Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 11 mars 2021 à 10h30
Droit à mourir dans la dignité — Discussion et retrait de l'ordre du jour d'une proposition de loi

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le philosophe Sully Prudhomme disait : « Il est bon d’apprendre à mourir par volonté, non d’un coup traître. […] Qui sait mourir n’a plus de maître. »

La covid-19 a malheureusement été le maître de nombreuses décisions concernant la fin de vie ces derniers mois. Or, en ce domaine, comme en beaucoup d’autres, les inégalités territoriales sont fortes et il n’est pas excessif d’avancer qu’on meurt, encore trop souvent, dans de mauvaises conditions en France.

La pandémie fut en quelque sorte un miroir grossissant de toutes ces difficultés et des souffrances qu’elles engendrent. Elle a accentué les problèmes de pénurie de médicaments, notamment de Midazolam, utilisé pour les sédations terminales. Les personnes en fin de vie n’ont pas eu accès à ce médicament, conservé pour la réanimation, et un traitement de substitution, le Rivotril, leur a été administré dans les Ehpad. Le décret autorisant son utilisation, dans le cadre de l’urgence sanitaire, n’a malheureusement pas étendu son emploi à domicile.

Enfin, pendant de très longues semaines, les visites des proches et des familles ont été interdites pour les personnes en fin de vie, entravant voire empêchant un accompagnement et une présence indispensables.

Cette proposition de loi en faveur de la légalisation de l’euthanasie, du suicide assisté et d’un accès universel aux soins palliatifs est plus que jamais d’actualité.

Même si la loi dite Claeys-Leonetti constitue une avancée avec l’instauration du droit à la sédation profonde et continue, elle est insuffisante et mal connue, tant par les patients que par les soignants. Les auditions organisées par Michelle Meunier ont par ailleurs confirmé que les directives anticipées étaient rares.

Le Conseil économique, social et environnemental avait fait état en 2018 des difficultés de mise en œuvre du droit à la sédation profonde. Celles-ci ne sont toujours pas résolues et persistent, en raison notamment de problèmes d’ordre médical, juridique et éthique.

Actuellement, l’état du droit conduit de nombreuses personnes à partir à l’étranger, quand elles en ont les moyens, pour y terminer leur vie conformément à leurs souhaits. Cette discrimination par l’argent est intolérable !

Nous ne pouvons que regretter en la matière l’absence de position commune en Europe, où les législations connaissent de profondes disparités en matière d’euthanasie active.

Faut-il redire que cette proposition de loi répond à une demande forte des Français, qui souhaitent que la législation évolue afin d’autoriser les médecins à mettre fin sans souffrance à la vie des personnes qui en font la demande ? Elle constitue un progrès.

C’est une question intime, propre à chacun. Nous connaissons tous des exemples douloureux qui nous conduisent à nous interroger. Nous ne pouvons nous contenter de la législation en cours. Cette proposition de loi est très encadrée : elle prévoit des conditions strictes et précises, un protocole de décision et de mise en œuvre bien défini, et, comme pour tout acte médical, une clause de conscience.

Pour notre groupe, la meilleure prise en considération des volontés des patients et un plus grand respect des conditions de fin de vie sont des éléments fondamentaux pour garantir la liberté et l’égalité des droits devant la mort. D’ailleurs, le texte que nous examinons reprend les termes d’une proposition de loi déposée en 2011 par le groupe communiste, sous l’impulsion de Guy Fischer et Annie David, alors présidente de la commission des affaires sociales.

Parallèlement, comment ne pas s’interroger sur le développement des soins palliatifs, qui a hélas ! pris beaucoup de retard, puisque, entre 2015 et 2018, seuls 210 lits en unités de soins palliatifs ont été créés, ainsi que 6 équipes mobiles.

Le 13 février dernier, l’IGAS a publié un rapport très critique sur l’état des soins palliatifs. Résultat, l’offre « est globalement insuffisante », de fortes disparités régionales étant constatées, « et ne répond pas bien à la demande de la population qui devrait recevoir des soins palliatifs ».

Pour améliorer la fin de vie et mettre en œuvre un droit à mourir dans la dignité, il faut donc faire évoluer la loi, mais également renforcer le développement des soins palliatifs, recruter des professionnels spécialisés, donc bien formés.

J’ai bien entendu votre engagement, monsieur le ministre, mais je pense sincèrement qu’il n’est pas en contradiction avec cette proposition de loi, bien au contraire. Nous verrons dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale si les moyens financiers et humains que vous nous avez promis pour les soins palliatifs sont dégagés.

Pour l’heure, les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE voteront en faveur de cette proposition de loi. Nous remercions le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, particulièrement Michelle Meunier et Marie-Pierre de La Gontrie, ainsi que l’association ADMD.

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