Intervention de Cathy Apourceau-Poly

Réunion du 9 mars 2021 à 14h30
Mesures de justice sociale — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Cathy Apourceau-PolyCathy Apourceau-Poly :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe se félicite de pouvoir de nouveau débattre sur l’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés.

En effet, notre groupe avait porté, en 2018, une proposition de loi visant à ne plus tenir compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH. Cette proposition reprenait la revendication des associations de personnes en situation de handicap visant à mettre fin à l’injustice vécue par les couples qui perdent le bénéfice de l’AAH ou voient leur montant diminuer en cas de mariage.

Ce que l’on a appelé « le prix de l’amour » n’est pas acceptable, car il rend des personnes dépendantes économiquement de leur conjoint. Cette dépendance économique est d’autant plus grave s’agissant des femmes en situation de handicap, qui sont plus souvent victimes de violences conjugales.

C’est d’ailleurs le sens du rapport de la Défenseure des droits sur l’AAH : « Les personnes handicapées doivent pouvoir être indépendantes financièrement : il faut donc exclure les ressources du conjoint pour l’attribution des allocations accordées au titre du handicap. »

Permettez-moi de faire un bref rappel historique et de saluer notre collègue députée communiste, Marie-George Buffet, qui a déposé cette proposition en, mars 2018, avec un soutien allant des députés de la France insoumise jusqu’au groupe Les Républicains, en passant par l’UDI, le Modem le PS et certains députés LREM.

Ce soutien a malheureusement été brisé par la droite sénatoriale lorsqu’elle a rejeté notre proposition de suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, en prétextant la nécessité d’une refonte globale des aides pour la compensation du handicap.

La proposition de loi du groupe Libertés et Territoires adoptée en décembre 2019 pour supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH étant restée lettre morte au Sénat, il aura fallu la mobilisation de milliers de personnes pour remettre l’ouvrage sur le métier.

Ainsi, la pétition de Mme Véronique Marie-Bernadette Tixier, déposée sur le site internet du Sénat, a reçu le soutien de plus de 100 000 personnes. C’est d’autant plus remarquable que les autres pétitions du site du Sénat plafonnent généralement autour de 200 signatures. C’est bien le signe d’un soutien large et profond en faveur de ce sujet.

Je voudrais saluer le changement de position de la droite sénatoriale, qui soutient désormais le principe de l’individualisation de l’AAH. Il s’agit d’une avancée importante pour les familles et les associations. Nous espérons désormais que le consensus politique autour de ce principe fera changer le Gouvernement d’attitude.

L’objectif de l’individualisation des revenus n’est pas une question d’économies ou de cohérence du système d’allocations familiales. Il s’agit plutôt d’envoyer un message fort aux personnes en situation de handicap pour leur montrer que l’on se soucie de leurs conditions d’existence et de leur dignité.

Le Gouvernement refusait l’individualisation en invoquant le nombre trop important de perdants avec le changement de mode de calcul. La suppression des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH va pourtant bénéficier à 196 000 ménages, soit 67 % de l’ensemble des couples bénéficiaires de cette allocation.

Il est dommage que, sur la réforme de l’assurance chômage, le Gouvernement ne suive pas le même raisonnement, alors que le nombre de perdants est estimé autour de 1 million.

Pourtant des solutions existent, comme celle que propose le rapporteur Philippe Mouiller, avec un mécanisme transitoire sur dix ans, qui permet aux couples qui le souhaiteraient de maintenir le système actuel en prenant en compte les revenus du conjoint.

Notre seul regret est que la majorité sénatoriale n’ait pas proposé en 2018 ce mécanisme transitoire pour éviter de faire perdre 3 ans aux nombreuses personnes en situation de handicap.

C’est désormais au Gouvernement de prendre ses responsabilités en adoptant les mesures qui s’imposent : individualiser l’AAH ; revaloriser le montant des prestations et supprimer les barrières d’âge de la PCH.

À moyen terme, nous refusons le transfert de l’AAH vers la cinquième branche de la Sécurité sociale, car nous estimons qu’elle doit être intégrée au régime général de l’assurance maladie au titre de revenu de remplacement, à l’instar de la pension d’invalidité.

En attendant, le groupe CRCE votera en faveur de ce texte.

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