Séance en hémicycle du 11 mars 2021 à 10h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • chacun
  • claeys-leonetti
  • dignité
  • mort
  • mourir
  • médecin
  • palliatif
  • soin
  • souffrance

La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Par lettre en date du 10 mars 2021, le Gouvernement demande de modifier l’ordre du jour des jeudis 1er et 8 avril 2021.

Concernant l’ordre du jour du jeudi 1er avril 2021, le Gouvernement demande de compléter l’ordre du jour du matin par l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement et sur la proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.

Le Gouvernement demande également l’inscription, l’après-midi, sous réserve de sa transmission, avant la suite du projet de loi confortant le respect des principes de la République, de la nouvelle lecture de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification. Nous pourrions fixer le délai limite pour le dépôt des amendements de séance sur ce texte au lundi 29 mars 2021, à douze heures.

Nous pourrions fixer la durée de la discussion générale pour chacun de ces trois textes à quarante-cinq minutes.

Concernant l’ordre du jour du jeudi 8 avril 2021, le Gouvernement demande l’inscription, le matin, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi rénovant la gouvernance du service public d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe ou de sa nouvelle lecture.

Pour ce texte, nous pourrions fixer la durée de la discussion générale à quarante-cinq minutes.

Le Gouvernement demande également l’inscription, le matin, et éventuellement l’après-midi et le soir, avant la suite du projet de loi confortant le respect des principes de la République, du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux. Nous pourrions fixer le délai limite pour le dépôt des amendements de séance au mardi 6 avril 2021, à douze heures.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité, présentée par Mme Marie-Pierre de La Gontrie et plusieurs de ses collègues (proposition n° 131, résultat des travaux de la commission n° 403, rapport n° 402).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, auteure de la proposition de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà sept jours, celle qui était notre amie, notre collègue, notre camarade, qui avait été membre d’un gouvernement, Paulette Guinchard-Kunstler, a décidé de finir sa vie en Suisse, dans un pays qui pouvait l’accueillir.

Que nous dit ce choix intime de la situation qui est la nôtre, en France ? Il nous dit d’abord que, contrairement à ce que certains prétendront peut-être, la législation actuelle ne permet pas de répondre aux situations cruelles que vivent nombre de nos compatriotes.

La législation a considérablement évolué dans une période contemporaine, des lois ont permis des progrès : la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite Leonetti, et la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite Claeys-Leonetti. Pour autant, ces textes ne permettent pas de partir sereinement et dignement lorsque l’on n’est pas véritablement dans les tout derniers moments de sa vie.

Chacun le sait, depuis la loi Claeys-Leonetti, ce que l’on appelle la sédation profonde et continue est autorisé, même si personne ne sait d’ailleurs très exactement comment le patient la vit puisque la mort est bien évidemment au bout du chemin.

Ce sujet traverse la société française depuis très longtemps. Le premier à l’avoir soulevé a été Henri Caillavet, en 1978. L’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) a été créée en 1980. Un grand nombre d’initiatives ont été prises depuis, ne serait-ce qu’au Parlement, ce dont on ne peut que se réjouir. Ainsi, plusieurs propositions de loi ont à ce jour été déposées, dont le sérieux n’est, je l’espère, pas contesté, même si le sujet reste difficile.

Que proposons-nous aujourd’hui ? Par son geste, Paulette Guinchard-Kunstler nous montre la difficulté et, d’abord, le doute et les évolutions intimes. Elle n’était pas favorable à une évolution de la législation en la matière. Toutefois, lorsque la maladie l’a rattrapée et placée dans une situation personnelle extrêmement douloureuse, elle a évolué, s’est tournée vers le monde médical et a découvert que la loi Claeys-Leonetti ne pouvait lui être d’aucune aide. S’est alors imposée à elle l’obligation de s’expatrier, comme si le processus n’était pas déjà d’une violence extrême ! Devoir quitter son pays pour mourir constitue évidemment une violence supplémentaire.

C’est pourquoi nous proposons aujourd’hui une aide active à mourir, mais pas dans n’importe quelles circonstances : il faut que la personne soit atteinte d’une maladie grave et incurable, que ses douleurs sont inapaisables, que sa dignité soit mise en cause et, au final, qu’il n’y ait aucun espoir d’amélioration et que sa vie soit devenue proprement insupportable.

Tout cela est très encadré dans notre proposition de loi : des avis médicaux sont nécessaires, les médecins eux-mêmes sont accompagnés par une procédure très balisée, un échange entre médecins est prévu, ainsi qu’un délai, suivi d’un nouvel entretien avec le patient, lequel peut évidemment – est-il besoin de le préciser ? – renoncer à tout moment. La démarche à la fois médicale et collégiale permet de prendre le temps de la réflexion, sans que cette fin de vie soit reportée de manière excessive.

Ce texte prévoit également une clause de conscience pour le personnel soignant. En effet, certains médecins, nous en avons rencontré, ne souhaitent pas avoir à accomplir ce geste, et il faut l’entendre. Il suffit alors qu’ils puissent orienter la personne qui s’adresse à eux vers l’un de leurs confrères, qui pourra, lui, apporter l’apaisement nécessaire.

Certains argueront que nous manquons de recul sur la loi Claeys-Leonetti. À ceux-là je répondrai que ce n’est pas exact. C’est pour cela que j’ai pris l’initiative d’évoquer la situation de Paulette Guinchard-Kunstler. Bien que cette loi existe, un grand nombre de Français quittent le pays pour mourir. Par ailleurs, nous souhaitons que la notion de mort imminente ne soit pas une condition sine qua non, comme le prévoit la loi Claeys-Leonetti, puisqu’il faut véritablement être dans les derniers moments de sa vie pour que ses dispositions s’appliquent.

D’autres avanceront que la réponse à cette situation passe par le développement des soins palliatifs. À ceux-là j’opposerai plusieurs arguments.

D’abord, ce n’est pas la même réponse : les soins palliatifs sont faits pour accompagner le patient atteint d’une maladie à l’issue défavorable, dans une période de grande souffrance, alors qu’il ne souhaite pas forcément finir sa vie volontairement. Par ailleurs, il faut souligner que les soins palliatifs ne sont pas suffisamment développés en France : vingt-six départements – j’insiste sur ce nombre – ne disposent d’aucune unité de soins palliatifs ; le dernier plan en date s’est achevé à la fin de 2018 et n’a pas été reconduit.

C’est pourquoi cette proposition de loi précise – vous l’aurez certainement noté, monsieur le ministre, mes chers collègues – qu’il est indispensable de prévoir, comme corollaire, un développement des soins palliatifs pour en garantir un accès universel dans les trois années à venir. J’indique que, lorsque la Belgique a délibéré sur le droit de finir sa vie, le même jour a été votée une loi sur l’accès universel aux soins palliatifs.

Parlons de la situation dans les autres pays. Dans quelques mois, nous serons l’un des seuls pays européens à ne pas avoir de législation sur la fin de vie telle que nous la proposons aujourd’hui. Certains pays se sont désormais engagés dans cette voie, alors que nous ne les imaginions pas le faire : c’est le cas, à la suite de la Belgique, de la Suisse et des Pays-Bas, du Portugal voilà quelques semaines et de l’Espagne il y a quelques jours, le Sénat espagnol venant de voter une loi en ce sens. Enfin, sous l’impulsion de leurs cours constitutionnelles respectives, l’Allemagne et l’Italie vont devoir elles aussi s’engager dans cette voie. Un grand nombre de pays européens qui nous entourent s’apprêtent à adopter une telle législation, alors même que, vous l’aurez remarqué, certains ont une histoire et une relation à la religion peut-être plus fortes que celles que connaît la France.

Par ailleurs, et c’est toute la particularité de ce sujet, nos compatriotes sont massivement favorables à une telle législation. Des études ont été menées, souvent d’ailleurs aux prémices de l’examen de la loi de bioéthique : elles ont démontré que neuf Français sur dix, y compris, je le précise, ceux qui ont des convictions religieuses affirmées, étaient favorables à l’évolution du texte. À cet égard, le grand nombre de propositions de loi qui ont été déposées, émanant d’environ 250 parlementaires de tous bords, montre que ce sujet est désormais mûr.

Aux sénateurs présents ce matin, je tiens à dire ceci : le Sénat est aujourd’hui face à un choix. Il peut décider de participer à cette réflexion, en modifiant certaines données ou en amendant certaines parties du texte, et ainsi d’y travailler, comme l’ensemble des autres groupes parlementaires. C’est le sens du texte de ce matin. Il peut aussi décider de fermer la porte et de se mettre en dehors de ce débat, de renoncer à y participer et de rejeter le texte.

Je ne dirai pas ce que je pense des perspectives de ce texte, qui sera examiné par l’Assemblée nationale le 8 avril prochain et auquel une majorité de députés seront favorables. Parce que le Sénat a su parfois – pas toujours – être actif sur les questions de société qui nous traversent de manière transpartisane, je vous le dis, mes chers collègues : soyez au rendez-vous aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, RDSE et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le recours par des Français à l’euthanasie et au suicide assisté est une réalité, que ce soit à l’étranger ou à l’intérieur même de nos frontières.

Plusieurs d’entre eux se rendent chaque année en Belgique pour bénéficier d’une euthanasie ou en Suisse pour obtenir une assistance au suicide. Le décès par suicide assisté, la semaine dernière, en Suisse, de l’ancienne secrétaire d’État aux personnes âgées, Paulette Guinchard-Kunstler, est le poignant rappel d’une situation qui ne peut nous laisser indifférents, Marie-Pierre de La Gontrie a insisté sur ce point. Tout comme pour l’écrivaine Anne Bert, contrainte de solliciter en 2017 une euthanasie en Belgique, l’ultime recours de Paulette Guinchard-Kunstler nous renvoie à la détresse et à l’angoisse existentielle de nombre de nos concitoyens, que notre législation en matière de fin de vie ne permet pas d’apaiser.

Gardons également à l’esprit une autre réalité, impossible à objectiver : le nombre important de malades atteints d’une affection grave et incurable qui n’ont ni les moyens ni la force de se rendre en Belgique, au Luxembourg ou en Suisse, mais qui ne peuvent pas non plus bénéficier des dispositifs d’accompagnement de la fin de vie institués par la loi Claeys-Leonetti de 2016.

À ces départs à l’étranger s’ajoutent les euthanasies dites clandestines réalisées sur notre territoire : comme l’a rappelé en 2018 le Conseil économique, social et environnemental, entre 2 000 et 4 000 décès annuels résulteraient d’une euthanasie active pratiquée par des professionnels de santé en dépit de son interdiction par la loi.

Avant d’entrer dans le détail des insuffisances de la loi en vigueur, j’insisterai sur le devoir de modestie auquel nous sommes tous tenus, élus comme professionnels de santé, lorsqu’il s’agit d’aborder une question aussi délicate que la fin de vie. Personne ne peut se prévaloir de certitudes sur la manière dont une personne affectée par une maladie incurable appréhende les derniers jours de sa vie et la conception qu’elle se fait d’une fin de vie digne. Nous devons donc nous garder de juger les choix, très personnels et propres à chaque situation, qui sont faits en fin de vie.

Cinq ans après l’adoption de la loi Claeys-Leonetti, le bilan est mitigé. Si cette loi a permis des avancées indéniables grâce au caractère contraignant des directives anticipées et à la désignation de la personne de confiance, son application reste insatisfaisante. En outre, son dispositif principal, la sédation profonde et continue, ne permet pas de répondre à certaines demandes d’accompagnement de la fin de vie, pourtant parfaitement entendables, au regard de la souffrance du patient.

En 2018, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a pointé en particulier l’absence de registre national des directives anticipées et le défaut de traçabilité des décisions d’arrêt des traitements et d’administration de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Comment comprendre que, cinq ans après l’adoption de la loi Claeys-Leonetti, nous ne disposions pas d’une vision consolidée des sédations profondes et continues mises en œuvre ?

L’inspection générale des affaires sociales a également regretté l’absence de cadre réglementaire pour l’usage du Midazolam en ville. Dans ces conditions, la réalisation de cette sédation à domicile et en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) reste marginale et ne permet pas d’accompagner les mourants dans des conditions optimales.

Monsieur le ministre, quand le Gouvernement compte-t-il autoriser la dispensation du Midazolam en ville, alors que la Haute Autorité de santé la préconise depuis le début de l’année 2020 ?

En dépit des progrès indéniables qu’elle a permis, la loi de 2016 présente des limites qui interrogent le devoir d’humanité, de solidarité et de compassion incombant à notre société.

Tout d’abord, en circonscrivant la possibilité de bénéficier de la sédation profonde et continue jusqu’au décès à des situations soit d’imminence de la mort, soit d’obstination déraisonnable pour les personnes hors d’état d’exprimer leur volonté, ce texte ne laisse finalement encore que peu de place à la volonté du patient.

L’appréciation du caractère insupportable de la souffrance par le médecin semble rester prépondérante dans bien des cas. La souffrance existentielle du patient demeure ainsi difficilement appréhendée par les équipes soignantes, qui restent attachées à une objectivation de la souffrance sur la base de symptômes cliniques.

Ensuite, les critères de l’obstination déraisonnable, de la souffrance réfractaire aux traitements et de l’engagement du pronostic vital à court terme paraissent peu pertinents dans un certain nombre de situations qui, bien que limitées dans leur nombre, sont à l’origine d’une souffrance considérable pour les personnes concernées. Je pense à des maladies neurodégénératives particulièrement graves, telles que la maladie de Charcot, pour lesquelles l’évolution gravement incapacitante de la maladie est la source d’une angoisse existentielle difficilement soutenable.

La loi dans sa rédaction actuelle est également difficile à appliquer dans d’autres situations impliquant soit une dégradation inexorable des capacités cognitives, soit des états végétatifs chroniques. Les éventuels conflits entre la famille et l’équipe soignante dans l’interprétation de la loi rendent alors difficile l’établissement de la volonté du patient par le médecin.

Face à ces situations qui exigent de concilier respect du libre arbitre et protection de la vulnérabilité, notre législation doit rester attentive aux attentes de l’opinion publique, ainsi qu’aux évolutions observées à l’étranger, même si nous devons nous garder de tout suivisme en la matière.

Dans un sondage réalisé au mois de mars 2019, 96 % des Français interrogés se sont déclarés favorables à la reconnaissance et à l’encadrement d’un droit à l’euthanasie. Par ailleurs, plusieurs pays étrangers reconnaissent un droit à l’aide active à mourir, dans le souci de mieux respecter l’autonomie de la personne et son souhait de mourir dans des conditions qu’elle juge dignes : les pays du Benelux bien sûr, mais aussi la Suisse, le Canada, plusieurs États aux États-Unis et en Australie, plus récemment la Nouvelle-Zélande et le Portugal. L’Espagne reconnaîtra elle aussi très prochainement ce droit. Dans ces conditions, la France sera bientôt frontalière de quatre pays autorisant une ou plusieurs modalités de l’aide active à mourir.

Ces législations étrangères peuvent apporter aux patients un surplus d’apaisement psychologique dans l’appréhension de leur fin de vie, sans pour autant les conduire à systématiquement passer à l’acte, tout en garantissant la traçabilité et le contrôle de ces situations.

Dans ces conditions, la proposition de loi dont Marie-Pierre de La Gontrie est la première signataire consacre le droit à une fin de vie digne, en y incluant le droit à bénéficier de l’aide active à mourir, mise en œuvre par le suicide médicalement assisté ou par l’euthanasie. Elle définit également des critères exigeants qui conditionneront le bénéfice de cette aide active à mourir. Dans le respect du libre arbitre du patient, ces critères accordent une place déterminante à l’appréciation que celui-ci fait de sa situation, du caractère insupportable de sa souffrance physique ou psychique ou du caractère indigne de son état de dépendance.

Comme dans les législations des pays du Benelux, la mise en œuvre des aides actives à mourir fera, en outre, l’objet d’un contrôle par une commission nationale qui en assurera la traçabilité.

La proposition de loi ne se cantonne pas à la reconnaissance de l’aide active à mourir. Elle veille également à garantir le respect des volontés de la personne ayant perdu leur capacité, en rénovant notamment le cadre juridique applicable aux directives anticipées pour améliorer leur développement et renforcer leur caractère contraignant.

Enfin, dans le souci d’apporter une réponse globale au « mal mourir » en France, la proposition de loi prévoit de rendre effectif un droit universel à l’accès aux soins palliatifs et à un accompagnement en tout point du territoire dans un délai de trois ans à compter de la publication de la loi. Rappelons que, aujourd’hui encore, vingt-six départements, notamment la Guyane et Mayotte, n’ont pas d’unité de soins palliatifs.

Mes chers collègues, si la commission des affaires sociales a rejeté cette proposition de loi, je vous invite à titre personnel à débattre des dispositions qu’elle contient et à l’adopter. À mon sens, l’objectif de ce texte est susceptible de nous rassembler : garantir enfin à tous le droit de mourir dans la dignité.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, RDSE et RDPI.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le thème qui nous réunit est à la fois universel et puissamment intime. Il nous ramène tous à ce que nous sommes fondamentalement : des êtres marqués par la finitude.

Parler de la fin de vie et de la façon dont la société la regarde, plus ou moins en face, plus ou moins de biais, c’est placer au cœur du débat les conditions de ce moment où chacun affronte sa propre disparition et la façon dont la société nous accompagne, nous et nos proches.

La fin de vie n’est pas un sujet tabou ; en tout cas, elle ne l’est plus depuis longtemps. Il est donc parfaitement légitime que le législateur se saisisse de ce sujet.

J’ai l’habitude de dire que le ministère des solidarités et de la santé est le ministère qui accompagne les Français de leur premier à leur dernier souffle, dans leurs joies, dans leurs peines et dans leurs espoirs.

Comme aide-soignant en Ehpad, comme médecin neurologue et, à ce titre, confronté à des maladies parfois aiguës, parfois chroniques, très dures, j’ai assisté de près à ces moments où un résident, un patient, est confronté à l’imminence de sa mort.

Loin des convictions tranchées et des positions inébranlables, ces moments représentent toujours une épreuve de vérité, avec ses doutes, ses hésitations, ses angoisses et ses craintes souvent, sa sérénité parfois.

Dans le débat qui s’engage, je sais que nous serons à la hauteur de ces doutes. Commençons par regarder ce que la France prévoit d’ores et déjà en matière de fin de vie.

Il y a très précisément cinq ans a été votée dans cet hémicycle la loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite loi Claeys-Leonetti, fruit d’un grand consensus national et d’une réflexion nourrie, conduite sous l’égide du Président de la République François Hollande.

Cette loi a permis de faire évoluer notre droit et nos pratiques. Elle a notamment réaffirmé le droit du malade à l’arrêt de tout traitement. Elle a rendu contraignantes les directives anticipées pour les médecins. Répond-elle pour autant à toutes les situations individuelles ? Peut-être pas. En cet instant, j’ai moi aussi une pensée émue pour Paulette Guinchard-Kunstler, femme engagée, militante infatigable, ancienne secrétaire d’État aux personnes âgées, qui vient de nous quitter dans les conditions qui ont été rappelées.

Il me semble néanmoins, comme à de nombreux observateurs, notamment le Comité consultatif national d’éthique (CNCE), qui a rendu un avis sur ce thème en 2020, que la loi actuelle pose en droit un cadre qui permet de résoudre l’immense majorité des situations difficiles que peuvent vivre les patients, leurs familles et, parfois, il faut le rappeler, les communautés soignantes qui ont la lourde tâche de les accompagner. Dans la plupart des situations, le droit actuel permet de trouver une solution. Force est de constater que ce n’est pas le cas dans certaines situations très particulières, qui suscitent des débats nourris dans notre société.

Aujourd’hui, cinq ans après la promulgation de la loi Claeys-Leonetti, le principal enjeu n’est pas tant de la faire évoluer que de la faire connaître aux professionnels de santé, aux professionnels des soins palliatifs, aux accompagnants et aux bénévoles qui travaillent dans ces services et, bien entendu, à tous les Français.

Pour ne donner qu’un exemple, qui donne une idée du chemin à parcourir, je souligne que seuls 18 % des Français de plus de 50 ans ont rédigé leurs directives anticipées.

Par ailleurs, si les professionnels de santé ne sont pas formés et sensibilisés à cette loi, inévitablement, le droit sera mal appliqué, voire ne le sera pas du tout.

Il y a donc du travail, je le concède, et la crise sanitaire nous a sans doute fait perdre un temps précieux, tout autant qu’elle aura mis en lumière nos propres insuffisances.

Durant la crise sanitaire, j’ai été amené à autoriser des traitements par injection de benzodiazépine, comme le Rivotril, pour alléger les souffrances des personnes âgées en détresse respiratoire avec suffocation qui étaient à leur domicile. Je n’occulte pas le débat qui a alors secoué une partie de la société et les réactions parfois extrêmement violentes que j’ai pu essuyer de la part d’une partie de la population qui considérait que soulager des souffrances devenues insupportables et irrémédiables s’apparentait à une forme de je ne sais quel génocide programmé. La situation n’est pas si simple.

Avant de soutenir que la population est très majoritairement prête à faire évoluer le droit, n’oublions pas que, dès lors que l’on ouvre un tel débat et que l’on entre dans le vif du sujet, il faut s’attendre à ce que les discussions soient plus ardues et nécessitent patience, pédagogie, dialogue et discussion. Pour ma part, quand il est question de l’accompagnement de la fin de vie, je ne considère jamais qu’une position est plus morale qu’une autre ni que certains pays sont en avance ou retard par rapport à d’autres.

Encore une fois, cette question touche à l’intime. Elle nécessite, en tout cas elle justifie un débat comme celui que vous permettez d’avoir aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, ce dont je vous remercie.

Rouvrir la discussion sur le cadre juridique, dont les questions sont vertigineuses et d’une profonde intimité, nécessite un débat parlementaire évidemment, mais également, je le crois profondément, un débat national impliquant les Français, les associations, les soignants, les corps intermédiaires.

Assurer la mise en œuvre concrète et réelle du cadre existant constitue en revanche un travail urgent, sur lequel le Gouvernement vous propose d’accélérer et dont la tâche m’incombe en tant que ministre chargé des questions de santé. Je m’attelle d’ores et déjà à ce travail : je tiens à vous annoncer aujourd’hui le lancement, à compter du mois d’avril prochain, d’un nouveau plan national de développement des soins palliatifs et d’accompagnement de la fin de vie.

Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Il s’agira du cinquième plan national, le précédent s’étant il est vrai interrompu en 2019. Je confierai à mes confrères Olivier Mermet et Bruno Richard, unanimement reconnus pour leur implication sur le sujet, le soin de copiloter ce nouveau plan national triennal.

Mieux faire connaître la loi actuelle aux professionnels et aux accompagnants sera l’un des fils conducteurs de ce plan, qui sera largement détaillé au cours des prochaines assises de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs au mois de mai prochain.

Nous inscrirons dans ce plan la nécessité d’améliorer la formation initiale et continue de l’ensemble des professionnels de santé sur la thématique de la fin de vie. Avec Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, nous devons engager un travail pour intégrer la fin de vie aux programmes des formations de santé.

Le plan prévoira aussi un développement de la prise en charge en ville – vous l’avez souhaité et je partage votre point de vue –, qui sera très vite facilitée par la mise à disposition du Midazolam dès la fin de l’année 2021.

Faire connaître la loi pour ne pas avoir un droit bavard et mal appliqué, c’est un impératif, mais ce n’est pas le seul. Il y a également un enjeu de moyens. À cet égard, le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale devra intégrer des mesures nouvelles pour augmenter la dotation socle des soins palliatifs. Ce sera au législateur de définir ces moyens et ce cap.

Au chapitre des moyens, je ne peux pas ne pas rappeler que le Ségur de la santé a prévu pas moins de 7 millions d’euros pour l’appui sanitaire aux Ehpad, ceux-ci incluant la mise en place d’astreintes de soins palliatifs.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat sur la fin de vie est un débat essentiel. Il mérite évidemment de l’apaisement, du sang-froid et tout le temps nécessaire à un sujet de société aussi important.

Nous sommes aujourd’hui encore en plein combat contre la crise virale, avec un système de santé totalement mobilisé, au front, et des mesures sanitaires qui pèsent lourdement sur le quotidien de nos concitoyens.

Pour le dire autrement, je ne pense pas que le moment choisi pour modifier le régime juridique de la fin de vie soit opportun, mais je sais que nos échanges permettront de nous fixer un horizon et de renforcer les dispositifs existants.

L’une des grandes avancées de la loi Claeys-Leonetti est d’avoir permis un accompagnement juste et adapté des personnes en fin de vie. Beaucoup de professionnels des soins palliatifs considèrent d’ailleurs que cette loi, si elle était correctement appliquée, suffirait à protéger l’autonomie de chaque individu face à la mort.

Il y a des situations de grande détresse qu’il faut entendre et pour lesquelles nous devons trouver des solutions, dans leur immense majorité déjà mobilisables dans notre droit.

Sur un sujet aussi sensible, je le répète, sans porter le moindre jugement sur les demandes, dont le fondement relève de l’intimité la plus profonde, sans dogmatisme aucun, j’appelle chacun à la prudence, à la sagesse.

Je me réjouis une nouvelle fois de ce débat. Les positions personnelles des parlementaires sont importantes ; j’en ai également, mais mon rôle ici est de porter la parole et l’engagement du Gouvernement d’améliorer l’application du droit existant, de renforcer les droits des personnes en fin de vie. Je suis ouvert à la réflexion, à la discussion, à l’échange. C’est aussi l’objet du présent débat parlementaire.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la question de la fin de vie « interroge chacune et chacun d’entre nous sur son rapport intime à la vie et à la mort. Mais la mort fait partie de la vie, et nos conditions de mort valent bien un débat égal à ceux que nous avons sur nos conditions de vie. » Ces mots, d’une profonde justesse, de Marie-Guite Dufay, amie intime de l’ancienne secrétaire d’État Paulette Guinchard-Kunstler, résonnent dans notre hémicycle alors que nous examinons cette proposition de loi.

La fin de vie est un sujet de société majeur, qui intéresse et mobilise nos concitoyens. En témoignent les dernières enquêtes d’opinion réalisées, selon lesquelles 89 % des Français sont favorables à une évolution de la législation. C’est pourquoi je souhaite remercier l’auteure de cette proposition de loi, Marie-Pierre de La Gontrie, et saluer les travaux de l’association ADMD et de son président, Jean-Luc Romero, dont je connais l’engagement.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Car si le droit a connu des évolutions importantes ces dernières années, nous constatons d’importantes disparités sur notre territoire.

Nous ne pouvons rester muets face aux difficultés juridiques de mise en œuvre de notre législation, qui conduit au départ de nombreux Français à l’étranger lorsque leurs ressources le leur permettent, créant de facto des inégalités liées aux ressources de chacun.

Pour celles et ceux qui en ont les moyens, être contraint de se rendre à l’étranger signifie bien souvent une fin de vie loin de leur pays, sans la présence de leurs proches et de leur famille, privés d’un accompagnement moral si important.

Comme l’indique le CESE dans un avis rendu en 2018, l’offre de soins palliatifs demeure insuffisante dans notre pays et inégalement répartie sur notre territoire, je pense notamment aux outre-mer. Au total, cela a été dit, vingt-six départements, dont Mayotte et La Réunion, ne sont pas dotés d’unités de soins palliatifs. Il convient donc de renforcer cet accès afin de permettre à nos concitoyens d’avoir une fin de vie digne et conforme à leurs souhaits.

Mes chers collègues, comme nos concitoyens, nous avons tous été confrontés à la perte d’un proche. Nous connaissons le sentiment d’impuissance que l’on éprouve durant ses derniers instants, auquel s’ajoute une profonde tristesse.

Que dire alors, et je reprends les mots de Jean-Luc Romero, lorsque ce proche vit ses derniers instants dans la souffrance, sans avoir pu choisir « le moment et la manière d’éteindre soi-même sa propre lumière » ? Pour lui, pour nous, nous ne pouvons évidemment pas l’accepter.

Il s’agit là d’un grand chantier que nous devrons conduire dans les mois et les années à venir, et je sais la mobilisation sur cette question de la majorité présidentielle et du Gouvernement, notamment par la voix du garde des sceaux, et, plus largement, sur l’ensemble des bancs de nos assemblées.

À cet égard, et comme le soulève l’ensemble des acteurs, le renforcement d’unités mobiles de soins palliatifs constituerait une première piste de réflexion.

Cette proposition de loi, qui prévoit d’inscrire dans le code de la santé publique le droit à l’aide active à mourir dans les cas de pathologies au caractère grave et incurable avéré et infligeant une souffrance physique ou psychique, constitue une réponse aux difficultés que pose notre législation.

Elle pose également le sujet essentiel des directives anticipées, en permettant leur développement et en instaurant un fichier national les recensant, ce qui constitue une avancée non négligeable que nous tenons à saluer et à soutenir.

Cette proposition de loi offre une nouvelle liberté sans créer d’obligation. C’est une loi de liberté. En tout état de cause, elle touche à l’intime, à la conception que nous nous faisons de la vie et de la mort. C’est pourquoi chaque membre du groupe RDPI votera ce texte en son âme et conscience. À titre personnel, comme l’écrasante majorité de mon groupe, je voterai pour.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, GEST, SER et CRCE.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guylène PANTEL

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, exceptionnellement, je débuterai par ce qui devrait être la fin de mon intervention : le groupe du RDSE est partagé sur cette proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité.

Il est partagé, car ce texte, au-delà des schémas partisans classiques, touche à ce que nous avons de plus intime, notre rapport à la mort. Il fait rejaillir des situations que nous avons pu connaître pour nos parents, nos amis ou nos proches et qui restent parfois douloureuses.

Il est partagé aussi, car une « bonne mort », pour reprendre l’étymologie du mot euthanasie, ne se décrète pas. Nous pouvons chacun avoir une interprétation de ce qu’elle peut être ou non et cette conception peut évoluer tout au long de notre vie.

À cet égard, je tiens à saluer à mon tour la mémoire de Paulette Guinchard-Kunstler, ancienne secrétaire d’État socialiste, décédée après avoir eu recours à un suicide assisté en Suisse, alors même qu’elle s’était opposée à cette pratique en 2005. Son choix de faire connaître sa décision est une preuve de courage sans commune mesure et force le respect.

Comme je vous l’indiquais, nous sommes partagés, au sein du groupe du RDSE, entre, d’une part, l’équilibre obtenu en 2016 dans la loi Claeys-Leonetti et, d’autre part, l’ouverture d’un véritable droit de mourir dans la dignité. Car au-delà de l’affirmation des droits existants, il nous faut les garantir pleinement, et force est de constater que ce n’est pas le cas.

Concernant les soins palliatifs d’abord, si des progrès ont récemment été effectués, l’on estime que près de 20 % des personnes qui pourraient les solliciter n’y ont pas accès. Les raisons en sont nombreuses : l’absence d’information sur ces soins, le manque de formation des personnels de santé, mais aussi une grande disparité territoriale, selon que l’on réside dans une métropole ou dans un territoire rural – j’en suis témoin.

Ce constat est partagé par le Conseil économique, social et environnemental qui, dans son rapport de 2018 intitulé Fin de vie : la France à l ’ heure des choix, indiquait que l’offre de soins palliatifs est « insuffisante et inégalement répartie ». C’est d’autant plus vrai qu’un nombre croissant de Français fait le choix du maintien à domicile.

Ce que j’évoque concernant les soins palliatifs est également valable pour les directives anticipées. Créées en 2016, elles devaient permettre de connaître les volontés en termes de soins médicaux d’une personne devenue inconsciente ou incapable de s’exprimer. L’objectif était d’éviter les drames familiaux, comme dans l’affaire Vincent Lambert, dont les proches se sont déchirés durant des années au sujet du consentement qu’aurait ou non donné celui-ci.

À cet égard, on peut regretter que des affaires comme celle-ci n’aient pas incité les pouvoirs publics à lancer une vaste campagne d’information au sujet des directives anticipées.

Au fond, c’est l’absence d’effectivité de la loi actuelle qui fait que certains d’entre nous s’interrogent sur l’opportunité de franchir l’étape supplémentaire qu’est l’ouverture du droit de mourir dans la dignité.

D’autres de nos collègues sont convaincus qu’il faut passer à cette étape : d’abord parce qu’ils sont attachés à la liberté individuelle et pensent que, lorsque les circonstances le justifient, chacun doit pouvoir choisir sa mort ; ensuite parce qu’ils estiment que la sédation profonde et continue, tout comme la notion de non-acharnement thérapeutique, qui consiste au final à endormir et à laisser mourir par l’arrêt des traitements, ne permet pas de garantir une fin de vie digne aujourd’hui ; enfin parce qu’ils considèrent que le cadre juridique posé par l’article 2 est suffisamment rigoureux, ce que l’on ne peut nier.

En prévoyant que le patient doit être en phase terminale ou avancée d’une affection pathologique ou accidentelle, que celle-ci doit être incurable, le législateur apporte de véritables garanties aux plus sceptiques d’entre nous.

Il le fait encore lorsqu’il prévoit que pour bénéficier de ce droit, cette affection doit infliger une souffrance physique ou psychique inapaisable, insupportable ou plaçant le malade dans un état de dépendance qu’il estime incompatible avec sa dignité.

Enfin, ces garanties sont données lorsque les médecins doivent consulter leurs confrères et émettre un avis collégial sur la mise en œuvre de l’aide active à mourir. Nous défendrons d’ailleurs un amendement visant à renforcer cette collégialité.

Comme je vous l’ai dit au début de mon propos, le groupe du RDSE reste partagé sur cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Rachid Temal applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le philosophe Sully Prudhomme disait : « Il est bon d’apprendre à mourir par volonté, non d’un coup traître. […] Qui sait mourir n’a plus de maître. »

La covid-19 a malheureusement été le maître de nombreuses décisions concernant la fin de vie ces derniers mois. Or, en ce domaine, comme en beaucoup d’autres, les inégalités territoriales sont fortes et il n’est pas excessif d’avancer qu’on meurt, encore trop souvent, dans de mauvaises conditions en France.

La pandémie fut en quelque sorte un miroir grossissant de toutes ces difficultés et des souffrances qu’elles engendrent. Elle a accentué les problèmes de pénurie de médicaments, notamment de Midazolam, utilisé pour les sédations terminales. Les personnes en fin de vie n’ont pas eu accès à ce médicament, conservé pour la réanimation, et un traitement de substitution, le Rivotril, leur a été administré dans les Ehpad. Le décret autorisant son utilisation, dans le cadre de l’urgence sanitaire, n’a malheureusement pas étendu son emploi à domicile.

Enfin, pendant de très longues semaines, les visites des proches et des familles ont été interdites pour les personnes en fin de vie, entravant voire empêchant un accompagnement et une présence indispensables.

Cette proposition de loi en faveur de la légalisation de l’euthanasie, du suicide assisté et d’un accès universel aux soins palliatifs est plus que jamais d’actualité.

Même si la loi dite Claeys-Leonetti constitue une avancée avec l’instauration du droit à la sédation profonde et continue, elle est insuffisante et mal connue, tant par les patients que par les soignants. Les auditions organisées par Michelle Meunier ont par ailleurs confirmé que les directives anticipées étaient rares.

Le Conseil économique, social et environnemental avait fait état en 2018 des difficultés de mise en œuvre du droit à la sédation profonde. Celles-ci ne sont toujours pas résolues et persistent, en raison notamment de problèmes d’ordre médical, juridique et éthique.

Actuellement, l’état du droit conduit de nombreuses personnes à partir à l’étranger, quand elles en ont les moyens, pour y terminer leur vie conformément à leurs souhaits. Cette discrimination par l’argent est intolérable !

Nous ne pouvons que regretter en la matière l’absence de position commune en Europe, où les législations connaissent de profondes disparités en matière d’euthanasie active.

Faut-il redire que cette proposition de loi répond à une demande forte des Français, qui souhaitent que la législation évolue afin d’autoriser les médecins à mettre fin sans souffrance à la vie des personnes qui en font la demande ? Elle constitue un progrès.

C’est une question intime, propre à chacun. Nous connaissons tous des exemples douloureux qui nous conduisent à nous interroger. Nous ne pouvons nous contenter de la législation en cours. Cette proposition de loi est très encadrée : elle prévoit des conditions strictes et précises, un protocole de décision et de mise en œuvre bien défini, et, comme pour tout acte médical, une clause de conscience.

Pour notre groupe, la meilleure prise en considération des volontés des patients et un plus grand respect des conditions de fin de vie sont des éléments fondamentaux pour garantir la liberté et l’égalité des droits devant la mort. D’ailleurs, le texte que nous examinons reprend les termes d’une proposition de loi déposée en 2011 par le groupe communiste, sous l’impulsion de Guy Fischer et Annie David, alors présidente de la commission des affaires sociales.

Parallèlement, comment ne pas s’interroger sur le développement des soins palliatifs, qui a hélas ! pris beaucoup de retard, puisque, entre 2015 et 2018, seuls 210 lits en unités de soins palliatifs ont été créés, ainsi que 6 équipes mobiles.

Le 13 février dernier, l’IGAS a publié un rapport très critique sur l’état des soins palliatifs. Résultat, l’offre « est globalement insuffisante », de fortes disparités régionales étant constatées, « et ne répond pas bien à la demande de la population qui devrait recevoir des soins palliatifs ».

Pour améliorer la fin de vie et mettre en œuvre un droit à mourir dans la dignité, il faut donc faire évoluer la loi, mais également renforcer le développement des soins palliatifs, recruter des professionnels spécialisés, donc bien formés.

J’ai bien entendu votre engagement, monsieur le ministre, mais je pense sincèrement qu’il n’est pas en contradiction avec cette proposition de loi, bien au contraire. Nous verrons dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale si les moyens financiers et humains que vous nous avez promis pour les soins palliatifs sont dégagés.

Pour l’heure, les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE voteront en faveur de cette proposition de loi. Nous remercions le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, particulièrement Michelle Meunier et Marie-Pierre de La Gontrie, ainsi que l’association ADMD.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – Mme Élisabeth Doineau et M. Henri Cabanel applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, je tiens à remercier notre rapporteure pour la qualité des travaux qu’elle a menés. Comme beaucoup des orateurs qui sont intervenus et qui s’exprimeront aujourd’hui dans le cadre de cette discussion générale, c’est avec beaucoup de modestie que je prendrai la parole au nom de mon groupe sur un texte qui, par essence, ne peut pas faire l’objet d’une position commune.

Dès lors, le vote du groupe Union Centriste sur l’ensemble de cette proposition de loi sera nécessairement partagé. Toutefois, une chose nous rassemble et nous indigne à la fois, et je ne crois pas m’avancer si je dis que cela nous rassemble tous ce matin.

En effet, et pardonnez-moi l’expression, « nous mourrons mal en France ». Un chiffre est particulièrement édifiant, nous sommes plusieurs à l’avoir souligné : vingt-six départements ne disposent pas d’unité de soins palliatifs. Lorsque le décès advient en milieu hospitalier, et en dépit des efforts des personnels, force est de constater que l’environnement du décès ne garantit pas le respect qui est dû à l’intéressé, ainsi qu’aux proches qui l’accompagnent et qui souffrent.

Aussi, les membres du groupe Union Centriste profitent de cette tribune offerte par les auteurs de cette proposition de loi pour attirer solennellement l’attention du Gouvernement sur la nécessité de soutenir le maintien et le développement des unités de soins palliatifs, de veiller à ce que la fin de vie demeure toujours un sujet abordé à sa juste mesure dans l’ensemble des formations des personnels soignants, y compris dans les modules de formation continue.

Cette exigence, monsieur le ministre, permettra d’acculturer les Français aux dispositions toujours trop méconnues de notre droit : nous pensons à la loi du 22 avril 2005, ainsi qu’à la loi du 2 février 2016.

Nous estimons qu’un meilleur usage de nos droits, l’élaboration de directives anticipées ou la désignation d’une personne de confiance sont susceptibles d’éviter aux familles des discussions délicates et parfois sources de tensions insoutenables.

D’ailleurs, monsieur le ministre, pourquoi ne pas envisager de rendre obligatoire la rédaction de directives anticipées dès l’âge de 18 ans et leur renouvellement tous les dix ans au minimum ? L’usage des nouveaux outils, je pense au dossier médical partagé (DMP) par exemple, devrait permettre d’envisager une telle mesure.

Par ailleurs, j’ai été sensible aux propos qu’a tenus en commission la semaine dernière notre collègue Véronique Guillotin. Elle nous a fait part de son expérience de médecin en soins palliatifs à proximité de la frontière belge et expliqué que, dans quasiment tous les cas, une fois que le mourant était convenablement installé à domicile, bien accompagné, que sa douleur était gérée, il revenait sur sa demande initiale.

Cela confirme assurément nos deux premières exigences : une meilleure connaissance et diffusion de notre droit et la mise en place d’environnements respectueux des familles.

Pour ma part, j’estime que ces deux exigences n’étant pas remplies, cette proposition de loi passe partiellement à côté de l’objectif affiché dans son titre : le droit à mourir dans la dignité et, j’ajouterai, dans la sérénité.

Aussi, je voterai contre cette proposition de loi qui, par ailleurs, me semble apporter des solutions à un certain nombre de problèmes bien réels, tout à fait délicats, et que l’on ne peut examiner qu’avec les précautions et la finesse auxquelles nous oblige ce sujet. Il me semble toutefois que ces dispositions sont source d’autres problèmes susceptibles d’être à l’origine de nouveaux contentieux pour les familles.

Disons-le clairement, ce texte ne se situe pas dans le prolongement des lois que j’ai rappelées précédemment. Il prévoit un changement de paradigme en ouvrant la possibilité de recourir au suicide assisté et à l’euthanasie.

Je vous rappelle que le législateur a jusqu’à présent toujours fait l’économie de telles dispositions. Il a choisi d’interdire l’acharnement thérapeutique et préféré à l’euthanasie l’usage de médicaments pour soulager les douleurs, bien qu’ils puissent entraîner la mort, ou encore d’une sédation profonde en cas de douleur réfractaire aux traitements. Ainsi, nos prédécesseurs n’ont jamais souhaité franchir la ligne qui consisterait à légaliser un acte positif ayant pour seule finalité de tuer une personne ou de lui permettre de se suicider, quand bien même celle-ci serait atteinte d’une maladie grave, incurable et qu’elle en ferait la demande.

D’ailleurs, la proposition de loi met en place une fiction juridique, puisque la personne ainsi décédée verrait son décès enregistré comme mort naturelle.

Enfin, je m’arrêterai sur l’article 7, qui précise l’ordre de primauté pour déterminer les conditions d’application du dispositif lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté, en l’absence de directives anticipées ou de désignation de personne de confiance. La proposition de loi prévoit que sera d’abord consulté le partenaire de vie, sans préciser la durée minimale de la relation. Le partenaire ayant vécu trois mois avec le patient serait donc prioritaire sur l’enfant majeur, mais l’enfant mineur, deux mois avant sa majorité, ne serait pas prioritaire sur ses grands-parents ou ses cousins.

Bref, en l’état, cet article ne me semble ni souhaitable ni abouti. Il est surtout susceptible de créer un grand nombre de contentieux, alors que nous recherchons en la matière l’apaisement et la dignité.

Malgré ces remarques, je remercie les auteurs de cette proposition de loi, qui nous permettent de débattre d’un sujet important pour notre société, essentiel pour chacun d’entre nous, et d’une importance considérable pour celles et ceux dont les demandes ne trouvent pas encore satisfaction. Le débat aura assurément contribué à réexposer les demandes, les difficultés à y répondre, les freins sociétaux et les exigences que nous avons pour ce qui existe aujourd’hui et ce qui pourrait exister demain.

C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas la suppression de l’article 1er : le débat doit avoir lieu dans cet hémicycle.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Véronique Guillotin et M. Stéphane Artano applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier . Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sommet de l’abject se rapproche de jour en jour durant ce quinquennat puisque le Gouvernement a décidé d’abandonner nos anciens en reportant aux calendes grecques le projet de loi Autonomie et grand âge et que les sénateurs socialistes, jamais en retard d’une ignominie

Vives protestations sur les travées du groupe SER

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

, proposent comme alternative à la souffrance en fin de vie l’euthanasie !

« C ’ est l ’ hôpital qui se moque de la charité ! » sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Ce sont les mêmes qui ont aboli la peine de mort pour les assassins qui souhaitent la rétablir pour les innocents

Applaudissements ironiques et huées sur les travées du groupe SER

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Depuis un an que nous sommes entrés en crise épidémique, nous avons accepté, de gré, et surtout de force, de mettre à l’arrêt, ou presque, tout un pays pour protéger la vie humaine, dont le prix est inestimable, notamment celle des personnes les plus fragiles, et ce quitte à imposer de grandes souffrances économiques et sociales à toute une nation solidaire.

Mais ici, dans ce texte, vous venez balayer tous ces sacrifices en offrant comme perspective macabre aux personnes souffrantes le suicide et donc la mort. Projet nauséabond de matérialistes, plus connus sous le vocable antinomique de « progressistes »…

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. … qui souhaitent éliminer tout ce qui n’est pas utile à la société matérialiste déshumanisée.

Exclamations exaspérées sur les travées des groupes CRCE et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Comme le disait le professeur et académicien Jean Bernard : « Il faut ajouter de la vie aux jours lorsqu’on ne peut plus ajouter de jours à la vie. » Et c’est ainsi que j’imagine l’accompagnement des personnes en grandes souffrances ou condamnées à mourir.

Car il y a dans nos établissements de soins palliatifs une médecine tournée vers l’humain dans ses particularités sociales, familiales, physiques et même spirituelles. C’est cette médecine qu’il nous faut soutenir et développer.

La souffrance peut faire peur, la volonté de liberté sans frein peut séduire, l’acharnement thérapeutique peut susciter des interrogations, mais jamais, jamais la mort précipitée ne doit être considérée comme une solution.

Les patients ne souhaitent pas mourir, ils souhaitent ne pas souffrir. Alors il faut leur assurer une fin de vie la plus « confortable » possible, c’est l’honneur de notre société ; il y va de notre conscience individuelle, qui ne saurait céder à l’inconscience collective.

Vous nous parlez de « suicide assisté », en même temps que nombreux, trop nombreux sont nos compatriotes, notamment paysans, commerçants et représentants des forces de l’ordre, qui se suicident pour fuir la détresse de l’abandon. Il faut une grande ambition de solidarité nationale pour endiguer le phénomène plutôt que de le légaliser.

La médecine s’est évertuée jusqu’à nos jours à augmenter l’espérance de vie, faisant de la protection de la vie humaine sa vocation. Vous voulez faire table rase de ce passé en imposant la désespérance de vie, au nom d’une nouvelle liberté. Liberté, voilà un nouveau crime que certains s’apprêtent à commettre en ton nom !

Est-ce cela votre conception d’une société avancée, d’une société moderne, d’une société éclairée ? Tant de lumière finit par vous aveugler, mes chers collègues, au point de ne plus voir que la vie doit rester au-dessus de tout.

Je vous appelle donc, mes chers collègues, à rejeter les arguments fallacieux des tenants de ce texte mortifère.

Des sénateurs des groupes SER et CRCE frappent sur leur pupitre pour couvrir la voix de l ’ orateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. René-Paul Savary. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme tout médecin généraliste, j’ai été confronté à la fin de vie de patients atteints de pathologies insupportables ou parfois usés par la vie, désireux d’en finir et l’exprimant régulièrement.

Et pourtant ! Je me souviens de Jeanne, me répétant à chaque visite : « Docteur, je veux en finir, je souffre le martyre. » Voulant m’assurer de sa certitude, je lui dis avec compassion que j’étais prêt à répondre à sa volonté.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Alors, j’ai vu dans son regard non pas une lueur d’espoir que ses souffrances soient abrégées, mais une crainte de ne plus vivre. Elle m’a demandé timidement, humblement, de reporter à plus tard cette décision lourde. Au fond d’elle-même, elle n’était pas prête.

Oui, le doute est permis, la volonté d’un jour n’est pas celle de toujours. Ce dialogue singulier entre un patient et son médecin, s’il doit être encadré par la loi, reste heureusement plus relationnel que législatif.

« Une loi pour celles ou ceux qui vont mourir, nous l’avons, c’est la loi Leonetti-Claeys » : c’est ce que disait Alain Milon, alors président de notre commission des affaires sociales, au moment de son adoption au Sénat, qui est excusé aujourd’hui. Michel Amiel, corapporteur du texte, citait lui Albert Camus, qui a décrit la mort heureuse, « la tête dans les étoiles ». Dans les faits, ce n’est, hélas ! pas ainsi que les choses se passent, disait-il.

Cette proposition de loi s’adresse, elle, à celles ou ceux qui veulent mourir. L’approche éthique est différente, plus sociétale que médicale. Apportera-t-elle l’humanité indispensable à celui qui veut mourir et la sérénité à son entourage et au personnel soignant ? Intimement, je ne suis pas sûr que ce texte réponde à toutes les questions soulevées.

Les patients désireux de mourir le veulent-ils vraiment ? Leur volonté est-elle définitive ? N’est-elle pas orientée ? Considérer que l’euthanasie conduit à une mort naturelle, à déclarer comme telle sur le certificat de décès, n’est-ce pas une source de dérive ? Jusqu’où aller dans le respect de la dignité humaine, tellement différente d’un individu à l’autre dans la vie courante, et donc lors de l’inéluctable fin de vie de chacun ? Et poser la clause de conscience, n’est-ce pas reconnaître implicitement ne pas savoir jusqu’où aller dans l’aide active à mourir ?

Voici quelques propos émanant d’un collectif de médecins en soins palliatifs et de gériatres qui alertent sur ces risques de dérive, vous les avez sûrement lus.

« Dans les pays où l’aide à mourir est proposée, la critique de l’acte devient difficile, voire impossible. Le respect de la conscience et des volontés des médecins et des malades est mis à mal.

« Les patients peuvent ressentir une pression sociale, parfois même familiale, les poussant à demander une mort anticipée. Sommes-nous dès lors toujours dans la thématique du choix ? »

Il doit tenir compte de l’expérience de ces soignants confrontés à la fin de vie insupportable de certains patients. Alors, appliquons déjà les textes existants !

La loi Leonetti-Claeys peut permettre de faire face à plus de situations et répondre aux besoins de celles et ceux qui vont mourir, dont certains veulent en finir. Évaluons d’abord son application. Nous verrons vite qu’elle n’est pas suffisamment mise en œuvre, parce que pas encore assimilée, et pour cause ! Il y a très peu de directives anticipées ; M. le ministre l’a souligné.

Cette loi préconisait un développement des services de soins palliatifs sur l’ensemble du territoire, ce qui n’a toujours pas été fait. Cela fait partie de ces innombrables inégalités territoriales, qui vont de la naissance au dernier jour, et dont tout le monde parle, mais qui ne sont toujours pas résorbées. Et ce n’est pas en répétant loi après loi tout ce qui ne va pas qu’on fait avancer les choses plus vite !

Certains évoquent l’expérience de nos voisins belges ou suisses, ou encore le cas de Paulette Guinchard-Kunstler. D’autres feront peut-être référence, avec beaucoup de sincérité, aux affaires Vincent Humbert ou Vincent Lambert. Ne préférons pas la facilité du débat au respect de l’humanité de la fin de vie.

Oui, la dignité humaine impose le respect de la vie que mérite tout individu jusqu’à son dernier souffle. Non, cette proposition de loi ne semble pas répondre aux incertitudes légitimement soulevées.

Aussi, dans sa majorité, notre groupe ne votera pas la présente proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’augmentation progressive de l’espérance de vie et l’évolution de notre société, les questions d’euthanasie agitent et animent régulièrement nos débats sociétaux, ainsi que nos bonnes consciences.

En 2005, la loi Leonetti a permis de faire un grand bond en avant en autorisant toute personne en phase terminale d’une maladie incurable à décider de limiter ou de stopper ses traitements. Si le patient est inconscient, le non-acharnement thérapeutique est décidé à l’issue d’une procédure collégiale. La notion d’obligation de soins palliatifs et d’accompagnement a déjà été introduite dans cette loi.

Rappelons que ce sont des soins actifs et positifs, avec administration d’antalgiques, de corticoïdes ou poursuite de certains traitements, mais dans le seul objectif de soulager le patient jusqu’à la fin. Il n’est aucunement question de provoquer le décès par injection d’une substance létale. L’usage de certains antalgiques, notamment de la famille des opiacés, à forte dose, est autorisé pour des raisons d’efficacité, même s’ils peuvent accidentellement entraîner le décès prématuré du patient.

Il s’agit donc de préserver la dignité de la personne en lui épargnant autant que faire se peut douleurs et souffrances psychologiques.

En 2016, un nouveau pas a été franchi avec la loi Claeys-Leonetti, qui a introduit les notions fondamentales de « directives anticipées » et de « sédation profonde et continue ». Après accord du patient et de la famille, le médecin, à l’aide de produits anesthésiques, peut altérer la conscience du patient et arrêter les traitements, afin d’entraîner un décès en douceur.

La différence fondamentale avec le suicide assisté est simple : ce dispositif s’adresse non pas à des personnes qui veulent mourir, mais à des personnes qui vont mourir.

La loi Claeys-Leonetti a marqué un progrès fondamental dans le traitement des maladies incurables. Il convient désormais – vous l’avez rappelé fort justement, monsieur le ministre – de la faire connaître, de la relayer sur le terrain et de veiller à son application. Un nombre trop important de médecins et de soignants refusent encore, sous prétexte de craintes souvent injustifiées, de mettre en œuvre ses dispositions.

Cette loi a gravé dans le marbre des actes que les médecins pratiquaient déjà dans l’intérêt du patient et des familles, avec beaucoup de compassion et d’humanisme.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous invite, avec le suicide assisté, à un changement de paradigme fondamental.

Il ne s’agit pas simplement, comme certains le pensent, de déterminer si nous y sommes prêts ; il s’agit de savoir si nous considérons qu’une telle option constitue, ou non, un choix de société souhaitable.

Un tel débat ne peut pas se résumer en dix articles. Un encadrement juridique bien plus détaillé est nécessaire.

Le texte soulève beaucoup plus de problèmes qu’il n’apporte de solutions. Je pense par exemple à l’amalgame qui est opéré à l’article 9 entre soins palliatifs et suicide assisté, ou encore au fait d’assimiler, à l’article 3, le suicide assisté à une mort « naturelle »… Très beau sujet de réflexion pour les juristes et les assureurs !

Mes chers collègues, à mon sens, cette proposition de loi ne permet pas d’évaluer et d’encadrer correctement tous les cas de souffrances psychologiques ou physiques qui relèveraient d’un suicide assisté.

Chaque cas est unique et devrait être traité individuellement, après avis d’un comité d’éthique médicale.

Les équipes de soignants le savent : judicieusement appliquée et adaptée en fonction de certaines circonstances, la loi Claeys-Leonetti permet de traiter la grande majorité des cas. Elle me paraît largement suffisante et satisfaisante pour l’heure. Laissons faire les médecins.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne votera pas ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question du droit individuel à bénéficier de l’aide active à mourir, dans un cadre strictement défini et contrôlé, s’invite régulièrement dans l’actualité. Plusieurs propositions de loi ont été déposées en ce sens à l’Assemblée nationale. Autour de nous, des pays légalisent cette pratique. La population française, dans sa diversité, y est massivement favorable. Il nous faut donc comprendre ce qui insiste comme ce qui résiste dans ce débat en France.

L’objection première est qu’un tel choix résulterait d’un défaut d’accompagnement de qualité de la fin de vie, d’une non-application ou d’une mauvaise application des lois existantes, ou de l’absence d’unités de soins palliatifs.

Certes, on meurt mal en France. Et, effectivement, les soins palliatifs attendent depuis trois ans un nouveau plan. Les fermetures, toujours en cours, de dizaines de milliers de lits de spécialités médicales, en cancérologie, en pneumologie, en gériatrie, où l’accompagnement de type palliatif s’exerçait, ont de facto diminué l’offre de lits palliatifs. Mais le cas de la Belgique, pionnière des soins palliatifs, et qui a ensuite légalisé l’aide active à mourir, nous le prouve : tout cela n’épuise pas la question, même si, au final, très peu de personnes et de situations sont concernées.

D’ailleurs, cette proposition de loi réaffirme le droit effectif universel à accéder à des soins palliatifs dans tous les départements, proportionnellement à leur population.

La société garantit alors de dignes conditions d’accompagnement et de soins. Pour autant, elle ne peut prétendre définir à la place de la personne atteinte d’une maladie grave et incurable lui infligeant une souffrance inapaisable ni ce qui fait sens pour cette dernière dans le temps qu’il lui reste à vivre ni sa conception personnelle d’une mort digne.

Ce qui insiste donc, c’est la demande que la société entende et respecte le choix, irréductible à l’individu, de décider du moment de partir, et qu’elle permette l’effectivité de ce choix individuel dans le cadre collectif qu’elle a défini.

À l’inverse, même si la société ne condamne pas le droit de se donner la mort – rappelons qu’elle n’attache « pas de réprobation sociale au suicide » –, elle refuse l’aide active de soignants, jamais contraints, puisqu’ils peuvent opposer la clause de conscience. Ce refus condamne souvent à des suicides violents et prématurés, à des pratiques illégales à la seule discrétion des médecins – faut-il dire « du pouvoir médical » ? –, au départ à l’étranger ou à des fins de vie vécues comme indignes par la personne et son entourage.

Ce que le législateur reconnaît par cette proposition de loi, quand la médecine elle-même se retire, c’est le droit de chacun à être aidé pour choisir – j’emprunte cette expression – le moment d’« éteindre la lumière ».

Paulette Guinchard-Kunstler a souhaité que son suicide assisté soit connu dans l’espoir de faire bouger les lignes. Rappelons que, après la première loi Leonetti, défenseuse du développement des soins palliatifs, elle estimait que l’état de la loi française permettait de répondre à toutes les situations. Quand, malade, elle a pris la décision de ne pas aller plus loin, et alors que la loi française ne permettait pas d’accéder à sa demande, elle s’est résolue à partir en Suisse.

Je pense que tout le monde a droit à ce cheminement de liberté et je vous invite à voter la loi le permettant.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de la fin de vie anime régulièrement le débat public, ravivée à chaque exemple douloureux d’une fin de vie de souffrances pour un patient et sa famille.

Ces débats ont permis des avancées législatives significatives en matière d’accompagnement pour une fin de vie digne, en particulier grâce aux lois Leonetti et Claeys-Leonetti, votées respectivement en 2005 et en 2016.

Mais pour les malades et leurs familles, pour les associations qui les soutiennent et pour un grand nombre de nos concitoyens, le dispositif législatif actuel demeure insuffisant.

Bien sûr, des mesures telles que l’interdiction de l’obstination déraisonnable, la désignation d’une personne de confiance ou encore l’instauration des directives anticipées constituent des avancées concrètes, quoique parfois méconnues par nos compatriotes, qui y ont encore peu recours.

La législation existante se borne en outre à limiter le choix des patients entre une sédation profonde et continue, souvent suivie d’une lente agonie, et un statu quo thérapeutique entraînant trop fréquemment des souffrances insupportables.

La proposition de loi de notre collègue Marie-Pierre de La Gontrie, que je suis heureux d’avoir cosignée, prend ainsi tout son sens. Elle s’inscrit dans un contexte où la demande des Français d’obtenir le droit de mourir dans la dignité est unanime.

Comme cela a été rappelé, selon un sondage de l’institut Ipsos réalisé au mois de mars 2019, 96 % des personnes interrogées sont favorables à la reconnaissance d’un droit à l’euthanasie. Un tel pourcentage est éloquent et ne peut pas nous laisser indifférents !

Cette proposition de loi vise en outre à rompre avec un système aujourd’hui inégalitaire face à la fin de vie, car seules les personnes qui en ont les moyens peuvent décider de partir à l’étranger afin d’y terminer leur existence conformément à leurs souhaits.

Soulignons à cet égard que, après les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg, un quatrième pays européen, le Portugal, vient d’adopter, le 29 janvier dernier, une loi dépénalisant l’euthanasie. L’Espagne est en passe de faire de même, le Congrès des députés ayant approuvé une proposition de loi de régulation de l’euthanasie au mois de décembre 2020, qui devrait être adoptée définitivement à l’issue de la navette parlementaire.

Si comparaison n’est pas raison, nous ne pouvons pas faire fi de cette évolution sociétale, qui s’étend désormais de part et d’autre de nos frontières.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise ainsi à mettre en place un dispositif juste et sécurisant pour les malades et les praticiens en ouvrant enfin le droit pour les patients de solliciter l’aide active à mourir, dans un cadre législatif rigoureux.

Le texte reconnaît à tous les citoyens le droit de pouvoir choisir de mourir dans des conditions dignes et strictement conformes à leurs souhaits.

Mes chers collègues, l’heure de la mort fait légitimement appel pour chacun d’entre nous à des sentiments profonds et personnels, à des convictions intimes. C’est pourquoi il n’est jamais aisé de légiférer en la matière.

Pourtant, et comme d’autres l’ont fait avant nous au sein de la Haute Assemblée, nous pouvons choisir de donner à chacun de nos compatriotes le droit de maîtriser les conditions de sa mort, comme chaque être humain est en droit de choisir les modalités de sa propre vie.

Ce texte prévoit donc d’inscrire dans le code de la santé publique le droit de bénéficier de l’aide active à mourir. Il en définit précisément les conditions de mise en œuvre, ainsi que les critères permettant aux patients de pouvoir y avoir recours.

Considérant qu’il ne peut pas y avoir de fin de vie digne sans qu’un environnement adapté et suffisant soit mis en place autour du patient et de sa famille, la proposition de loi détermine également les modalités de désignation des personnes de confiance et renforce la prise en compte des directives anticipées, en réaffirmant leur caractère contraignant pour l’équipe soignante et en actant la création d’un registre national automatisé. Elle permet par ailleurs à la personne de confiance de demander l’aide active à mourir lorsque le patient a indiqué vouloir en bénéficier dans ses directives anticipées et alors qu’il se trouve hors d’état d’exprimer sa volonté.

Enfin, il ne saurait y avoir d’ouverture de droits nouveaux en matière de fin de vie sans que l’on offre à nos concitoyens la garantie pour tous, où qu’ils se trouvent sur le territoire national et dès lors que leur état de santé le requiert, d’un accès effectif aux soins palliatifs.

Cette proposition de loi institue donc un droit universel d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement, dont la mise en œuvre devra faire l’objet d’un rapport annuel de la part du Gouvernement. Les inégalités territoriales restent en effet criantes en la matière et nécessitent des moyens financiers et humains à la hauteur des enjeux.

Mes chers collègues, au-delà de nos conceptions philosophiques et de nos appréciations personnelles et intimes, de notre propre rapport à la mort, le texte soumis aujourd’hui à notre examen constitue fondamentalement une loi de liberté. Il n’impose rien, mais il vise à permettre à chacune et chacun d’avoir la faculté ultime de choisir sa fin de vie.

C’est la raison pour laquelle, au-delà de nos sensibilités politiques, je vous invite collectivement à faire en sorte que notre Haute Assemblée soit le fer de lance de cette liberté nouvelle en votant en faveur de la présente proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Sophocle écrivait : « Si j’étais mort, je ne serais pas un tel sujet d’affliction pour mes amis ni pour moi-même. » Aujourd’hui, nous examinons une proposition de loi instaurant un droit à mourir, et cette pensée antique s’inscrit parfaitement dans le débat actuel.

En effet, ce texte a été présenté afin d’offrir aux patients volontaires une mort digne, grâce à l’euthanasie ou au suicide assisté.

Lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales, la présidente Catherine Deroche soulignait que la dignité d’un homme était préservée jusqu’à son dernier souffle, malgré la déchéance physique, que nous ne pouvons pas considérer comme indigne.

La question suivante se pose : l’accélération de la fin de vie est-elle un moyen de préserver la dignité humaine ? Mon âme de médecin me fait penser que non.

L’article 2 de la proposition de loi édicte un certain nombre de critères qui permettent aux médecins d’apprécier la recevabilité de la demande d’aide active à mourir. Celle-ci renvoie à la notion de « dernière volonté ». Or comment s’assurer que ce souhait constitue une volonté définitive ? Toute erreur de jugement de la part d’un patient souhaitant bénéficier d’une aide active à mourir serait irréversible. À cet égard, l’exemple évoqué par René-Paul Savary est édifiant.

En dépit de la clause de conscience proposée, le médecin engagerait sa responsabilité morale en acceptant ou en refusant un tel acte. La loi est-elle en mesure d’apporter des réponses appropriées à toutes les situations ? Chaque dossier médical, chaque patient diffère selon les contextes de vie et d’hospitalisation. Il me paraît audacieux de généraliser une pratique aussi exceptionnelle qu’intime.

Par ailleurs, l’article 4 de la proposition de loi définit le régime de la personne dite de confiance, en prévoyant un classement « par ordre de préférence ». Mes chers collègues, je suis père de quatre enfants. Je vous assure être dans l’incapacité la plus totale d’établir un ordre de préférence entre eux.

La position que je défends aujourd’hui semble être similaire à celle du Comité consultatif national d’éthique, qui rappelait en 2019 que la loi n’avait pas vocation à arbitrer ou à résoudre les questions éthiques « nécessairement déchirantes » liées à la fin de vie, mais qu’elle devait poser « un cadre nécessaire pour la cohésion et la solidarité entre les individus dans une société ».

En revanche, je salue l’apport de l’article 9 de la proposition de loi, qui instaure un droit universel aux soins palliatifs. Ce texte nous accorde ainsi la possibilité de dresser un bilan de l’offre de soins palliatifs en France, qui reste bien trop insuffisante à ce jour. Je partage pleinement l’objectif de rendre effectif le droit de bénéficier de ce type de soins. Il me paraît essentiel d’augmenter les moyens afin de permettre au système hospitalier d’accueillir davantage de patients en fin de vie.

Ce mardi, Jean Castex a annoncé la mise en œuvre du deuxième volet du Ségur de la santé, à savoir le « lancement d’une nouvelle politique d’investissements dans le système de santé ». Ce plan est composé d’une enveloppe de 19 milliards d’euros, mais les soins palliatifs n’y sont pas mentionnés. Monsieur le ministre, j’entends vos annonces avec espoir, mais également avec vigilance.

Il me semble contradictoire de concrétiser un droit universel aux soins palliatifs dans cette proposition de loi, sans détailler les moyens qui y seront dévolus, tout en légiférant sur le suicide assisté et l’euthanasie.

Dans son rapport, notre collègue Michelle Meunier fait référence à un sondage publié par le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie au mois en février 2021, selon lequel seuls 18 % des Français ont rédigé des directives anticipées. C’est une proportion encore très faible, cinq ans après l’adoption de la loi Claeys-Leonetti. Par ailleurs, 54 % des personnes interrogées ne souhaitent pas en rédiger. Ces chiffres nous invitent à tirer la conclusion selon laquelle la majorité des Français ne semblent pas attendre une évolution législative dans ce domaine.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voterons contre cette proposition de loi.

Enfin, comme je pense que ce sont nos expériences personnelles ou professionnelles qui forgent notre conviction intime sur le sujet, permettez-moi de vous livrer l’une des miennes. Voilà quelques mois, pour la première fois dans ma carrière professionnelle, j’ai annoncé à une jeune patiente qu’elle allait mourir. Elle m’a demandé le droit à vivre dans la dignité.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

L’article L. 1110-5 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce droit comprend celui de bénéficier de l’aide active à mourir dans les conditions prévues au présent code et entendue comme : » ;

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« 1° Soit le suicide assisté, qui est la prescription à une personne par un médecin, à la demande expresse de cette personne, d’un produit létal et l’assistance à l’administration de ce produit par un médecin ou une personne agréée ;

« 2° Soit l’euthanasie, qui est le fait par un médecin de mettre fin intentionnellement à la vie d’une personne, à la demande expresse de celle-ci. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie tout d’abord les auteurs de la présente proposition de loi, qui nous permettent d’avoir ce débat aujourd’hui.

Nous constatons tous, me semble-t-il, que trop de personnes dans notre pays meurent insuffisamment soulagées, insuffisamment apaisées et, pour tout dire, insuffisamment respectées dans leurs derniers instants. Ce simple fait est une honte collective pour nous tous. La question est de savoir comment nous pouvons avancer. À cet égard, je salue les annonces que M. le ministre vient de faire dans l’hémicycle. Je ne puis que former le vœu qu’elles se traduisent réellement en actes. Ce sera la responsabilité du Gouvernement et la nôtre en tant que parlementaires.

Certains estiment qu’une bonne application de notre législation actuelle suffirait à résoudre de telles situations. C’est très largement exact : beaucoup de personnes dont les conditions de vie sont très dégradées aujourd’hui y trouveraient un bénéfice. Mais il faut regarder les choses en face : il y a un certain nombre de malades pour lesquels la législation actuelle n’est pas adaptée. Ils ne sont peut-être pas très nombreux, mais ils le sont suffisamment pour que le législateur remette le sujet à l’ordre du jour et fasse évoluer la loi.

À mes yeux, le respect de l’autonomie dû aux personnes devrait nous conduire à avancer sur la question de l’aide à mourir, en clair du suicide assisté, et à élaborer un cadre largement acceptable par notre société.

Mais, à titre personnel, je ne partage pas le second volet de cet article 1er, c’est-à-dire l’ouverture du droit à l’euthanasie. C’est la raison pour laquelle je n’approuverai pas cet article.

Je remercie encore une fois les auteurs de cette initiative législative de nous avoir offert l’occasion d’un tel débat. Cela étant, nous savons tous qu’il n’est pas possible de faire évoluer la législation sur un tel sujet dans le cadre d’une proposition de loi. Je m’adresse donc au Gouvernement et lui demande d’inscrire un texte sur cette question à l’ordre du jour du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Cozic

« La mort n’est pas un mal, l’approche de la mort en est un », estimait dans l’Antiquité Quintus Ennius, qui soulevait toute la difficulté à appréhender notre fin de vie.

C’est cette difficulté qui nous réunit aujourd’hui. Les points de vue que nous défendons au sein de la Haute Assemblée ne sont pas tous analogues, mais il est clair qu’un besoin de plus en plus prégnant dans notre société se fait jour. Il est difficile d’expliquer à des familles dont un membre souffre que le seul horizon proposé se résume à une lourde thérapie n’ayant pour fonction que de faire gagner quelques jours de vie supplémentaires. Car de quelle vie parle-t-on ? Une vie faite de souffrances, de douleurs, d’espoirs déçus !

Le besoin impérieux de soulager ceux qui souffrent et ceux qui les accompagnent nous oblige à légiférer.

Le droit à mourir dans la dignité et à bénéficier d’une fin de vie apaisée est attendu par une immense majorité de nos concitoyens. En effet, en 2014, un sondage réalisé par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité révélait que 96 % des Français étaient favorables à l’euthanasie. En 2017, 90 % des Français se déclaraient pour le suicide assisté et 95 % pour l’euthanasie. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes. Ils témoignent d’une demande forte du corps social.

Jean-Yves Goffi, professeur de philosophie à l’université Pierre-Mendès-France, à Grenoble, spécialiste des questions de bioéthique, explique que l’argument fondamental est le droit ou non de disposer de sa vie. C’est l’argument libéral de la souveraineté sur soi-même. Il est tyrannique de limiter la liberté d’action d’un individu qui, agissant en toute connaissance de cause, ne cause aucun tort aux autres.

Or, depuis le début des années 2000, la législation française a déjà connu à plusieurs reprises des évolutions. Pourtant, les questions liées à la fin de vie n’ont pas toutes trouvé une réponse. La loi Leonetti-Claeys est encore insuffisante. En l’état actuel du droit, de nombreuses personnes en sont réduites à partir à l’étranger, quand elles en ont les moyens, pour y terminer leur vie conformément à leurs souhaits. D’autres parviennent à obtenir d’un médecin une assistance active à mourir. Cela conduit à des inégalités considérables face à la fin de vie.

Mes chers collègues, cette proposition de loi répond à la nécessité de faire évoluer la législation vers une aide active à mourir. C’est la seule voie qui permette d’ouvrir et de faciliter le libre choix de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Permettez-moi de profiter de l’examen de cette proposition de loi pour relayer le témoignage d’une famille. Mme Colette Delcourt, habitant le Pas-de-Calais, avec qui j’ai échangé, a vécu une expérience qui doit nous conduire à nous interroger sur les conditions actuelles de fin de vie et, plus précisément, sur la fin de vie des personnes en situation de handicap mental. La loi Leonetti ne prévoit rien concernant le consentement des personnes handicapées mentales.

Je n’évoquerai pas la douleur infinie que peut représenter pour une mère le fait d’accepter d’être à l’origine de la fin de vie de son fils. Mme Delcourt a cherché des réponses et des accompagnements, mais elle a essentiellement reçu en retour de la culpabilisation, des oppositions, de la peur. Enfin, elle a ressenti de la honte.

Je profite donc de mon intervention pour interpeller le ministre sur un sujet qui va au-delà de la présente proposition de loi. Comment est-il possible d’adapter le recueil du consentement des personnes handicapées mentales ? Vers qui orienter les familles pour les accompagner et les conseiller ? Aujourd’hui, une autorité indépendante, externe aux médecins qui s’occupent du patient, est nécessaire. Comment accompagner, après le décès, les familles qui vivent dans la culpabilité d’avoir inutilement laissé souffrir un proche et de ne pas avoir pu mettre un terme plus tôt à ses souffrances ?

À travers ce témoignage, je veux porter le message des familles de personnes handicapées, qui se retrouvent malheureusement bien seules dans de telles situations.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi devrait être la locomotive des grands changements de notre société, mais c’est parfois la société elle-même qui en est à l’origine. Quand elle en fait la demande, nous nous devons, nous, législateurs, de l’entendre.

L’euthanasie et le suicide assisté sont des dispositifs législatifs déjà en place dans certains pays d’Europe, comme mes collègues l’ont déjà indiqué. Disons-le, en la matière, la France a encore du retard par rapport à ses voisins.

Deux textes, la loi Leonetti de 2005 et la loi Claeys-Leonetti de 2016, prévoient des dispositions à ce sujet, mais ils ne font que préciser les modalités d’accompagnement médical de la fin de vie, en se fondant sur deux piliers : la lutte conte l’acharnement thérapeutique et l’amélioration des conditions de vie du patient en fin de vie. Très concrètement, ces textes ne garantissent en aucun cas la possibilité pour une personne de décider de son sort et de sa fin de vie.

Comme vous le savez, cette situation pousse certains Français à quitter le pays pour terminer leur vie à l’étranger, comme en Suisse, où environ quatre-vingts personnes se rendent chaque année.

Pourtant, la société évolue sur ce sujet : selon un sondage Ipsos de mars 2019, déjà cité, 96 % des Français sont favorables à la reconnaissance du droit à l’euthanasie. Alors, faisons-le : établissons le droit à mourir dans la dignité en France en votant cette proposition de loi !

La grande majorité du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte et nous remercions Marie-Pierre de La Gontrie et Michelle Meunier, respectivement autrice et rapporteure de cette proposition de loi, ainsi que l’ADMD pour son travail et son action.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, Paulette Guinchard-Kunstler nous a quittés à l’âge de 71 ans, en nous adressant un dernier message.

La première fois que l’on croisait Paulette, on était enveloppé par sa gentillesse, sa bonté, sa bienveillance, sa gouaille, son regard franc et rieur que ne venaient pas troubler les longues mèches grises qui lui couvraient la moitié du visage.

Fille de paysan, issue d’une fratrie de huit enfants, elle s’engage dans sa ville professionnelle comme infirmière en psychiatrie auprès d’enfants autistes. Elle s’engage aussi en politique, dès ses 20 ans, d’abord par la voie du syndicalisme agricole catholique, puis au PSU de Michel Rocard et, enfin, au PS de François Mitterrand, auquel elle restera fidèle jusqu’à la fin de sa vie.

Maire, députée, secrétaire d’État, auteure de la grande loi sur l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), Paulette Guinchard-Kunstler était malade depuis près de quinze ans. Elle savait, par son expérience familiale, à quoi la conduirait cette maladie dégénérative incurable. Je m’en étais entretenu avec elle alors que j’étais encore ministre.

À cette femme qui a tant souffert et tant fait pour son pays, qu’avons-nous répondu ? Rien. Va mourir en Suisse. Ici, ton corps ne t’appartient pas !

Ce scandale que constitue la situation d’abandon d’une immense majorité des personnes en fin de vie dans des conditions insupportables nous concerne tous, mes chers collègues. Le temps s’écoule sans faire de bruit.

La décision de Paulette Guinchard-Kunstler doit nous conduire à voter cet article 1er. Nous permettrions ainsi à chacun de vivre avec un sentiment de dignité jusqu’à la fin de ses jours.

Nous parlons d’un droit fondamental de la personne humaine, d’une nouvelle liberté : la liberté de choisir. Mes chers collègues, qui sommes-nous pour vouloir entraver cette liberté ?

« Les grandes peurs périssent d’être reconnues », dit Camus. Et que cette peur-là est grande, je vous le concède ! Commençons par pouvoir décider en conscience des conditions de notre propre fin de vie et méditons cette belle phrase de Marie-Guite Dufay, présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté : « Paulette avait pris sa décision. L’aimer, c’était la respecter. L’aimer, c’était la laisser partir. »

Mes chers collègues, je voterai en conscience l’article 1er de la proposition de loi de Mme de La Gontrie.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de notre collègue Marie-Pierre de La Gontrie représente la conquête d’un droit fondamental : la possibilité pour chacun d’entre nous de mourir dans la dignité.

Inscrire dans le code de la santé publique le droit à l’aide active à mourir est une mesure d’égalité. En effet, en l’état actuel du droit, de nombreuses personnes sont amenées à partir à l’étranger, quand elles en ont les moyens et la possibilité, pour y terminer leur vie conformément à leurs souhaits. À l’inverse, les personnes qui n’en ont pas les moyens financiers et humains ou celles qui sont dans l’impossibilité de se déplacer doivent faire face aux pires difficultés dans leurs derniers jours.

Sur ce sujet, les inégalités sont considérables et elles sont inacceptables pour notre pays. Dans son étude sur la révision des lois de bioéthique, le Conseil d’État a lui-même signalé des inégalités territoriales très inquiétantes dans l’accès aux soins palliatifs – n’oublions pas, cela a été dit, que vingt-six départements français n’ont pas d’unité de soins palliatifs.

Il convient également de rappeler que la France se classe parmi les pays d’Europe ayant les taux de suicide les plus élevés chez les personnes âgées.

Le « mal vieillir » est une réalité que le législateur doit prendre en compte dans sa globalité. Nous devons permettre le choix égal et encadré entre continuer à vivre, en bénéficiant de soins palliatifs effectifs, et avoir accès au suicide assisté. Les deux ne sont pas opposés et préservent la dignité de chacun.

Mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de cet article 1er pour rendre pleinement effectif le droit à mourir dans la dignité.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Laurence Cohen applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce stade, j’évoquerai la grande figure de Sénèque, qui porte des valeurs essentielles de notre civilisation.

Sénèque disait : « Il y a deux dangers à éviter : se suicider quand il ne le faut pas et ne pas se suicider quand il le faut ». Et il a dit à ses esclaves, quelque temps avant de se suicider lui-même : « Ce serait un aussi mauvais exemple d’empêcher leur maître de mourir que de le tuer »

« Alioqui tam mali exempli esse occidere dominum, quam prohibere »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Aujourd’hui, le débat est le même. Depuis deux mille ans, notre humanité remue ces questions au plus profond d’elle-même parce qu’elles donnent sens à notre vie.

Vous me permettrez d’évoquer ce que mon grand-père m’a enseigné et l’image de ces résistants qui, sous la torture, ont préféré se suicider, se défenestrer, pour échapper au sort indigne qui leur était réservé. Jusqu’à la fin de sa vie, mon grand-père a lui aussi souhaité pouvoir disposer de sa vie et de sa mort.

Je tente de conduire mon existence selon mes convictions humanistes. Je veux décider de ma mort et je vous demande de m’en donner le droit au nom de mon humanité, au nom de l’humanité que chacun d’entre nous porte en lui. En choisissant ma mort, je veux transmettre aux générations futures l’exigence de la condition humaine, parce que, ma certitude, c’est que c’est la mort qui donne du sens à la vie.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie Pierre Ouzoulias pour les derniers mots de son propos, ainsi que toutes celles et tous ceux qui se sont exprimés.

Je suis favorable à cette proposition de loi. Cela n’a pas toujours été le cas ; c’est le résultat d’un cheminement personnel, aboutissement de lectures et d’expériences vécues.

Cette question renvoie à l’intime. J’ai été confrontée à des situations difficiles, en particulier à celle d’une amie, atteinte de la maladie de Charcot, et qui, elle aussi, est allée en Suisse.

Ce cheminement a été long, il a aussi été nourri par des échanges avec mon époux, mon fils et des amis. Il s’est appuyé sur une question simple : que ferais-je moi-même à la fin de ma vie si j’étais dans une telle situation, dans le même état de souffrance, ou si je faisais face aux mêmes difficultés pour accéder à des soins palliatifs ou bénéficier des dispositions de la loi Claeys-Leonetti ? Je demanderais le bénéfice de cette dépénalisation. Et j’ai partagé cette décision avec mon entourage.

Pour autant, ai-je le droit d’imposer cette décision à tous ? Ma décision personnelle doit-elle orienter mon choix en tant que législateur ?

En fait, mon choix est partagé par d’autres et je ne l’impose en aucune manière, si bien qu’aujourd’hui, avec force et sans aucune hésitation, je suis favorable à titre personnel à l’article 1er de cette proposition de loi. Nous ne pouvons plus procrastiner, renvoyer la décision de rapport en rapport, de discussion en discussion. Ce n’est plus possible.

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour les annonces que vous avez faites tout à l’heure et je serai très vigilante sur les montants qui seront attribués aux soins palliatifs.

Je remercie aussi très sincèrement tous les professionnels de santé qui accompagnent les personnes en fin de vie. J’ai eu à vivre une telle expérience et je peux vous dire que ces professionnels font preuve d’un humanisme extraordinaire. Pour autant, cet accompagnement n’est pas possible dans toutes les situations.

C’est pour ces raisons que je voterai cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – M. Xavier Iacovelli et Mme Guylène Pantel applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie d’abord Marie-Pierre de La Gontrie d’avoir déposé cette proposition de loi. C’est un texte important et le Sénat a, d’une certaine façon, rendez-vous avec son histoire : devons-nous aller vers plus de progrès ou attendre une nouvelle fois un énième rapport ?

Ce texte propose finalement une nouvelle liberté, ce qui doit tous, me semble-t-il, nous rassembler. Cette liberté n’est ni une contrainte ni une obligation ; elle sera à la disposition de celles et ceux qui souhaiteront choisir la manière de finir leur vie afin qu’elle soit digne.

Si je vote ce texte, c’est aussi au nom des valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité.

La liberté de pouvoir choisir sa fin de vie doit être offerte à tous nos concitoyens ; c’est une question d’égalité. De ce point de vue, je salue les annonces du ministre, d’autant que le précédent plan national de développement des soins palliatifs et d’accompagnement de la fin de vie a pris fin en 2018…

En tout cas, il ne faut pas opposer la loi Claeys-Leonetti, la sédation, les soins palliatifs et l’aide active à mourir. Toutes ces dispositions sont complémentaires : certains choisiront, dans un premier temps, telle ou telle option avant, le cas échéant, d’en choisir une autre. Cela n’aura rien de grave ! C’est simplement l’expression de la liberté.

Autre principe, la fraternité : comment accepter, cela a été dit, que les gens meurent si mal en France ?

Jean-François Rapin a parlé de sa situation personnelle en tant que médecin, ce qui me conduit à aborder un sujet que je ne pensais pas nécessairement évoquer. Il est évidemment important d’entendre les médecins, mais il faut aussi écouter les patients. Depuis maintenant quinze ans, je vis avec une maladie qui, à terme, je le sais, pourrait me conduire à vivre la situation dont nous parlons ce matin. Je considère qu’il n’est pas acceptable qu’on m’oblige, à ce moment-là, à partir à l’étranger et à mourir ainsi loin de mes proches.

Tel est l’objet de ce texte finalement : permettre à tous les Français qui le souhaitent de mourir dans des conditions dignes et auprès de leurs proches.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – MM. Xavier Iacovelli, Alain Richard et Mme Guylène Pantel applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Bonne

Comme une partie du groupe Les Républicains, je voterai contre cet article 1er.

D’abord, je retiens l’engagement du ministre d’engager une réflexion et de débattre rapidement d’un texte, projet ou proposition de loi, permettant de combler certains manques de la loi Leonetti-Claeys afin que celle-ci puisse être réellement appliquée. Nous devons faire en sorte que, partout sur le territoire, chacun puisse mourir dans de bonnes conditions, le plus dignement possible. Aujourd’hui, les choses sont trop différentes selon les départements.

Ensuite, je suis très gêné par l’alinéa 5 de cet article, qui traite de l’euthanasie, c’est-à-dire du fait de mettre fin intentionnellement à la vie d’une personne à sa demande expresse.

Je comprends que des personnes, par exemple lorsqu’elles sont atteintes de la maladie de Charcot, qui est un cas particulier, puissent se poser cette question. Nous devrons discuter de ces situations un peu plus tard. Mais que dire à une personne accidentée, devenue par exemple tétraplégique, lorsqu’elle demande qu’on l’euthanasie ? Doit-on accepter ou essayer de la soulager et de trouver une solution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Bonne

Un nombre considérable de personnes dans cette situation ont continué de vivre, en trouvant d’autres espérances.

Que dire, de même, aux personnes qui sont handicapées ou dans un état de mal-être extrême et qui demandent qu’on les suicide ou qu’on les aide à mourir ?

Nous devons encore réfléchir à ces questions. On ne peut pas décider de cette manière et aussi rapidement d’ouvrir la possibilité d’euthanasier quelqu’un. Comme le disait Patrick Kanner, il existe une grande différence entre laisser partir et faire partir !

M. Philippe Mouiller applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

À mon tour, je m’associe aux remerciements à l’endroit de notre collègue Marie-Pierre de La Gontrie, qui a été très explicite lors de son intervention.

Certes, ce sujet est particulièrement difficile et chacune et chacun d’entre nous a sa propre idée. Heureusement, nous avons avancé, notamment grâce à la loi de 2016 ; mais est-ce suffisant ?

Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir annoncé le lancement d’un plan national de développement des soins palliatifs, qui permettra d’appliquer la loi à cet égard. Nous devons avancer sur ce sujet et vous êtes dans votre rôle.

Vous avez aussi parlé des directives anticipées. Vous avez raison, très peu de Français en ont rédigé, mais vous savez comme moi que très peu connaissent cette loi et les nouveaux droits qu’elle leur confère. Il est nécessaire de mieux communiquer sur ce sujet.

Si la loi de 2016 n’est pas suffisante aujourd’hui, c’est parce que trop de malades doivent attendre d’être extrêmement diminués physiquement et mentalement pour avoir droit à des soins palliatifs.

Personnellement, comme une majorité du groupe du RDSE, je suis favorable à cette proposition de loi.

Enfin, je tiens à mon tour à rendre hommage à Mme Guinchard-Kunstler. Je rappelle qu’elle était opposée au droit à mourir, avant de changer d’avis à un certain stade de sa maladie. Son geste doit alimenter notre réflexion : pourquoi a-t-elle changé d’avis ?

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je connaissais bien Paulette Guinchard-Kunstler également – je lui ai succédé à l’Assemblée nationale. Elle a choisi de mettre un terme à son insupportable maladie et de recourir au suicide assisté, qu’elle a rendu public pour faire évoluer la législation. Son engagement humain et social était reconnu et elle était respectée. Tous ses proches ont été bouleversés et j’ai une pensée pour eux, parce qu’il n’a pas été simple de l’accompagner.

Que nous apprend ce geste ?

D’un point de vue individuel, une telle décision est éminemment personnelle et relève de l’intime.

D’un point de vue collectif, le Sénat ne peut pas légiférer dans la précipitation – ce serait contre-productif. En effet, la loi Claeys-Leonetti repose sur un équilibre consensuel : elle évite l’acharnement thérapeutique, mais elle est très différente d’une loi qui autoriserait l’euthanasie.

Lorsque la maladie est violente, certains décident de quitter la vie. J’entends que les dispositions de cette loi ne sont peut-être pas tout à fait adaptées à tous les cas, mais aucun dispositif légal ne peut être adapté à des situations singulières. Si l’on applique strictement le droit, on laisse des gens dans une grande souffrance. Certains malades n’entrent pas dans le cadre de la loi. Il faut donc la faire évoluer pour prendre en compte ces situations exceptionnelles.

Pour autant, j’ai parlé au téléphone avec Régis Aubry, qui a suivi Paulette Guinchard-Kunstler : tout ne peut pas être dit, notamment sur les raisons, très personnelles, qui l’ont conduite à prendre sa décision, mais Régis Aubry est effrayé de voir ce qui se passe en Belgique en matière d’euthanasie. Il est effrayé parce que la médecine génère parfois ce genre de fin de vie. « Est-ce que je dois faire, m’a-t-il demandé, ce que je sais faire ? »

Ouvrir vite et fort l’euthanasie serait très dangereux pour les personnes âgées : certaines pourraient se suicider trop rapidement. Il nous faut plutôt mettre en place un véritable accompagnement du vieillissement, favoriser la recherche sur la fin de vie, créer des instituts des vulnérabilités, etc.

En tout cas, il ne faut pas mélanger l’éthique et la morale. Les juristes, les parlementaires, les médecins, les familles doivent discuter ensemble. Nous avons besoin d’équipes pluridisciplinaires pour qualifier les situations exceptionnelles, mais souvenons-nous que la vraie vie est faite de situations exceptionnelles !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon département est voisin du Luxembourg et de la Belgique, et la question dont nous débattons a une tonalité particulière, puisqu’un certain nombre de nos compatriotes fuient notre pays pour y finir leur vie.

La semaine dernière, j’ai organisé un webinaire avec l’antenne locale de l’ADMD et Marie-Pierre de La Gontrie. Un médecin belge, installé à Bruxelles, qui y participait, Yves de Locht, m’a demandé de vous délivrer un très court message : « J’espère que le Parlement français prendra ses responsabilités et nous soulagera, nous, en Belgique, car j’aimerais que vous voyiez l’état déplorable dans lequel arrivent certains de vos compatriotes qui font des centaines de kilomètres pour être libérés. Ce n’est pas normal ! »

Le docteur de Locht vous remercie ; je vous remercie.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – M. André Gattolin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, je remercie Marie-Pierre de La Gontrie de son initiative et, par la même occasion, je salue les associations et les bénévoles qui plaident sans relâche en faveur de l’évolution de la législation vers une aide à mourir.

Depuis 2016, la législation reconnaît un droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès. C’est le fruit d’un compromis que, à titre personnel, je juge insatisfaisant, car cette sédation est difficilement accessible. En outre, lorsqu’elle est appliquée, elle dure souvent trop longtemps, malheureusement.

Dans notre pays, qui inscrit la liberté au fronton de ses mairies, nous devons en octroyer une nouvelle, celle de mourir dans la dignité, à ceux qui la réclament.

Regardons la réalité en face : les uns et les autres, nous connaissons des situations intolérables, auxquelles la loi Leonetti-Claeys ne permet pas de répondre. Nous connaissons tous des parents, des amis qui, au bout de la souffrance, refusant la dégradation physique, la dégénérescence intellectuelle, ne peuvent pas choisir leur fin, ce qui ajoute une seconde condamnation à celle de la maladie : vivre l’épreuve de leur propre déchéance.

Annoncer sa volonté d’en finir, en disant sa douleur, n’est pas un choix facile ; il faut du courage. On le fait pour soi-même et pour ceux qu’on aime. En retour, aimer cette personne, c’est la comprendre et l’accompagner.

Voter ce texte, c’est faire le choix de la liberté – celle de mourir dignement –, de l’égalité pour tous – pas seulement pour ceux qui peuvent se rendre à l’étranger – et de la fraternité – accepter une telle décision, c’est une preuve d’amour à l’égard de celui qui l’a prise.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Jacquemet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon l’article IV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

La liberté, c’est celle de vivre, mais c’est aussi celle de mourir, notamment lorsque le corps ou la tête ne vont plus bien ou lorsque plus rien ne va…

Je sais bien qu’il existe un certain nombre de lois, nous les avons évoquées : la loi Leonetti de 2005, la loi Claeys-Leonetti de 2016.

Pour autant, les fins de vie auxquelles nous assistons sont parfois inhumaines. Voir nos proches se dégrader et vivre dans des corps qui ne répondent plus, qui souffrent et qui sont des plaies, ne pouvoir communiquer qu’avec les yeux, en étant impuissant, sans rien pouvoir faire pour les aider, c’est inhumain.

Je remercie nos collègues de présenter un texte qui propose une solution complémentaire à ce qui existe déjà.

Les débats sur ces sujets sont évidemment difficiles, mais j’espère sincèrement que notre assemblée s’offrira la possibilité d’échanger et que chacun pourra faire part de ses convictions et de ses expériences personnelles.

La dernière preuve d’amour qu’on puisse donner à quelqu’un qu’on aime, c’est de l’accompagner jusqu’au bout, c’est de respecter sa volonté et sa décision, même s’il est difficile d’accepter cette séparation. On peut parfois se demander s’il n’est pas un peu égoïste de refuser de voir partir les gens qu’on aime, car ils nous laissent face à un vide. C’est pourquoi j’espère que cette discussion aura bien lieu.

Monsieur le ministre, j’ai entendu vos propositions ; il est vrai que l’accompagnement de la fin de la vie et les soins palliatifs ne sont pas encore suffisamment développés dans notre pays. On parle beaucoup d’hospitalisation à domicile, mais, dans ce cas, les familles sont souvent seules face à leur malade alité toute la journée.

Applaudissements sur des travées du groupe UC, ainsi que sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mes chers collègues, nous avons de façon récurrente des débats sur la fin de vie et je suis très surprise que la France soit encore bien en retard dans ce domaine, compte tenu des attentes de bon nombre de nos concitoyens. Nous devons pourtant apporter des réponses humaines à des situations qui ne le sont pas.

Pendant des années, on nous a expliqué que la seule solution responsable et respectueuse de la vie et de l’éthique était la poursuite du développement des soins palliatifs et qu’il n’y avait pas besoin d’autre chose.

Puis, chemin faisant et les autres pays évoluant, les difficultés, les souffrances et les malheurs qui accompagnent certaines fins de vie ont conduit le législateur à voter la loi Claeys-Leonetti.

Cette loi constitue certes une avancée, mais elle n’est pas encore la réponse à la grande question que se posent nos concitoyens sur le droit de mourir dans la dignité. Cette question nous conduit aussi, finalement, à nous interroger sur nos principes fondamentaux : où commence et où finit la liberté de l’individu ?

Comme vient de le dire notre collègue, dans notre République, la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ou n’est pas contraire à l’intérêt général.

Quand quelqu’un fait le choix personnel de mettre fin à sa vie, en particulier quand il y a lieu de penser que sa maladie ne lui permettra de survivre, il ne lèse personne, que ce soit la société ou une personne physique ou morale. Permettre le libre choix est donc un principe de droit. C’est ce que prévoit cette proposition de loi et je félicite Mme de La Gontrie et le groupe socialiste d’avoir inscrit ce sujet important à l’ordre du jour de nos travaux.

Ensuite, il est important de faire vivre un autre principe, celui de fraternité, qui est fondé sur la dignité humaine. Quand une personne n’accepte pas l’idée de se voir décliner ou de donner à voir sa déchéance, elle doit avoir le droit fondamental de mettre fin à sa vie.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter cet article et cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mourir dans la dignité, c’est vivre collectivement dans la dignité et avoir l’assurance que, jusqu’au dernier souffle, la dignité que l’on a essayé de construire tout au long de sa vie sera respectée.

Je n’en dirai pas plus sur le fond parce que cette cause a été bien plaidée dans cet hémicycle, avec beaucoup d’humanité, nos collègues ayant, et c’est rare, parfois mêlé leur réflexion et leur expérience personnelle pour poser un acte politique et législatif. À cet égard, je remercie Marie-Pierre de La Gontrie, auteure de cette proposition de loi, de son argumentation.

Comme elle, j’en appelle à la responsabilité. Le Sénat est souvent perçu, à tort sur certaines questions, comme une vieille chambre, arrimée au passé. Or, au cours de son histoire, il a souvent fait preuve de courage et a été en pointe sur des sujets de société ou de mœurs, car il était moins soumis à la pression de l’opinion, qui pouvait souvent être hostile, au-delà de la raison, à certaines libertés ou à certains droits fondamentaux.

Aujourd’hui, nous pouvons renouer avec ce passé ou, à tout le moins, nous inscrire dans cette tradition de liberté du Sénat. Ce que nous demandons, c’est que le débat puisse avoir lieu de manière positive, avant que l’Assemblée nationale ne se saisisse à son tour de cette question. Pour cela, il ne doit pas être interrompu.

Si je le dis, c’est parce que je constate, connaissant bien notre hémicycle, que, finalement, ce sont les absents qui vont aujourd’hui décider pour les présents.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Pour conclure, j’en appelle à voter ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Jean-François Longeot, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

À titre personnel, je voterai l’article 1er au nom de la liberté mentionnée dans notre devise : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Au nom de la liberté, nous devons avoir ce débat.

J’ai bien compris les arguments de ceux qui disent que nous disposons déjà d’outils. Néanmoins, je pense que nous ne pouvons pas sans cesse repousser le débat sur ce sujet compliqué, difficile, il est vrai. Ce débat de société questionne l’humain et nous touche personnellement, mais en notre qualité de parlementaires, nous devons être capables de prendre des décisions et de les assumer, même si elles sont très difficiles.

On a beaucoup parlé de Paulette Guinchard-Kunstler, qui était députée de la circonscription où se trouve la commune dont j’ai été maire. Il est vrai qu’elle n’était pas favorable au suicide assisté, auquel elle a finalement eu recours. C’est une leçon que nous devons méditer.

Aujourd’hui, je peux comprendre que certains veuillent repousser ce débat ou soient contre le suicide assisté, car ils ne sont pas personnellement confrontés à cette difficulté. En tant que parlementaires, il nous faudra prendre une décision à un moment donné. La liberté, c’est de choisir comment vivre, mais aussi de pouvoir mourir dans la dignité.

Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

Lorsque j’ai été élu dans cette assemblée, voilà quelques mois, des élus locaux de mon territoire, des professionnels de santé, des responsables associatifs, des amis, ma famille m’ont dit espérer que je porterais ici la voix de l’amour, de la tendresse, de la bienveillance à l’égard de celles et de ceux qui ne sont plus en mesure d’exprimer quoi que ce soit, qui sont infirmes et qui ne se reconnaissent plus dans la vie qu’ils ont eue, incapables qu’ils sont d’accomplir les choses essentielles de la vie et d’avoir des relations avec les autres.

J’ai en tête l’image que je me faisais du Sénat, à savoir une assemblée dans laquelle on pouvait, de temps à autre, sur des sujets de société, sur des questions concernant les collectivités locales, trouver des consensus qui dépassent les clivages, les a priori et les idéologies. Je pense que c’est possible sur ce sujet.

Il est, selon moi, de notre responsabilité d’entendre les familles, mais aussi les équipes, non seulement de médecins, mais aussi celles qui travaillent dans les Ehpad, dans les centres de rééducation pour personnes victimes d’accidents de la vie dramatiques. Toutes ces équipes ont besoin que le cadre législatif évolue. En effet, cela a été dit, le cadre actuel ne permet pas de répondre de manière bienveillante et adaptée à toutes les situations auxquelles elles sont confrontées.

C’est la raison pour laquelle je souhaite, mes chers collègues, que nous puissions laisser la possibilité au Gouvernement et à la majorité à l’Assemblée nationale, le moment venu, de s’emparer du texte que nous pourrions voter ici. Nous devons continuer à avancer ensemble dans un souci de dignité, de fraternité et, surtout, d’humanité.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Médevielle, Menonville et Chasseing, Mmes Paoli-Gagin et Mélot et MM. Lagourgue et Capus, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre Médevielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

Cet amendement vise à supprimer l’article 1er.

La loi Claeys-Leonetti, votée en 2016, a déjà profondément modifié les dispositions applicables en matière d’accompagnement de la fin de vie. Cependant, il est globalement reconnu que cette loi n’est pas encore suffisamment bien appliquée. En conséquence, il semble plus judicieux de s’attacher à la faire appliquer plutôt que de modifier les dispositions déjà applicables, mais non encore appliquées. Je le répète, dans de nombreux cas, cette loi est largement suffisante.

J’ajoute que, dans notre pays, qui est en avance par rapport à d’autres où rien n’est prévu, on peut mettre fin à ses jours sans se rendre ni en Suisse ni en Belgique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Cet amendement tend à supprimer l’article 1er de la proposition de loi et donc à ne pas inscrire dans la loi le droit à l’aide active à mourir.

Je ne vous surprendrai pas en vous disant que, à titre personnel, je suis contre la suppression de cet article, car, si la loi Claeys-Leonetti n’est pas suffisamment et uniformément appliquée sur le territoire, il n’en demeure pas moins qu’elle comporte des lacunes. Elle n’offre pas de réponse satisfaisante dans certaines situations dans lesquelles les patients ne peuvent pas bénéficier de la sédation profonde et continue jusqu’au décès parce qu’ils ne remplissent pas les critères, comme l’imminence du décès, par exemple. Dans ces conditions, les patients sont contraints soit de se rendre à l’étranger, soit de se résigner à une dégradation inéluctable et gravement incapacitante de leur état de santé, ce qui est source d’angoisse.

Toutefois, en ma qualité de rapporteure de la commission des affaires sociales, je me dois de dire que, la commission étant globalement opposée au texte, elle a émis un avis favorable sur cet amendement de suppression de l’article 1er.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Je remercie l’ensemble des sénatrices et des sénateurs qui se sont exprimés en parole sur l’article 1er. Ce débat est légitime, important, intéressant. Les arguments ont pu être posés. Vous connaissez la position du Gouvernement, que j’ai présentée lors de la discussion générale.

Il y a un point sur lequel nous sommes d’accord, c’est la faible connaissance de loi Claeys-Leonetti et les difficultés à l’appréhender. J’ai eu la chance de travailler sur ce texte, à l’époque où j’étais député…

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

(Sourires.) Ce n’est pas un gros mot, monsieur Temal, je vous rassure.

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

… oui, socialiste ! §

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

J’ai annoncé un cinquième plan de développement des soins palliatifs, car il est nécessaire d’avancer dans ce domaine. J’ai vu que cette annonce avait été appréciée.

J’ai également annoncé que nous voulions accélérer le processus pour rendre plus disponible le Midazolam en ville, de manière non pas à faciliter, mais à rendre possible, dans les situations qui le nécessitent, la sédation profonde et terminale, y compris en dehors de l’hôpital, au domicile des personnes.

Au fond, la question que vous posez, madame la sénatrice de La Gontrie, avec cette proposition de loi, va un peu au-delà de celle à laquelle répond la loi Claeys-Leonetti. Elle est la suivante : que faire quand la vie que nous vivons est devenue tellement insupportable que nous préférons la mort ?

L’un de mes professeurs à la faculté de médecine disait qu’on ne peut pas vouloir la mort, puisque, par essence, l’homme n’est pas constitué pour vouloir ce qu’il ne connaît pas. Les considérations religieuses peuvent laisser imaginer qu’il se passe des choses après la mort, mais la mort reste pour beaucoup l’inconnu.

Cela étant, on peut foncièrement et fondamentalement ne plus vouloir vivre la vie que l’on mène lorsque celle-ci est devenue trop insupportable.

Se posent donc deux questions différentes : est-ce que je veux mourir ou est-ce que je ne veux plus vivre la vie devenue insupportable que je vis aujourd’hui ? C’est à cette seconde interrogation que la loi Claeys-Leonetti apporte des réponses. Avec cette loi, il n’y a pas de solution qui ne puisse être apportée à un patient qui serait en souffrance physique, morale, absolument violente, irrémédiable, irréversible. Cette loi permet d’aller jusqu’à la sédation profonde et terminale.

On peut certes discuter de savoir si le fait d’être placé dans le coma, privé d’alimentation, est une façon plus ou moins respectable – pardon pour les mots que j’utilise ! – de soulager une souffrance que d’injecter un produit dans le cœur.

Encore une fois, je ne me positionne pas du côté de la morale et j’évite avec soin de revêtir la blouse de médecin que j’ai pu porter comme neurologue. J’ai d’ailleurs été moi-même confronté à de terribles situations, comme d’autres ici, qui ont fait part de leurs expériences. J’ai annoncé des diagnostics de maladies de Charcot, de sclérose latérale amyotrophique, des accidents vasculaires cérébraux extrêmement graves. J’ai été en lien avec des familles qui, parfois, demandaient que l’on abrège les souffrances d’un de leurs proches incapable d’exprimer ce besoin lui-même.

Il est évident que la situation est moins conflictuelle pour les médecins lorsque des directives anticipées ont été rédigées. Cela étant, il m’est aussi arrivé d’être confronté à des situations dans lesquelles les proches contestaient les directives anticipées. Dans tous les cas, il reste absolument nécessaire d’apaiser l’entourage, la famille, qu’il s’agisse de la fratrie, des parents, des enfants. La disparition de quelqu’un, lorsqu’elle est accompagnée par une décision des proches, fait aussi peser sur ces derniers une forme de responsabilité. Ce n’est pas simple ; c’est même très difficile.

Je me souviens d’un patient assez âgé, hémiplégique à la suite d’un AVC qui avait extrêmement abîmé la moitié de son cerveau. Il avait perdu la parole et ne la retrouverait jamais. Il avait fallu demander à sa femme si nous devions le transférer en réanimation, où il resterait éventuellement quatre ou cinq semaines dans le coma, l’espoir qu’il retrouve un peu de vigilance étant faible, ou si nous devions tout arrêter. Telles sont les questions qui se posent au quotidien pour les soignants.

Nous connaissons tous des couples de personnes âgées qui se disent qu’ils refuseront d’être lourdement handicapés et qu’ils se laisseront partir lorsque la fin de vie arrivera. En réalité, les choses sont plus complexes, car la mort, ou la pré-mort, ne frappe que très rarement à la porte. Souvent, les gens sont victimes d’accidents brutaux, vasculaires ou cardiaques, qui les laissent dans une situation de handicap très sévère, irréversible, que l’on ne peut pas anticiper.

Il faut donc apporter des réponses multiples, renforcer les soins palliatifs et mieux faire connaître la loi Claeys-Leonetti, fruit d’un consensus très fort entre la droite et la gauche, porté par deux grandes personnalités politiques, Alain Claeys et Jean Leonetti.

Je ne dis pas que l’on est arrivé au bout du bout de la démarche, mais, objectivement, dans l’immense majorité des situations, lorsqu’elle est appliquée, cette loi répond aux problématiques rencontrées.

L’autre question, à laquelle vous semblez vouloir répondre par cette proposition de loi, madame la sénatrice, est la suivante : peut-on choisir les conditions et le moment de sa mort ? Évidemment, je peux comprendre que l’annonce d’un plan de développement des soins palliatifs ne réponde pas à cette question, qui est de nature différente.

Cette question, encore une fois, est elle aussi très légitime, mais elle nécessite un débat sociétal. Elle traverse notre société, année après année, décennie après décennie. Des pays qui étaient allés très loin dans l’autorisation du suicide assisté et de l’euthanasie sont un peu revenus en arrière, après avoir été confrontés à des situations qu’ils n’avaient pas suffisamment anticipées, notamment lorsque des mineurs ont été concernés. De telles situations ont provoqué un énorme émoi populaire, les gens se demandant si l’on n’était pas allé trop loin.

Je le répète, je ne me positionnerai jamais, en tant que ministre, sur le terrain de la morale. En revanche, je considère que, malgré tout le sérieux du travail qui a été effectué et l’ancienneté de la réflexion, les conditions pour aborder ce sujet ne sont pas réunies, a fortiori dans une proposition de loi, compte tenu du contexte épidémique que nous connaissons et de la sensibilité particulière, en ce moment, de la population à l’égard des personnes âgées, notamment dans les Ehpad et dans les services de réanimation.

Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

J’ajoute que le Gouvernement ne peut être favorable à une réforme qui n’a pas été présentée aux Français dans le cadre d’une campagne présidentielle…

Vives protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

J’ai le droit de vous faire part de ma position, mesdames, messieurs les sénateurs. Ayant été élu député démocratiquement et nommé ministre de ce gouvernement, je considère que, sur un sujet de société aussi grave que celui-ci, les Français doivent être informés préalablement, à l’occasion d’une élection. Je ne sais pas si notre candidat à la prochaine élection fera ce choix, je ne suis pas là pour vous le dire. Mon rôle est de vous dire que ce débat est légitime et qu’il se poursuivra. Il ne sera pas achevé après l’adoption d’un texte plutôt qu’un autre.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi et donc favorable à l’amendement de suppression de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

J’informe le Sénat qu’un scrutin public a été demandé sur cet amendement.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Michelle Meunier ayant à juste titre fait part de sa position personnelle sur un texte qu’elle soutient, je rappelle que la commission, qui est défavorable à l’ensemble du texte, a bien évidemment émis un avis favorable sur l’amendement de suppression de l’article 1er.

Il a été dit que cette proposition de loi visait à améliorer la loi Claeys-Leonetti, mais ce n’est pas le cas. Cette loi a effectivement des faiblesses. À cet égard, je remercie M. le ministre d’avoir annoncé un plan de développement des soins palliatifs. Cette loi ne permet pas de répondre, il est vrai, à certaines situations, en particulier en cas de maladie de Charcot. Il faudra d’ailleurs que l’on se penche sur ce sujet.

Le texte qui nous est présenté est tout autre. C’est un texte sur le suicide assisté, sur l’euthanasie active, mais non une évolution normale ou possible de la loi Claeys-Leonetti. Cette proposition de loi ouvre de nouveaux droits et chacun, dans cet hémicycle, a le droit d’être pour ou d’être contre. Chaque position est respectable et rien ne justifie qu’un jugement de valeur soit porté sur les positions des uns et des autres. Ces questions touchent à l’intime, au vécu personnel, familial.

Je maintiens ce que j’ai dit en commission : la dignité est inhérente à la condition humaine, et une personne, quel que soit son état physique, voire psychique, reste digne jusqu’au dernier moment. La dignité tient aussi au regard que l’on porte sur la personne que l’on accompagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Notre commission a souhaité supprimer l’article 1er, ce qui n’empêchera pas la poursuite du débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Je tiens tout d’abord à saluer la qualité des interventions, qui ont montré, comme l’un de nos collègues l’a dit, que le Sénat est capable d’avoir des échanges transpartisans de qualité. C’était particulièrement notable ce matin. En tant qu’auteure du texte, je vous en remercie.

S’il était adopté, cet amendement aurait pour conséquence de vider le texte de sa substance, l’article 1er prévoyant l’instauration de l’aide active à mourir.

Ce matin, incontestablement, des voix favorables à cette proposition de loi se sont exprimées sur ces travées, au-delà de celles du groupe ayant déposé ce texte et de celles de l’opposition du Sénat. Pour tout dire, même si je n’ai pas procédé à un véritable comptage, il me semble que la plus grande partie des présents se sont exprimés de manière positive, pas toutes, certes, et j’ai très bien entendu ceux qui se sont exprimés ou ont manifesté dans un autre sens.

Pour autant, un problème démocratique se pose. Nos règles particulières font que le scrutin public va permettre de décider massivement de l’adoption ou non de cet amendement. Il n’est pas exclu que ce vote ne reflète absolument pas la position de cet hémicycle, alors même qu’il est ce matin très fourni. Je ne sais pas si le groupe qui a demandé un scrutin public entend le maintenir, mais je pense que celui-ci pose un problème. Aussi, je souhaiterais que ce groupe laisse la démocratie se manifester au Sénat sans scrutin public. Les collègues investis dans ce débat doivent décider. De notre côté, ceux d’entre nous qui sont présents voteront contre cet amendement.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – M. André Gattolin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

J’ai souhaité intervenir sur cet amendement, car il se trouve que j’ai assisté à l’audition par la commission des députés Claeys et Leonetti. Si ce texte comporte des avancées dans certains domaines, notamment en ce qui concerne les soins palliatifs, il ne me paraît pas satisfaisant, car il ne prend pas en compte les demandes et les attentes de nombreux Français, qui souhaitent, en cas de maladie incurable, pouvoir bénéficier d’un suicide assisté.

Une demi-heure avant l’audition, j’ai reçu l’appel d’une amie qui se trouvait dans cette situation et qui souhaitait se rendre en Suisse. En fait, ce n’est pas si facile. C’est même très compliqué. Elle n’y est d’ailleurs pas parvenue.

Son seul souhait, car elle savait sa vie finie, c’était de pouvoir s’endormir en tenant les mains de son fils et de sa fille. Son agonie a duré des semaines. Son fils, qui vit outre-mer, a dû repartir, parce qu’il a aussi une famille. Voilà, elle est partie sans que sa dernière volonté ait été accomplie.

C’est pour cela que je ne voterai pas cet amendement. Je voterai cette proposition de loi, car telle serait, j’en suis sûre, la volonté de mon amie.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. André Gattolin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je trouve moi aussi que nos débats ce matin sont extrêmement riches. Nous y livrons, ce qui n’est pas souvent le cas, une part de notre vécu et de ce que nous portons au plus profond de nous-mêmes, au-delà de nos sensibilités politiques. Nous évoquons des sujets difficiles. Pour ma part, je respecte toutes les positions, même si je pense qu’il est extrêmement important que le Sénat avance et joue son rôle en votant cette proposition de loi. On l’a entendu, il s’agit de répondre à une attente des Françaises et des Français.

Monsieur le ministre, vous considérez qu’un débat de société est nécessaire, mais cet argument ne me convainc pas. Dans ce cas, où est la souveraineté du Parlement ? Il me convainc d’autant moins que l’abolition de la peine de mort ne s’est pas faite par voie référendaire. Elle a été décidée par le monde politique. On peut avoir des convictions, mais il faut être attentif à la réalité.

Enfin, je suis très attachée, comme beaucoup de mes collègues, à la liberté de pouvoir choisir sa mort, qui me semble essentielle.

Je trouve assez hypocrite que l’on dise que la loi est suffisante alors que tous les exemples qui ont été évoqués montrent que ce n’est pas le cas. Notre vécu le démontre également.

Il est également hypocrite de se dire qu’une solution peut être trouvée à l’étranger. On sait très bien que le coût de cette solution est un barrage financier terrible pour beaucoup. En outre, elle ne permet pas d’être accompagné. Comme l’a rappelé M. Cadic, la présence de la famille n’est souvent pas possible, alors qu’elle est primordiale. En pareil cas, il ne s’agit pas d’une mort décidée, douce, parmi les siens.

Pour toutes ces raisons, ne votons pas la suppression de cet article.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Nous allons bientôt discuter dans cet hémicycle du projet de loi confortant les principes de la République. Vous me permettrez, monsieur le ministre, de vous rappeler deux de ces principes.

D’abord, la République repose sur la souveraineté populaire, la souveraineté de la Nation, dont nous sommes ici les représentants. C’est le Parlement qui fait la loi et qui décide aujourd’hui de ce qu’il faut faire et ne pas faire. Le césarisme référendaire n’est pas constitutif de notre République.

Ensuite, vous avez évoqué votre professeur de médecine, selon qui on ne peut demander la mort parce que l’on ne sait pas ce qu’il y a après. Permettez-moi de vous rappeler que, dans cet hémicycle, le débat n’est à aucun moment sorti des limites de la laïcité. Ceux qui pensent qu’il y a quelque chose après la mort, comme ceux qui pensent qu’il n’y a rien ont eu un débat extrêmement noble et respectueux des sentiments religieux et non religieux des uns des autres. Ils ont abordé ces questions en termes de droits. Je rappelle ici un second principe de la République, monsieur le ministre.

Par ailleurs, j’ai écouté avec beaucoup d’émotion les expériences qui nous ont été transmises, notamment celle du sénateur Arnaud. En effet, j’ai senti, et je me suis reconnu dans ce qu’il a dit, une longue fréquentation des services de soins palliatifs. Quand on vit ce que les gens vivent dans ces services pendant trois semaines, un mois, on porte ici une opinion qui n’a plus rien à voir. C’est important de le dire.

Enfin, vous le savez, monsieur le ministre, car vous êtes médecin, il règne aujourd’hui une grande hypocrisie sur ces questions. En effet, la pratique dans les services va au-delà de la loi Claeys-Leonetti, face à la détresse des familles, d’un malade qui n’en peut plus et qui réclame la mort. Vous savez très bien que, dans le cadre d’une discussion apaisée avec les familles, le personnel médical va au-delà. Mettons fin à cette hypocrisie et acceptons de faire avancer les droits et de protéger les médecins, comme ils nous le demandent aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je veux d’abord saluer à mon tour la qualité des débats que nous avons ce matin sur ce sujet important. Ce texte nous a donné l’occasion d’en discuter dans l’hémicycle, mais également au sein de chaque groupe politique.

Ainsi, il était important pour le nôtre de recueillir la vision et le ressenti de ses membres en les laissant échanger ; les membres de la commission des affaires sociales ont en particulier pu exposer leurs points de vue à leurs collègues. C’est ce qui nous permet, aujourd’hui, de définir une position globale de notre groupe, sachant que chacun de ses membres conserve une position individuelle, qui sera respectée au moment du vote. Je confirme à ce propos notre demande de scrutin public.

Ce rappel était important, parce que ce sujet est transpartisan : chacun peut, au regard de son expérience et de son vécu, exprimer son ressenti, sa prise de position et son vote.

Enfin, madame de La Gontrie, j’entends vos remarques et votre remise en cause du système de scrutin public en vigueur ici. Je me souviens qu’il constituait en 2011 une pratique courante de votre groupe politique ; c’est quand cela vous arrange que vous exprimez une telle remise en cause ! Nous allons donc assumer jusqu’au bout notre demande de scrutin public. Je n’en connais d’ailleurs pas du tout le résultat : au sein de notre groupe aussi, des visions différentes s’expriment, ce ne sera pas un vote massif dans un sens ou dans l’autre. J’attends donc de voir la démocratie s’exprimer au Sénat.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Comme cela a été rappelé, cet amendement tend à vider ce texte de la totalité de sa substance. Je regrette à ce propos l’utilisation du scrutin public. Au vu du débat qui vient d’avoir lieu, il serait bon que chacun puisse s’exprimer directement par son vote personnel.

La liberté de choisir la fin de sa propre vie est un sujet qui touche chacun d’entre nous dans ce qu’il a de plus intime. Toutes et tous, nous connaissons des situations où cette question se pose avec force, comme notre collègue Olivier Cadic l’a rappelé. Quelles que soient nos convictions, nos spiritualités, nos expériences personnelles, la réalité vient s’y confronter. L’actualité médiatique vient également nourrir la réflexion et l’émotion collectives par des cas particuliers bouleversants.

Il me semble que, à l’instar de nombre de nos voisins européens – cela aussi a été rappelé –, notre société est prête à une telle évolution ; elle en est même demandeuse. Je ne reviendrai pas sur le sondage de 2019 d’après lequel cette évolution recueille une opinion favorable auprès de 96 % des Françaises et des Français. L’allongement de la durée de la vie et le vieillissement de la population rendent chaque jour ce sujet plus prégnant.

Je comprends naturellement les réticences des membres du corps médical : mettre fin à une vie heurte profondément le cœur même de leur engagement professionnel et va à l’encontre du serment qui est le leur. Il me semble cependant que les progrès considérables de la médecine, qui se poursuivent et continueront de se poursuivre, nous amènent évidemment à envisager ce débat sous un autre angle.

Alors que l’espérance de vie avoisine les 80 ans et que celle des générations qui arrivent aujourd’hui sur cette terre pourrait approcher le siècle, alors que la technologie et le transhumanisme ouvrent des possibilités vertigineuses, je crois qu’il est indispensable d’accepter que toutes et tous ne souhaitent pas poursuivre leur vie dans des conditions de santé ou de forme physique qu’ils jugent insatisfaisantes.

Le défi du grand âge, de la maladie et de la détérioration du corps, voire de la conscience, pose cette question avec toujours plus d’acuité. Il est selon moi de plus en plus temps d’accepter les choix individuels mûrement réfléchis de nombre de nos concitoyens.

La majorité de notre groupe est donc bien sûr opposée à cet amendement de suppression ; je le suis moi-même totalement. Il est plus que temps d’inscrire dans la loi cette ultime liberté, afin que chacun puisse désormais exprimer son choix.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Je voudrais souligner que, s’il n’y avait pas cet amendement, cet article pourrait être soumis au vote. Un scrutin public, s’il en fallait un, pourrait alors exprimer réellement, avec transparence, les votes individuels au sein des groupes où la liberté de vote fait qu’ils seront divers.

Je trouve très regrettable de ne pas pouvoir voter pour cette loi. Je suis ici afin de voter pour quelque chose, et non pas contre. On se trouve forcé de voter contre un amendement, ce qui est complètement illisible à l’extérieur de notre hémicycle. Ce que demande l’opinion publique, c’est si nous allons prendre position pour ou contre ce texte législatif. Or la situation est ici complètement inversée : on nous oblige à prendre une position illisible et, d’une certaine manière, hypocrite et contournant la responsabilité de chacun d’entre nous de dire, à l’extérieur de notre assemblée, s’il est pour ou contre ce texte. Si vous êtes contre, faites-le savoir au moment du vote sur l’article, mais ne nous obligez pas à émettre un vote « contre » qui est illisible et, pour ceux qui demandent ce scrutin public, quelque peu hypocrite !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

J’écoute les interventions qui se sont succédé depuis tout à l’heure : il y en a pour tout le monde ! Chacun a une vision différente du droit de mourir : certains ne sont pas d’accord pour qu’on aide à mourir et d’autres pensent qu’il vaudrait mieux laisser mourir.

Pour ma part, j’ai toute confiance en nos médecins. On ne dit pas que c’est facile aujourd’hui, même dans les pays étrangers, d’aider quelqu’un à mourir ; M. Cadic l’a rappelé. C’est une procédure longue, qui n’est mise en œuvre que si l’on est sûr que l’issue est fatale.

Même si ce texte est adopté, ce ne sera pas une obligation que de procéder à l’acte d’assistance à une mort plus rapide. On ne fera que donner le choix à celui qui le veut, parce qu’il sait très bien que, demain, l’issue de sa maladie sera fatale.

De plus, je veux rappeler que ce choix est réclamé non seulement par des patients, mais aussi par certains médecins qui sont confrontés à des malades pour lesquels ils n’ont plus aucune solution et qui ne savent pas quoi leur répondre. J’irai même plus loin, monsieur le ministre : M. le Président de la République avait été sollicité en direct par des patients et, pour lui, la seule réponse était qu’on ne peut pas, aujourd’hui, répondre à cette demande.

Alors, pourquoi ne pas procéder au vote de cette proposition de loi et, ensuite, laisser le choix aux citoyens ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je tiens à répondre à Mme Poncet Monge, qui nous invite à voter l’article 1er pour ensuite voter contre le texte dans son ensemble. Non ! Cela n’a aucune cohérence et je ne me vois pas voter pour un article…

Exclamations sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Mais si, c’est quand même cela ! Vous nous demandez de voter l’article 1er pour, à la fin du débat, exprimer notre opposition au texte, de manière à vous laisser vous exprimer.

L’article 1er est majeur ; chacun a le droit de voter pour ou contre, mais il s’agit bien du cœur du dispositif…

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Mais non, on le supprime ! Si ceux qui sont opposés au texte ne votaient pas cet amendement de suppression, ils voteraient quand même contre l’article 1er. Je ne comprends absolument pas cette nouvelle façon de légiférer qui consisterait à voter des articles auxquels on est opposé pour rejeter le texte à la fin de la discussion. Non, ce n’est absolument pas possible !

Quant au scrutin public, nous avons eu une discussion au sein du groupe Les Républicains. On pense ce que l’on veut de cette procédure, …

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

… mais elle existe, et je ne vois pas pourquoi nos collègues qui ont donné des consignes de vote…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Mais vous n’êtes pas non plus toujours présent, monsieur Assouline ! On ne peut pas faire fi d’une demande de scrutin public alors que des engagements ont été pris vis-à-vis de collègues qui ont donné des consignes de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Mme Catherine Deroche, président e de la commission des affaires sociales . Ce serait totalement inconvenant à leur endroit.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 88 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 1er est supprimé.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, auteure de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, comme je l’indiquais, cet article constituait le cœur de cette proposition de loi. Dès lors, et à mon grand regret, au vu de la qualité de nos débats et des résultats très parlants de ce scrutin, en vertu de l’article 26 du règlement du Sénat, je demande le retrait de cette proposition de loi de l’ordre du jour de notre assemblée.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, UC et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mes chers collègues, je vous rappelle les termes de l’article 26 du règlement du Sénat : « L’auteur d’une proposition de loi ou de résolution peut toujours la retirer, même quand la discussion est ouverte. »

La proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité est donc retirée.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.