Intervention de Laurent Burgoa

Réunion du 9 mars 2021 à 14h30
Mesures de justice sociale — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Laurent BurgoaLaurent Burgoa :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, attaché à toujours plus de proximité, notre hémicycle se dotait en janvier 2020 d’une plateforme de pétitions citoyennes voulue par le président Larcher. En janvier dernier, pour la première fois, une pétition hébergée sur cette plateforme dépassait les 100 000 signatures, preuve, s’il en fallait, que la prise en compte du revenu d’un conjoint dans le calcul de l’AAH fait naître un fort sentiment d’injustice.

Cette forte mobilisation donne corps aux centaines de courriers que nous avons pu recevoir en ce sens. Le Sénat s’est toujours beaucoup investi dans l’accompagnement des différents handicaps, souvent sous l’impulsion de notre collègue Philippe Mouiller, dont je souhaite ici saluer le travail.

Le 13 février 2020, c’est contre l’avis du Gouvernement, et avec une minorité de députés En Marche ! présents dans l’hémicycle, que ce texte a pu être adopté à l’Assemblée nationale.

Quel est l’objet de ce débat ?

Il peut s’agir d’un débat budgétaire : revoir ce dispositif de près de 12 milliards d’euros est délicat, alors qu’il nous est difficile d’en évaluer avec exactitude les conséquences, notamment en l’absence de ce que nous appelons une étude d’impact.

Il peut aussi être question de terminologie, au sens où l’AAH fait aujourd’hui partie des minima sociaux. À ce titre, son calcul prend en compte le revenu du conjoint, comme pour tout minimum.

En fait, ce débat est surtout profondément humain, car cette allocation n’est pas un minimum social comme les autres. Il s’agit de permettre à nos concitoyens porteurs de longue date ou nouvellement porteurs d’un handicap de pouvoir s’émanciper et de pleinement s’épanouir au sein de notre société, malgré un accès bien plus difficile à l’emploi.

Aujourd’hui, ce mode de calcul grève, de fait, les revenus de couples dont un des membres serait en situation de handicap. Il place ce dernier sous une forme de tutelle financière de son conjoint et nombreux sont ceux qui ont le sentiment terrible de devenir une charge. N’est-ce pas là l’exact inverse de la vocation de cette allocation ?

Certains pourront me dire qu’en cas de séparation, après tout, l’AAH sera recalculée. Permettez-moi, par anticipation, de leur répondre. D’abord, cette régulation prendra du temps et cette situation mettra sans nul doute ces personnes dans une position très délicate, pour ne pas dire impossible. Ensuite, les statistiques des régimes matrimoniaux le démontrent, un nombre toujours plus important de couples préfèrent désormais gérer leurs revenus séparément. Aussi, je trouve particulièrement dérangeant que nos concitoyens en situation de handicap soient découragés de fonder un foyer : afin de ne pas voir leur AAH s’amoindrir, certains renonceraient à s’unir, leurs enfants étant alors moins protégés des aléas de la vie.

Vous l’aurez compris, je souhaite, comme la commission, déconjugaliser le mode de calcul de cette allocation, et le faire avec méthode. Les évaluations qui ont pu nous être communiquées par la Drees doivent attirer notre attention. En l’état, le texte transmis par l’Assemblée ferait pas moins de 44 000 ménages perdants et, plus grave encore, les gains espérés se concentreraient sur les ménages relativement plus aisés.

Pour ces ménages qui seraient perdants, la commission propose de mettre en place un régime transitoire de dix ans, ce qui me semble judicieux.

Un autre apport de la commission est, selon moi, important. Un plafond de cumul entre les ressources personnelles des bénéficiaires et le montant de la prestation permet d’orienter ce système de solidarité vers ceux qui en ont le plus besoin.

Enfin, bien sûr, je me réjouis du report à 65 ans de la barrière d’âge pour solliciter le bénéfice de la PCH. C’est une nécessité au vu de l’allongement de la durée de vie.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, c’est avec ces nouvelles garanties que je voterai en faveur de ce texte, tout comme mon groupe.

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