Intervention de Pierre Médevielle

Réunion du 11 mars 2021 à 10h30
Droit à mourir dans la dignité — Discussion et retrait de l'ordre du jour d'une proposition de loi

Photo de Pierre MédeviellePierre Médevielle :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’augmentation progressive de l’espérance de vie et l’évolution de notre société, les questions d’euthanasie agitent et animent régulièrement nos débats sociétaux, ainsi que nos bonnes consciences.

En 2005, la loi Leonetti a permis de faire un grand bond en avant en autorisant toute personne en phase terminale d’une maladie incurable à décider de limiter ou de stopper ses traitements. Si le patient est inconscient, le non-acharnement thérapeutique est décidé à l’issue d’une procédure collégiale. La notion d’obligation de soins palliatifs et d’accompagnement a déjà été introduite dans cette loi.

Rappelons que ce sont des soins actifs et positifs, avec administration d’antalgiques, de corticoïdes ou poursuite de certains traitements, mais dans le seul objectif de soulager le patient jusqu’à la fin. Il n’est aucunement question de provoquer le décès par injection d’une substance létale. L’usage de certains antalgiques, notamment de la famille des opiacés, à forte dose, est autorisé pour des raisons d’efficacité, même s’ils peuvent accidentellement entraîner le décès prématuré du patient.

Il s’agit donc de préserver la dignité de la personne en lui épargnant autant que faire se peut douleurs et souffrances psychologiques.

En 2016, un nouveau pas a été franchi avec la loi Claeys-Leonetti, qui a introduit les notions fondamentales de « directives anticipées » et de « sédation profonde et continue ». Après accord du patient et de la famille, le médecin, à l’aide de produits anesthésiques, peut altérer la conscience du patient et arrêter les traitements, afin d’entraîner un décès en douceur.

La différence fondamentale avec le suicide assisté est simple : ce dispositif s’adresse non pas à des personnes qui veulent mourir, mais à des personnes qui vont mourir.

La loi Claeys-Leonetti a marqué un progrès fondamental dans le traitement des maladies incurables. Il convient désormais – vous l’avez rappelé fort justement, monsieur le ministre – de la faire connaître, de la relayer sur le terrain et de veiller à son application. Un nombre trop important de médecins et de soignants refusent encore, sous prétexte de craintes souvent injustifiées, de mettre en œuvre ses dispositions.

Cette loi a gravé dans le marbre des actes que les médecins pratiquaient déjà dans l’intérêt du patient et des familles, avec beaucoup de compassion et d’humanisme.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous invite, avec le suicide assisté, à un changement de paradigme fondamental.

Il ne s’agit pas simplement, comme certains le pensent, de déterminer si nous y sommes prêts ; il s’agit de savoir si nous considérons qu’une telle option constitue, ou non, un choix de société souhaitable.

Un tel débat ne peut pas se résumer en dix articles. Un encadrement juridique bien plus détaillé est nécessaire.

Le texte soulève beaucoup plus de problèmes qu’il n’apporte de solutions. Je pense par exemple à l’amalgame qui est opéré à l’article 9 entre soins palliatifs et suicide assisté, ou encore au fait d’assimiler, à l’article 3, le suicide assisté à une mort « naturelle »… Très beau sujet de réflexion pour les juristes et les assureurs !

Mes chers collègues, à mon sens, cette proposition de loi ne permet pas d’évaluer et d’encadrer correctement tous les cas de souffrances psychologiques ou physiques qui relèveraient d’un suicide assisté.

Chaque cas est unique et devrait être traité individuellement, après avis d’un comité d’éthique médicale.

Les équipes de soignants le savent : judicieusement appliquée et adaptée en fonction de certaines circonstances, la loi Claeys-Leonetti permet de traiter la grande majorité des cas. Elle me paraît largement suffisante et satisfaisante pour l’heure. Laissons faire les médecins.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne votera pas ce texte.

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