Intervention de Jean-Luc Fichet

Réunion du 11 mars 2021 à 10h30
Droit à mourir dans la dignité — Discussion et retrait de l'ordre du jour d'une proposition de loi

Photo de Jean-Luc FichetJean-Luc Fichet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de la fin de vie anime régulièrement le débat public, ravivée à chaque exemple douloureux d’une fin de vie de souffrances pour un patient et sa famille.

Ces débats ont permis des avancées législatives significatives en matière d’accompagnement pour une fin de vie digne, en particulier grâce aux lois Leonetti et Claeys-Leonetti, votées respectivement en 2005 et en 2016.

Mais pour les malades et leurs familles, pour les associations qui les soutiennent et pour un grand nombre de nos concitoyens, le dispositif législatif actuel demeure insuffisant.

Bien sûr, des mesures telles que l’interdiction de l’obstination déraisonnable, la désignation d’une personne de confiance ou encore l’instauration des directives anticipées constituent des avancées concrètes, quoique parfois méconnues par nos compatriotes, qui y ont encore peu recours.

La législation existante se borne en outre à limiter le choix des patients entre une sédation profonde et continue, souvent suivie d’une lente agonie, et un statu quo thérapeutique entraînant trop fréquemment des souffrances insupportables.

La proposition de loi de notre collègue Marie-Pierre de La Gontrie, que je suis heureux d’avoir cosignée, prend ainsi tout son sens. Elle s’inscrit dans un contexte où la demande des Français d’obtenir le droit de mourir dans la dignité est unanime.

Comme cela a été rappelé, selon un sondage de l’institut Ipsos réalisé au mois de mars 2019, 96 % des personnes interrogées sont favorables à la reconnaissance d’un droit à l’euthanasie. Un tel pourcentage est éloquent et ne peut pas nous laisser indifférents !

Cette proposition de loi vise en outre à rompre avec un système aujourd’hui inégalitaire face à la fin de vie, car seules les personnes qui en ont les moyens peuvent décider de partir à l’étranger afin d’y terminer leur existence conformément à leurs souhaits.

Soulignons à cet égard que, après les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg, un quatrième pays européen, le Portugal, vient d’adopter, le 29 janvier dernier, une loi dépénalisant l’euthanasie. L’Espagne est en passe de faire de même, le Congrès des députés ayant approuvé une proposition de loi de régulation de l’euthanasie au mois de décembre 2020, qui devrait être adoptée définitivement à l’issue de la navette parlementaire.

Si comparaison n’est pas raison, nous ne pouvons pas faire fi de cette évolution sociétale, qui s’étend désormais de part et d’autre de nos frontières.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise ainsi à mettre en place un dispositif juste et sécurisant pour les malades et les praticiens en ouvrant enfin le droit pour les patients de solliciter l’aide active à mourir, dans un cadre législatif rigoureux.

Le texte reconnaît à tous les citoyens le droit de pouvoir choisir de mourir dans des conditions dignes et strictement conformes à leurs souhaits.

Mes chers collègues, l’heure de la mort fait légitimement appel pour chacun d’entre nous à des sentiments profonds et personnels, à des convictions intimes. C’est pourquoi il n’est jamais aisé de légiférer en la matière.

Pourtant, et comme d’autres l’ont fait avant nous au sein de la Haute Assemblée, nous pouvons choisir de donner à chacun de nos compatriotes le droit de maîtriser les conditions de sa mort, comme chaque être humain est en droit de choisir les modalités de sa propre vie.

Ce texte prévoit donc d’inscrire dans le code de la santé publique le droit de bénéficier de l’aide active à mourir. Il en définit précisément les conditions de mise en œuvre, ainsi que les critères permettant aux patients de pouvoir y avoir recours.

Considérant qu’il ne peut pas y avoir de fin de vie digne sans qu’un environnement adapté et suffisant soit mis en place autour du patient et de sa famille, la proposition de loi détermine également les modalités de désignation des personnes de confiance et renforce la prise en compte des directives anticipées, en réaffirmant leur caractère contraignant pour l’équipe soignante et en actant la création d’un registre national automatisé. Elle permet par ailleurs à la personne de confiance de demander l’aide active à mourir lorsque le patient a indiqué vouloir en bénéficier dans ses directives anticipées et alors qu’il se trouve hors d’état d’exprimer sa volonté.

Enfin, il ne saurait y avoir d’ouverture de droits nouveaux en matière de fin de vie sans que l’on offre à nos concitoyens la garantie pour tous, où qu’ils se trouvent sur le territoire national et dès lors que leur état de santé le requiert, d’un accès effectif aux soins palliatifs.

Cette proposition de loi institue donc un droit universel d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement, dont la mise en œuvre devra faire l’objet d’un rapport annuel de la part du Gouvernement. Les inégalités territoriales restent en effet criantes en la matière et nécessitent des moyens financiers et humains à la hauteur des enjeux.

Mes chers collègues, au-delà de nos conceptions philosophiques et de nos appréciations personnelles et intimes, de notre propre rapport à la mort, le texte soumis aujourd’hui à notre examen constitue fondamentalement une loi de liberté. Il n’impose rien, mais il vise à permettre à chacune et chacun d’avoir la faculté ultime de choisir sa fin de vie.

C’est la raison pour laquelle, au-delà de nos sensibilités politiques, je vous invite collectivement à faire en sorte que notre Haute Assemblée soit le fer de lance de cette liberté nouvelle en votant en faveur de la présente proposition de loi.

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