Intervention de Guylène PANTEL

Réunion du 11 mars 2021 à 10h30
Droit à mourir dans la dignité — Discussion et retrait de l'ordre du jour d'une proposition de loi

Photo de Guylène PANTELGuylène PANTEL :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, exceptionnellement, je débuterai par ce qui devrait être la fin de mon intervention : le groupe du RDSE est partagé sur cette proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité.

Il est partagé, car ce texte, au-delà des schémas partisans classiques, touche à ce que nous avons de plus intime, notre rapport à la mort. Il fait rejaillir des situations que nous avons pu connaître pour nos parents, nos amis ou nos proches et qui restent parfois douloureuses.

Il est partagé aussi, car une « bonne mort », pour reprendre l’étymologie du mot euthanasie, ne se décrète pas. Nous pouvons chacun avoir une interprétation de ce qu’elle peut être ou non et cette conception peut évoluer tout au long de notre vie.

À cet égard, je tiens à saluer à mon tour la mémoire de Paulette Guinchard-Kunstler, ancienne secrétaire d’État socialiste, décédée après avoir eu recours à un suicide assisté en Suisse, alors même qu’elle s’était opposée à cette pratique en 2005. Son choix de faire connaître sa décision est une preuve de courage sans commune mesure et force le respect.

Comme je vous l’indiquais, nous sommes partagés, au sein du groupe du RDSE, entre, d’une part, l’équilibre obtenu en 2016 dans la loi Claeys-Leonetti et, d’autre part, l’ouverture d’un véritable droit de mourir dans la dignité. Car au-delà de l’affirmation des droits existants, il nous faut les garantir pleinement, et force est de constater que ce n’est pas le cas.

Concernant les soins palliatifs d’abord, si des progrès ont récemment été effectués, l’on estime que près de 20 % des personnes qui pourraient les solliciter n’y ont pas accès. Les raisons en sont nombreuses : l’absence d’information sur ces soins, le manque de formation des personnels de santé, mais aussi une grande disparité territoriale, selon que l’on réside dans une métropole ou dans un territoire rural – j’en suis témoin.

Ce constat est partagé par le Conseil économique, social et environnemental qui, dans son rapport de 2018 intitulé Fin de vie : la France à l ’ heure des choix, indiquait que l’offre de soins palliatifs est « insuffisante et inégalement répartie ». C’est d’autant plus vrai qu’un nombre croissant de Français fait le choix du maintien à domicile.

Ce que j’évoque concernant les soins palliatifs est également valable pour les directives anticipées. Créées en 2016, elles devaient permettre de connaître les volontés en termes de soins médicaux d’une personne devenue inconsciente ou incapable de s’exprimer. L’objectif était d’éviter les drames familiaux, comme dans l’affaire Vincent Lambert, dont les proches se sont déchirés durant des années au sujet du consentement qu’aurait ou non donné celui-ci.

À cet égard, on peut regretter que des affaires comme celle-ci n’aient pas incité les pouvoirs publics à lancer une vaste campagne d’information au sujet des directives anticipées.

Au fond, c’est l’absence d’effectivité de la loi actuelle qui fait que certains d’entre nous s’interrogent sur l’opportunité de franchir l’étape supplémentaire qu’est l’ouverture du droit de mourir dans la dignité.

D’autres de nos collègues sont convaincus qu’il faut passer à cette étape : d’abord parce qu’ils sont attachés à la liberté individuelle et pensent que, lorsque les circonstances le justifient, chacun doit pouvoir choisir sa mort ; ensuite parce qu’ils estiment que la sédation profonde et continue, tout comme la notion de non-acharnement thérapeutique, qui consiste au final à endormir et à laisser mourir par l’arrêt des traitements, ne permet pas de garantir une fin de vie digne aujourd’hui ; enfin parce qu’ils considèrent que le cadre juridique posé par l’article 2 est suffisamment rigoureux, ce que l’on ne peut nier.

En prévoyant que le patient doit être en phase terminale ou avancée d’une affection pathologique ou accidentelle, que celle-ci doit être incurable, le législateur apporte de véritables garanties aux plus sceptiques d’entre nous.

Il le fait encore lorsqu’il prévoit que pour bénéficier de ce droit, cette affection doit infliger une souffrance physique ou psychique inapaisable, insupportable ou plaçant le malade dans un état de dépendance qu’il estime incompatible avec sa dignité.

Enfin, ces garanties sont données lorsque les médecins doivent consulter leurs confrères et émettre un avis collégial sur la mise en œuvre de l’aide active à mourir. Nous défendrons d’ailleurs un amendement visant à renforcer cette collégialité.

Comme je vous l’ai dit au début de mon propos, le groupe du RDSE reste partagé sur cette proposition de loi.

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