailleurs fait que défendre une logique d’ensemble, selon laquelle nos prestations sociales prennent en compte la composition d’un foyer donné. C’est cette logique qui fait l’objet du débat, que les derniers mois ont éclairé d’une lumière complètement nouvelle.

Mais partons plutôt de la demande qui nous est adressée, avant de remonter aux grands principes.

Le montant de l’AAH est calculé en tenant compte des revenus du bénéficiaire et de ceux de son conjoint, lorsqu’il est en couple, lesquels ne doivent pas dépasser un certain plafond, qui prend par ailleurs en considération le nombre d’enfants.

Par conséquent, tel bénéficiaire de l’AAH qui s’installerait en couple avec quelqu’un dont les revenus, additionnés aux siens, dépasseraient le plafond fixé perdrait le bénéfice de son allocation.

Les associations de personnes handicapées appellent cela « le prix de l’amour ». Entre parenthèses, c’est une vue quelque peu réductrice, car certaines personnes handicapées, dont les revenus personnels sont au-dessus du plafond, deviennent bénéficiaires de l’AAH, en s’installant en couple avec quelqu’un dont les revenus sont si faibles que le plafond applicable aux couples n’est pas franchi.

Reste que la majorité des personnes, dont l’AAH est supprimée ou écrêtée du seul fait de leur statut conjugal, éprouve une frustration bien compréhensible à voir leur aspiration à l’autonomie aussi brutalement censurée. Peut-être même la dépendance à leur conjoint pour les dépenses quotidiennes leur serait-elle plus supportable si elle ne leur semblait pas imposée par l’entêtement inhérent à la pression d’une règle administrative.

Il faut encore, pour comprendre leur sentiment, accorder un peu d’attention à une autre catégorie d’arguments : les plus jeunes générations, mes chers collègues, aspirent à davantage d’autonomie financière dans leur couple.

Le phénomène est d’autant plus sensible chez les jeunes femmes. Chez les jeunes femmes d’une manière générale, car elles gagnent toujours moins, en moyenne, que leur conjoint masculin, alors que désormais elles sont, en moyenne là aussi, plus diplômées. Chez les jeunes femmes en situation de handicap en particulier, car elles sont – hélas ! – plus souvent victimes de violences conjugales, comme l’a montré un récent rapport de notre délégation aux droits des femmes.

Jusqu’à présent, cette demande se heurtait à un argument assez simple : l’AAH n’est pas une prestation de compensation du handicap, mais un minimum social, et la solidarité nationale qui s’exerce à travers un minimum social passe après la solidarité familiale qu’organise le code civil. En conséquence de quoi, ce sont les revenus du ménage qui doivent être pris en compte pour calculer la prestation.

En réalité, cet argument est de moins en moins convaincant. En effet, ce qui confère à l’AAH son caractère de minimum social, c’est essentiellement son mécanisme : l’AAH est une prestation versée sous condition de ressources et de manière différentielle afin de porter le niveau de vie du bénéficiaire à un minimum de subsistance, une fois prises en compte toutes les ressources dont il dispose. Elle est, en outre, financée par l’État et n’a donc pas de caractère indemnitaire.

L’AAH a cependant toujours été un minimum social d’un type un peu particulier : l’assiette des ressources prises en compte et le mode de calcul de la prestation sont plus avantageux que ceux des autres minima sociaux et son montant est relativement plus élevé. Ce montant a d’ailleurs été fortement revalorisé à deux reprises, en 2008 et en 2017, par les présidents Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron.

Comment justifier de telles augmentations pour la seule AAH, et non pour les autres prestations assurant un minimum de subsistance ? Si elle est plus généreuse, l’AAH compense forcément quelque chose. Et quoi, sinon un éloignement de l’emploi imputable au handicap ? C’est d’ailleurs le sens des critères exigés des personnes dont le taux d’incapacité est compris entre 50 % et 80 %. Si l’AAH compense quelque chose propre à la personne, on ne saurait indexer son montant sur des variables qui lui sont exogènes.

La clarification des termes du débat ne pouvait venir que d’une manifestation de la volonté politique.

Il faut alors souligner la volonté du Président de la République, exprimée lors de la conférence nationale du handicap de février 2019, de retirer l’AAH du chantier relatif au revenu universel d’activité. Une telle décision confirme que l’AAH a moins à voir avec un minimum social qu’avec une prestation de compensation, ce qui ouvre la voie pour accepter la demande sociale qui nous est faite en cohérence avec les principes généraux de notre système d’intervention.

Cette question réglée, que penser du texte qui nous est transmis ?

Hélas ! la commission des affaires sociales ne pouvait pas le voter en l’état pour deux raisons.

D’une part, il aurait eu, en dépit de son titre, des conséquences injustes. La déconjugalisation ferait certes un grand nombre de ménages gagnants, environ 196 000, mais aussi 44 000 ménages perdants, parmi ceux que j’évoquais tout à l’heure, c’est-à-dire lorsque le conjoint valide a peu ou pas de revenus.

D’autre part, la rédaction de l’article 3 conduisait à supprimer tout plafond de cumul de la prestation avec les ressources personnelles des bénéficiaires : cette mesure aurait pour effet d’attribuer l’AAH à taux plein à tous ceux remplissant les conditions nécessaires. La direction statistique des ministères sociaux, la Drees, en estime le coût à 20 milliards d’euros…

La commission a par conséquent accepté la déconjugalisation, mais rétabli le plafond de cumul entre les ressources personnelles du bénéficiaire et le montant de la prestation. Et pour éviter de pénaliser 44 000 ménages, elle a ménagé un mécanisme transitoire simple, permettant aux bénéficiaires de continuer pendant dix ans de percevoir l’AAH selon les modalités actuelles de calcul.

Restent les questions que la commission ne pouvait pas trancher seule au détour d’une proposition de loi en cours de navette.

D’abord, la cohérence générale des principes n’est pas encore totale. Si l’on accepte d’y voir une prestation compensant les moindres chances de percevoir des revenus d’activité et de suivre une progression de carrière normale, on devrait considérer l’individualisation complète de l’AAH, et donc revoir son mode de calcul. C’était toutefois l’hypothèse faisant le plus grand nombre de perdants.

Ensuite, nous savons bien que le pilotage de la prestation est difficile – la Cour des comptes l’a montré dans un rapport de novembre 2019. La procédure est complexe et peu claire pour les demandeurs, la connaissance des bénéficiaires insuffisante et l’appareil statistique peu réactif – la commission l’a constaté en essayant, en vain, d’évaluer les conséquences du texte plus finement que ne l’a fait la Drees.

Par conséquent, la dépense croît assez rapidement. Les 560 millions d’euros de la déconjugalisation sont ainsi à rapporter aux 11 milliards d’euros que représente l’AAH aujourd’hui, en hausse de 2 milliards d’euros depuis quatre ans.

Or il se trouve que notre système de protection sociale s’est enrichi l’an dernier d’une cinquième branche de sécurité sociale, consacrée au soutien à l’autonomie, dont la gestion a été confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Le Gouvernement nous l’a assez dit : le périmètre de cette branche n’est pas définitif. Voyons-y l’occasion de repenser notre système d’intervention pour le rendre plus efficace. Il serait ainsi cohérent, comme le proposait Laurent Vachey dans son rapport de septembre dernier, d’admettre que l’AAH « n’est pas un pur minimum social » et de se poser la question de son éventuel transfert à la branche autonomie ; il faudrait alors sans doute penser son articulation avec la PCH ou le régime des pensions d’invalidité, dont l’AAH n’est jamais que le pendant, hors couverture assurantielle.

Un mot enfin sur l’article 4, qui relève de 60 à 65 ans la barrière d’âge pour solliciter la prestation de compensation du handicap. L’idée de supprimer toutes les barrières d’âge est débattue depuis longtemps par les conseils départementaux ; elle date en fait de la grande loi du 11 février 2005 sur le handicap, mais sa mise en œuvre a toujours été ajournée depuis lors.

J’avais naguère proposé de supprimer la seconde barrière d’âge, celle des 75 ans, pour solliciter la PCH. Cette proposition est devenue la loi du 6 mars 2020.

Il est désormais temps d’aller plus loin, en élargissant la couverture des besoins des bénéficiaires de la PCH jusqu’à leurs 65 ans.

Il faudra ensuite s’atteler sérieusement au décloisonnement des politiques destinées au handicap, d’une part, et au grand âge, d’autre part, dans une logique de parcours de vie. C’est encore tout l’enjeu de la branche autonomie, qui ne pourra rester en chantier trop longtemps – le fait que nous débattions aujourd’hui de ce texte le montre clairement.

C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter, pour commencer, la proposition de loi dans la rédaction résultant des travaux de la commission des affaires sociales.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, INDEP et GEST.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette semaine se tient la semaine nationale des personnes handicapées physiques : elle permet de sensibiliser le grand public au handicap et de récolter des fonds pour des projets d’inclusion. Signe que le chemin est encore long pour parvenir à construire une société réellement inclusive pour ces 12 millions de Français qui souffrent de handicap.

Alors devons-nous voir un signe dans cette proposition de loi qui prévoit d’individualiser l’allocation aux adultes handicapés en supprimant la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul du montant versé ?

Le Sénat avait rejeté une telle disposition en octobre 2018, considérant que la solidarité familiale devait s’exercer avant la solidarité nationale.

Par ailleurs, il n’était pas responsable d’adopter une telle mesure en l’absence de chiffrage financier. Cette disposition a été reprise et adoptée à l’Assemblée nationale.

Le recueil de cent mille signatures sur la plateforme de pétition du Sénat a permis son inscription à l’ordre du jour de notre assemblée.

La question de la cohérence de notre système social a été soulevée par Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées : si nous individualisons l’AAH, il nous faudra justifier auprès des personnes concernées le maintien de la prise en compte des revenus du foyer dans le calcul des autres minima sociaux, comme le revenu de solidarité active ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Ce ne sont pas des prestations universelles, mais des ressources complémentaires destinées à venir en aide aux personnes qui en ont le plus besoin.

Le calcul actuel de l’AAH tient compte d’un plafond de ressources de 3 000 euros, si le bénéficiaire travaille, et de 2 270 euros, si c’est son conjoint, en raison d’un abattement supérieur à 50 % sur les revenus du bénéficiaire et de 28 % sur les revenus du conjoint.

Une alternative crédible à la déconjugalisation aurait été d’augmenter l’abattement qui s’applique sur les revenus du conjoint et d’aligner les deux plafonds de ressources à 3 000 euros.

Il me semble que ce dispositif contribuerait à renforcer la justice sociale à l’égard des personnes en situation de handicap les plus fragiles économiquement, sans présenter de risque de dérapage financier.

Le coût de la déconjugalisation et de la suppression du plafonnement, ce que propose le dispositif initial, serait de 20 milliards d’euros, sachant que le coût actuel de l’AAH s’élève à environ 11 milliards d’euros pour 1, 2 million de bénéficiaires.

La commission des affaires sociales a pris ses responsabilités, en supprimant le déplafonnement des ressources, ce qui abaisse le coût du dispositif à 560 millions d’euros.

Cependant, le plafonnement ne tient plus compte des revenus du foyer ; le caractère redistributif de l’allocation est donc remis en question.

La commission a adopté un amendement permettant de limiter les effets de bord, en proposant aux 44 000 foyers qui seraient lésés par la déconjugalisation de l’AAH de maintenir leurs droits pour une durée de dix ans.

La commission a également rétabli la modulation du plafond pour enfant à charge que le dispositif initial supprimait.

Malgré ces réserves sérieuses, l’individualisation de l’AAH est une demande sociétale forte, justifiée notamment par l’exposition plus importante des femmes porteuses de handicap au risque de violences conjugales. Le rapport d’information qui a été présenté en octobre 2019 par notre ancien collègue Roland Courteau est éloquent à ce sujet. Aussi, favoriser l’émancipation financière de ces personnes permettrait de mieux les protéger de situations dramatiques et souvent dissimulées.

Par ailleurs, il est proposé de repousser le plafond d’âge, fixé à 60 ans, pour demander à bénéficier de la prestation de compensation du handicap. Cette mesure, justifiée en raison de l’allongement de l’espérance de vie, coûterait, en cas de report à 65 ans, entre 10 millions et 57 millions d’euros selon le niveau de GIR pris en compte.

La PCH étant cofinancée par les départements, il conviendra de travailler de façon concertée à la définition de la nouvelle limite d’âge. Les finances départementales sont fortement sollicitées par la crise sanitaire et économique. Aussi, je serai favorable à cette mesure, à condition qu’elle fasse l’objet d’un accompagnement financier suffisant des départements par l’État.

À titre personnel, je voterai cette proposition de loi, mais la majorité du groupe Les Indépendants s’abstiendra pour les raisons invoquées dans mon intervention.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, exigence ancienne des personnes en situation de handicap et des associations, la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés marquerait une étape essentielle de l’individualisation de cette prestation.

Pour bien en comprendre le sens, il faut replacer cette allocation au sein d’un ensemble plus vaste et cohérent assurant à la personne en situation de handicap sa place au sein d’une société solidaire, émancipatrice et inclusive.

La question de la garantie de ressources spécifique à la situation de handicap se pose pour autant que la loi de 2005 s’applique avec ampleur. Or, actuellement, la situation de handicap est encore aggravée par la non-adaptation de l’environnement et la baisse des objectifs d’accessibilité au sens large – le bâti, l’école inclusive, l’entreprise, etc. –, facteurs d’inégalités et de discriminations.

L’AAH ne saurait donc compenser la lenteur d’application de la loi de 2005, qui confine les personnes dans un schéma de précarité et d’exclusion – pourtant, rien n’est inscrit, sur ce champ, dans le plan de relance. Elle ne saurait non plus pallier l’insuffisance des actions spécifiques d’accompagnement vers l’emploi de la personne en situation de handicap.

Il faut donc tout faire pour réduire les répercussions du handicap et ouvrir des perspectives aux personnes concernées – c’est un préalable à la question du revenu.

L’AAH est attachée à l’adulte et liée à la période de l’activité. Il s’agit alors de garantir un complément de ressources dû à la part non réductible à un moment donné de la difficulté spécifique à exercer une activité et d’en retirer un revenu minimal en complément d’autres ressources personnelles. Ce complément, comme les revenus de l’activité des personnes dites « valides », doit bien être pensé comme propre à la personne en situation de handicap.

La personne se voit garantir in fine un niveau de revenu d’existence assurant une relative autonomie financière. C’est une allocation individualisée et non universelle, puisque conditionnée à sa situation, actant une situation de restriction à l’emploi qualifiée de durable, ce qui implique d’en défendre la permanence, quels que soient les choix de vie.

Ce revenu doit rester attaché à la personne pour lui assurer une sécurité financière pérenne et lui permettre, en cas de vie maritale, de participer aux revenus du ménage à hauteur de sa situation et de ne pas être à la charge d’une autre personne physique.

Car, à l’inverse de la solidarité nationale, qui rétablit l’égalité des citoyens par son action, la solidarité familiale maintient dans ce cas la dépendance et l’asymétrie, génère au mieux de la dette symbolique, quelquefois un sentiment d’indignité, et crée un espace propice aux violences physiques ou psychologiques sur la personne, notamment la femme, déjà vulnérable du fait de son handicap.

Le mouvement vers l’individualisation de cette allocation devra d’ailleurs se poursuivre par la défamiliarisation, car il s’agit d’asseoir un droit durable et sécurisé.

Concernant le recul de l’âge ouvrant droit à la prestation de compensation du handicap, deux systèmes de compensation des incapacités et de la perte d’autonomie coexistent actuellement : l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) dès 60 ans et la PCH pour les adultes et les enfants jusqu’à 20 ans – il faudrait d’ailleurs abaisser ce seuil à 18 ans.

L’inégalité de traitement en défaveur de l’APA explique la demande de recul à 65 ans de l’accès à la PCH que nous soutenons en attente de la convergence vers une prestation unique d’autonomie répondant aux besoins de compensation de la perte d’autonomie, et ce quels que soient l’âge et la cause de sa survenue. Une telle mesure participerait du changement de regard sur le handicap et l’âge et favoriserait le « faire ensemble société ».

Les écologistes réfléchissent à la question du revenu universel d’existence et l’individualisation de l’AAH préfigure une avancée concrète vers la promotion de l’autonomie de l’individu dans une société solidaire, comme le recul du seuil d’âge pour la PCH fait reculer la discrimination par l’âge.

Comme souvent, en adoptant des lois pour les personnes en situation de handicap ou de vulnérabilité, c’est la société tout entière qui avance. En conséquence, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’entamer mon propos, permettez-moi de saluer la plateforme de pétition du Sénat : une pétition ainsi déposée, qui a recueilli plus de 100 000 signatures, nous amène aujourd’hui à examiner ce texte.

Nous débattons d’un sujet majeur, celui de l’accompagnement des personnes en situation de handicap vers l’autonomie. Tendre vers une société plus inclusive est une priorité absolue. Les 51 milliards d’euros qui y sont consacrés chaque année, soit 2, 2 % du PIB, le démontrent.

L’allocation aux adultes handicapés représente à elle seule 11 milliards d’euros en 2020. La France, à ce titre, fait figure d’exception, puisque très peu de pays au monde sont dotés d’un système de prestation du même type.

Je veux également souligner l’action du Gouvernement en la matière, qui se traduit notamment par l’augmentation de 100 euros par mois de l’AAH pour 1, 2 million de bénéficiaires, ce qui représente une augmentation de pouvoir d’achat de près de 12 % – ce n’était pas arrivé depuis près de onze ans.

Le texte que nous examinons propose, dans sa version transmise à notre assemblée, de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés, ainsi que la majoration de son plafonnement, et de reporter la barrière d’âge de 60 ans pour solliciter le bénéfice de la prestation de compensation du handicap.

En supprimant initialement la notion de plafond et en enlevant les ressources du partenaire, l’adoption de la proposition de loi aurait entraîné 20 milliards d’euros de dépenses nouvelles.

Sur la proposition de son rapporteur, la commission a réintégré la notion de plafond, abaissant ce coût à 560 millions d’euros.

Afin d’éviter que cette proposition de loi ne crée des foyers défavorisés, il conviendrait d’aligner le plafond pour une personne isolée sur celui d’un couple, ce qui représenterait en réalité une dépense totale de plus de 2 milliards d’euros.

Il s’agit d’une dépense conséquente, compte tenu de la situation économique actuelle et des efforts consentis par la Nation pour protéger nos concitoyens et les secteurs les plus impactés par la crise sanitaire.

Le mécanisme transitoire défini à l’article 3 bis fait suite à un amendement du rapporteur jugé, de manière assez surprenante, je dois l’avouer, recevable financièrement malgré un coût de plusieurs centaines de millions d’euros. Ce mécanisme créerait une inégalité entre des allocataires qui continueraient à bénéficier de l’AAH et d’autres qui, postérieurement à l’entrée en vigueur de la proposition de loi, n’y seraient plus éligibles, alors même que leur situation serait identique. Une telle mesure nous semble aller à l’encontre de nos règles constitutionnelles, notamment l’égalité des droits.

Plus largement encore, bien que nous partagions l’objectif de mieux accompagner et soutenir les personnes en situation de handicap, les mesures prévues par cette proposition de loi comportent un certain nombre de difficultés.

Ainsi, l’AAH vise à assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap dont les ressources sont les plus faibles. Elle est donc conçue comme un minimum social pour permettre à nos concitoyens d’avoir un revenu décent pour vivre, en complément d’autres sources de revenus éventuelles.

À cet égard, la fixation d’un montant plus élevé pour l’AAH que pour le RSA socle ainsi que les abattements fiscaux correspondent bien à la prise en compte de la spécificité du handicap, et non à une logique de compensation.

Or la proposition de loi opère de fait un changement de cap sur la nature même de l’AAH et remet plus généralement en cause l’un des piliers de notre politique familiale.

Rappelons que la solidarité nationale, qui s’appuie sur la solidarité conjugale, n’est pas une spécificité de l’AAH, mais concerne tous les minima sociaux en vertu des obligations entre époux.

Ainsi, l’AAH repose sur les principes d’équité et de partage des charges entre les membres du foyer, contrairement aux prestations universelles.

Avec la déconjugalisation de l’AAH, nous risquons d’ouvrir la brèche pour d’autres minima sociaux et de modifier profondément notre solidarité familiale. Que deviendraient le quotient familial ou les demi-parts ? Quid du RSA ? À cet égard, rappelons que le coût d’individualisation totale du RSA avait été estimé à près de 9 milliards d’euros en 2016.

Déconjugaliser l’AAH aggraverait les inégalités sociales, puisque la réforme compterait, en l’état, des perdants parmi les ménages les plus modestes et des gagnants parmi les ménages les plus aisés. Si cette proposition de loi se veut un étendard pour le soutien aux personnes dans les situations les plus difficiles, la réalité n’est pas si claire.

Je prendrai deux exemples pour illustrer ce propos.

Tout d’abord, un allocataire qui travaille et est payé à hauteur de 0, 5 SMIC et dont le conjoint est lui-même rémunéré à hauteur de 2 SMIC bénéficierait d’un gain net allant de 320 à 720 euros.

A contrario, l’individualisation totale de la prestation serait défavorable pour les couples dont l’allocataire AAH est aujourd’hui le seul à percevoir un revenu d’activité – le manque à gagner pourrait aller jusqu’à 550 euros pour un allocataire au SMIC.

Au total, ce sont 44 000 bénéficiaires qui travaillent et sont en couple avec un conjoint dont les revenus sont modestes ou inexistants, qui verraient leur allocation diminuer. Le fait de travailler défavoriserait donc certains bénéficiaires, à l’inverse de la mission initiale de l’AAH.

Enfin, l’article 4 de la proposition de loi prévoit de relever l’âge maximum pour bénéficier de la prestation de compensation du handicap de 60 ans à au moins 65 ans. Mes chers collègues, ce dispositif n’est pas anodin pour les finances de nos départements : l’État ne compensant qu’à hauteur de 30 % à 40 % les dépenses liées à cette prestation, une telle mesure, bien qu’intéressante sur le fond, nécessite une concertation et une coconstruction avec les départements, ce qui dépasse largement le cadre contraint d’une proposition de loi.

Cet âge limite ajouterait même un poids administratif pour les départements par le basculement des bénéficiaires de l’APA vers la PCH et une complexité pour les usagers et leurs aidants, comme cela a été rappelé par la direction générale de la cohésion sociale.

C’est pourquoi nous avons déposé un amendement pour privilégier une réévaluation de cet âge tous les cinq ans, par décret, en tenant compte des évolutions démographiques et des besoins de nos concitoyens en situation de handicap et après concertation avec les départements – cette concertation est nécessaire, je le répète. Le gestionnaire resterait ainsi au cœur du processus visant à modifier l’âge limite.

Soutenir les personnes en situation de handicap et leur apporter les moyens de parvenir à l’autonomie sont des points centraux qui ne doivent toutefois pas remettre en cause l’un des piliers de notre politique familiale. Cela ne doit pas non plus créer de nouvelles inégalités ni exclure les départements du pouvoir décisionnaire, en alourdissant leurs charges financières.

Pour toutes les raisons que je viens d’invoquer, la majorité du groupe RDPI votera, en responsabilité, contre ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale tient particulièrement à cœur au groupe RDSE, et ce pour plusieurs raisons. Je remercie d’ailleurs la commission des affaires sociales de s’être saisie de ce sujet.

Cette proposition de loi est d’abord la preuve de la possibilité pour nous, parlementaires, de travailler ensemble à des solutions de bon sens, plus justes et qui changent considérablement le quotidien de nos concitoyens.

Son examen est également la reconnaissance du travail parlementaire et de son utilité, chose rare dans une période où le règlement des assemblées et les législations par ordonnances tendent à privilégier l’initiative gouvernementale.

Elle nous permet de traiter de la question de l’autonomie et de la dépendance, phénomènes qui peuvent frapper chacun de nous à tout âge.

Je souhaite aussi saluer la présence en tribune de ma collègue bigourdane Jeanine Dubié ; son travail et son engagement de long terme sur les questions de justice sociale nous permettent aujourd’hui d’examiner cette proposition de loi portée par son groupe à l’Assemblée nationale et je l’en remercie.

À l’heure de la crise sociale, économique et sanitaire que nous connaissons, il n’y a jamais trop de justice sociale, jamais trop de redistribution, car les premiers frappés sont toujours les mêmes : les plus fragiles d’entre nous. C’est toujours à eux que nous demandons le plus d’efforts. Ce sont ceux qui sont le plus souvent pointés du doigt ou sur qui nous faisons reposer les maux d’une société malade de manière chronique.

À ce titre, je regrette que le Gouvernement n’ait pas donné un avis favorable à ce texte, préférant renvoyer ce débat à une future loi Grand Âge et autonomie.

Cette proposition de loi, telle qu’adoptée par nos collègues de l’Assemblée nationale, vient d’abord désolidariser les revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH.

Les articles 2 et 3 viennent ainsi répondre à une inégalité qui frappe les bénéficiaires de l’AAH selon leur situation maritale, prévoyant une plus faible indemnité pour les bénéficiaires selon qu’ils sont mariés, conjoints, concubins ou pacsés.

L’objectif est clair : mettre fin au lien de dépendance financière entre le bénéficiaire de l’AAH et son conjoint et réaffirmer un principe fondamental, celui de la primauté de la solidarité nationale sur la solidarité familiale.

Il s’agit bien ici de rappeler que l’AAH est non pas un minimum social, mais bel et bien une prestation à affectation spéciale, comme cela a été rappelé lors de la Conférence nationale du handicap, le 11 février 2020, le Président de la République ayant annoncé ne pas vouloir l’inclure dans le futur revenu universel d’activité.

Les amendements adoptés en commission, qui permettent, d’une part, de rétablir le plafonnement en supprimant les revenus du conjoint de l’assiette et, d’autre part, de prendre en compte les 44 000 perdants de la déconjugalisation de l’AAH, ont tout notre soutien.

Si cette prestation vient aussi assurer un revenu aux personnes ne pouvant travailler du fait de leur handicap ou d’une maladie chronique, la PCH est d’une tout autre nature. Elle permet de financer différentes aides humaines, techniques ou encore relatives au cadre de vie afin de compenser une perte d’autonomie.

La persistance des limites d’âge, c’est-à-dire 60 ans pour l’âge avant lequel doit être survenu le handicap, et de 75 ans pour que la prestation puisse être demandée, venait limiter l’octroi de cette aide pourtant nécessaire. Ces limites étaient devenues un non-sens. À une période où l’on vit mieux et plus longtemps, le fait de lier le handicap à la vieillesse perd de plus en plus sa justification.

La proposition de loi initiale mettait également en exergue la question du reste à charge des résidents en Ehpad, encore bien trop élevé pour nombre de familles. Si le maintien à domicile est aujourd’hui privilégié, j’espère que nous aurons très vite l’occasion, madame la secrétaire d’État, de débattre de ces sujets, et que vous pourrez nous apporter des réponses sur le calendrier du projet de loi Grand Âge et autonomie, que nous guettons avec impatience.

En attendant les contours de ce texte, le groupe RDSE votera cette proposition de loi. Elle représente une avancée sociale pour de nombreux Français frappés par la perte d’autonomie et la dépendance, qui bénéficieront de la solidarité nationale pleine et entière.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Nassimah Dindar et Élisabeth Doineau applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe se félicite de pouvoir de nouveau débattre sur l’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés.

En effet, notre groupe avait porté, en 2018, une proposition de loi visant à ne plus tenir compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH. Cette proposition reprenait la revendication des associations de personnes en situation de handicap visant à mettre fin à l’injustice vécue par les couples qui perdent le bénéfice de l’AAH ou voient leur montant diminuer en cas de mariage.

Ce que l’on a appelé « le prix de l’amour » n’est pas acceptable, car il rend des personnes dépendantes économiquement de leur conjoint. Cette dépendance économique est d’autant plus grave s’agissant des femmes en situation de handicap, qui sont plus souvent victimes de violences conjugales.

C’est d’ailleurs le sens du rapport de la Défenseure des droits sur l’AAH : « Les personnes handicapées doivent pouvoir être indépendantes financièrement : il faut donc exclure les ressources du conjoint pour l’attribution des allocations accordées au titre du handicap. »

Permettez-moi de faire un bref rappel historique et de saluer notre collègue députée communiste, Marie-George Buffet, qui a déposé cette proposition en, mars 2018, avec un soutien allant des députés de la France insoumise jusqu’au groupe Les Républicains, en passant par l’UDI, le Modem le PS et certains députés LREM.

Ce soutien a malheureusement été brisé par la droite sénatoriale lorsqu’elle a rejeté notre proposition de suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, en prétextant la nécessité d’une refonte globale des aides pour la compensation du handicap.

La proposition de loi du groupe Libertés et Territoires adoptée en décembre 2019 pour supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH étant restée lettre morte au Sénat, il aura fallu la mobilisation de milliers de personnes pour remettre l’ouvrage sur le métier.

Ainsi, la pétition de Mme Véronique Marie-Bernadette Tixier, déposée sur le site internet du Sénat, a reçu le soutien de plus de 100 000 personnes. C’est d’autant plus remarquable que les autres pétitions du site du Sénat plafonnent généralement autour de 200 signatures. C’est bien le signe d’un soutien large et profond en faveur de ce sujet.

Je voudrais saluer le changement de position de la droite sénatoriale, qui soutient désormais le principe de l’individualisation de l’AAH. Il s’agit d’une avancée importante pour les familles et les associations. Nous espérons désormais que le consensus politique autour de ce principe fera changer le Gouvernement d’attitude.

L’objectif de l’individualisation des revenus n’est pas une question d’économies ou de cohérence du système d’allocations familiales. Il s’agit plutôt d’envoyer un message fort aux personnes en situation de handicap pour leur montrer que l’on se soucie de leurs conditions d’existence et de leur dignité.

Le Gouvernement refusait l’individualisation en invoquant le nombre trop important de perdants avec le changement de mode de calcul. La suppression des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH va pourtant bénéficier à 196 000 ménages, soit 67 % de l’ensemble des couples bénéficiaires de cette allocation.

Il est dommage que, sur la réforme de l’assurance chômage, le Gouvernement ne suive pas le même raisonnement, alors que le nombre de perdants est estimé autour de 1 million.

Pourtant des solutions existent, comme celle que propose le rapporteur Philippe Mouiller, avec un mécanisme transitoire sur dix ans, qui permet aux couples qui le souhaiteraient de maintenir le système actuel en prenant en compte les revenus du conjoint.

Notre seul regret est que la majorité sénatoriale n’ait pas proposé en 2018 ce mécanisme transitoire pour éviter de faire perdre 3 ans aux nombreuses personnes en situation de handicap.

C’est désormais au Gouvernement de prendre ses responsabilités en adoptant les mesures qui s’imposent : individualiser l’AAH ; revaloriser le montant des prestations et supprimer les barrières d’âge de la PCH.

À moyen terme, nous refusons le transfert de l’AAH vers la cinquième branche de la Sécurité sociale, car nous estimons qu’elle doit être intégrée au régime général de l’assurance maladie au titre de revenu de remplacement, à l’instar de la pension d’invalidité.

En attendant, le groupe CRCE votera en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans son dernier essai, devenu célèbre, Indignez-vous !, Stéphane Hessel écrit à propos de notre solidarité nationale : « Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers. » Je trouvais cette citation fort à propos pour introduire notre échange sur cette proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale. Elle nous rappelle l’importance de revisiter notre système de protection sociale à la française en travaillant au quotidien à son amélioration et à sa modernisation.

Cette proposition contient deux mesures symboliques très fortes : déconjugalisation de l’AAH et relèvement de 60 ans à 65 ans de la barrière d’âge pour solliciter la PCH.

Avant mon arrivée dans cette Haute Assemblée, j’ai été pendant plusieurs années vice-président du conseil départemental du Nord, en charge de l’insertion. J’ai aussi mené pendant plusieurs mois une mission d’information et d’évaluation de la maison départementale des personnes handicapées du Nord. Ayant ainsi travaillé au quotidien sur nos politiques en faveur de l’insertion des personnes handicapées, je sais l’attente de nos concitoyens les plus fragiles et les plus vulnérables à l’égard des dispositions en débat aujourd’hui. Le succès de la pétition en ligne sur le site du Sénat en témoigne. À ce sujet, je veux d’ailleurs, au nom du groupe UC, saluer cette initiative du président Larcher.

Mes chers collègues, lors de notre débat sur la loi de bioéthique, nous nous sommes arrêtés sur ce principe de vulnérabilité. C’est l’honneur de nos sociétés humanistes d’être attentives aux plus vulnérables d’entre nous. Aussi, notre groupe souhaite saluer non seulement le travail de notre rapporteur, Philippe Mouiller, sur ce texte, mais, plus largement, son engagement au service de cette noble cause de l’autonomie – j’y insiste – des personnes handicapées.

Nous voterons ce texte, car les intentions portées par notre rapporteur nous semblent empreintes d’une légitimité solide, mais nous voulons aussi parallèlement aborder les questions de portée plus générale ou les débats qui sont ouverts par ce vote à venir.

Il existe une puissante revendication d’autonomie financière individuelle dans nos sociétés. Cette demande d’individualisation des prestations sociales trouve son inspiration initiale dans les pays d’Europe du Nord, de culture scandinave. Cette revendication ne date pas d’hier. Elle est inspirée par Beveridge et le principe d’universalité. Il n’est pas surprenant que nous abordions ce débat très intéressant par l’AAH, car cette allocation est une prestation d’assistance particulière qui se situe, comme Laurent Vachey l’a précisé dans son rapport, à mi-chemin entre un revenu minimum catégoriel et une prestation compensant l’éloignement de l’emploi, versée comme un substitut de salaire.

Loin d’être anodine, la déconjugalisation de l’AAH pose la question de l’individualisation ou de la familiarisation de notre système de protection sociale. Ce débat ne concerne pas que l’AAH, tant s’en faut. Il porte aussi sur les aides sociales versées aux jeunes, par exemple. Pour notre part, nous sommes favorables à l’individualisation dans le cas visé par la proposition de loi que nous examinons ce jour, mais cela ne veut pas dire que nous sommes pour l’individualisation de toutes nos prestations sociales.

À ce jour, notre système de protection sociale repose sur la contributivité et non pas sur l’individualisation des cotisations et des prestations. C’est sur ces principes que notre modèle social s’est construit à la Libération. Comprenons-nous bien, il ne s’agit pas de nier cette évolution plus individualiste, qui traverse tous les milieux sociaux et vient se croiser avec les expériences familiales de conjugalité, de rupture des individus. Elle vaut pour la population dans son ensemble et donc aussi, évidemment, pour les couples dont au moins l’une des personnes est en situation de handicap. C’est le rôle du législateur d’entendre et de comprendre cette évolution.

Je souhaiterais par ailleurs évoquer plus précisément une situation qui nous tient particulièrement à cœur, celle des femmes en situation de handicap. Au lendemain de la journée consacrée aux droits des femmes – j’en profite pour saluer Annick Billon, présidente de la délégation du Sénat aux droits des femmes –, force est de constater qu’il existe une aspiration à l’indépendance financière individuelle propre aux plus jeunes générations de femmes. C’est par parfaitement légitime. Cette aspiration est particulièrement importante, car elle peut permettre à une femme en situation de handicap d’échapper à son conjoint violent ou de faire face à des difficultés d’insertion sociale.

J’ai été particulièrement marqué par un chiffre que j’ai lu dans le rapport de notre collègue Philippe Mouiller : d’après l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, 34 % des femmes handicapées ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire, contre 19 % – un chiffre déjà considérable – des femmes qui ne sont pas en situation de handicap. C’est une situation insupportable. Ces chiffres effrayants, bouleversants, nous interrogent d’ailleurs, mes chers collègues, sur notre condition masculine.

Bien sûr, nous n’y mettrons pas fin en déconjugalisant le calcul de l’AAH, mais, si cela permet déjà à quelques femmes de prendre leur indépendance, il s’agit d’une victoire.

Je le répète, notre groupe est favorable à cette proposition de loi, mais nous souhaitons interpeller cette assemblée sur d’éventuels risques d’effets en cascade et les prévenir. Nous voulons aussi réaffirmer notre attachement à la solidarité familiale et donc mettre en garde contre les risques qu’engendrerait une défamiliarisation généralisée de notre système de protection sociale. Nous ne le voulons pas !

Enfin, j’aborderai la question, peu évoquée jusque-là, de la dépense publique et de la dette publique. Je le réaffirme avec gravité et une grande clarté : l’argent public dans notre pays ne provient pas d’un robinet que nous pouvons ouvrir sans compter et sans en mesurer clairement l’impact à long terme. Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, des évaluations et des statistiques, la mesure votée par l’Assemblée nationale aurait, en l’état, un coût de 20 milliards d’euros pour nos dépenses publiques. Par parenthèse, je trouve problématique que nos collègues députés aient voté un texte sans en mesurer précisément l’impact financier. Ce constat vaut d’ailleurs pour beaucoup de proposition de loi ou de projets de loi.

Le Gouvernement a annoncé la semaine dernière que le déficit public devrait être de 10 % du PIB en 2021. Ce sont plusieurs dizaines de milliards d’euros de dettes que nous allons transmettre aux générations futures. Si nous voulons éviter de sacrifier celles-ci, nous devons prendre en compte cette question de la dette publique et veiller au niveau de dépenses.

Je tiens donc à saluer d’autant plus fermement la décision de modification de l’article 3, lequel encadre le principe de plafond du cumul de la prestation avec les ressources personnelles du bénéficiaire, décision que nous devons à l’esprit de responsabilité de notre rapporteur, qui a réussi à circonscrire cette déconjugalisation de l’AAH.

Le groupe Union Centriste se félicite enfin du report de 60 ans à 65 ans de la barrière d’âge au-delà de laquelle il n’est, sauf exception, plus possible de solliciter la PCH.

Cette proposition de loi arrivant quelques mois après la création de la cinquième branche nous aura permis d’échanger sur la situation de nos compatriotes les plus fragiles qui vivent une situation de handicap. Je pense que nous devrons saisir à l’avenir l’occasion offerte par cette nouvelle branche pour mener un véritable travail de fond d’évaluation de nos politiques à destination des publics porteurs de handicap, en abordant aussi courageusement la question de leur financement.

Nos collectivités, notamment les départements, font un travail formidable sur ces questions. Cependant, ils ne disposent pas toujours des moyens financiers et des libertés nécessaires pour agir. Donnons-nous rapidement l’ambition de travailler avec eux à la mise en place d’un nouveau cap pour nos politiques en faveur du handicap.

Le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe UC – MM. Pascal Allizard et Yves Bouloux applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons ce jour de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, dont le texte transmis par l’Assemblée nationale porte principalement sur la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés.

Derrière ce jargon, il faut comprendre qu’il s’agit d’exclure des ressources d’une personne en situation de handicap les ressources de son conjoint pour le calcul du montant de l’AAH. C’est une réelle mesure d’indépendance financière, de conquête d’autonomie, des termes porteurs de sens chez les personnes dont l’état de santé limite les pleines capacités à vivre en société.

Pour les parlementaires que nous sommes, la question du calcul du montant de l’allocation en fonction des revenus de la seule personne en situation de handicap, et non pas des revenus du foyer, n’est pas nouvelle. Nos collègues des groupes de gauche à l’Assemblée nationale avaient cosigné la proposition de loi déposée par Marie-George Buffet en décembre 2017. Les mêmes, au printemps 2018, rejoints par une poignée de Marcheurs et de Marcheuses, avaient déposé le même texte et proposé la création d’une commission spéciale, ce qui avait été refusé par Mme Bourguignon, alors présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Dans la foulée, Laurence Cohen et nos collègues communistes du Sénat avaient déposé une proposition de loi, examinée par la Haute Assemblée à l’automne 2018.

Il s’agit donc d’une revendication de longue date, portée par le secteur associatif du handicap, et notamment par l’APF France Handicap et son mouvement « Ni pauvre, ni soumis ». Une revendication rendue d’autant plus sensible au début du quinquennat, quand la majorité LREM se targuait d’augmenter le montant de l’AAH, se refusant à voir les limites de son mode de calcul.

En commission, ici même, en octobre 2018, notre collègue du groupe LREM, Michel Amiel, assumait ainsi la position du Gouvernement : pour lui, l’augmentation de l’AAH ne visait qu’à « aider les personnes handicapées seules, qui sont les plus précaires ». Quant à la majorité sénatoriale, menée par notre rapporteur, elle tenait à ce que, « dès lors qu’il s’agit d’une prestation en espèces, le foyer serve de base fiscale ».

Au groupe socialiste, en revanche, nous avions dénoncé le tour de passe-passe du Gouvernement, qui reprenait d’une main, en baissant le plafond de ressources et en fusionnant la majoration « vie autonome » et le complément de ressources, ce qu’il donnait de l’autre en augmentant le montant de l’AAH.

Nous avions alors soutenu cette déconjugalisation, en vain.

Que s’est-il passé en deux ans pour que nous nous apprêtions à vivre ce tournant ? D’abord, il y a eu quelques fissures dans le bloc monolithique En Marche ! et le camouflet infligé au Gouvernement par l’Assemblée nationale en février 2020. Ensuite s’est manifestée une force citoyenne remarquable, incarnée notamment par Mme Tixier, à l’origine d’une pétition en ligne qui a mis le Sénat au pied du mur. En effet, contre toute attente, avouons-le, la pétition publiée sur le site du Sénat pour inscrire ce texte à notre ordre du jour a recueilli rapidement des dizaines de milliers de signatures. Cet engouement traduit l’indignation qui s’est propagée dans la société française depuis l’automne, bien au-delà des sphères militantes du handicap.

Nos concitoyennes et nos concitoyens nous ont adressé un message fort, qu’il convient d’entendre : non, il n’est pas juste qu’une personne en situation de handicap doive choisir entre son statut conjugal et ses ressources ; il n’est pas juste qu’étant dans l’incapacité d’assurer ses revenus par le travail elle doive dépendre de ceux de son conjoint ou de sa conjointe pour percevoir une allocation.

Comme lors de l’audition de Mme Tixier par la commission des affaires sociales, je veux souligner la détermination de celles et ceux qui ont contribué au succès de la pétition : elles ne savaient pas que c’était impossible, alors elles l’ont fait ! Non seulement nous examinons cette proposition de loi, mais il me semble que nous allons parvenir à une réelle avancée parlementaire.

Le groupe SER apportera son soutien au texte issu de la commission. L’article 3, modifié par le rapporteur Philippe Mouiller, a pour objet de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le périmètre des ressources de la personne sollicitant l’AAH. En complément, le dispositif transitoire de dix ans permettant de continuer à bénéficier du mode de calcul actuel, s’il est favorable, a pour effet de repousser l’entrée en application d’une déconjugalisation qui faisait craindre 44 000 foyers perdants. Ce temps de transition devra être consacré à la mise en place de correctifs neutralisant ces effets négatifs. Nous souhaitons amender le texte en ce sens.

Comme mon collègue Olivier Henno, je voudrais, au lendemain de la Journée internationale des droits des femmes, synonyme de lutte, souligner cette dimension égalitaire de la déconjugalisation, qui va permettre l’émancipation des femmes en situation de handicap. En effet, le mode de calcul actuel de l’AAH enferme les femmes porteuses de handicap dans une double dépendance : celle du handicap et celle, économique, à l’égard des ressources du conjoint.

Le cadre actuel soumet ces femmes et les expose, plus longtemps et plus durement encore que les compagnes valides, aux violences subies dans le cadre conjugal. Les enfants, covictimes des violences intrafamiliales, sont aussi concernés. Il était donc essentiel de faciliter la reprise d’autonomie des femmes en situation de handicap, beaucoup plus exposées que les femmes valides aux violences au sein du foyer – les femmes autistes le sont de deux à six fois plus.

Nous devons à la regrettée Maudy Piot une connaissance fine des phénomènes de violences qui concernent spécifiquement ces femmes, à l’intersection de la domination patriarcale et de la domination du monde des valides.

Nous pouvons compter sur les travaux et revendications de celles qui ont repris le flambeau de l’association Femmes pour le dire, femmes pour agir pour refuser le statu quo. Tout ou presque est à inventer, à mettre en place, à financer, madame la secrétaire d’État : des places de mise à l’abri d’urgence accessibles aux personnes à mobilité réduite ; des services d’accompagnement accessibles aux personnes malentendantes, etc.

Pour appuyer cette reprise d’autonomie, les socialistes proposeront que l’AAH soit versée directement sur un compte bancaire établi au nom de l’allocataire plutôt que sur un compte joint.

Pour revenir sur les propos du rapporteur, je dirai que la question qui nous est posée au travers du mode de calcul de cette allocation met en lumière le caractère ambigu de la prestation, entre minimum social et prestation de revenus visant à compenser la quasi-impossibilité de subvenir à ses besoins grâce aux fruits de son travail.

À une époque où s’impose de plus en plus le sujet du revenu universel, n’oublions pas que le montant de l’AAH laisse encore un quart de ses allocataires sous le seuil de pauvreté.

En parallèle, la compensation du handicap est l’autre chantier à ouvrir : comment mieux prendre en charge les dépenses induites par l’absence d’autonomie, le besoin d’équipements techniques et d’accompagnement humain ?

À l’automne dernier, lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale, les socialistes avaient relayé l’exigence d’avancer vers une prestation de compensation universelle de la perte d’autonomie, une prestation attendue par les personnes en situation de handicap comme par le secteur médico-social, et sous-tendue par le périmètre de la cinquième branche.

Avec la fin de non-recevoir opposée par le Gouvernement, nous avions compris qu’il était urgent de ne rien faire, d’attendre, au printemps 2021, la discussion parlementaire de la loi Grand Âge et autonomie, promise comme le tournant social du quinquennat, et dorénavant reportée à l’issue de la crise sanitaire.

Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voterons cette proposition de loi, en attendant la prochaine étape.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Burgoa

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, attaché à toujours plus de proximité, notre hémicycle se dotait en janvier 2020 d’une plateforme de pétitions citoyennes voulue par le président Larcher. En janvier dernier, pour la première fois, une pétition hébergée sur cette plateforme dépassait les 100 000 signatures, preuve, s’il en fallait, que la prise en compte du revenu d’un conjoint dans le calcul de l’AAH fait naître un fort sentiment d’injustice.

Cette forte mobilisation donne corps aux centaines de courriers que nous avons pu recevoir en ce sens. Le Sénat s’est toujours beaucoup investi dans l’accompagnement des différents handicaps, souvent sous l’impulsion de notre collègue Philippe Mouiller, dont je souhaite ici saluer le travail.

Le 13 février 2020, c’est contre l’avis du Gouvernement, et avec une minorité de députés En Marche ! présents dans l’hémicycle, que ce texte a pu être adopté à l’Assemblée nationale.

Quel est l’objet de ce débat ?

Il peut s’agir d’un débat budgétaire : revoir ce dispositif de près de 12 milliards d’euros est délicat, alors qu’il nous est difficile d’en évaluer avec exactitude les conséquences, notamment en l’absence de ce que nous appelons une étude d’impact.

Il peut aussi être question de terminologie, au sens où l’AAH fait aujourd’hui partie des minima sociaux. À ce titre, son calcul prend en compte le revenu du conjoint, comme pour tout minimum.

En fait, ce débat est surtout profondément humain, car cette allocation n’est pas un minimum social comme les autres. Il s’agit de permettre à nos concitoyens porteurs de longue date ou nouvellement porteurs d’un handicap de pouvoir s’émanciper et de pleinement s’épanouir au sein de notre société, malgré un accès bien plus difficile à l’emploi.

Aujourd’hui, ce mode de calcul grève, de fait, les revenus de couples dont un des membres serait en situation de handicap. Il place ce dernier sous une forme de tutelle financière de son conjoint et nombreux sont ceux qui ont le sentiment terrible de devenir une charge. N’est-ce pas là l’exact inverse de la vocation de cette allocation ?

Certains pourront me dire qu’en cas de séparation, après tout, l’AAH sera recalculée. Permettez-moi, par anticipation, de leur répondre. D’abord, cette régulation prendra du temps et cette situation mettra sans nul doute ces personnes dans une position très délicate, pour ne pas dire impossible. Ensuite, les statistiques des régimes matrimoniaux le démontrent, un nombre toujours plus important de couples préfèrent désormais gérer leurs revenus séparément. Aussi, je trouve particulièrement dérangeant que nos concitoyens en situation de handicap soient découragés de fonder un foyer : afin de ne pas voir leur AAH s’amoindrir, certains renonceraient à s’unir, leurs enfants étant alors moins protégés des aléas de la vie.

Vous l’aurez compris, je souhaite, comme la commission, déconjugaliser le mode de calcul de cette allocation, et le faire avec méthode. Les évaluations qui ont pu nous être communiquées par la Drees doivent attirer notre attention. En l’état, le texte transmis par l’Assemblée ferait pas moins de 44 000 ménages perdants et, plus grave encore, les gains espérés se concentreraient sur les ménages relativement plus aisés.

Pour ces ménages qui seraient perdants, la commission propose de mettre en place un régime transitoire de dix ans, ce qui me semble judicieux.

Un autre apport de la commission est, selon moi, important. Un plafond de cumul entre les ressources personnelles des bénéficiaires et le montant de la prestation permet d’orienter ce système de solidarité vers ceux qui en ont le plus besoin.

Enfin, bien sûr, je me réjouis du report à 65 ans de la barrière d’âge pour solliciter le bénéfice de la PCH. C’est une nécessité au vu de l’allongement de la durée de vie.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, c’est avec ces nouvelles garanties que je voterai en faveur de ce texte, tout comme mon groupe.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bouloux

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée en septembre 2019, a été adoptée par l’Assemblée nationale, contre l’avis du Gouvernement, en février 2020.

Si, près d’un an plus tard, l’opportunité nous est donnée de procéder à son examen, c’est grâce à la plateforme de dépôt de pétitions en ligne mise en place par le Sénat en janvier 2020. Tout citoyen peut désormais solliciter l’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée d’une proposition de loi. Les pétitions qui recueillent plus de 100 000 signatures en six mois sont transmises à la conférence des présidents. Ainsi, la démocratie participative peut, sans s’y substituer, enrichir la démocratie représentative. Je remercie donc le président Larcher et le bureau du Sénat d’avoir su ainsi moderniser le droit de pétition.

Venons-en au texte.

Favoriser la justice sociale, telle est l’ambition de la proposition de loi que plus de 108 000 citoyens ont souhaité que nous examinions.

Créée en 1975, l’allocation aux adultes handicapés est la deuxième prestation de solidarité en France, avec quelque 1, 2 million de bénéficiaires, pour 11 milliards d’euros. Elle est versée aux personnes âgées de 20 ans et plus qui justifient d’un taux d’incapacité supérieur à 50 %. Son montant varie en fonction des revenus du conjoint et de la composition du foyer.

Les articles 2 et 3 de ce texte ont pour objet de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de cette allocation, ainsi que dans son plafonnement.

Ils répondent à une forte attente des personnes handicapées. Se déclarer en couple, c’est bien souvent perdre son allocation. À la dépendance physique s’ajoute alors la dépendance financière. Seuls 22 % des allocataires se déclarent en couple.

Pour justifier votre opposition à ce texte, madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué la qualification de « minimum social » de cette allocation, qui impliquerait que la solidarité familiale prime la solidarité nationale. Raisonner de la sorte, c’est oublier le caractère particulier de l’AAH : contrairement aux autres minima sociaux, ses bénéficiaires n’ont souvent aucune perspective de retour à l’emploi. Dès lors, il ne s’agit pas d’une aide temporaire, mais d’une aide pérenne qui vise à compenser une certaine incapacité de travailler. C’est pourquoi son montant est plus élevé que celui du RSA.

Preuve de son caractère compensatoire, l’AAH a été retirée des discussions sur le revenu universel d’activité.

Ne plus tenir compte du revenu du conjoint dans le calcul de l’AAH, c’est donner de l’autonomie aux personnes handicapées, les autoriser à s’émanciper. Dans une société si peu adaptée au handicap, on ne peut qu’y être favorable.

Je salue le travail de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, Philippe Mouiller, qui ont prévu un dispositif transitoire pour les perdants de cette réforme.

En effet, ne plus tenir compte des revenus familiaux, c’est également ne plus tenir compte des personnes à charge. À cet égard, il est pour le moins singulier que les administrations des ministères sociaux n’aient pas été en capacité de fournir d’éléments chiffrés permettant d’évaluer les conséquences de ces dispositions.

Le texte repousse enfin de 60 à 65 ans l’âge limite permettant de bénéficier de la prestation de compensation du handicap. Cette mesure de bon sens reprend les recommandations de l’inspection générale des affaires sociales.

Le Président de la République a fait du handicap une priorité du quinquennat, mais depuis maintenant quatre ans, si quelques mesures ont bien été prises, aucun projet d’ampleur ne nous a été soumis.

Alors qu’un million de bénéficiaires de l’AAH vivent avec 819 euros par mois, le temps n’est plus à la revalorisation, mais bien à la réforme.

Bien que ce texte soit insatisfaisant, puisqu’il y aura des perdants, le groupe Les Républicains le votera, car il constitue un premier pas vers l’individualisation et l’autonomie de la personne handicapée.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je serai le dernier orateur de cette discussion générale. Beaucoup de témoignages ont donc déjà été parfaitement fournis et soutenus par tous nos collègues qui se sont exprimés avant moi, mais je voudrais à mon tour souligner certains aspects de cette proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale.

Rappelons d’abord que ce texte, adopté par l’Assemblée nationale, vise à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés. Vous avez rappelé, madame la secrétaire d’État, certaines dates, dont celle de la création de l’AAH, en 1975.

Nous examinons le présent texte dans un contexte très compliqué par la crise sanitaire actuelle ; le sujet est donc particulièrement sensible et réellement d’actualité.

Cette proposition de loi a été inscrite à l’ordre du jour du Sénat à la suite du succès d’une pétition déposée sur la plateforme e-pétitions selon une procédure expérimentale ouverte à tous par le président du Sénat, Gérard Larcher, depuis janvier 2020, et ce avant même que le nombre de ses signataires n’atteigne le seuil de 100 000 personnes.

Il me faut rappeler quelques chiffres, même si le volet humain est naturellement prioritaire. Les deux rapporteurs spéciaux de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour notre commission des finances, Arnaud Bazin et Éric Bocquet, nous le rappellent chaque année, tout particulièrement à l’occasion de l’examen de la loi de finances pour 2021. Les crédits de paiement de cette mission s’élèvent à 26, 1 milliards d’euros, parmi lesquels 12, 4 milliards d’euros sont consacrés au programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », qui comprend la prime d’activité, et 12, 5 milliards d’euros au programme 157, « Handicap et dépendance », dont relève l’AAH ; enfin, 1, 2 milliard d’euros vont au programme 124, « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », et plus de 41 millions d’euros au programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes ». Un certain nombre de nos collègues ont insisté sur le sujet de société malheureusement très important que représentent les violences faites aux femmes.

Le partenariat entre État et départements en la matière doit être consolidé ; cela est rappelé dans le rapport de notre collègue Cécile Cukierman, fait au nom de la mission d’information « Quel rôle, quelle place et quelles compétences des départements dans les nouvelles régions fusionnées, aujourd’hui et demain ? », présidée par Arnaud Bazin.

Il convient de raisonner sur des bases équitables et de lever les points de tension qui subsistent entre l’État et les départements. Ainsi, dans mon département des Ardennes, on connaît des problèmes autour du RSA et de la compensation financière de la PCH prévue par la loi du 11 février 2005, qui visait à compenser les besoins de l’autonomie en lien avec les départements : la PCH représente un coût de 2, 6 milliards d’euros.

Enfin, au budget de l’État s’ajoute le budget de la sécurité sociale, comme Philippe Mouiller l’a largement expliqué : l’autonomie et la dépendance sont à cet égard une branche qu’il convient de définir clairement.

Au vu de ces éléments, notre groupe soutiendra cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

(Suppression maintenue)

(Non modifié)

À la première phase du dernier alinéa de l’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « est marié ou vit maritalement ou est lié par un pacte civil de solidarité et » sont supprimés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voulais dire quelques mots au moment où nous entamons l’examen des articles portant déconjugalisation du calcul de l’AAH.

Madame la secrétaire d’État, votre situation n’est pas des plus confortables, puisque vous venez discuter avec nous d’une proposition de loi qui a été adoptée par l’Assemblée nationale contre l’avis du Gouvernement. Nous nous souvenons des conditions de cette adoption, quelques jours après une polémique sur le vote de la majorité contre le prolongement du congé lié à la perte d’un enfant ; celle-ci ne voulait plus passer pour insensible aux questions d’humanité.

Aujourd’hui, vous êtes favorable au maintien de la conjugalisation de l’AAH. Ce n’est pas l’avis des associations et des collectifs de personnes en situation de handicap ; ce n’est pas non plus l’avis de vos grands partenaires que sont la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et le Comité national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Vous avancez l’idée selon laquelle 44 000 bénéficiaires de cette allocation seraient perdants. Nous voudrions savoir comment ce chiffre a été calculé : malgré un effort considérable pour centraliser les données liées au handicap, nombre d’entre elles restent aujourd’hui éclatées, à l’image des chiffres du chômage des personnes en situation de handicap, dont nous ne disposons que trop peu souvent.

M. le rapporteur vous a bien rappelé qu’un mécanisme de droit d’option suffirait à enrayer les effets négatifs de ce texte. Contrairement à ce que j’ai entendu, ce ne serait ni complexe ni discriminatoire.

En première lecture à l’Assemblée nationale, vous avanciez des arguments d’ordre idéologique, au sens tout à fait positif de ce terme, et humain : l’importance de la solidarité nationale et l’investissement sur l’emploi plutôt que l’aide sociale. Depuis lors, une année a passé, une crise sanitaire et un changement de gouvernement sont passés par là.

Aujourd’hui, nous entendons également des arguments de nature budgétaire. Certes, les personnes en situation de handicap bénéficient d’abattement, mais vous savez comme nous que tout est plus cher quand on est en situation de handicap : les études, les déplacements, la vie quotidienne, l’équipement informatique, ou encore l’immobilier. L’émancipation par le droit commun ne se limite pas au travail et à la scolarisation : c’est aussi de pouvoir vivre décemment.

Alors, madame la secrétaire d’État, lors de la Conférence nationale du handicap, en février 2020, le Président de la République a déclaré : « Ce que nous poursuivons n’est pas de ne pas s’occuper ou de moins s’occuper de ces Françaises et de ces Français, au contraire. » En voici l’occasion !

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les articles 2 et 3 affirment la solidarité nationale par rapport à la solidarité familiale en supprimant la prise en compte des revenus du conjoint pour l’obtention de l’AAH à taux plein.

Je voudrais rappeler que cette allocation a été créée en 1975 par le gouvernement de Jacques Chirac ; elle bénéficie à 1, 2 million de personnes, pour un coût de 11 milliards d’euros. La prise en compte des revenus du conjoint peut entraîner, comme cela a été expliqué, une diminution importante des revenus, jusqu’à la suppression de cette allocation. C’est l’expression de la solidarité familiale, qui peut entraîner une relation de dépendance financière vis-à-vis du conjoint, ce qui est source de violence, même si celle-ci n’est pas toujours financière.

Les études réalisées montrent aussi que les modifications apportées par cette proposition de loi, dans sa version originale, peuvent créer des perdants : Mme la secrétaire d’État a affirmé que 44 000 couples en pâtiraient, voire 125 000 en cas de suppression de la majoration de plafond pour enfant à charge. Ces ménages subissent un réel préjudice.

Je voudrais donc rendre hommage à notre commission des affaires sociales et à son rapporteur, qui ont rééquilibré ce texte. Le retrait du calcul des revenus du conjoint du calcul va coûter entre 560 millions et 2 milliards d’euros, selon les projections. Je rejoins Olivier Henno : on ne pourra pas individualiser l’ensemble des prestations, du fait de la nécessité de contrôler les dettes publiques.

Il convient aussi de proposer une transition pour les bénéficiaires de l’AAH qui pourraient perdre des revenus du fait d’une déconjugalisation des prestations. Surtout, à l’article 3, la commission a rétabli le plafonnement du cumul des prestations de l’AAH avec les ressources personnelles du bénéficiaire, puisque sa suppression coûtait 20 milliards d’euros.

Je rends donc hommage à notre rapporteur Philippe Mouiller, dont le travail a produit ce texte équilibré.

L ’ article 2 est adopté.

Le premier alinéa de l’article L. 821-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Les mots : « et, s’il y a lieu, de son conjoint, concubin ou partenaire d’un pacte civil de solidarité » sont supprimés ;

2° Les mots : « est marié, concubin ou partenaire d’un pacte civil de solidarité et » sont supprimés.

Debut de section - PermalienPhoto de Mickaël Vallet

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite m’exprimer sur l’amendement que j’ai déposé afin de compléter l’article 3 de cette proposition de loi. J’entends ainsi combler une faille de ce texte, dont je soutiens par ailleurs le principe général.

Si cette proposition de loi est adoptée, elle mettra fin à une inégalité qui voyait le bénéficiaire de l’AAH dépendre des revenus de son époux pour le calcul du montant de cette allocation pendant le mariage ; c’est bien ainsi.

Néanmoins, on ne peut pas raisonner en considérant simplement l’avant, le pendant, et l’après-mariage. Il existe un autre temps encore, celui de la transition entre la séparation de fait d’époux toujours mariés en droit, mais engagés dans une procédure de divorce, et l’obtention d’un jugement de divorce définitif.

Concrètement, de quoi est-il question ? Un couple marié décide de se séparer. L’un des deux conjoints est bénéficiaire de l’AAH et a moins de revenus que l’autre ; il s’agit presque toujours, évidemment, de l’épouse. Chacun prend un logement distinct ; ils passent devant le juge pour obtenir une ordonnance de non-conciliation, situation aujourd’hui on ne peut plus fréquente.

Parmi les mesures à la disposition du juge en cas de disparité de revenus entre époux figure la pension de secours, filet de sécurité indispensable et très utilisé. Cette pension permet au conjoint percevant un moindre revenu de ne pas être dépendant des revenus de son époux pour traverser la période transitoire jusqu’au divorce dans les moins mauvaises conditions possible.

Le juge se trouve pourtant privé de la possibilité pratique d’accorder à l’épouse bénéficiaire de l’AAH la pension de secours à laquelle elle a droit, car cette pension entre dans le calcul de l’AAH, ce qui est assez ubuesque du point de vue de l’usager. L’épouse bénéficiaire de l’AAH qui divorce doit donc quasiment choisir entre demander une pension de secours et conserver son AAH, alors que cette pension et cette allocation ne remplissent pas les mêmes fonctions et sont toutes les deux indispensables.

L’adoption de l’amendement n° 4 permettrait à la proposition de loi de produire ses pleins effets pendant toute la durée du mariage. Cela permettrait à une bénéficiaire de l’AAH de ne pas dépendre de son époux dans la période allant de l’ordonnance de non-conciliation au divorce définitif, alors que cette période et les injustices qui peuvent en découler peuvent durer des années. Nous pouvons mettre fin à cette inégalité ; cet amendement le permet. Je vous remercie par avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’amendement n° 4, présenté par M. M. Vallet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Après le premier alinéa du même article L. 821-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les ressources de l’intéressé tirées des créances d’aliments qui lui sont dues au titre des obligations instituées par les articles 203, 212, 214, 255 et 371-2 du code civil, ainsi que de la prestation compensatoire due au titre de l’article 270 du même code, sont exclues du montant des ressources servant au calcul de l’allocation dans la limite d’un plafond fixé par décret. »

La parole est à M. Mickaël Vallet.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Cet amendement tend à retirer de l’assiette des revenus pris en compte pour calculer l’AAH les créances nées des liens du mariage : pension alimentaire, participation aux charges du foyer, ou encore prestation compensatoire après un divorce.

L’argument peut surprendre : alors qu’on présentait l’AAH conjugalisée comme un obstacle à la vie en couple, voilà qu’elle apparaît aussi empêcher le divorce ! On comprend cependant l’intention de l’auteur, qui veut retirer à l’AAH son caractère subsidiaire à certaines ressources, dont celles qui peuvent naître, en cas de divorce, du manquement aux obligations qu’un conjoint a envers l’autre. L’idée est que l’AAH devrait être une allocation compensant un état et ne devrait donc pas donner lieu à interférence avec la perception d’autres ressources.

Il faudrait toutefois distinguer les logiques de ces différentes créances. La pension versée en application du devoir de secours vise le conjoint qui se retrouverait dans le besoin. La logique étant proche de celle de l’AAH, il n’est pas absurde que les deux prestations ne soient pas cumulables.

La prestation compensatoire vise quant à elle à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, sauf qu’elle n’est en principe pas prise en compte dans le calcul de l’AAH, parce qu’elle n’est pas imposable, dès lors qu’elle est versée dans les douze mois suivant le prononcé du divorce. Elle peut donc en principe être cumulée avec l’AAH, ce qui satisfait l’amendement.

De ce fait, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Monsieur le sénateur, vous demandez que les pensions que pourrait recevoir un bénéficiaire de l’AAH en application du code civil soient exclues des ressources prises en compte pour le calcul de cette allocation, ce qui aurait pour objet de faciliter les séparations.

Je tiens d’abord à signaler que ces pensions peuvent être de nature différente. Elles ne concernent pas seulement les prestations alimentaires, les pensions alimentaires, ou les prestations compensatoires entre ex-conjoints, mais aussi les versements effectués par les parents pour venir en aide à leurs enfants.

Vous savez combien je suis attentive à protéger les droits des personnes en situation de handicap et, en particulier, des femmes victimes de violence, mais la solution que vous proposez ne me semble pas traiter le problème bien réel de la non-perception des pensions alimentaires ou des prestations compensatoires. Des dispositifs existent qui permettent aux caisses d’allocations familiales de procéder au recouvrement des sommes dues dès le premier impayé, ou encore de verser une allocation de substitution à la pension alimentaire de 115 euros.

Il nous faut maintenant nous assurer que ces femmes fassent valoir pleinement leurs droits. C’est pourquoi j’ai lancé des travaux portés par des acteurs de terrain afin de pouvoir identifier des leviers réellement opérants pour un accompagnement adapté et le plus protecteur contre l’emprise dont elles peuvent faire l’objet. Je suis donc défavorable à cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 3 est adopté.

Jusqu’au 31 décembre 2031, toute personne qui, à la date de la promulgation de la présente loi, a des droits ouverts à l’allocation aux adultes handicapés peut, à sa demande et tant qu’elle en remplit les conditions d’éligibilité, continuer d’en bénéficier selon les modalités prévues aux articles L. 821-1 et L. 821-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à cette date. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 821-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le versement de l’allocation aux adultes handicapés doit se faire sur un compte bancaire individuel au nom de l’allocataire. »

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Afin d’éviter le versement sur un compte joint, qui pourrait priver la personne en situation de handicap de l’autonomie de gestion de ses ressources, ce qui constitue un facteur de dépendance supplémentaire, il est proposé de rendre obligatoire le versement de l’AAH sur un compte bancaire individuel au nom de l’allocataire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Cet amendement vise à obliger la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) à verser l’AAH sur le compte bancaire individuel du bénéficiaire. Il s’agit d’éviter qu’une éventuelle dépendance d’un allocataire de l’AAH vis-à-vis de son conjoint ne soit accrue par l’impossibilité de disposer à sa guise de son allocation.

On comprend les motivations de l’auteur de cet amendement. Toutefois, la CNAF peut déjà verser la prestation sur un compte individuel, puisqu’elle le fait sur le compte que le bénéficiaire aura indiqué. Il n’est sans doute pas opportun d’en faire une obligation ; certains allocataires préfèrent d’ailleurs sans doute que l’AAH soit versée sur un compte joint. Nous avons consulté sur ce point les associations du monde du handicap, qui sont mitigées quant à une telle obligation.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Votre amendement, madame la sénatrice, vise à conditionner le versement de l’AAH à l’ouverture d’un compte bancaire individuel au nom du bénéficiaire. Son objet est de garantir l’autonomie financière de l’allocataire.

Cependant, je tiens à vous rappeler qu’il est d’ores et déjà possible pour un allocataire de demander que sa prestation soit versée sur son compte bancaire personnel et que cette demande peut être faite à tout moment. Cet amendement me semble donc inutile, d’autant qu’il pourrait aller à l’encontre de la décision prise d’un commun accord par la personne bénéficiaire de l’AAH et son conjoint de partager le compte bancaire.

Je suis bien sûr, comme vous, très attachée à la libre disposition par les allocataires de leurs prestations et très sensible à la situation des femmes en situation de handicap victimes de violences conjugales. Je pense toutefois que la solution réside davantage dans le renforcement de l’accompagnement de ces femmes, pour leur permettre de mener à bien leurs démarches en matière de compte bancaire comme de logement ou d’accès aux droits. C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant l’impact de l’application de la présente loi sur les personnes dont la levée du plafond de couple pour le droit à l’allocation aux adultes handicapés fait baisser leur niveau de ressources. Ce rapport présente les modalités possibles d’adaptation pour remédier à cela.

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Je présente cet amendement sans illusion, puisqu’il s’agit d’une demande de rapport et que je connais le sort de ces demandes au Sénat.

Cet amendement vise donc à demander un rapport qui évalue l’impact réel de l’application de cette proposition de loi et nous fasse connaître dans le détail la source et le mode de calcul des chiffres annoncés par Mme la secrétaire d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

L’auteur de cet amendement a déjà évoqué notre position sur les demandes de rapport, qui explique l’avis défavorable de la commission.

En tout cas, il est certainement urgent de remettre sur la table les évaluations et les calculs. On voit bien qu’on manque aujourd’hui d’outils statistiques précis. C’est un message que nous devons porter dans cet hémicycle et auprès du Gouvernement, afin de pouvoir disposer d’éléments tangibles d’analyse et, surtout, d’avoir la capacité réelle d’aborder le futur projet de loi sur l’autonomie avec des instruments de travail efficaces.

Au-delà d’un tel rapport, je propose donc que la commission des affaires sociales se saisisse de ces enjeux le plus rapidement possible.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

L’examen de cet amendement souligne une nouvelle fois que nos discussions ne s’appuient pas sur une évaluation partagée par l’ensemble des acteurs et prenant en compte les conséquences réelles pour nos concitoyens de la réforme que vous proposez. C’est un vrai enjeu de société que de travailler à l’amélioration de ces dispositifs et de cette connaissance ; nous devons y travailler. Cela dit, en l’occurrence, je suis défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

J’entends bien la position du Gouvernement. D’ailleurs, dans votre intervention en ouverture de la discussion générale, vous nous avez annoncé que vous alliez travailler à essayer de bien évaluer les différents dispositifs afin d’aller dans un sens positif pour les personnes en situation de handicap.

Mais j’ai quand même un doute. En effet, madame la secrétaire d’État, vous nous aviez déjà dit la même chose en 2018 : vous avez évoqué la nécessité d’une étude d’impact pour refuser la proposition de loi de notre collègue députée Marie-Georges Buffet. Ce n’était peut-être pas vous-même qui aviez donné cet argument, mais c’était en tout cas un membre du Gouvernement. La même chose s’est produite au Sénat : quand nous avons déposé notre proposition de loi sur ce sujet en 2018, le Gouvernement nous a opposé le besoin de mener une étude d’impact. Et la même chose s’est produite en commission !

Alors, entre 2018 et 2021, ce n’est pas un scoop de le dire, mais trois ans se sont écoulés ! Alors, pour faire une étude d’impact, il me semble que vous avez eu le temps. Je pense quand même que, si les études d’impact sont effectivement des éléments importants, l’initiative parlementaire existe aussi.

Des avancées considérables ont été apportées à la proposition de loi initiale, de manière à prendre en compte les perdants ; cela a été notre souci sur toutes les travées de cette assemblée. Je trouve dommageable que l’on demande encore du temps pour des études d’impact : du coup, ce sont les personnes en situation de handicap qui en souffrent.

Une délégation de sénatrices et de sénateurs, constituée largement, mais pas uniquement, de membres de notre groupe, s’est rendue devant le Sénat tout à l’heure pour y rencontrer des manifestants très soucieux de l’individualisation de cette allocation. Nous aimerions que les choses aillent nettement plus vite et que vous souteniez, madame la secrétaire d’État, les propositions qui sont faites dans cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

C’est bien l’occasion, madame la secrétaire d’État, de se pencher sur l’ambiguïté du dispositif et sur la situation dans laquelle vous vous êtes mise en vous opposant à ce texte.

Je voudrais rappeler que cette allocation n’est pas un revenu universel, puisque le Président de la République l’a exclu du panier du revenu universel d’activité. Elle ne relève pas non plus de la cinquième branche de la sécurité sociale.

On peut donc se poser des questions tout à fait logiques quant à son financement. Relèvera-t-il du budget de l’État, ou bien, à travers cette cinquième branche destinée à prendre en charge les problèmes de dépendance, de handicap et de perte d’autonomie, du budget de la sécurité sociale ?

La présente proposition de loi est financée, en l’état, par les taxes sur le tabac. Cela ne va pas durer aussi longtemps que les contributions, on le sait bien, mais il faudra bien répondre à toutes ces questions ; vous ne l’avez pas encore fait.

En ce qui concerne l’impact financier de ce texte, j’ai eu une discussion très intéressante hier avec votre assistante parlementaire, madame la secrétaire d’État, qui me disait que l’impact du dispositif de transition pour les 44 000 personnes affectées négativement s’élèverait à 2 milliards d’euros. Ce chiffre n’a pas été évalué dans le détail ! Je vois M. le rapporteur opiner de la tête ; c’est bien qu’un certain nombre d’imprécisions demeurent.

Il est donc particulièrement difficile d’avancer en direction d’une prestation favorable au monde du handicap sans en mesurer exactement l’impact ni savoir sur quel budget cela pèsera.

C’est pourquoi, en tant que président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, je me demandais s’il ne conviendrait pas que nous menions une mission à ce sujet, mais je ne sais même pas, aujourd’hui, si cette allocation relève des comptes sociaux. Il est quand même assez extraordinaire qu’on ne puisse même pas proposer une mission d’évaluation de cette prestation ! Il faudra bien réussir, madame la secrétaire d’État, à préciser la place exacte de l’allocation aux adultes handicapés par rapport aux autres prestations sociales ou familiales, qu’elles dépendent du budget de l’État, de celui de la sécurité sociale, ou encore de celui des départements, sur lesquels elles ont un impact significatif.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

En effet, monsieur Savary, nous avons eu un début de discussion identique lors de l’audition.

Je réaffirme haut et fort que l’AAH est un minimum social, inscrit dans le budget de l’État. En tant que tel, il se doit d’être fiscalisé, conjugalisé et familialisé, comme toute allocation concernant les couples.

Si l’AAH a été évacué du RUA, c’est en raison de la contrepartie de reprise d’activité, dont les personnes en situation de handicap ne sauraient bénéficier. Tel était le sens de la parole forte du Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap.

Quant à la PCH, elle est bien une prestation individuelle, sans condition de ressources, qui traite la situation de handicap.

J’espère ainsi clarifier les choses.

C’est d’ailleurs bien pour cette raison, madame la sénatrice, que l’État a redéployé 25 millions d’euros dans les systèmes informatiques des MDPH. La loi de 2005 n’est pas allée au fond en ce qu’elle a préservé l’autonomie des départements de choisir leur système informatique… Cela nous a fait perdre quinze ans ! Aujourd’hui, les départements disposent enfin d’un système informatique commun afin de partager les besoins et les moyens mis à disposition des personnes en situation de handicap.

Nous améliorerons encore la situation pour évaluer les aides octroyées et les besoins des personnes concernées !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Monsieur Savary, je concède que les évaluations de ce texte sont pour la plupart très complexes, mais celle qui est relative à l’impact sur les perdants est claire, car l’on connaît les montants qu’ils perçoivent. Nos travaux ont ainsi estimé l’impact à 140 millions d’euros : c’est très loin des 2 milliards d’euros évoqués ! Je tenais à le préciser.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

(Non modifié)

Au premier alinéa du I de l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles, après la première occurrence du mot : « décret », sont insérés les mots : « qui ne peut être inférieure à 65 ans ».

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’amendement n° 6, présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa du I de l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’âge limite fixé par décret est réévalué tous les cinq ans après concertation avec les représentants des départements et en tenant compte des évolutions démographiques. »

La parole est à M. Xavier Iacovelli.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

L’article 4, dans sa rédaction actuelle, est porteur d’une grande complexité.

Celle-ci est d’abord logistique, du fait de la modification de l’article L. 245-1 du code l’action sociale et des familles et de l’ajout d’une limite à celle fixée par décret, de façon explicite.

La complexité est aussi administrative, comme l’a souligné M. le rapporteur. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a admis que la gestion d’un droit d’option représente une lourdeur administrative pour les services chargés de l’instruction des prestations, notamment sur les territoires n’ayant pas mis en place de maison départementale de l’autonomie, assurant la gestion conjointe de l’APA et de la PCH. La concurrence entre ces deux prestations serait également source de complexité pour les usagers et leurs aidants.

Enfin, la complexité est aussi financière pour les départements, en raison du coût représenté par l’ajout de la limite à 65 ans, soit 20 millions d’euros, qui ne serait pas partiellement compensé par l’État.

En dépit de ces complexités, aucune concertation avec les départements n’a eu lieu, alors même qu’ils sont au premier plan de la mesure.

Nous proposons de pallier cette situation, en permettant que l’âge limite soit régulièrement réévalué. S’il n’était pas nécessaire de modifier l’âge déjà défini tous les cinq ans, celui-ci resterait le même. Il n’y aurait donc aucune nouvelle complexité pour les départements sans leur accord, ce qui n’est pas le cas dans la rédaction actuelle de l’article.

Cette réévaluation serait réalisée suite après une concertation avec les départements. Il est regrettable que soit prise une décision ayant un impact considérable, sans inclure les départements à la réflexion.

Cet amendement vise à assurer qu’à l’avenir, l’âge limite puisse évoluer afin de répondre au mieux aux situations des personnes handicapées, et de permettre aux départements d’être au cœur de la concertation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

La plaidoirie de notre collègue manifeste une position particulièrement défavorable à cet article, et plus généralement à l’ensemble du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Lorsque nous avons travaillé sur le sujet, nous avons mené une concertation auprès des départements, nous leur avons demandé leur avis. Ils nous ont d’ailleurs fait remarquer, à cette occasion, qu’il s’agissait là d’une vieille revendication…

Nous avons fait réaliser avec la Drees une estimation, qui a été confortée par les départements. Elle a indiqué que le coût pouvait être fixé entre 5 et 20 millions d’euros – en augmentant la PCH et en diminuant l’APA.

Je crains que votre volonté de simplification n’ajoute en fait une certaine complexité. Le vrai sujet concernant la PCH est la notion de « parcours de vie », l’étape suivante étant de prendre en considération les besoins de la personne, quel que soit son âge. Il y a donc cet arbitrage sur l’accompagnement.

J’insiste : le système intermédiaire que vous proposez apporterait encore plus de complexité.

En revanche nous sommes d’accord sur l’urgence d’un texte sur l’autonomie, afin que l’on puisse mener une concertation avec les départements pour la prise en charge des personnes concernées – c’est un point essentiel !

L’avis de la commission est défavorable.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Je vous remercie, monsieur le sénateur, de porter par votre amendement la voix des départements.

Au titre des politiques du handicap, champ dans lequel l’État agit en coresponsabilité avec les départements, je défends une démarche systématique de concertation et d’entente sur les objectifs. En témoigne l’accord de méthode inédit entre l’État et l’Assemblée des départements de France (ADF), signé par le président Bussereau, qui a permis d’améliorer de façon significative le fonctionnement et la feuille de route des MDPH.

Je regrette également cette absence de concertation avec les départements, alors que la mesure adoptée représente à la fois une charge financière nouvelle et une source importante de complexité pour les usagers, leur famille et les services chargés de les orienter dans les démarches.

Ce nouveau dispositif instaurant un droit d’option entre PCH et APA pour les publics de 60 à 65 ans aurait évidemment dû faire l’objet d’une beaucoup plus grande concertation.

Dans cet état d’esprit, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée pour veiller aux intérêts des collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Nous sommes tous ici défenseurs de nos départements. La seule chose qui nous intéresse est de replacer la personne handicapée au sein du dispositif, quel que soit l’individu qui paye les prestations. C’est un sujet très intéressant.

Même si nous portions l’âge limite à 65 ans – un individu bénéficiant d’une PCH va vers la dépendance par le biais de l’APA – ne changera pas les choses ! Une barrière d’âge sera toujours une barrière ! En outre, la personne reste identique : à la veille de son anniversaire, elle a le même handicap, qui le lendemain devient une dépendance… Ce n’est pas concevable !

Il faut, madame la secrétaire d’État, une meilleure articulation entre ces types de prestation et simplifier la vie des personnes en situation de dépendance.

Avec les moyens numériques, les demandes sont les mêmes : foyer, lieu d’habitation, revenus, etc. Il y a, en l’état, un panel administratif extraordinaire dont la France a l’habitude… Or les personnes concernées doivent pouvoir passer d’une prestation à l’autre sans barrière ! C’est l’occasion de travailler non pas sur une concurrence, mais sur un rapprochement sur l’instruction de ces deux prestations, de façon à améliorer le service rendu.

On ne peut pas dire qu’aucune concertation n’ait eu lieu. Les départements, bien évidemment, sont au courant de cette prestation ! Certains d’entre eux y sont favorables tandis que d’autres n’y sont pas encore prêts.

Qu’il y ait ou non une maison départementale de l’autonomie, l’important est d’aller vers un rapprochement de l’instruction des prestations. On pourrait penser qu’il y a un choix. Même s’il existe deux instructions, ce sont les mêmes éléments. Les moyens digitaux, quant à eux, permettront de déterminer la réponse financière adéquate à l’une ou l’autre des prestations.

La formule, bien qu’elle ne soit pas encore idéale, doit contribuer à la réflexion afin d’améliorer le dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

L’article 4 prévoit de relever la barrière d’âge pour solliciter la PCH, améliorant ainsi la couverture des besoins des personnes de plus de 60 ans éligibles à l’APA.

Je suis d’accord avec M. Savary : il faut s’efforcer de rapprocher l’instruction des deux prestations !

La PCH est une aide versée par le département qui permet de rembourser les dépenses liées à la perte d’autonomie. Cinq types d’aide sont disponibles : aide humaine, aide technique, aide pour l’aménagement du logement, aide pour compenser le surcoût des transports et aide concernant les charges spécifiques.

Je rappelle qu’après 60 ans, la PCH ne pouvait être réclamée par une personne porteuse de handicap, sauf si ce dernier existait avant la limite d’âge. Dans ce cas, la demande pouvait être portée jusqu’à 75 ans. La loi du 11 février 2005 prévoyait déjà, dans un délai de cinq ans, de faire évoluer la limite d’âge.

La PCH est a priori plus avantageuse que l’APA. Je suis favorable à ce que l’on porte la limite d’âge à 65 ans, et le dispositif doit sûrement être rapproché de l’APA. Mais cela a un coût : une compensation de l’État au bénéfice des départements est donc nécessaire, ainsi que, comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État, un accord des conseils départementaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Sur la question de la complexité, je me suis contenté de reprendre les éléments de votre rapport, monsieur Mouiller !

Notre collègue Savary a raison de souligner la complexité du dispositif. D’où l’importance d’avoir une vraie concertation avec l’ensemble des départements et les associations concernées, afin d’aboutir à un système plus simple pour les usagers et moins contraignant. Le dispositif ne saurait être une source de complexité administrative pour les départements, vu leur situation actuelle !

Je maintiens donc mon amendement et vous invite à l’adopter.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 4 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Savin, Mmes L. Darcos et Schalck, MM. Hugonet et Détraigne, Mme Berthet, MM. Bonnus, Laugier, Levi et D. Laurent, Mme Loisier, M. Regnard, Mme N. Delattre, MM. Houpert et Bonne, Mme Joseph, MM. Burgoa, Pellevat et B. Fournier, Mmes Dumas, Chauvin et Malet, MM. Charon, Perrin et Rietmann, Mme Dumont, MM. A. Marc, Pointereau et Vogel, Mmes Raimond-Pavero, Lassarade, Belrhiti et Richer, MM. Darnaud et Lefèvre, Mme Deromedi, M. Menonville, Mme M. Mercier, M. Babary, Mme Demas, MM. Savary, Bas et Dallier, Mmes Drexler et Puissat, M. Guerriau, Mme Lopez, MM. Mandelli, Husson, Bouchet et Klinger, Mmes Billon et Garriaud-Maylam, M. Laménie, Mmes Gosselin et Jacquemet, M. Wattebled, Mmes Doineau et Ventalon et MM. E. Blanc, Cambon, Hingray et P. Martin, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 245-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« - les primes liées aux performances versées par l’État aux sportifs de l’équipe de France médaillés aux jeux paralympiques. » ;

2° Le second alinéa de l’article L. 344-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce minimum ne tient pas compte des primes liées aux performances versées par l’État aux sportifs de l’équipe de France médaillés aux jeux paralympiques. » ;

3° Après la première phrase du 1° de l’article L. 344-5, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ce minimum ne tient pas compte des primes liées aux performances versées par l’État aux sportifs de l’équipe de France médaillés aux jeux paralympiques. »

II. – Après le premier alinéa de l’article L. 821-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les ressources de l’intéressé tirées des aides ponctuelles attribuées par l’Agence nationale du sport et des primes liées aux performances versées par l’État aux sportifs de l’équipe de France médaillés aux jeux paralympiques sont exclues du montant des ressources servant au calcul de l’allocation. »

La parole est à M. Michel Savin.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Cet amendement tend à exclure les primes versées par l’État aux sportifs de l’équipe de France médaillés aux jeux Paralympiques du calcul du plafond de ressources d’attribution des différentes prestations sociales versées aux personnes en situation de handicap : AAH, prestation de compensation du handicap et forfait journalier en cas de séjour dans un établissement médico-social.

Cet amendement vise également à exclure les aides ponctuelles attribuées par l’Agence nationale du sport (ANS) du calcul du plafond de ressources d’attribution de l’AAH. Dans le cadre du soutien aux sportifs de haut niveau, l’ANS verse des aides ciblées à certains sportifs pour contribuer à leur préparation sportive et soutenir leur performance, notamment dans la perspective des jeux Paralympiques. Or certains bénéficiaires de ces aides ponctuelles, dès lors qu’ils les reçoivent, sont privés de l’AAH.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Cet amendement tend à retirer les primes de performances des sportifs paralympiques de l’assiette des ressources prises en compte pour le calcul de l’AAH. Ces dispositions se contentent de codifier plus précisément l’intention du législateur, figurant à l’article 90 du collectif budgétaire pour 2012, lequel prévoyait l’exclusion de ces primes des revenus pris en compte pour l’attribution des prestations, en espèces ou en nature, versées aux personnes du fait de leur handicap.

L’amendement ajoute que les aides ponctuelles de l’ANS, elles aussi, sont exclues de la base de calcul de l’AAH, l’article 40 empêchant de faire de même pour les autres dispositifs – PCH ou forfaits journaliers.

Dans la mesure où cet amendement correspond à notre motivation, la commission émet un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Le Gouvernement salue les compétences et le rôle de modèle des athlètes paralympiques, qui donnent à voir à nos concitoyens la situation de handicap sous un angle différent.

Il n’est cependant pas envisagé de permettre l’exclusion de ces primes et aides ponctuelles des ressources prises en compte pour le calcul de l’AAH ou des autres prestations. C’est une question d’équité de traitement entre les bénéficiaires dans la prise en compte de leurs revenus, qu’ils soient issus de leur exploit sportif ou d’autres activités.

L’avis est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Aujourd’hui les ressources des personnes handicapées ne sont pas mirobolantes. Sachant l’effort fait par l’ANS, et voulu par le Gouvernement, de soutenir les athlètes paralympiques, il est regrettable que ces derniers se retrouvent pénalisés : chaque fois que le plafond sera dépassé, ce sera autant de ressources en moins.

Je le déplore d’autant plus qu’il s’agit d’un public qui connaît déjà beaucoup de difficultés !

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.

(Suppression maintenue)

(Non modifié)

I. – La perte de recettes et la charge pour l’État résultant de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La charge pour les collectivités territoriales résultant de la présente loi est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – La charge pour les organismes de sécurité sociale résultant de la présente loi est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Madame la secrétaire d’État, le handicap ne se partage pas ! Aujourd’hui, les individus concernés endurent une triple peine : leur handicap, l’impossibilité de percevoir une allocation au motif qu’ils vivent avec une personne ayant un revenu, et le montant de ce revenu, qui, somme toute, n’est pas mirobolant.

Autant nous sommes d’accord pour qu’un certain nombre de prestations dépendent du revenu, même des allocations différentielles, autant celles-ci doivent être améliorées, car elles sont liées à un état de fait à laquelle la personne ne peut strictement rien. Je sais que vous êtes pleinement investie dans votre mission, je ne vous apprends donc pas grand-chose.

Vous avez évoqué la situation financière des départements – c’est une évidence ! S’agissant des allocations individuelles en général, l’État, depuis que le dispositif a été mis en place, et quels que soient les gouvernements, ne tient pas sa parole. C’est donc une question qu’il faut revoir dans son intégralité !

Entre le vote qui a eu lieu à l’Assemblée nationale, et celui qui va intervenir, ici même, dans quelques instants, l’espoir de toutes les personnes qui se sont mobilisées est aujourd’hui considérable. Nous sommes persuadés que vous en êtes parfaitement consciente. Il faudrait que nous avancions sur le sujet avant la fin de ce quinquennat, mais pas sur des seuls rapports ! Nous devons trouver des financements !

Je suis certaine que, même au sein du Gouvernement, tout le monde comprend le bien-fondé de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

En mars 2018, Marie-George Buffet, alors députée communiste, dépose une proposition de loi transpartisane, votée par l’Assemblée nationale ; le 24 octobre 2018, le groupe CRCE dépose au Sénat une proposition de loi similaire : elle n’est pas votée. Nous n’osons imaginer que, si vous n’avez pas voté en faveur ce texte, mes chers collègues, c’est parce que nous sommes communistes, et que nos propositions de loi sont toujours ici rejetées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

M. Alain Richard. Ils nous inspirent une telle terreur !

Sourires sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Aujourd’hui, vous déposez un texte complètement semblable au nôtre. Mais contrairement à vous, nous ne sommes pas dogmatiques : nous voterons donc en faveur du texte, car seule nous importe la demande des gens que nous avons entendue lorsque mes collègues Laurence Cohen, Céline Brulin et moi-même sommes allées à la rencontre des associations, devant la porte du Sénat. Celles-ci espéraient que nous adoptions ce texte, car trop de temps déjà a été perdu.

Je déplore, en effet, que nous ayons ainsi gâché deux ans et demi, notre texte ayant pu être adopté dès 2018. Mais, comme le dit l’un de mes amis, « le passé est un œuf cassé, le présent est un œuf qui couve ».

L’AAH est de 900, 70 euros par mois – c’est très peu ! Personne ne l’a rappelé ici… Il nous faut aujourd’hui voter ce texte, car les personnes en situation de handicap ne disposant que de 900 euros, victimes des revenus du conjoint, comptent avant tout.

Mmes Laurence Cohen et Victoire Jasmin applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je suis heureux de pouvoir exprimer les raisons de mon vote, et notre satisfaction de voir cette proposition de loi bientôt adoptée. Celle-ci regroupe une série de bonnes mesures, prenant en compte, grâce à notre rapporteur, tous les cas de figure et leurs conséquences qui avaient été ignorées par nos collègues de l’Assemblée nationale.

Ces précisions nécessaires permettent une véritable autonomie financière, et de donner ainsi une plus grande dignité à nos concitoyens frappés de handicap, ne pouvant, de ce fait, exercer une activité professionnelle.

En individualisant le calcul de l’AAH, nous réaffirmons la primauté de la solidarité nationale sur la solidarité familiale, ainsi que le principe d’autonomie, fondement même de la philosophie de cette allocation, qui n’est pas à compter parmi les minima sociaux.

Quinze ans après l’adoption de la grande loi sur le handicap, le 11 février 2005, l’adoption de ces mesures de justice sociale concrètes est particulièrement attendue par les associations et nos concitoyens.

Je salue également la décision de ne pas diluer l’AAH dans le futur RUA, comme cela a été craint par beaucoup – j’en faisais moi-même partie !

Compte tenu de ces avancées, je voterai en faveur de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nassimah Dindar

J’ai confiance en votre action au profit des porteurs de handicap, madame la secrétaire d’État ! Vous êtes venue à La Réunion, et avez visité un certain nombre de structures, dont la MDPH et les associations. Je vous ai entendue dans toutes vos interventions, et sais que vous avez agi, et agirez encore, en faveur des personnes handicapées. Je suis donc persuadée que vous êtes favorable à cette proposition de loi.

Je tiens à saluer le travail accompli par le rapporteur et l’ensemble de la commission des affaires sociales.

Vous vous rappelez certainement avoir croisé, ici même, Ahmed, ce jeune stagiaire porteur de handicap. Alors qu’il partage sa vie avec une personne également handicapée, il vous avait fait savoir qu’il n’utiliserait pas les revenus de sa conjointe, contrairement à ce que tant d’hommes auraient fait, laissant ainsi les femmes dans une situation de grande précarité…

Je fais partie des personnes qui pensent que l’AAH n’est pas un revenu minimum, et qu’il n’y a pas de plafond. Je suis donc pour la non-prise en compte des revenus du conjoint pour son attribution.

Madame la secrétaire d’État, restez celle qui aide les personnes ayant besoin d’un autre regard sur leur handicap !

Je suis plus que favorable à ce que cette proposition de loi soit adoptée à l’unanimité !

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Cela fait maintenant quatre ans que je me bats pour les droits des personnes en situation de handicap. Permettez-moi de rappeler quelques droits nouveaux que nous leur avons ouverts : le droit de vote pour les majeurs protégés sous tutelle, leur permettant d’être des citoyens à part entière ; le droit à vie, pour que les personnes souffrant de handicap n’aient plus à prouver leur condition ; les droits à la parentalité, les personnes handicapées pouvant bénéficier depuis le début de l’année de 900 euros dès la naissance d’un enfant handicapé, et de 1 200 euros d’aide technique. Voilà des droits réels !

Les personnes en situation de handicap sont des citoyens à part entière, mais ils ne le seraient plus si nous les excluions du droit commun de la fiscalisation des revenus. On ne peut pas en même temps demander à être dans le droit commun et avoir des dérogations permanentes !

Je préfère soutenir ces personnes par la transformation de l’accompagnement et la création d’un droit au logement, grâce à l’aide à la vie partagée, d’un montant de 8 000 euros, financée par la CNSA et les départements.

Cette politique efficace d’accompagnement soutient la pleine citoyenneté des personnes handicapées. Cessons de les regarder à travers leur handicap, c’est ce qu’elles nous demandent aujourd’hui !

Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à votre texte, en l’état.

En revanche, je souhaite renforcer le travail avec les départements, dans un cadre propre à faire cesser ces limites d’âge. Il est impératif de sécuriser le parcours des personnes en situation de handicap !

M. François Patriat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Permettez-moi de vous remercier, madame la secrétaire d’État, même si nous savions que nous serions en désaccord sur ce texte. Je salue l’action que vous menez depuis plusieurs années au profit des personnes en situation de handicap ; nous la reconnaissons tous, et partageons d’ailleurs avec vous un certain nombre de positions.

Cette proposition de loi s’inscrit dans le contexte inédit des pétitions instituées par le président Larcher, il y a un an, sur lesquelles Pascale Gruny est chargée de faire une évaluation.

Je remercie également Philippe Mouiller, qui a su trouver le bon équilibre.

Pour répondre à nos collègues communistes, si nous n’avons pas repris votre texte, en l’état, c’est parce qu’il comportait des dispositions d’un coût important et risquait d’entraîner plusieurs effets pervers, notamment ceux de faire des perdants.

Le texte a depuis lors été retravaillé, et me semble avoir trouvé un bon équilibre. J’en remercie donc le rapporteur et tous ceux qui l’ont voté.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution, que la suite de l’examen de la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école soit inscrite à l’ordre du jour du mercredi 10 mars 2021, à l’issue de l’espace réservé au groupe RDPI et, éventuellement, le soir.

Acte est donné de cette demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 10 mars 2021 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

De seize heures trente à vingt heures trente :

Ordre du jour réservé au groupe RDPI

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, rénovant la gouvernance du service public d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe (texte de la commission n° 395, 2020-2021) ;

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant la fonction de directrice ou de directeur d’école (texte de la commission n° 406, 2020-2021).

À l’issue de l’espace réservé au groupe RDPI et, éventuellement, le soir :

Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant la fonction de directrice ou de directeur d’école (texte de la commission n° 406, 2020-2021).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq.