Intervention de René-Paul Savary

Réunion du 11 mars 2021 à 10h30
Droit à mourir dans la dignité — Discussion et retrait de l'ordre du jour d'une proposition de loi

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary :

Alors, j’ai vu dans son regard non pas une lueur d’espoir que ses souffrances soient abrégées, mais une crainte de ne plus vivre. Elle m’a demandé timidement, humblement, de reporter à plus tard cette décision lourde. Au fond d’elle-même, elle n’était pas prête.

Oui, le doute est permis, la volonté d’un jour n’est pas celle de toujours. Ce dialogue singulier entre un patient et son médecin, s’il doit être encadré par la loi, reste heureusement plus relationnel que législatif.

« Une loi pour celles ou ceux qui vont mourir, nous l’avons, c’est la loi Leonetti-Claeys » : c’est ce que disait Alain Milon, alors président de notre commission des affaires sociales, au moment de son adoption au Sénat, qui est excusé aujourd’hui. Michel Amiel, corapporteur du texte, citait lui Albert Camus, qui a décrit la mort heureuse, « la tête dans les étoiles ». Dans les faits, ce n’est, hélas ! pas ainsi que les choses se passent, disait-il.

Cette proposition de loi s’adresse, elle, à celles ou ceux qui veulent mourir. L’approche éthique est différente, plus sociétale que médicale. Apportera-t-elle l’humanité indispensable à celui qui veut mourir et la sérénité à son entourage et au personnel soignant ? Intimement, je ne suis pas sûr que ce texte réponde à toutes les questions soulevées.

Les patients désireux de mourir le veulent-ils vraiment ? Leur volonté est-elle définitive ? N’est-elle pas orientée ? Considérer que l’euthanasie conduit à une mort naturelle, à déclarer comme telle sur le certificat de décès, n’est-ce pas une source de dérive ? Jusqu’où aller dans le respect de la dignité humaine, tellement différente d’un individu à l’autre dans la vie courante, et donc lors de l’inéluctable fin de vie de chacun ? Et poser la clause de conscience, n’est-ce pas reconnaître implicitement ne pas savoir jusqu’où aller dans l’aide active à mourir ?

Voici quelques propos émanant d’un collectif de médecins en soins palliatifs et de gériatres qui alertent sur ces risques de dérive, vous les avez sûrement lus.

« Dans les pays où l’aide à mourir est proposée, la critique de l’acte devient difficile, voire impossible. Le respect de la conscience et des volontés des médecins et des malades est mis à mal.

« Les patients peuvent ressentir une pression sociale, parfois même familiale, les poussant à demander une mort anticipée. Sommes-nous dès lors toujours dans la thématique du choix ? »

Il doit tenir compte de l’expérience de ces soignants confrontés à la fin de vie insupportable de certains patients. Alors, appliquons déjà les textes existants !

La loi Leonetti-Claeys peut permettre de faire face à plus de situations et répondre aux besoins de celles et ceux qui vont mourir, dont certains veulent en finir. Évaluons d’abord son application. Nous verrons vite qu’elle n’est pas suffisamment mise en œuvre, parce que pas encore assimilée, et pour cause ! Il y a très peu de directives anticipées ; M. le ministre l’a souligné.

Cette loi préconisait un développement des services de soins palliatifs sur l’ensemble du territoire, ce qui n’a toujours pas été fait. Cela fait partie de ces innombrables inégalités territoriales, qui vont de la naissance au dernier jour, et dont tout le monde parle, mais qui ne sont toujours pas résorbées. Et ce n’est pas en répétant loi après loi tout ce qui ne va pas qu’on fait avancer les choses plus vite !

Certains évoquent l’expérience de nos voisins belges ou suisses, ou encore le cas de Paulette Guinchard-Kunstler. D’autres feront peut-être référence, avec beaucoup de sincérité, aux affaires Vincent Humbert ou Vincent Lambert. Ne préférons pas la facilité du débat au respect de l’humanité de la fin de vie.

Oui, la dignité humaine impose le respect de la vie que mérite tout individu jusqu’à son dernier souffle. Non, cette proposition de loi ne semble pas répondre aux incertitudes légitimement soulevées.

Aussi, dans sa majorité, notre groupe ne votera pas la présente proposition de loi.

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