Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée en septembre 2019, a été adoptée par l’Assemblée nationale, contre l’avis du Gouvernement, en février 2020.
Si, près d’un an plus tard, l’opportunité nous est donnée de procéder à son examen, c’est grâce à la plateforme de dépôt de pétitions en ligne mise en place par le Sénat en janvier 2020. Tout citoyen peut désormais solliciter l’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée d’une proposition de loi. Les pétitions qui recueillent plus de 100 000 signatures en six mois sont transmises à la conférence des présidents. Ainsi, la démocratie participative peut, sans s’y substituer, enrichir la démocratie représentative. Je remercie donc le président Larcher et le bureau du Sénat d’avoir su ainsi moderniser le droit de pétition.
Venons-en au texte.
Favoriser la justice sociale, telle est l’ambition de la proposition de loi que plus de 108 000 citoyens ont souhaité que nous examinions.
Créée en 1975, l’allocation aux adultes handicapés est la deuxième prestation de solidarité en France, avec quelque 1, 2 million de bénéficiaires, pour 11 milliards d’euros. Elle est versée aux personnes âgées de 20 ans et plus qui justifient d’un taux d’incapacité supérieur à 50 %. Son montant varie en fonction des revenus du conjoint et de la composition du foyer.
Les articles 2 et 3 de ce texte ont pour objet de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de cette allocation, ainsi que dans son plafonnement.
Ils répondent à une forte attente des personnes handicapées. Se déclarer en couple, c’est bien souvent perdre son allocation. À la dépendance physique s’ajoute alors la dépendance financière. Seuls 22 % des allocataires se déclarent en couple.
Pour justifier votre opposition à ce texte, madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué la qualification de « minimum social » de cette allocation, qui impliquerait que la solidarité familiale prime la solidarité nationale. Raisonner de la sorte, c’est oublier le caractère particulier de l’AAH : contrairement aux autres minima sociaux, ses bénéficiaires n’ont souvent aucune perspective de retour à l’emploi. Dès lors, il ne s’agit pas d’une aide temporaire, mais d’une aide pérenne qui vise à compenser une certaine incapacité de travailler. C’est pourquoi son montant est plus élevé que celui du RSA.
Preuve de son caractère compensatoire, l’AAH a été retirée des discussions sur le revenu universel d’activité.
Ne plus tenir compte du revenu du conjoint dans le calcul de l’AAH, c’est donner de l’autonomie aux personnes handicapées, les autoriser à s’émanciper. Dans une société si peu adaptée au handicap, on ne peut qu’y être favorable.
Je salue le travail de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, Philippe Mouiller, qui ont prévu un dispositif transitoire pour les perdants de cette réforme.
En effet, ne plus tenir compte des revenus familiaux, c’est également ne plus tenir compte des personnes à charge. À cet égard, il est pour le moins singulier que les administrations des ministères sociaux n’aient pas été en capacité de fournir d’éléments chiffrés permettant d’évaluer les conséquences de ces dispositions.
Le texte repousse enfin de 60 à 65 ans l’âge limite permettant de bénéficier de la prestation de compensation du handicap. Cette mesure de bon sens reprend les recommandations de l’inspection générale des affaires sociales.
Le Président de la République a fait du handicap une priorité du quinquennat, mais depuis maintenant quatre ans, si quelques mesures ont bien été prises, aucun projet d’ampleur ne nous a été soumis.
Alors qu’un million de bénéficiaires de l’AAH vivent avec 819 euros par mois, le temps n’est plus à la revalorisation, mais bien à la réforme.
Bien que ce texte soit insatisfaisant, puisqu’il y aura des perdants, le groupe Les Républicains le votera, car il constitue un premier pas vers l’individualisation et l’autonomie de la personne handicapée.