Intervention de Raymonde Poncet Monge

Réunion du 11 mars 2021 à 10h30
Droit à mourir dans la dignité — Discussion et retrait de l'ordre du jour d'une proposition de loi

Photo de Raymonde Poncet MongeRaymonde Poncet Monge :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question du droit individuel à bénéficier de l’aide active à mourir, dans un cadre strictement défini et contrôlé, s’invite régulièrement dans l’actualité. Plusieurs propositions de loi ont été déposées en ce sens à l’Assemblée nationale. Autour de nous, des pays légalisent cette pratique. La population française, dans sa diversité, y est massivement favorable. Il nous faut donc comprendre ce qui insiste comme ce qui résiste dans ce débat en France.

L’objection première est qu’un tel choix résulterait d’un défaut d’accompagnement de qualité de la fin de vie, d’une non-application ou d’une mauvaise application des lois existantes, ou de l’absence d’unités de soins palliatifs.

Certes, on meurt mal en France. Et, effectivement, les soins palliatifs attendent depuis trois ans un nouveau plan. Les fermetures, toujours en cours, de dizaines de milliers de lits de spécialités médicales, en cancérologie, en pneumologie, en gériatrie, où l’accompagnement de type palliatif s’exerçait, ont de facto diminué l’offre de lits palliatifs. Mais le cas de la Belgique, pionnière des soins palliatifs, et qui a ensuite légalisé l’aide active à mourir, nous le prouve : tout cela n’épuise pas la question, même si, au final, très peu de personnes et de situations sont concernées.

D’ailleurs, cette proposition de loi réaffirme le droit effectif universel à accéder à des soins palliatifs dans tous les départements, proportionnellement à leur population.

La société garantit alors de dignes conditions d’accompagnement et de soins. Pour autant, elle ne peut prétendre définir à la place de la personne atteinte d’une maladie grave et incurable lui infligeant une souffrance inapaisable ni ce qui fait sens pour cette dernière dans le temps qu’il lui reste à vivre ni sa conception personnelle d’une mort digne.

Ce qui insiste donc, c’est la demande que la société entende et respecte le choix, irréductible à l’individu, de décider du moment de partir, et qu’elle permette l’effectivité de ce choix individuel dans le cadre collectif qu’elle a défini.

À l’inverse, même si la société ne condamne pas le droit de se donner la mort – rappelons qu’elle n’attache « pas de réprobation sociale au suicide » –, elle refuse l’aide active de soignants, jamais contraints, puisqu’ils peuvent opposer la clause de conscience. Ce refus condamne souvent à des suicides violents et prématurés, à des pratiques illégales à la seule discrétion des médecins – faut-il dire « du pouvoir médical » ? –, au départ à l’étranger ou à des fins de vie vécues comme indignes par la personne et son entourage.

Ce que le législateur reconnaît par cette proposition de loi, quand la médecine elle-même se retire, c’est le droit de chacun à être aidé pour choisir – j’emprunte cette expression – le moment d’« éteindre la lumière ».

Paulette Guinchard-Kunstler a souhaité que son suicide assisté soit connu dans l’espoir de faire bouger les lignes. Rappelons que, après la première loi Leonetti, défenseuse du développement des soins palliatifs, elle estimait que l’état de la loi française permettait de répondre à toutes les situations. Quand, malade, elle a pris la décision de ne pas aller plus loin, et alors que la loi française ne permettait pas d’accéder à sa demande, elle s’est résolue à partir en Suisse.

Je pense que tout le monde a droit à ce cheminement de liberté et je vous invite à voter la loi le permettant.

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