Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les prisons ont été à plusieurs reprises au coeur de l'actualité de cette année 2006. Les regards se sont de nouveau tournés vers la situation difficile des maisons d'arrêt, dont beaucoup connaissent encore un taux d'occupation préoccupant, parfois de 200 %.
Cependant, les progrès considérables accomplis depuis les constats accablants dressés par la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons de 2000 sont rarement pris en compte. Or, l'exercice budgétaire 2007, qui correspond à la dernière année d'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, permet précisément d'évaluer le chemin parcouru depuis lors.
En premier lieu, les objectifs de la programmation en termes d'emploi auront été respectés à près de 100 %, avec la création de 3 745 postes, parmi lesquels, il faut le souligner, 794 emplois d'insertion et de probation, soit une progression de 44 % des effectifs pour cette catégorie de personnels.
Sans doute la priorité accordée aux aménagements de peine et à la réinsertion appelle-t-elle de nouveaux recrutements. À cet égard, une mission d'évaluation a été récemment conduite au sein du ministère de la justice afin de quantifier ces besoins. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous en livrer les résultats ?
Ensuite, avec la création de 13 200 places, le programme de construction aura porté la capacité du parc pénitentiaire à près de 60 000 places à l'horizon 2008-2009, permettant pour la première fois d'atteindre l'objectif, historique, d'un encellulement individuel.
Cet effort d'investissement sans précédent est le premier facteur de l'amélioration des conditions de détention.
Au regard de ces infrastructures modernes, la situation des grands établissements pénitentiaires impose un effort de rénovation. Cet effort est heureusement engagé pour Fleury-Mérogis et les Baumettes, et, à la Santé, les travaux commenceront au début de l'année 2007. Qu'adviendra-t-il, monsieur le ministre, de Fresnes ?
Mais les progrès dans les conditions de détention ne procèdent pas seulement des améliorations matérielles.
Un travail mieux rémunéré, le maintien des liens familiaux ou encore l'accès aux soins sont les principales aspirations des détenus.
La situation de l'emploi pénitentiaire reste encore insuffisante, bien que la prise en charge de cette activité par des partenaires privés donne des résultats encourageants.
L'objectif que s'est assigné l'administration pénitentiaire d'assurer à 22 % seulement des détenus un projet de préparation à la sortie paraît, monsieur le ministre, excessivement modeste.
Les deux autres sujets de préoccupation ont connu des évolutions plus favorables.
D'une part, les liens familiaux seront renforcés par la généralisation progressive des unités de vie familiale, dont l'expérimentation, conduite en particulier au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes, est très positive, comme j'ai pu le constater sur place.
D'autre part, la prise en charge médicale s'est améliorée avec l'ouverture des unités hospitalières sécurisées interrégionales, les UHSI, pour les maladies somatiques et la mise en chantier des unités hospitalières spécialement aménagées, les UHSA, pour les maladies psychiatriques.
Je profite de cette occasion pour de nouveau attirer l'attention sur le problème majeur que représente la santé mentale dans les établissements pénitentiaires.
Cette année, une mission d'information de la commission des lois, que M. Charles Gautier et moi-même avons conduite conjointement, s'est intéressée plus particulièrement à la prise en charge des détenus dangereux atteints des troubles mentaux les plus graves. Aux termes de ses conclusions, adoptées à l'unanimité, la commission des lois a proposé que les personnes condamnées atteintes des pathologies les plus lourdes soient accueillies pendant la durée de leur peine, et même au-delà si leur état le nécessite, dans une structure hospitalière sécurisée, qui pourrait justement être implantée au sein des futures UHSA.
Pourriez-vous nous donner votre sentiment, monsieur le ministre, sur les préconisations de notre commission et sur la possibilité de prévoir d'ores et déjà dans le programme des UHSA qui ouvriront l'année prochaine la réalisation de quelques chambres dotées d'aménagements plus sécurisés afin de recevoir, pour des longs séjours, ce type de détenus ?
Il faut également saluer l'initiative prise par le Gouvernement d'instituer un contrôle extérieur des prisons - vieille revendication ! - afin de nous conformer à nos engagements internationaux. Le Parlement pourra débattre de la forme que prendra ce contrôle à l'occasion de l'examen du projet de loi que vous avez annoncé lors de votre audition devant la commission des lois, monsieur le ministre.
Parallèlement, et en complément de l'action remarquable des délégués du Médiateur de la République dans les prisons, il serait également souhaitable d'augmenter le nombre de points d'accès au droit au sein des établissements pénitentiaires.
Lieux de droit, les prisons constituent aussi des espaces soumis au principe de laïcité. La liberté de culte doit pouvoir s'exercer et, à cet égard, le rôle des aumôniers apparaît essentiel. En revanche, les actions de prosélytisme doivent être combattues. Or, celles-ci tendent, hélas ! à se développer.
Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les actions mises en oeuvre par le Gouvernement pour lutter contre ce phénomène ?
Je ne peux conclure sans saluer ici le travail accompli par les personnels de l'administration pénitentiaire, dans des conditions souvent difficiles comme j'ai pu le constater lors des visites d'établissements. Leur action mérite sans aucun doute d'être mieux reconnue, et nous aurons l'occasion de reparler des diverses évolutions, indemnitaires et statutaires, qui interviendront en 2007.
Au bénéfice de ces observations, la commission des lois vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits consacrés au programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » dans le projet de budget pour 2007.