Intervention de Jocelyne Guidez

Réunion du 11 mars 2021 à 10h30
Droit à mourir dans la dignité — Discussion et retrait de l'ordre du jour d'une proposition de loi

Photo de Jocelyne GuidezJocelyne Guidez :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, je tiens à remercier notre rapporteure pour la qualité des travaux qu’elle a menés. Comme beaucoup des orateurs qui sont intervenus et qui s’exprimeront aujourd’hui dans le cadre de cette discussion générale, c’est avec beaucoup de modestie que je prendrai la parole au nom de mon groupe sur un texte qui, par essence, ne peut pas faire l’objet d’une position commune.

Dès lors, le vote du groupe Union Centriste sur l’ensemble de cette proposition de loi sera nécessairement partagé. Toutefois, une chose nous rassemble et nous indigne à la fois, et je ne crois pas m’avancer si je dis que cela nous rassemble tous ce matin.

En effet, et pardonnez-moi l’expression, « nous mourrons mal en France ». Un chiffre est particulièrement édifiant, nous sommes plusieurs à l’avoir souligné : vingt-six départements ne disposent pas d’unité de soins palliatifs. Lorsque le décès advient en milieu hospitalier, et en dépit des efforts des personnels, force est de constater que l’environnement du décès ne garantit pas le respect qui est dû à l’intéressé, ainsi qu’aux proches qui l’accompagnent et qui souffrent.

Aussi, les membres du groupe Union Centriste profitent de cette tribune offerte par les auteurs de cette proposition de loi pour attirer solennellement l’attention du Gouvernement sur la nécessité de soutenir le maintien et le développement des unités de soins palliatifs, de veiller à ce que la fin de vie demeure toujours un sujet abordé à sa juste mesure dans l’ensemble des formations des personnels soignants, y compris dans les modules de formation continue.

Cette exigence, monsieur le ministre, permettra d’acculturer les Français aux dispositions toujours trop méconnues de notre droit : nous pensons à la loi du 22 avril 2005, ainsi qu’à la loi du 2 février 2016.

Nous estimons qu’un meilleur usage de nos droits, l’élaboration de directives anticipées ou la désignation d’une personne de confiance sont susceptibles d’éviter aux familles des discussions délicates et parfois sources de tensions insoutenables.

D’ailleurs, monsieur le ministre, pourquoi ne pas envisager de rendre obligatoire la rédaction de directives anticipées dès l’âge de 18 ans et leur renouvellement tous les dix ans au minimum ? L’usage des nouveaux outils, je pense au dossier médical partagé (DMP) par exemple, devrait permettre d’envisager une telle mesure.

Par ailleurs, j’ai été sensible aux propos qu’a tenus en commission la semaine dernière notre collègue Véronique Guillotin. Elle nous a fait part de son expérience de médecin en soins palliatifs à proximité de la frontière belge et expliqué que, dans quasiment tous les cas, une fois que le mourant était convenablement installé à domicile, bien accompagné, que sa douleur était gérée, il revenait sur sa demande initiale.

Cela confirme assurément nos deux premières exigences : une meilleure connaissance et diffusion de notre droit et la mise en place d’environnements respectueux des familles.

Pour ma part, j’estime que ces deux exigences n’étant pas remplies, cette proposition de loi passe partiellement à côté de l’objectif affiché dans son titre : le droit à mourir dans la dignité et, j’ajouterai, dans la sérénité.

Aussi, je voterai contre cette proposition de loi qui, par ailleurs, me semble apporter des solutions à un certain nombre de problèmes bien réels, tout à fait délicats, et que l’on ne peut examiner qu’avec les précautions et la finesse auxquelles nous oblige ce sujet. Il me semble toutefois que ces dispositions sont source d’autres problèmes susceptibles d’être à l’origine de nouveaux contentieux pour les familles.

Disons-le clairement, ce texte ne se situe pas dans le prolongement des lois que j’ai rappelées précédemment. Il prévoit un changement de paradigme en ouvrant la possibilité de recourir au suicide assisté et à l’euthanasie.

Je vous rappelle que le législateur a jusqu’à présent toujours fait l’économie de telles dispositions. Il a choisi d’interdire l’acharnement thérapeutique et préféré à l’euthanasie l’usage de médicaments pour soulager les douleurs, bien qu’ils puissent entraîner la mort, ou encore d’une sédation profonde en cas de douleur réfractaire aux traitements. Ainsi, nos prédécesseurs n’ont jamais souhaité franchir la ligne qui consisterait à légaliser un acte positif ayant pour seule finalité de tuer une personne ou de lui permettre de se suicider, quand bien même celle-ci serait atteinte d’une maladie grave, incurable et qu’elle en ferait la demande.

D’ailleurs, la proposition de loi met en place une fiction juridique, puisque la personne ainsi décédée verrait son décès enregistré comme mort naturelle.

Enfin, je m’arrêterai sur l’article 7, qui précise l’ordre de primauté pour déterminer les conditions d’application du dispositif lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté, en l’absence de directives anticipées ou de désignation de personne de confiance. La proposition de loi prévoit que sera d’abord consulté le partenaire de vie, sans préciser la durée minimale de la relation. Le partenaire ayant vécu trois mois avec le patient serait donc prioritaire sur l’enfant majeur, mais l’enfant mineur, deux mois avant sa majorité, ne serait pas prioritaire sur ses grands-parents ou ses cousins.

Bref, en l’état, cet article ne me semble ni souhaitable ni abouti. Il est surtout susceptible de créer un grand nombre de contentieux, alors que nous recherchons en la matière l’apaisement et la dignité.

Malgré ces remarques, je remercie les auteurs de cette proposition de loi, qui nous permettent de débattre d’un sujet important pour notre société, essentiel pour chacun d’entre nous, et d’une importance considérable pour celles et ceux dont les demandes ne trouvent pas encore satisfaction. Le débat aura assurément contribué à réexposer les demandes, les difficultés à y répondre, les freins sociétaux et les exigences que nous avons pour ce qui existe aujourd’hui et ce qui pourrait exister demain.

C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas la suppression de l’article 1er : le débat doit avoir lieu dans cet hémicycle.

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