Séance en hémicycle du 4 décembre 2006 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • aide juridictionnelle
  • avocat
  • détenu
  • juridictionnelle
  • prison
  • pénitentiaire

La séance

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La séance est ouverte à dix heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME.

La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Christian Gaudin pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (nos 77 et 78).

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Le Sénat va examiner les crédits relatifs à la mission « Justice » (et articles 49, 49 bis et 49 ter).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais, tout d'abord, développer quelques considérations générales sur cette mission, dont le périmètre ne comprend pas les juridictions administratives.

Cette remarque préalable est d'importance, car, si le bon fonctionnement de la mission « Justice » n'est, certes, pas entravé par la « sortie » des juridictions administratives de cette mission, la question reste néanmoins posée de la cohérence d'ensemble du traitement budgétaire des juridictions.

La mission « Justice » est dotée, dans le projet de loi de finances pour 2007, de 6.271, 1 millions d'euros de crédits de paiement, soit une progression de 4, 8 %. Cette progression renforce naturellement l'obligation de résultat incombant aux acteurs de la justice, même si les moyens budgétaires ne sont pas, à eux seuls, la clef de tous les problèmes auxquels est aujourd'hui confrontée l'institution.

Deux points particulièrement positifs méritent d'être soulignés. D'une part, il faut se féliciter d'une plus large diffusion de la culture de gestion parmi les acteurs de l'institution judiciaire, en conformité avec l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, et avec la responsabilisation des gestionnaires dont elle est porteuse. D'autre part, le pari de la maîtrise des frais de justice est en passe d'être remporté. (M. le garde des sceaux fait un signe d'approbation.) Sur ce second point, le rapporteur spécial que je suis est heureux de saluer les résultats probants obtenus par la Chancellerie, et cela, d'autant plus que je m'étais montré très critique, voire sceptique, ici même il y a un an.

Le programme « Justice judiciaire », qui compte, hors fonds de concours, 2.605, 8 millions d'euros en crédits de paiement, est en progression de 4 % par rapport à 2006.

L'année 2007 doit permettre de consolider les acquis de la LOLF, de poursuivre l'acclimatation à la culture de performance et de pérenniser les bonnes habitudes prises par les gestionnaires.

Dans ce contexte, on peut regretter que les objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, la LOPJ, ne soient pas entièrement satisfaits en termes de créations d'emplois. Si le taux d'exécution de la LOPJ pour les emplois de magistrats se révèle relativement satisfaisant, avec un résultat final de 81, 7 % en 2007, il s'avère beaucoup plus décevant pour les emplois de greffiers, avec un niveau de seulement 57, 9 %.

Je souhaite, à ce propos, souligner que le ratio entre le nombre de magistrats et celui de fonctionnaires connaît une évolution très défavorable aux greffiers, il s'établit aujourd'hui à 2, 69 magistrats pour un greffier. Cette situation n'est pas sans conséquence sur la bonne marche de la justice. Elle induit un recul du soutien logistique susceptible d'être attendu par les magistrats, tant pour le rendu des décisions juridictionnelles que pour la gestion des juridictions.

La pyramide des âges des greffiers, le rythme des départs à la retraite, l'allongement de la scolarité à l'École nationale des greffes, l'ENG, et le délai entre l'autorisation d'un concours de recrutement de greffiers et ses premiers effets sur le terrain, au moins deux ans, constituent autant de circonstances aggravantes au regard de cette dégradation du ratio magistrats-greffiers.

Le tableau d'ensemble de ce programme « Justice judiciaire » présente une autre ombre. Le transfert des charges d'ordonnancement des préfectures vers les cours d'appel ne s'est, en effet, pas accompagné d'un mouvement de personnels équivalent, soit 200 équivalents temps plein travaillé, ETPT, non transférés, selon les estimations de la Chancellerie. Ainsi, l'épineuse question de la surcharge de travail non compensée pour les juridictions reste posée. Je l'avais déjà souligné l'an dernier.

Mais, au-delà de ces réserves, de réels motifs de satisfaction doivent aussi être soulignés. Au premier rang de ces satisfactions figure la maîtrise des frais de justice.

Comme vous le savez, monsieur le garde des sceaux, le Sénat a toujours eu à coeur de contribuer à la sensibilisation et à la concertation autour de cette question, à nos yeux, essentielle, notamment au travers de la mission de contrôle budgétaire que j'ai menée il y a quelques mois, ainsi que d'une enquête conduite par la Cour des comptes à la demande de notre assemblée.

Au vu des premiers éléments d'appréciation sur la gestion 2006, la dotation prévue pour les frais de justice pour 2006 devrait s'avérer suffisante, moyennant l'abondement supplémentaire tiré de la réserve de 50 millions d'euros mise en place à cette fin en loi de finances pour 2006.

La maîtrise en cours tient beaucoup à une prise de conscience et à de réels efforts de la part des magistrats prescripteurs de la dépense, ce qui constitue un motif de satisfaction supplémentaire.

En matière d'analyses génétiques, par exemple, la passation de marchés publics s'est, d'ores et déjà, traduite par une baisse très significative des tarifs proposés par les laboratoires.

Il faut, par ailleurs, se féliciter que cette politique de maîtrise des frais de justice n'entame en rien la liberté de prescription des magistrats, principe essentiel au bon fonctionnement de notre justice.

Dans ce contexte, l'enveloppe allouée pour l'année 2007 au titre des frais de justice est de 397, 9 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 7, 5 % par rapport à la dotation prévue en loi de finances pour 2006, mais une baisse de 5, 3 % par rapport au cumul de cette dotation et de la réserve de 50 millions d'euros. Il faut le souligner, dans le passé, la dérive sur ce point était de l'ordre de 20 % par an.

Le programme « Administration pénitentiaire » comporte 2.246 millions d'euros de crédits de paiement, soit une progression de 5, 4 % par rapport à 2006.

Cette hausse répond à un impératif. Faut-il, en effet, rappeler les conditions de détention en France, la vétusté de la plupart des prisons et le taux de surpopulation carcérale, qui atteignait, au 1er octobre dernier, 111 % ?

Dans cette perspective, la LOPJ a prévu un objectif de création de 13 200 places supplémentaires de détention. Toutefois, étant donné la spécificité des programmes immobiliers pénitentiaires et les délais incompressibles qu'ils imposent, les efforts consentis au titre de la LOPJ ne feront sentir leurs premiers effets positifs qu'à partir de 2007. Et ce n'est que courant 2009 que le nombre de places égalera le nombre de personnes détenues.

J'en viens, maintenant, au programme « Protection judiciaire de la jeunesse », PJJ, dont les faits divers et les violences urbaines récurrentes viennent rappeler, si besoin était, l'importance cruciale.

Ce programme comporte, hors fonds de concours, 799, 7 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 8 %.

Les dépenses de fonctionnement augmentent de 42, 8 millions d'euros, soit de 12, 7 %, pour répondre, notamment, aux besoins de fonctionnement des centres éducatifs fermés, les CEF, auxquels vous croyez tout particulièrement.

Le présent projet de loi de finances prévoit une augmentation de 43 millions d'euros de l'enveloppe budgétaire consacrée au secteur associatif habilité, le SAH, de manière à faire face à l'activité croissante de ce secteur tout en engageant un indispensable travail de résorption des reports de charges des années précédentes.

L'analyse de la performance de la PJJ suscite deux remarques principales.

D'une part, les taux d'occupation des établissements laissent apparaître d'incontestables marges de manoeuvre. Ainsi, en 2005, ce taux était de seulement 67, 8 % pour les CEF gérés par le secteur public. Une meilleure optimisation des capacités d'accueil doit être recherchée.

D'autre part, le coût des mesures judiciaires paraît relativement élevé. Par exemple, une mesure d'enquête sociale coûte 1.725 euros, et une journée en CEF dans le secteur public revient à 731 euros.

Le programme « Accès au droit et à la justice » revêt une importance toute singulière, car il correspond à l'aspiration croissante de la population à mieux connaître ses droits et à agir en justice.

Ses moyens reculent en crédits de paiement de 1, 8 %, en passant à 338, 4 millions d'euros.

En 2007, la principale innovation budgétaire de ce programme résidera dans la suppression des dépenses de personnel, ces charges étant désormais transférées au programme « Justice judiciaire ».

Le présent projet de loi de finances prévoit une revalorisation de l'aide juridictionnelle à hauteur de 6 %.

Étant donné la croissance du nombre de demandes d'admission à l'aide juridictionnelle et l'année de la dernière revalorisation de cette aide, soit 2004, il est à mon avis douteux que cette revalorisation soit suffisante. J'aurai l'occasion de revenir en détail sur ce point très important et au coeur de l'actualité la plus récente, lors de la discussion des amendements sur les crédits de la mission.

Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés » est doté de 281, 8 millions d'euros de crédits de paiement, soit une progression de 6, 8 %.

Parmi ces organismes rattachés figure la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

En droit, le principe de la fongibilité asymétrique autorise le directeur de l'administration générale et de l'équipement, responsable du programme, à « prélever » des crédits sur la CNIL au bénéfice des services de la Chancellerie. Je souhaite donc rappeler, sur ce point, la suggestion avancée en 2004 par la commission des finances du Sénat de créer un programme regroupant l'ensemble des autorités administratives indépendantes, les AAI, au sein de la mission « Transparence et régulation de l'action publique ». L'indépendance de la CNIL, comme des autres AAI, n'en serait que mieux assurée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En conclusion, si la justice de notre pays a, certes, encore besoin de moyens, des efforts conséquents ont été accomplis dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation depuis 2002 et il convient de les saluer, monsieur le garde des sceaux.

Pour autant, la problématique de l'institution ne se résume pas à une simple équation financière ou comptable. Elle doit aussi tenir compte d'enjeux organisationnels avec, en perspective, la nécessaire réflexion sur la carte judiciaire et son éventuelle réforme.

L'accroissement des moyens devra probablement s'accompagner, dans les années à venir, de leur redéploiement pour répondre au plus juste aux attentes des justiciables, avec efficacité, rapidité et sérénité.

Sous réserve de ces remarques et des amendements qu'elle présente, la commission des finances propose au Sénat l'adoption des crédits de la mission et de chacun de ses programmes.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans un contexte budgétaire extrêmement serré, le budget de la justice pour 2007 apparaît globalement comme un bon budget. Je me contenterai donc d'insister sur quelques points.

En ce qui concerne d'abord la maîtrise des frais de justice, sur laquelle nous émettions de réelles inquiétudes l'an dernier, force est de constater que tous les acteurs concernés se sont mobilisés et que la tendance à l'augmentation de cette enveloppe s'est inversée.

Cette évolution favorable est due aux mesures prises par l'administration centrale - je pense notamment à la tarification des « écoutes téléphoniques » et des analyses génétiques -, mais aussi aux efforts faits par les magistrats dans leurs prescriptions. Ce résultat montre que les professionnels de la justice sont prêts à se mobiliser pour que l'application de la LOLF soit une réussite.

Il convient donc de tirer toutes les conséquences de cette implication en laissant aux ordonnateurs secondaires toute la marge de manoeuvre et toute la souplesse que devrait leur donner la LOLF et que l'administration centrale a eu un peu trop tendance, en 2006, à restreindre.

La fongibilité des crédits ne doit pas seulement être une bonne idée ; elle doit, monsieur le garde des sceaux, devenir une réalité. Je souhaiterais donc que vous m'indiquiez ce que vous comptez faire pour que les chefs de cours disposent réellement de la marge de manoeuvre qu'ils sont en droit d'attendre de la mise en oeuvre de la LOLF.

S'agissant du périmètre de la mission « Justice », je ne redirai pas tout ce que j'ai dit samedi dernier dans le cadre de l'examen des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

Je rappellerai simplement que la commission des lois souhaite, plus encore que l'an dernier en raison des réformes annoncées en la matière, que le Conseil supérieur de la magistrature figure, comme les autres institutions créées par la Constitution, dans la mission « Pouvoirs publics ». Cela correspondrait mieux aux spécificités de cette institution dont l'indépendance est appelée à s'accroître.

J'ajouterai que la CNIL, en cohérence avec la réforme d'août 2004, qui a renforcé son rôle et ses pouvoirs, devrait également être sortie de la mission « Justice » et voir son budget en quelque sorte « sanctuarisé » dans une mission spécifique qui pourrait regrouper les autorités administratives indépendantes gardiennes des libertés publiques que sont, par exemple, outre la CNIL, le Médiateur de la République, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ou la Commission d'accès aux documents administratifs. La commission des lois rejoint donc pleinement la position de la commission des finances.

Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous agir en ce sens, à la fois pour le Conseil supérieur de la magistrature et pour la CNIL ?

Au regard des objectifs de créations d'emplois fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, nous constatons que, si les créations d'emploi seront réalisées à 82 % à la fin de 2007 en ce qui concerne les magistrats, elles ne le seront qu'à 58 % seulement pour les personnels des greffes.

Le nombre moyen de greffiers par magistrat, qui est aujourd'hui inférieur à ce qu'il était en 2000, reste nettement insuffisant. De même qu'il ne faut pas décourager les magistrats en encadrant trop strictement l'application de la LOLF, il ne faut pas démobiliser les personnels des greffes en limitant les moyens consacrés au recrutement et à la motivation de ces agents qui, aux cotés des magistrats, participent activement à la bonne marche de notre justice et ont vu leurs tâches s'alourdir ces dernières années.

Les décalages dus à l'allongement de la durée de leur formation et les départs en retraite très nombreux auxquels nous allons assister dans les prochaines années nous imposent de porter une attention particulière à cette situation. Que comptez-vous faire concrètement, monsieur le garde des sceaux, pour l'améliorer ?

Le dernier point que j'aborderai concerne l'évolution des crédits consacrés à l'aide juridictionnelle.

La revalorisation prévue de 6 % de l'unité de valeur n'est pas à la hauteur des besoins. Si plusieurs mesures ont été prises ces dernières années pour améliorer les conditions de rémunérations des avocats au titre de l'aide juridictionnelle, celles-ci restent encore nettement insuffisantes, d'autant que certaines missions ne sont pas rétribuées et que le nombre de bénéficiaires ne cesse d'augmenter.

Le faible niveau de l'aide juridictionnelle entraîne donc de grosses difficultés pour nombre de cabinets d'avocats, qui se démotivent et sont de plus en plus réticents à prendre en charge un justiciable dans le cadre de l'aide juridictionnelle.

La prochaine réforme de l'assurance de protection juridique ne règlera pas entièrement ce problème, monsieur le garde des sceaux, et le maintien de l'accès des plus démunis à la justice passe donc également par une augmentation plus substantielle des crédits consacrés à l'aide juridictionnelle. Aussi je vous présenterai un amendement, adopté à l'unanimité par la commission des lois - comme l'amendement identique présenté par la commission des finances l'a été par cette dernière -, visant à augmenter ces crédits.

Tels sont, monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais, dans le délai restreint qui m'est accordé, apporter à ce débat. Sous ces réserves, la commission des lois émet un avis favorable sur les crédits de la mission « Justice ».

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les prisons ont été à plusieurs reprises au coeur de l'actualité de cette année 2006. Les regards se sont de nouveau tournés vers la situation difficile des maisons d'arrêt, dont beaucoup connaissent encore un taux d'occupation préoccupant, parfois de 200 %.

Cependant, les progrès considérables accomplis depuis les constats accablants dressés par la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons de 2000 sont rarement pris en compte. Or, l'exercice budgétaire 2007, qui correspond à la dernière année d'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, permet précisément d'évaluer le chemin parcouru depuis lors.

En premier lieu, les objectifs de la programmation en termes d'emploi auront été respectés à près de 100 %, avec la création de 3 745 postes, parmi lesquels, il faut le souligner, 794 emplois d'insertion et de probation, soit une progression de 44 % des effectifs pour cette catégorie de personnels.

Sans doute la priorité accordée aux aménagements de peine et à la réinsertion appelle-t-elle de nouveaux recrutements. À cet égard, une mission d'évaluation a été récemment conduite au sein du ministère de la justice afin de quantifier ces besoins. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous en livrer les résultats ?

Ensuite, avec la création de 13 200 places, le programme de construction aura porté la capacité du parc pénitentiaire à près de 60 000 places à l'horizon 2008-2009, permettant pour la première fois d'atteindre l'objectif, historique, d'un encellulement individuel.

Cet effort d'investissement sans précédent est le premier facteur de l'amélioration des conditions de détention.

Au regard de ces infrastructures modernes, la situation des grands établissements pénitentiaires impose un effort de rénovation. Cet effort est heureusement engagé pour Fleury-Mérogis et les Baumettes, et, à la Santé, les travaux commenceront au début de l'année 2007. Qu'adviendra-t-il, monsieur le ministre, de Fresnes ?

Mais les progrès dans les conditions de détention ne procèdent pas seulement des améliorations matérielles.

Un travail mieux rémunéré, le maintien des liens familiaux ou encore l'accès aux soins sont les principales aspirations des détenus.

La situation de l'emploi pénitentiaire reste encore insuffisante, bien que la prise en charge de cette activité par des partenaires privés donne des résultats encourageants.

L'objectif que s'est assigné l'administration pénitentiaire d'assurer à 22 % seulement des détenus un projet de préparation à la sortie paraît, monsieur le ministre, excessivement modeste.

Les deux autres sujets de préoccupation ont connu des évolutions plus favorables.

D'une part, les liens familiaux seront renforcés par la généralisation progressive des unités de vie familiale, dont l'expérimentation, conduite en particulier au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes, est très positive, comme j'ai pu le constater sur place.

D'autre part, la prise en charge médicale s'est améliorée avec l'ouverture des unités hospitalières sécurisées interrégionales, les UHSI, pour les maladies somatiques et la mise en chantier des unités hospitalières spécialement aménagées, les UHSA, pour les maladies psychiatriques.

Je profite de cette occasion pour de nouveau attirer l'attention sur le problème majeur que représente la santé mentale dans les établissements pénitentiaires.

Cette année, une mission d'information de la commission des lois, que M. Charles Gautier et moi-même avons conduite conjointement, s'est intéressée plus particulièrement à la prise en charge des détenus dangereux atteints des troubles mentaux les plus graves. Aux termes de ses conclusions, adoptées à l'unanimité, la commission des lois a proposé que les personnes condamnées atteintes des pathologies les plus lourdes soient accueillies pendant la durée de leur peine, et même au-delà si leur état le nécessite, dans une structure hospitalière sécurisée, qui pourrait justement être implantée au sein des futures UHSA.

Pourriez-vous nous donner votre sentiment, monsieur le ministre, sur les préconisations de notre commission et sur la possibilité de prévoir d'ores et déjà dans le programme des UHSA qui ouvriront l'année prochaine la réalisation de quelques chambres dotées d'aménagements plus sécurisés afin de recevoir, pour des longs séjours, ce type de détenus ?

Il faut également saluer l'initiative prise par le Gouvernement d'instituer un contrôle extérieur des prisons - vieille revendication ! - afin de nous conformer à nos engagements internationaux. Le Parlement pourra débattre de la forme que prendra ce contrôle à l'occasion de l'examen du projet de loi que vous avez annoncé lors de votre audition devant la commission des lois, monsieur le ministre.

Parallèlement, et en complément de l'action remarquable des délégués du Médiateur de la République dans les prisons, il serait également souhaitable d'augmenter le nombre de points d'accès au droit au sein des établissements pénitentiaires.

Lieux de droit, les prisons constituent aussi des espaces soumis au principe de laïcité. La liberté de culte doit pouvoir s'exercer et, à cet égard, le rôle des aumôniers apparaît essentiel. En revanche, les actions de prosélytisme doivent être combattues. Or, celles-ci tendent, hélas ! à se développer.

Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les actions mises en oeuvre par le Gouvernement pour lutter contre ce phénomène ?

Je ne peux conclure sans saluer ici le travail accompli par les personnels de l'administration pénitentiaire, dans des conditions souvent difficiles comme j'ai pu le constater lors des visites d'établissements. Leur action mérite sans aucun doute d'être mieux reconnue, et nous aurons l'occasion de reparler des diverses évolutions, indemnitaires et statutaires, qui interviendront en 2007.

Au bénéfice de ces observations, la commission des lois vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits consacrés au programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » dans le projet de budget pour 2007.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2007 traduit un réel effort en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse, puisque les crédits de ce programme augmentent de 8, 6 % par rapport à 2006, atteignant la somme de 799 millions d'euros, soit 12, 8 % du budget de la justice.

Je me limiterai à quatre observations.

Première observation : les crédits consacrés au secteur associatif habilité, principal acteur de la prise en charge des mineurs en danger, et qui représentent 39 % du total, progressent de 16 %, soit, ainsi que l'a souligné M. le rapporteur spécial, 42 millions d'euros.

Certes, je note que la plus grande partie de cette augmentation va en fait servir à apurer la dette de l'État vis-à-vis de ce secteur. En effet, en 2006, comme déjà en 2005, le paiement aux associations s'est interrompu en cours d'année - dès le mois de mai, s'agissant des mesures en faveur des jeunes majeurs - en raison d'une sous-estimation manifeste des crédits qui, je vous le rappelle, ont désormais un caractère limitatif.

Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le garde des sceaux, afin d'apurer la dette vis-à-vis du secteur associatif habilité et de mettre un terme aux reports de charges successifs l'affectant ?

Deuxième observation : les crédits de l'action n° 2 relative aux mineurs en danger et aux jeunes majeurs se stabilisent - plus 2, 3 % - après la très forte baisse de l'an passé - moins 16 %. Cette baisse s'expliquait par la volonté de diminuer les crédits consacrés aux jeunes majeurs de 20 % en cinq ans. En effet, les dépenses liées à l'hébergement des jeunes majeurs représentent 40 % des crédits du secteur associatif, soit 109 millions d'euros sur 265 millions d'euros, ce qui est considérable, alors que les 2 500 jeunes majeurs concernés représentent à peine 5 % des jeunes pris en charge.

Vous avez donc souhaité, monsieur le garde des sceaux, recentrer les actions en faveur des jeunes majeurs de 18 à 21 ans sur ceux qui sont déjà suivis pendant leur minorité par la protection judiciaire de la jeunesse et redonner un sens à la mesure en insistant sur l'accès rapide à l'autonomie. Les autres jeunes majeurs devraient être pris en charge par les départements.

Cependant, les critères de répartition entre ces deux prises en charge, prévus par les décrets du 18 février 1975 pour la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, et du 2 décembre 1975 pour les départements, paraissent particulièrement flous, et je dois reconnaître qu'il se pose dans ce domaine un vrai problème auquel il faudra sans doute réfléchir.

Quelles mesures envisagez-vous de prendre, monsieur le garde des sceaux, pour rationaliser les prises en charge, tout en évitant à ces jeunes de sombrer dans la précarité, voire la délinquance ? Quelles assurances ont-elles été prises avec les conseils généraux pour mettre en place des relais adaptés ?

Troisième observation : l'un des objectifs impartis à la protection judiciaire de la jeunesse consiste à assurer une prise en charge de qualité tout en maîtrisant les coûts. Or, ainsi que cela a été rappelé par M. le rapporteur spécial, certains indicateurs de performance demeurent incomplets, s'agissant notamment du coût des mesures judiciaires par journée dans les centres éducatifs fermés, les CEF, les centres éducatifs renforcés et les centres de placement immédiat du secteur public.

Il semblerait cependant que les montants unitaires par journée ou par mesure du secteur public soient plus élevés que ceux qui sont observés dans le secteur associatif. Ainsi, le prix de journée dans les CEF publics est de 731 euros, contre 609 euros dans le secteur associatif habilité.

Comment expliquez-vous ces différences ? Vous paraît-il pertinent, monsieur le garde des sceaux, d'ouvrir de nouveaux CEF publics, et comment comptez-vous rapprocher le coût des structures publiques de celui des structures associatives ?

Dernière observation : sept établissements pénitentiaires pour mineurs, chacun d'une capacité de soixante places, ouvriront en 2007 et 2008, alors que des travaux très importants de rénovation et d'ouverture de quartiers mineurs ont été menés dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, la LOPJ.

Actuellement, le taux d'occupation des quartiers mineurs n'est que de 60 %. Les capacités paraissent donc supérieures aux besoins. Dans ces conditions, ne craignez-vous pas que le programme de réalisation de sept établissements pénitentiaires pour mineurs ne soit surdimensionné par rapport aux besoins ?

En conclusion, je tiens à insister sur l'urgence de disposer d'un panel de mineurs, attendu depuis 1996, qui permettra d'observer tous les mineurs nés entre un 1er et un 15 octobre dont l'institution judiciaire a eu à connaître, et ainsi d'évaluer l'impact des décisions judiciaires prises en assistance éducative et au pénal sur la trajectoire du mineur.

La première version de la base d'études du panel constitué à partir des fichiers transmis par les juridictions fait actuellement l'objet de tests. Nous attendons avec intérêt les premiers résultats provisoires qui interviendront début 2007.

Je ne voudrais pas terminer cette intervention sans rendre hommage une nouvelle fois, comme je l'ai déjà fait l'an dernier, aux éducateurs qui travaillent dans le silence et l'anonymat, loin des médias. Plus on les connaît, plus on les apprécie et j'ai personnellement eu l'occasion de mesurer, en visitant certains centres, l'abnégation, la disponibilité, le courage et le dévouement dont ils font preuve.

Sous réserve de ces observations, votre commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse ».

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 36 minutes ;

Groupe socialiste, 26 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 16 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle, en outre, qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Pierre Fauchon.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je n'entrerai pas dans une appréciation - et moins encore dans une analyse critique - du budget de la justice, étant donné, d'une part, l'excellent travail des rapporteurs et, d'autre part, le fait que ce budget peut être considéré comme relativement satisfaisant, ce dont nous ne pouvons que féliciter le garde des sceaux. Les compliments sont toujours bons à recevoir et je vous les adresse avec toute l'amitié et l'estime qui conviennent !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice

Merci !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je ne m'étendrai donc pas sur l'analyse de ce budget si ce n'est pour exprimer le souhait très vif de notre groupe que soient votés les amendements identiques présentés conjointement par notre collègue Philippe Détraigne, au nom de la commission des lois, et Roland du Luart, au nom de la commission des finances, en vue d'un relèvement des crédits de l'aide juridictionnelle absolument nécessaire pour rendre moins grossièrement insuffisante la rémunération actuelle des avocats qui contribuent à la mission de justice.

Il me semble plus utile de consacrer mon propos à la question difficile, mais importante de la justice de proximité : difficile, certes, parce que la mise en place des institutions se heurte à de sérieuses réticences qui en compromettent le succès, mais tout aussi importante dans la mesure où cette innovation procédant de préoccupations qui ne sont pas seulement pratiques, n'a rien perdu de sa raison d'être, bien au contraire, si l'on se situe dans la perspective ouverte par ce qu'il faut bien appeler le scandale de l'affaire d'Outreau.

Le constat, tout d'abord, fait apparaître, d'une part, un développement positif, même s'il est diversifié, ce qui est normal, des services rendus par ces juges, du moins là où l'on a bien voulu les accueillir dans un esprit de confiance et de coopération, et, d'autre part, de graves difficultés de recrutement dues tout à la fois au manque de moyens et à un état d'esprit du milieu judiciaire qui n'est pas toujours aussi favorable qu'on pourrait le souhaiter.

Disons-le tout net, on se heurte ici quelquefois au droit que s'arrogent certains magistrats - une faible minorité, j'en suis sûr - d'apprécier l'opportunité des lois dont la mise en oeuvre constitue cependant leur mission essentielle. Cette réflexion ne vaut pas seulement pour la question qui nous occupe en ce moment. Ainsi, quand j'entends ces mêmes magistrats protester contre toute critique au nom de l'indépendance du pouvoir judiciaire, je ne puis m'empêcher de penser qu'ils devraient, eux aussi, respecter l'indépendance du pouvoir législatif, dont la mission est, jusqu'à nouvel ordre, de faire la loi !

Quoi qu'il en soit de ces difficultés, elles ne doivent ni surprendre, toute innovation suscitant inévitablement des résistances - particulièrement, hélas ! dans notre pays -, ni décourager, car il est normal qu'une telle réforme ne se développe que progressivement au fil des ans, moyennant des ajustements ; les magistrates'courts anglais n'ont-ils pas été créés par le roi Henri II, si j'ai bonne mémoire ?

Il faut donc persévérer dès lors que les raisons d'être de la réforme n'ont rien perdu de leur actualité.

Ces raisons d'être ne sont pas seulement d'ordre pratique et liées au souci d'augmenter les moyens de la justice en vue de mieux traiter un contentieux de masse sans cesse croissant et proliférant. Elles sont aussi d'ordre moral ou politique, au meilleur sens du terme, car il s'agit, dans notre esprit, d'introduire dans la culture judiciaire - nous avons déjà proposé au Sénat des mesures relatives aux magistrats exerçant à titre temporaire, dont la Chancellerie, ou en tout cas l'ordre judiciaire, n'a pas voulu - l'apport de « l'expérience des choses de la vie » qui lui fait terriblement défaut actuellement.

C'est ici que je me risquerai, quitte à surprendre, à faire une réflexion apparemment ponctuelle dans la perspective d'une remise en question de la justice, perspective ouverte par l'affaire d'Outreau et cette accumulation de dysfonctionnements qui peuvent affecter la justice pénale, mais dont la justice civile n'est pas à l'abri, les mêmes causes produisant généralement les mêmes effets, même s'ils sont moins voyants.

Si je parle des mêmes causes, c'est parce que je suis personnellement très réservé sur la démarche qui consiste à croire que l'on se protégera suffisamment de tels errements par des mesures procédurales ou disciplinaires qui sont sans doute utiles, mais dont je ne pense pas qu'elles soient suffisantes.

Ce ne sont pas de telles mesures qui permettront de corriger les erreurs de discernement, le manque de « justesse », pour reprendre la formule prononcée par le Premier président de la Cour de cassation, Guy Canivet, lors de l'audience solennelle de début de l'année judiciaire. Ces notions de discernement et de justesse sont capitales dans le domaine de l'action judiciaire.

Le problème d'Outreau, ce n'est pas, ou pas seulement, que tel individu ait pu se tromper ; c'est que ses erreurs n'aient pas été corrigées par le jeu apparemment correct du système d'accompagnement et de contrôle de son action. C'est donc que ce système est inadapté.

Il est inadapté, selon moi, parce qu'il fonctionne d'une manière administrative et ne produit pas, ne favorise pas, ne développe pas la faculté de discernement et la recherche de la justesse.

Toujours à l'école du Premier président de la Cour de cassation, je cherche la source de cette insuffisance et je la trouve dans la formation des juges qui « conditionne l'authenticité de la justice ».

Ce qui est en cause, à mes yeux, c'est fondamentalement le mode de recrutement de la magistrature professionnelle essentiellement fondé sur des concours qui, s'ils renseignent probablement sur les capacités intellectuelles des candidats, ne le font aucunement sur leurs facultés de discernement. En effet, celles-ci supposent des aptitudes psychologiques difficiles à déceler, mais aussi une connaissance concrète des réalités de la vie sociale, économique, familiale, que seule l'expérience vécue peut apporter, à condition que cette expérience soit sérieuse, réelle, ce que l'on ne peut évidemment pas attendre de la plupart des stages de courte durée.

Ma conviction est donc qu'il nous faut repenser radicalement ce mode de recrutement, ou plus exactement n'admettre à ce concours que des hommes et des femmes ayant pratiqué d'autres activités pendant une période assez longue - cinq ou dix ans, je n'hésite pas à le dire - pour avoir éprouvé concrètement ce que sont les réalités de la vie.

Faut-il rappeler ici l'exemple de la Grande-Bretagne où la fonction de juge vient en prolongement d'une longue pratique des affaires judiciaires ?

Je ne doute pas, monsieur le garde des sceaux, qu'une telle réforme se heurte à trop de nos préjugés et de nos routines pour avoir beaucoup de chances d'aboutir avant longtemps.

C'est la raison pour laquelle, en attendant de pouvoir modifier substantiellement le recrutement des magistrats professionnels, je crois utile de leur adjoindre des hommes et des femmes d'un profil différent dans lequel l'expérience des responsabilités est prise en compte non comme un élément accessoire, complémentaire, voire secondaire, mais comme un élément essentiel d'appréciation de leur aptitude.

Voilà qui me ramène très naturellement à mon point de départ, à savoir les juges de proximité, en qui je vois non pas, bien entendu, un remède absolu, mais un élément parmi d'autres susceptible d'enrichir la culture judiciaire par un apport spécifique qu'il apparaît dès lors très souhaitable d'introduire à tous les niveaux de l'organisation ; nous l'avons d'ailleurs déjà fait pour les tribunaux de grande instance, les TGI, et c'est tant mieux ; il conviendra de poursuivre cette généralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

J'espère de cette introduction un effet d'amalgame semblable à celui qu'ont connu les armées de la République où l'on associait des soldats professionnels à des nouvelles recrues.

Je suis donc de ceux qui attendent beaucoup du développement de la justice de proximité.

Pour autant, je n'oublie pas le grave reproche qui peut être légitimement adressé à cette institution, à savoir, précisément, de former une juridiction à part entière, créée artificiellement et distincte des tribunaux d'instance, même si elle s'appuie sur leurs moyens, et spécialement sur leurs greffes.

La solution raisonnable, comme je l'ai déclaré dès l'origine, puisque j'étais le rapporteur de la loi qui a créé les juges de proximité, c'était de faire d'eux des auxiliaires de l'organisation judiciaire, et non des membres d'une juridiction autonome. Cette solution reste valable, mes chers collègues.

De même qu'un texte complémentaire a permis de leur attribuer des responsabilités dans les TGI, de même serait-il préférable de faire ouvertement de ces juges les auxiliaires des présidents des tribunaux d'instance, qui sont les chefs des juridictions de proximité et qui doivent le rester.

Je ne doute pas qu'une telle réforme lèverait pour une grande part la prévention - très compréhensible, à cet égard -des magistrats professionnels et des greffiers. D'ailleurs, elle serait d'autant plus aisée à mettre en oeuvre que, dans bien des cas, me semble-t-il, elle ne ferait que consacrer et officialiser nombre de pratiques existantes.

Je fais confiance à l'avenir pour que la justice évolue dans ce sens et que notre culture judiciaire acquière ainsi, peu à peu, un sens des réalités vécues qui lui fait aujourd'hui fâcheusement défaut.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Béteille

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le budget que nous examinons aujourd'hui traduit un effort tout à fait significatif du Gouvernement en faveur de la mission « Justice », dont les crédits s'accroissent de 5 %.

Si nous comparons cette augmentation à celle de l'ensemble des dépenses de l'État, qui n'est que de 0, 8 %, nous ne pouvons qu'être satisfaits.

En outre, cet effort financier n'est pas isolé, puisqu'il a été renouvelé chaque année, tout au long de cette législature. Si nous constatons aujourd'hui que les objectifs très ambitieux fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice ne sont pas totalement atteints, ce qui est dommage, il n'en reste pas moins que l'action accomplie par ce gouvernement ou par ceux qui l'ont précédé au cours de cette législature est tout à fait exceptionnelle et sans équivalent depuis longtemps.

Je m'en félicite, mais il faut reconnaître qu'un tel effort était nécessaire, car en 2001 notre justice ne se trouvait pas dans un état enviable. La situation des prisons, en particulier, sur laquelle j'insisterai, était particulièrement critique.

Monsieur le ministre, je voudrais pointer deux problèmes qui demeurent, car je ne crois pas nécessaire - peut-être à tort, d'ailleurs - de m'étendre sur les aspects positifs de votre action.

En premier lieu, j'évoquerai les établissements pénitentiaires, et plus particulièrement l'un d'entre eux, celui de Fleury-Mérogis, que je connais bien puisqu'il se trouve situé dans le département de l'Essonne dont je suis l'élu.

Je le rappelle, 40 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 215, 7 millions d'euros de crédits de paiement sont destinés à financer le lancement ou la poursuite des opérations menées par l'agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice, l'AMOTMJ, notamment la réhabilitation de Fleury-Mérogis.

Outre qu'il s'agit de la plus grande prison d'Europe, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Béteille

... un record dont nous nous passerions bien, Fleury-Mérogis est un établissement où les travaux d'entretien ont été négligés pendant de très nombreuses années, au point qu'une partie non négligeable des bâtiments est inutilisable et laissée vide, depuis longtemps, parce qu'il est impossible d'y loger des détenus.

Depuis le temps que l'on parle de surpopulation carcérale, il est tout de même lamentable d'avoir laissé ces bâtiments se dégrader à ce point, faute d'entretien !

Monsieur le ministre, la réhabilitation de cette prison est absolument nécessaire, et elle est très attendue. Des travaux nous ont été promis, mais qui s'étaleraient sur des délais excessivement longs, me semble-t-il. J'attire votre attention sur ce point : nous attendons qu'un effort supplémentaire soit engagé afin de résoudre ce problème, et nous aimerions que vous nous précisiez de nouveau le calendrier des travaux.

J'ajoute que les conditions de vie et de travail sont particulièrement difficiles dans cette prison. C'est le cas, au premier chef, pour les gardiens, qui ne peuvent exercer leurs rôles de surveillance et de réinsertion, pourtant primordiaux, notamment pour lutter contre la récidive.

L'augmentation des effectifs des surveillants et une formation adéquate doivent permettre une meilleure gestion des détenus.

Je profiterai de cette intervention pour rendre hommage à tous les personnels qui travaillent à Fleury-Mérogis et dans les autres établissements, en concourant au bon fonctionnement de ces prisons dans des conditions souvent très difficiles.

Je connais certains d'entre eux, car nombre des surveillants de Fleury-Mérogis résident dans le département dont je suis l'élu. Même s'ils sont parfois injustement décriés, leur mérite est grand, et ils ont tout à fait droit à notre estime.

En second lieu, j'évoquerai le problème de l'aide juridictionnelle.

Les avocats sont naturellement attentifs à la revalorisation du montant de l'unité de valeur. Or celui-ci, je le répète, n'est pas aujourd'hui à la hauteur de leur mission, qui consiste à défendre les prévenus isolés ou sans moyens.

Il est loin le temps où la profession s'honorait, et à juste titre, de défendre gracieusement les plus démunis, ce qui représentait alors une charge acceptable pour les cabinets d'avocats.

Aujourd'hui, dans quelques tribunaux, nous le savons, l'aide juridictionnelle s'applique à près de 70 % des affaires, et elle représente l'essentiel de l'activité de certains avocats.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Béteille

Oui, monsieur le rapporteur spécial, vous avez raison de le déplorer, car ce phénomène a atteint des proportions qui posent problème.

Ne sommes-nous pas en train de créer une sécurité sociale bis dans le domaine judiciaire, ce qui, à mon avis, serait tout à fait catastrophique pour l'administration de la justice et l'exercice d'une profession d'avocat que je tiens à défendre ?

Le Gouvernement a accompli un réel effort en la matière, mais qui ne répond, me semble-t-il, ni aux attentes des avocats ni aux annonces faites à une certaine époque à la profession. Même si des revalorisations sensibles ont été décidées, il faut aller plus loin dans cette voie.

Mes chers collègues, votre commission des finances défendra un amendement tendant à augmenter ces crédits pour qu'ils correspondent davantage aux besoins. À titre personnel, j'ai déposé un amendement qui a le même objet. Notre assemblée s'honorerait, me semble-t-il, en adoptant ces différentes propositions.

Monsieur le ministre, voilà les deux sujets sur lesquels je souhaitais insister, tout en reconnaissant que l'État et la Chancellerie ont accompli un effort tout à fait remarquable en faveur de la justice, ce dont je ne peux que me réjouir.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans un contexte budgétaire que chacun sait très difficile, les crédits alloués à la mission « Justice » et à ses cinq programmes augmentent de presque 5 %, pour atteindre dans le projet de loi de finances pour 2007 un montant de plus de 6 271 millions d'euros de crédits de paiement. Monsieur le ministre, il s'agit là, déjà, d'une très bonne raison de voter les crédits de cette mission !

Nous ne pouvons que nous féliciter de cette progression globale, et il faut reconnaître que la justice demeure l'une des grandes priorités budgétaires de ce gouvernement, comme de ceux qui l'ont précédé depuis 2002.

Ce même budget augmentait de 4 % en 2005 et de 4, 6 % en 2006. En 2002, il représentait 1, 69 % du budget de l'État. Aujourd'hui, il atteint 2, 34 %.

Cependant, une autre réalité s'impose à nous, à savoir l'insuffisance chronique du budget de la justice dans notre pays.

La nécessité de revaloriser ces crédits apparaît très nettement lorsque l'on tente une étude comparée avec les grands pays européens : toutes choses égales par ailleurs, la France dépense pour son institution judiciaire moitié moins que son voisin et partenaire allemand.

Néanmoins, les crédits de la mission « Justice » reflètent la poursuite de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, et tout particulièrement du dernier volet de la politique volontariste de rénovation et de construction engagée par le Gouvernement.

En effet, 2007 sera l'année de la mise en service des nouveaux établissements pénitentiaires et palais de justice. Ce programme immobilier représentera 1, 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement.

Parmi ces crédits, 890 millions d'euros permettront à l'administration pénitentiaire de créer 13 200 places, réparties entre trente établissements, afin de faire face à la surpopulation carcérale et à la vétusté de nombre d'établissements. La France devrait alors disposer d'environ 60 000 places de détenus, qui seront surveillées par 22 465 emplois temps plein travaillé, ou ETPT, soit une hausse de 196 ETPT.

Devons-nous en déduire, monsieur le garde des sceaux, que les effets des spots publicitaires télévisés destinés à recruter des surveillants de prison sont à la hauteur de vos espérances ?

Aussi, êtes-vous en mesure de m'indiquer combien de ces nouveaux ETPT bénéficieront au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly, en Guyane ? Combien d'entre eux seront affectés en Guadeloupe, en Martinique, ou à La Réunion ?

De même, combien des 13 200 nouvelles places seront attribuées à l'unique établissement pénitentiaire de Guyane, ou aux prisons de Ducos, en Martinique, ou de Baie-Mahault, en Guadeloupe, dont vous avez pu constater les insuffisances lors de votre visite, en octobre 2005 ?

Depuis votre venue, et compte tenu de la situation très grave dans laquelle se trouve la Guyane en matière de criminalité, de délinquance et de trafic de drogue - en témoigne la participation active de ce département au dispositif TREND, ou tendances récentes et nouvelles drogues -, l'état des prisons ne s'est pas amélioré, naturellement, pour ne pas dire qu'il s'est détérioré !

L'établissement de Rémire-Montjoly confirme très largement le constat dressé par le rapport de 2005 du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe sur l'état de nos établissements pénitentiaires. Ce rapport rejoignait d'ailleurs en grande partie les conclusions rendues en 2000 par les commissions d'enquête de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui - faut-il le rappeler ? - qualifiaient nos prisons d'« humiliation pour la République ».

Monsieur le ministre, vous avez présenté la construction de nouvelles prisons comme une réponse aux problèmes carcéraux. S'agit-il de la seule solution à mettre en oeuvre ? Non !

Comme l'a rappelé M. Jacques Pelletier, le 11 mai dernier, à l'occasion de sa question orale avec débat sur les conclusions du rapport du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe concernant le respect effectif des droits de l'homme dans notre pays, la construction de nouveaux établissements ne peut être qu'un préalable à une refonte globale, d'une part, de notre politique pénitentiaire, et d'autre part, de notre dispositif judiciaire.

Certes, les détenus sont intentionnellement retirés de l'espace public afin de protéger la société, mais ils ne perdent pas pour autant leur qualité intrinsèque de personnes humaines, pas plus que leur dignité. Les actions engagées pour les préparer à se réinsérer dans la société, une fois leur peine purgée, sont indissociables du droit légal à la rédemption et à la réhabilitation de tous ceux qui, à un moment ou à un autre, ont enfreint les règles posées par la collectivité.

La réflexion doit être engagée sur les motifs même de l'incarcération : la détention provisoire, qui est juridiquement l'exception, est devenue la norme. Rappelons les termes de l'article 137 du code de procédure pénale : « La personne mise en examen, présumée innocente, reste libre. Toutefois, en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire. Lorsque celles-ci se révèlent insuffisantes au regard de ces objectifs, elle peut, à titre exceptionnel, être placée en détention provisoire. »

Au lieu de servir à protéger l'ordre public, la détention provisoire devient un moyen de pression physique et psychologique pour obtenir des aveux. Le nombre des détentions provisoires ne cesse d'augmenter, alors que le nombre de condamnations finales reste stable. Ne faut-il pas voir dans cette situation une contradiction, monsieur le garde des sceaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Avec un taux de récidive légale supérieur à 33 % dans les cinq dernières années, la France ne peut continuer à entretenir et à construire des établissements où se fabrique légalement la désocialisation des individus et où se renforce la propension au crime.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

C'est pourquoi les dispositifs de surveillance alternatifs à la privation de liberté doivent être développés. C'est déjà le cas du bracelet électronique, dont Guy-Pierre Cabanel a été à l'initiative et dont le régime a été récemment renforcé. Combien de personnes sont actuellement placées sous surveillance électronique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Il existe certainement d'autres pistes, comme les travaux d'intérêt général ou les réductions et fractionnements de peines. Il faut favoriser l'aménagement des peines, notamment par l'usage de la libération conditionnelle. Quel est votre point de vue en la matière, monsieur le garde des sceaux ?

Parallèlement, il est inadmissible que des trafics de drogues se développent dans nos établissements pénitentiaires. En tout état de cause, une personne toxicomane souffrant de dépendance n'a pas sa place en prison, mais doit être placée dans un centre fermé spécialisé, qui garantit une obligation effective de soins. Envisagez-vous des pistes en ce sens, monsieur le garde des sceaux ?

De façon plus générale, il paraît de plus en plus urgent de légiférer dans le domaine pénitentiaire. Je souhaite à cet égard que nous soyons saisis au plus vite d'un projet de loi qui ne concerne pas uniquement la construction de murs.

J'en viens à la question des centres éducatifs fermés. Créés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, ces centres, force est de le constater, ont fait leurs preuves et leur efficacité est aujourd'hui reconnue. Ces établissements ont pour mission de recevoir, pendant une durée de six mois renouvelable, des mineurs âgés de treize ans à dix-huit ans placés sous contrôle judiciaire ou ayant fait l'objet d'une condamnation assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve. Ils constituent une véritable alternative à la prison, dans le respect de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante.

Actuellement, dix-neuf centres éducatifs fermés sont en activité, ce qui représente 200 places. Monsieur le garde des sceaux, votre objectif est d'ouvrir quarante-six centres supplémentaires d'ici à 2008, et de porter à 465 d'ici à la fin de l'année 2007 le nombre de places disponibles dans ces établissements, chaque centre accueillant une douzaine de mineurs. Hélas ! aucune création de centre éducatif fermé n'est prévue en Guyane, en Guadeloupe ou en Martinique.

S'il convient de souligner que les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse augmentent de 8, 6 %, encore faut-il que cela se traduise par des moyens matériels et humains supplémentaires, et par une équitable répartition entre la construction de centres et l'encadrement. Les personnels de ces services craignent que la construction de nouveaux centres en 2007 ne mobilise la majorité des crédits de la PJJ, conduisant plusieurs directions régionales à différer leurs projets éducatifs et le renouvellement de leurs équipements : mobilier, matériel, véhicules. Pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, rassurer ces personnels sur l'évolution de leurs conditions de travail et sur la nature des moyens alloués ?

Enfin, monsieur le garde des sceaux, je souhaite vous alerter de nouveau sur le traitement réservé aux étrangers arrivant sur notre territoire. Je pense notamment aux demandeurs d'asile.

À la précarité de leur situation économique s'ajoutent la très grande complexité des procédures et des pratiques policières parfois contestables, comme l'a relevé dans son dernier rapport la Commission nationale de déontologie de la sécurité, que présidait encore récemment Pierre Truche et dont sont membres nos collègues Jean-Patrick Courtois et Jean-Claude Peyronnet. Les procédures se trouvent parfois détournées de leur objet premier, comme c'est le cas dans les zones d'attente, dont le statut reste ambigu et qui sont toujours aujourd'hui inadaptées.

Le rapport du Commissaire européen aux droits de l'homme met en exergue la situation des demandeurs d'asile, qui se heurtent à des procédures très lourdes avec une aide a minima de l'État. Il en est de même en Guadeloupe, où l'Office français de protection des réfugiés et apatrides vient d'ouvrir une antenne.

Plus que les décisions elles-mêmes, ce sont peut-être les conditions de production de ces décisions qui étonnent, et il convient de se pencher sur la question. Un récent ouvrage intitulé Droit d'asile, au nom de quoi ? - Témoignage d'une officière de protection au coeur de l'OFPRA nous éclaire sur le fonctionnement réel de cette institution. Sans doute le Parlement devrait-il s'intéresser de plus près au fonctionnement de l'OFPRA et à son processus de décision, dont dépend exclusivement ou presque l'obtention de l'asile, mes chers collègues.

Tels sont les différents thèmes que je souhaitais aborder et les problèmes sur lesquels je tenais à attirer votre attention, monsieur le garde des sceaux, à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Justice ». Monsieur le garde des sceaux, avec la majorité des membres de mon groupe, je voterai ce budget en augmentation, persuadé que votre action aura été très positive

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le garde des sceaux, vous avez réussi l'exploit de mettre la quasi-totalité des professionnels de la justice dans la rue, corps pourtant peu enclin à battre le pavé. Je vous accorde que vous n'êtes pas le seul responsable de ces mobilisations : l'ensemble du Gouvernement - singulièrement le ministre de l'intérieur, d'ailleurs ! - y a contribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je précise, même si nous sommes en pleine discussion budgétaire, que tout n'est pas dû au budget !

Le montant du budget de la justice connaît une progression de 5 % par rapport à 2006, ce dont vous vous félicitez, monsieur le garde des sceaux, dans ce contexte de rigueur budgétaire. À l'instar de mon collègue Georges Othily, je pense qu'il faut comparer ce budget avec celui de nos pays voisins. L'effort consacré au système judiciaire place la France au vingt-neuvième rang sur le continent européen !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'actuel gouvernement a fait beaucoup ! Il aurait fallu agir avant !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J'ai suffisamment critiqué les budgets de la justice de la gauche plurielle. Il est donc inutile de chercher à me prendre en défaut sur ce point !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Les frais de justice constituent pour vous un autre sujet d'autosatisfaction, monsieur le garde des sceaux. Ils représentaient 487 millions d'euros en 2005, 420 millions d'euros en 2006, et le Gouvernement prévoit de les stabiliser à 423 millions d'euros en 2007. Faut-il rappeler que c'est la multiplication des procédures scientifiques, des analyses génétiques ou encore des écoutes téléphoniques, favorisées par les lois pénales prises par ce gouvernement depuis 2002, qui a fait exploser ces frais de justice ? Il faut donc se garder de trop vite s'enthousiasmer de cette stabilisation prévue pour 2007.

Je centrerai plus particulièrement mon propos sur trois points : l'administration pénitentiaire, l'aide juridictionnelle et les juges de proximité.

Le budget du programme « Administration pénitentiaire » représente 35, 7 % du budget de la mission. Ses crédits pour 2007 connaissent une progression de 5 % et s'élèvent à 2, 9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 2, 24 milliards d'euros en crédits de paiement.

L'effort consenti par le Gouvernement s'inscrit cependant dans la continuité d'une politique volontariste qui tend à privilégier l'enfermement. En effet, l'action n° 1 du programme « Administration pénitentiaire », « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice », représente 65, 5 % des crédits du programme.

Le programme immobilier est, quant à lui, largement favorisé. Le Gouvernement envisage de porter la capacité du parc pénitentiaire à 60 000 places, soit une augmentation de près de 20 % par rapport à la situation actuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je suis pour une telle mesure, mais contre l'augmentation continue du nombre de détenus !

Même le rapporteur spécial sur la mission « Justice » de l'Assemblée nationale, M. Pierre Albertini, reconnaît qu'« il est possible que cette capacité soit excessive ». Cela confirme la philosophie de l'ancien secrétaire d'État aux programmes immobiliers de la justice qui affirmait que le nombre de prisonniers était sans doute intangible. Il savait de quoi il parlait !

Or, 31, 2 % des 59 488 détenus sont en détention provisoire. Lors de vos auditions, monsieur le garde des sceaux, notamment à la suite de l'affaire d'Outreau, vous appeliez de vos voeux un meilleur contrôle des détentions provisoires. Il ne semble pas que vous ayez été entendu, puisque les détenus à titre provisoire représentent toujours le tiers de détenus.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Leur nombre a baissé. C'est statistique !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ils représentent toujours un tiers du nombre des détenus ! Il est vrai que le nombre des détenus a légèrement baissé aussi.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

C'est vrai également !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J'aborderai maintenant le problème de la carence des soins en prison. Parmi les personnes enfermées se trouvent des détenus provisoires, des malades, des étrangers. M. Georges Othily a très bien décrit cette situation et je partage son analyse. Mais, contrairement à lui, je ne voterai pas ce budget !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous aurions aimé que l'effort financier consenti dans le cadre du programme « Administration pénitentiaire » soit destiné à l'amélioration des conditions de détention des détenus, notamment de ceux qui souffrent de troubles psychiatriques. La récente médiatisation de la situation à Fleury-Mérogis en souligne l'horreur, mais nous le savions déjà !

Les chiffres sont accablants. En 2004, une étude épidémiologique révélait que huit hommes détenus sur dix et que sept femmes détenues sur dix souffraient d'au moins un trouble psychiatrique : 24 % d'entre eux souffrent de troubles psychotiques, 56 % de pathologies anxiogènes et 47 % de problèmes dépressifs. En outre, 20 % d'entre eux ont déjà été suivis en psychiatrie générale.

Ces données révèlent deux tendances. D'une part, la psychiatrie manque de médecins et de structures ; d'autre part, la prison tend de plus en plus à se substituer à l'hôpital psychiatrique.

Ainsi, des milliers de détenus se retrouvent en prison au lieu d'être pris en charge par les services de psychiatrie générale, ou d'être placés dans une unité pour malades difficiles, une UMD. Certes, vous l'avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, il est prévu la construction de véritables « hôpitaux-prisons », qui seraient des hôpitaux psychiatriques pour détenus, ainsi que la création d'unités hospitalières spécialement aménagées, les UHSA. Cette solution n'est-elle pas inadaptée compte tenu de l'ampleur du problème des détenus souffrant de troubles psychiatriques ?

Beaucoup de détenus sont en prison parce que leur responsabilité pénale a été retenue, alors que, dans un contexte moins médiatique, ils auraient certainement pu être déclarés irresponsables. La proportion des accusés jugés irresponsables au moment des faits, qui s'élevait à 17 % en 1980, est tombée à 0, 17 % en 2001.

Certes, la création des UHSA est destinée en premier lieu à désengorger les établissements pénitentiaires, mais elle n'infléchira pas la tendance qui consiste à emprisonner des malades mentaux. Elle pourrait même l'accentuer, les experts psychiatres et les juges ayant la certitude que le détenu sera pris en charge médicalement et psychologiquement, alors que la psychiatrie est aujourd'hui un secteur sinistré, qui ne peut accueillir les malades mentaux relevant de l'hospitalisation psychiatrique.

Cette question ne sera pas réglée tant que l'on considérera les malades mentaux comme des délinquants. Or cet amalgame est délibérément entretenu par le ministre de l'intérieur dans son projet de loi relatif à la prévention de la délinquance ! Ce texte traduit d'ailleurs bien les priorités budgétaires inscrites dans cette mission « Justice ».

S'agissant du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », les crédits sont certes en augmentation, mais ils sont pour l'essentiel destinés à la construction de nouveaux centres éducatifs fermés, chers à votre coeur, monsieur le garde des sceaux. L'ouverture de 20 établissements supplémentaires est prévue d'ici à la fin de l'année prochaine. Ce choix politique s'effectue au détriment des mesures éducatives et du milieu ouvert, ce que nous regrettons.

En ce qui concerne la délinquance des mineurs, je tiens à souligner la divergence d'analyse qui existe entre le ministre de l'intérieur et vous-même, monsieur le garde des sceaux. Votre collègue de l'intérieur ne cesse en effet de parler de sentiment d'impunité chez les mineurs délinquants et multirécidivistes, alors que vous affirmez - et nous vous croyons, car ces chiffres sont par ailleurs confirmés - que le taux de réponse pénale pour les mineurs s'élève à 86 %, un taux même supérieur à celui qui prévaut pour les majeurs, soit 78 %.

C'est donc l'exécution des mesures consécutives aux condamnations qui pose problème et non la réponse pénale. Et quand bien même ce ne serait pas le cas, on ne saurait multiplier le nombre de jeunes en détention à l'infini.

Je suis au regret de constater que la démagogie et l'acharnement à l'encontre des mineurs délinquants sont utilisés afin de justifier le recours à l'enfermement ou, peut-être prochainement, la fin de l'excuse de minorité.

Par ailleurs, l'augmentation des crédits alloués à l'aide juridictionnelle serait de 6 % pour 2007. Loin d'être satisfaisante - fort heureusement, je ne suis pas la seule à avoir cette opinion -, cette augmentation est de surcroît artificielle. En effet, le budget initial pour 2006 prévoyait 320 millions d'euros de crédits. Voilà comment, cette somme n'ayant pas été totalement dépensée, on peut faire valoir aujourd'hui que les crédits seront de 323 millions d'euros, soit une augmentation de 6 %. Mais est-ce vraiment une augmentation, ou bien plutôt un dysfonctionnement dans l'utilisation des crédits ?

En tout cas, cette augmentation est loin de correspondre aux engagements pris au début de cette législature, le Gouvernement ayant décidé à l'époque d'augmenter l'unité de valeur pour la rétribution des avocats de 15 %, ce qui représenterait une progression des crédits de l'aide juridictionnelle de 25 millions d'euros.

Pourtant, les demandes d'admission à l'aide juridictionnelle ne cessent d'augmenter. On dénombrait 886 500 admissions en 2005, 913 000 en 2006 ; le Gouvernement estime qu'elles s'élèveront à 941 000 en 2007. Il est dommage qu'il y ait tant de pauvres en France, pourrait-on dire ! Mais telle est la réalité.

La faible augmentation des crédits de l'aide juridictionnelle n'a-t-elle pas pour objectif de faciliter la mise en oeuvre de l'assurance de protection juridique ? J'émets les plus grandes réserves sur cette formule.

Enfin, je voudrais évoquer le problème de la justice de proximité.

Destinée à désengorger les tribunaux d'instance, que nous défendons, nous, depuis 2002 comme étant les tribunaux de proximité par excellence, la mise en place de cette juridiction de proximité ne rencontre pas le succès escompté par le Gouvernement. M. Fauchon s'en plaint amèrement, contrairement à moi, car j'étais absolument opposée à ces juges de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Dominique Perben promettait 3 300 juges de proximité d'ici à 2008. Au 30 juin 2006, l'effectif total des juges de proximité en fonction s'élevait à 530, installés dans 325 juridictions de proximité.

Les choix budgétaires de ce gouvernement conduisent à des situations incompréhensibles : alors que des crédits ont été alloués pour ces juridictions de proximité, les magistrats et les greffiers attendent en vain une substantielle augmentation de leurs effectifs. Ils ont toutes raisons d'être mécontents de ce budget.

Les crédits de la mission « Justice » nous semblent correspondre à des actions dont nous ne partageons pas la logique. C'est pourquoi nous ne pourrons pas les voter, comme vous vous en doutiez.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Monsieur le garde des sceaux, un budget qui progresse de 5 % dans un contexte budgétaire difficile - mais l'on part de très bas -, vous vaut des compliments, parfois relatifs, émanant même de certains membres de l'opposition à l'Assemblée nationale.

Cependant, nous sommes assez loin des promesses faites par votre prédécesseur en 2002. Les objectifs de la loi d'orientation ne seront que partiellement atteints en 2007 du fait de budgets insuffisants, de gels et de reports de crédits suivis d'annulations au cours de ces dernières années.

M. le rapporteur spécial, Roland du Luart, soulignait à juste titre précédemment que les prévisions, en matière de création de postes de magistrat, seront satisfaites à 81 % à la fin de 2007, soit un déficit de 19 %. Mais, pour ce qui concerne les créations de postes de fonctionnaire de justice, la situation s'annonce catastrophique puisque moins de 58 % des prévisions seront réalisées. Or, ces personnels sont indispensables à l'accomplissement des tâches des magistrats, comme nous le savons.

Le manque de magistrats et de greffiers va s'aggraver avec les départs massifs à la retraite d'ici à 2010, et votre collègue ministre de l'intérieur incrimine la lenteur des magistrats, alors que ce sont les moyens qui font défaut.

Vous n'êtes ni le premier, ni le seul responsable de ces carences, monsieur le garde des sceaux. La responsabilité en incombe à la gestion de ces quatre dernières années, et, même, bien avant. Les deux derniers gouvernements ont seulement aggravé la situation puisque, en 2002, l'arsenal répressif a été durci par les lois Sarkozy et Perben, sans que l'ordre public s'en trouve amélioré, bien au contraire.

Quoi qu'il en soit, la part du budget de la justice au sein du budget de la France demeure l'une des plus faibles d'Europe, ce qui relativise une augmentation, cette année, de 5 %. Comme d'autres orateurs viennent de le rappeler, notre pays dépensera, pour la justice, moitié moins que l'Allemagne et se situe au trente-septième rang des quarante-cinq membres du Conseil de l'Europe.

Le budget pour 2007 ne comblera pas le retard pris, notamment en matière de recrutement de magistrats et de personnels administratifs, tant ce retard est important.

De surcroît, le fonctionnement du nouvel arsenal répressif, l'augmentation du rythme des comparutions immédiates - une justice à la hache -, le recours trop fréquent à l'incarcération plutôt qu'aux peines alternatives à l'emprisonnement, tout cela contribue à expliquer l'augmentation de la surpopulation carcérale.

Tous ceux qui ont visité des prisons, à commencer par les députés et les sénateurs auteurs de deux rapports parlementaires, ont constaté que les détenus étaient dans une large mesure des personnes défavorisées. La grande majorité de la population pénitentiaire se compose en effet de pauvres, ce qui nous renvoie le reflet d'une société injuste et inégalitaire. Dire cela, ce n'est pas faire preuve d'angélisme, mais c'est montrer le chemin du nécessaire combat contre les inégalités, les discriminations et la précarité qui s'accroissent dans notre pays.

Mais parlons de la surpopulation carcérale. On constate un flux annuel de 85 000 entrées et sorties, soit l'équivalent de la population d'une grande ville moyenne. Ce chiffre est effrayant. Selon les statistiques officielles, le nombre des détenus s'élevait à 57 612 le 1er novembre dernier, alors que, théoriquement, le nombre de places est de 50 400. Environ un tiers des personnes détenues sont, en réalité, placées en détention provisoire ; combien d'entre elles seront déclarées innocentes ? Je vous le demande !

Le taux moyen d'occupation des prisons atteint 111 %, mais des écarts tragiques sont constatés dans les maisons d'arrêt, en particulier ; on relève des pics dans neuf établissements ou quartiers, dont le taux d'occupation culmine à 200 %.

L'administration pénitentiaire représente 35, 7 % du budget de la justice. L'essentiel des crédits sera consacré à l'élévation des murs, à la garde et au contrôle des personnes placées sous main de justice. Personne ne contestera la nécessité de remplacer les prisons les plus vétustes et de réhabiliter le parc pénitentiaire, quand on sait que 109 des 188 établissements ont été construits avant 1920. Toutefois, cela ne vous dispense pas d'intervenir dans les prisons, je pense notamment aux maisons d'arrêt Saint-Paul Saint-Joseph, à Lyon, à La Santé, à Paris, où des travaux sont prévus, au centre pénitentiaire de Fresnes ou à la maison d'arrêt de Saint-Denis de la Réunion.

Voyez le surpeuplement et le manque d'hygiène dans les cellules des prisons lyonnaises. J'ai croisé une petite troupe de six ou sept rats à plusieurs reprises dans les couloirs. Des fils électriques dénudés pendent dans certains corridors. Telle est la situation, nous dit-on, en attendant la mise en service de la nouvelle prison, à Corbas, dans la banlieue lyonnaise. Mais il serait bon de faire quelque chose tout de suite !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Je voudrais vous y voir, mon cher collègue ! Voilà quelque temps, j'ai d'ailleurs invité M. le garde des sceaux à s'y rendre, puisqu'il est président du conseil général de la Loire, dans la région Rhône-Alpes, et sa visite serait fort appréciée.

Quand bien même les prévisions de construction se réaliseraient - n'oubliez pas, alors, de fermer les établissements dégradés -, les moyens en personnels ne suivront pas. On continuera de manquer de surveillants, faute des crédits nécessaires, mais aussi faute de candidats, tant les conditions de travail sont dures.

Voilà qui est plus grave : même si certaines amorces apparaissent dans le présent projet de budget, la terrible insuffisance des moyens humains et financiers n'est pas sans conséquences. Il en est ainsi pour tout ce qui touche à la santé des détenus, au traitement des maladies mentales d'un nombre grandissant de détenus, dont la place n'est pas en prison, au manque de moyens relatifs à l'éducation des mineurs, qu'il faut, d'une manière générale, sauf cas très exceptionnel, préserver de l'emprisonnement.

Il en est de même pour la formation générale et professionnelle, l'entretien physique, l'accès à des activités intellectuelles, manuelles, sportives, la préparation à la sortie de prison et le suivi ultérieur, autrement dit la réinsertion, le maintien des liens familiaux pendant la détention, l'aménagement des peines, les libérations conditionnelles, qui ne sont encore accordées qu'avec trop de parcimonie.

Bref, les insuffisances en moyens frappent tous les facteurs qui permettent à l'emprisonnement d'être une sanction par la privation de liberté, et non pas une punition par la dégradation. Voilà pourquoi c'est bien trop souvent l'inverse qui se produit.

Comment ne pas relever aussi en amont l'insuffisance des crédits alloués du fait des retards pris vis-à-vis des associations oeuvrant pour la protection judiciaire de la jeunesse ? Quelles sont les perspectives aujourd'hui pour les projets éducatifs ? Un certain nombre d'entre nous ont des inquiétudes à ce sujet.

Comment aussi ne pas s'inquiéter de l'insuffisance de l'aide juridictionnelle qui, malgré une revalorisation de 6, 6 % de l'unité de valeur, continue de priver les plus démunis du droit légitime à être défendu ? M. Jean-Pierre Sueur présentera, sur ce point, un amendement au nom de notre groupe.

Ainsi, trop souvent, le système pénitentiaire fonctionne à rebours : il fabrique alors des révoltés, quand il ne détruit pas les individus, aggravant les tares de notre société, au premier rang desquelles on peut citer l'insécurité, avec son corollaire de victimes.

Monsieur le garde des sceaux, j'avais dit à l'un de vos prédécesseurs, avant 2002, que le succès d'un garde des sceaux et d'un gouvernement se mesurait, selon nous, à la diminution du nombre des détenus. Je le répète aujourd'hui à votre intention.

Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, on comprend que l'institution judiciaire soit en crise. L'affaire d'Outreau a révélé l'impérieuse nécessité de réformes qu'il faudra accomplir, quitte à déranger certains corporatismes.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Le projet de réforme que vous avez préparé est très en deçà de ce qu'il faut faire. La période préélectorale vous paralyse, comme elle a paralysé vos prédécesseurs en 2001, et retarde la présentation devant le Parlement du projet de loi pénitentiaire, que vous avez, au demeurant, enterré pendant quatre ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

M. Louis Mermaz. Lorsque les Français se seront prononcés au printemps prochain - et vous connaissez nos préférences -, il sera temps, pour nous, membres de la majorité et de l'opposition d'alors, de passer aux actes, c'est-à-dire de réaliser les réformes et de prévoir, corrélativement, les moyens indispensables. En attendant, monsieur le garde des sceaux, vous comprendrez que nous ne puissions voter les crédits de cette mission.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Monsieur le garde des sceaux, on ne peut s'empêcher d'éprouver une curieuse impression en confrontant le bilan de votre ministère depuis 2002 et un certain nombre de réactions, que je qualifierai, par euphémisme, de « surprenantes », émanant, par exemple, de M. Gil-Robles, de l'Observatoire international des prisons, voire de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice, ou même d'un certain nombre de barreaux.

Après s'être pincé pour s'assurer que l'on ne rêve pas, il faut bien revenir aux chiffres les plus élémentaires qui amènent à constater, sans même avoir besoin de prendre parti, que bon nombre d'indicateurs sont en train de passer du rouge au vert.

Le budget de la justice a augmenté de 38 % depuis 2002. Il représentera, en 2007, 2, 34 % du budget de l'État, contre 1, 69 % en 2002, et, rappelons-le, 0, 65 % en 1970.

Il est vrai que nous assistons, depuis une quinzaine d'années, à une véritable « explosion judiciaire » qu'atteste l'envolée des statistiques relatives au nombre d'affaires enregistrées. La progression des crédits de la justice pour 2007, à hauteur de 5 %, comparée à l'augmentation générale des dépenses de l'État, qui se limite à 0, 8 %, donne bien la mesure du volontarisme politique du Gouvernement.

Sont prévus 1 548 emplois supplémentaires concernant les magistrats, les greffiers, les fonctionnaires de greffe, les agents de la protection judiciaire de la jeunesse spécialisés dans les métiers de l'insertion et de l'éducation, les personnels de l'administration pénitentiaire, ce qui porte ainsi à 7 700 le nombre des emplois nouveaux créés au cours de la législature, soit près de 80 % des objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice.

Puisque sans la liberté de blâmer il n'est pas d'éloge flatteur, permettez-moi de lire un court extrait du schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale que vient de voter le département du Nord : « Forte en 2006 de 350 agents, la PJJ du Nord a bénéficié de créations de postes et de moyens qui ont progressivement comblé l'important déficit qui existait il y a cinq ans. Il n'y a donc plus aujourd'hui de mesures en attente, même si les services tournent à pleine capacité. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

M. Jean-René Lecerf. Et je ne crois pas que le président du conseil général du Nord puise être suspecté d'indulgence ou de sympathie envers l'actuel gouvernement, pour en rester aux euphémismes !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Quant aux frais de justice, qui sont passés du statut de crédits évaluatifs à celui de crédits limitatifs, nous n'avons guère dissimulé notre inquiétude lorsqu'il nous a été proposé, l'an dernier, de les diminuer de manière significative par rapport aux dépenses de 2005, alors qu'ils augmentaient mécaniquement, semblait-il, de 15 % à 20 % par an.

Force est pourtant de reconnaître aujourd'hui la réussite du programme de maîtrise des frais de justice, sans préjudice de la liberté d'initiative des magistrats ou des moyens d'établir les preuves nécessaires.

Des propos de même nature pourraient être tenus à l'égard de l'équipement en visioconférence de l'ensemble des juridictions et des principaux établissements pénitentiaires, équipement qui entraînera à la fois d'importantes économies de temps et de crédits et une meilleure efficacité.

Je souhaiterais davantage m'attarder sur l'important dossier des prisons. Pour avoir participé à un certain nombre d'émissions de radio ou de télévision sur ce thème, je puis vous confier combien il est politiquement incorrect de parler vrai en ce domaine.

Tout se passe comme si, une fois pour toutes, les prisons constituaient une humiliation pour la République, comme si rien n'avait été fait depuis cinq ans et comme si le Gouvernement n'avait d'autre politique pénale que l'incarcération à outrance.

Si vous opposez timidement à cette opinion qu'avec 91 détenus pour 100 000 habitants notre pays s'honore du taux de détention le plus faible de tous les grands pays européens - l'Angleterre et l'Espagne comptent 140 détenus pour 100 000 habitants, le Portugal 130 et l'Allemagne et l'Italie 97 - on a pour vous des regards pour le moins ironiques.

Si vous avez l'outrecuidance d'ajouter que le nombre de mineurs incarcérés est aujourd'hui notablement inférieur à ce qu'il était en 2002, que le nombre des aménagements de peine - semi-liberté, placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique, libération conditionnelle -, qui stagnait depuis dix ans, augmente désormais de manière significative, si vous ajoutez que 43 500 détenus ont suivi un enseignement en 2005 ou que 21 500 d'entre eux ont été rémunérés la même année pour un travail, alors on vous donne l'impression de devenir franchement indécent.

Il vous resterait pourtant encore à évoquer l'augmentation et l'amélioration des capacités d'accueil qu'ont permis le programme Chalandon, entraînant la création de 13 000 places, le programme Méhaignerie, avec la création de 4 000 places, et l'actuel programme que je nommerai programme « Perben-Clément », si vous permettez ce raccourci, qui a créé 13 200 places, dont 400 pour les mineurs.

Si c'est toujours du même côté de l'échiquier politique que l'on se préoccupe de ces problèmes, chers collègues, je n'y suis pour rien !

Ces mêmes personnalités qui condamnaient à juste titre le surpeuplement carcéral et l'impossibilité de proposer un encellulement individuel à tous ceux qui le souhaitent, vous les voyez alors vous dire qu'il serait plus opportun d'investir dans d'autres politiques : comprenne qui pourra...

Lors d'une récente émission de télévision à très grande écoute, animée par une personne certainement plus compétente en ce qui concerne la vie privée des princesses de Monaco que le domaine carcéral

sourires

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Bien sûr : c'est radical !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Le tout était agrémenté de remarques aussi infondées que scandaleuses sur les personnels de l'administration pénitentiaire, propos qui ne peuvent que heurter l'ensemble des parlementaires, et ils sont nombreux, qui visitent les prisons et dialoguent avec ces personnels comme avec les détenus.

Les faits et les chiffres, toutefois, sont têtus. Lorsque le programme de la loi d'orientation et de programmation pour la justice sera achevé, nous disposerons de 60 000 places de prison. Notons au passage que l'Angleterre en compte 78 000, pour une population moins importante. Ces 60 000 places permettront de faire en sorte que des conditions d'incarcération dignes et humaines soient partout possibles. C'est la condition élémentaire d'un travail de formation et de réinsertion.

Le temps me manque pour évoquer la règle absolue que sera alors la séparation des prévenus et des condamnés, des majeurs et des mineurs, des longues et des courtes peines.

Je dirai un mot d'une question dont les réponses ne sauraient être que plus nuancées : l'évolution des dépenses d'aide juridictionnelle.

Si le montant de l'unité de valeur pour la rétribution des avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle fait l'objet d'une augmentation de 6 %, il est vrai que cela reste très en deçà des engagements pris au début de la législature, qui fixaient cette augmentation à 15 %. De vives réactions se manifestent au sein de la profession, et on peut le comprendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je sais bien que la progression annuelle de 15 % à 20 % du montant de l'aide juridictionnelle n'est pas tenable sur la durée. Vous avez pris l'initiative, monsieur le garde des sceaux, de convoquer des assises de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit en janvier prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Il n'en reste pas moins qu'un effort financier supplémentaire semble s'imposer. Celui-ci ne permettra d'ailleurs pas de faire l'économie de la mise en place d'un filtrage des demandes déposées au titre de l'aide juridictionnelle ni d'éluder la nécessaire évolution du dossier de l'assurance de protection juridique.

Je terminerai en exprimant quelques craintes.

Mes craintes sont tout d'abord relatives au devenir des juges de proximité. Je n'insisterai pas sur ce point : je partage intégralement les idées qu'exprimait tout à l'heure notre collègue Pierre Fauchon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je ressens également des craintes devant l'importance des départs en retraite des classes pleines, alors que les postes créés doivent absolument venir s'ajouter aux effectifs et non compenser les départs.

Mes craintes concernent aussi le prix de la journée en centre éducatif fermé. Je conviens volontiers que le bilan de ces centres est aujourd'hui très prometteur, mais le coût estimé par la Chancellerie de 150 euros par jour me semble le maximum de ce que l'on peut tolérer. Je redoute que ce coût ne soit aujourd'hui assez largement dépassé.

Je vous ferai enfin part de mes craintes devant l'importance de la maladie mentale en prison, qui impose d'améliorer nos réponses face à ce qui reste un véritable défi.

Pour conclure, monsieur le garde des sceaux, je persiste à trouver fort étrange que la justice administrative ne relève pas de la mission « Justice ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cela me rappelle - certainement à tort - un temps qui n'est pas si lointain, où la doctrine voulait que juger l'administration fût encore administrer. Un Premier ministre des débuts de la Ve République déclarait : « Il n'existe pas de magistrature administrative, il n'existe que des fonctionnaires qui exercent le métier de juge ».

Nous sommes pourtant tous d'accord pour considérer que ce temps est pleinement révolu.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le budget du ministère de la justice progresse de 5 %. Cela doit d'abord être noté, puisqu'il est vrai que ce budget augmente davantage que bien d'autres, je tiens à le dire.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

C'est le premier !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La remarque positive qui ouvre mon intervention doit cependant être relativisée. Mais vous le savez, monsieur le garde des sceaux, vous qui êtes expert en la matière.

Elle doit d'abord être relativisée parce que nous sommes à tel point habitués, depuis quelques années, aux gels, aux reports et aux annulations de crédits que nous nous demandons parfois si l'exercice auquel nous nous livrons, l'examen du projet de loi de finances, ne ressemble pas toujours davantage à un théâtre d'ombres.

Il y a les décisions de décembre, puis il y a les réalités de juin, de juillet, de novembre.

Relativisons, ensuite, parce que nous sommes loin du compte : vous le savez, monsieur le garde des sceaux, la justice française se place au trente-septième rang européen en ce qui concerne le budget qu'elle consacre à la justice rapporté au PIB, selon le dernier rapport du Conseil de l'Europe relatif à la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Un long chemin reste à parcourir, mes chers collègues.

Examinons également le contexte dans lequel nous nous inscrivons.

Le contexte, c'est d'abord celui du projet de loi prétendument voué à la prévention de la délinquance, texte qui introduit de lourdes confusions, notamment en attribuant de facto des pouvoirs judiciaires aux maires.

Le contexte, c'est aussi le fait que le premier président de la Cour de cassation et le procureur général aient dû s'exprimer avec force à la suite des attaques dont les magistrats de Bobigny ont été victimes de la part d'un de vos collègues du Gouvernement, monsieur le garde dans sceaux, qui a enfreint la règle constitutionnelle garantissant la séparation des pouvoirs dont vous savez qu'elle fonde l'indépendance des magistrats.

Le contexte, mes chers collègues, c'est encore l'accumulation de textes de lois portant sur le même sujet : la répression. Il me semble que nous en sommes à la septième loi de ce type depuis le début de la présente législature, comme si l'annonce de la loi, son énoncé, la discussion de la loi avaient à eux seuls la vertu de régler les problèmes.

À chaque nouvelle année, à chaque saison nouvelle, sa nouvelle loi : citons ainsi la loi Perben, la loi Sarkozy, la loi Clément... Nous avons connu tant de lois ! Veillons-y cependant, car cette accumulation, cette course en avant quelque peu pathétique, nous fait conclure que l'arrivée d'une nouvelle loi disqualifie nécessairement la précédente. En effet, si la loi précédente, que ce soit la première, la deuxième, la troisième, la quatrième ou la cinquième, avait été efficace, il n'eût pas été besoin d'en produire une nouvelle.

Or, comme il ne s'agit que d'afficher, d'énoncer, de dire, il est clair que l'objectif est atteint en termes de communication, s'il n'est pas atteint dans la réalité des choses.

Le contexte, c'est également le fait que le principe de peines plancher est constamment brandi. J'ai vu, monsieur le garde des sceaux, que vous aviez proclamé votre désaccord, mais vous ne pouvez ignorer les déclarations de celui de vos collègues que j'évoquais tout à l'heure.

Pourtant, vous le savez, le bon exercice de la justice suppose que, dans le respect de la loi, le juge puisse justement juger, c'est-à-dire exercer pleinement son pouvoir d'appréciation.

Le contexte, enfin, c'est une loi d'orientation et de programmation pour la justice dont le taux d'application, s'il est de 80 % en ce qui concerne les magistrats, ne sera que de 58 % quant aux fonctionnaires des services judiciaires.

Je me permettrai d'insister sur ce point : comme le disent aujourd'hui les magistrats qui sont venus nous contacter dans nos départements, sans un nombre suffisant de greffiers, les juges ne peuvent exercer leur mission dans de bonnes conditions. La dégradation du rapport entre le nombre de magistrats et le nombre des fonctionnaires des services judiciaires pose un réel problème pour le bon exercice de la justice.

J'aimerais, pour conclure, évoquer trois problèmes.

Premièrement, se pose la question des frais de justice, qui a déjà été abordée. Je n'ignore pas l'inflexion des dépenses qui a eu lieu en 2006, mais je m'interroge : comme M. Mermaz l'a dit précédemment, de nombreuses mesures législatives ont été prises sans véritable étude d'impact.

Nous nous trouvons aujourd'hui face à une montée en flèche des frais de justice. Il y a une inflexion de ces frais, mais nous espérons que ce n'est pas au détriment de la liberté de prescription des magistrats et de l'élucidation des crimes et délits. Nous devons rester attentifs, car il y a là un véritable problème.

J'aborderai, deuxièmement, la question de l'aide juridictionnelle. Dès le mois de janvier 2006, les avocats ont attiré votre attention, monsieur le garde des sceaux, sur la détérioration de leurs conditions de travail et ont demandé une réforme de l'aide juridictionnelle ou, du moins, une augmentation du montant prévu pour cette aide.

Un rapport destiné au Conseil de l'Europe indique qu'un avocat britannique perçoit de l'État une indemnité trois fois supérieure à celle que perçoit un avocat français pour des prestations semblables ou comparables au titre de l'aide juridictionnelle.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Mais il y a beaucoup moins de bénéficiaires...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Au début de la présente législature, le Gouvernement s'est engagé à une revalorisation de 15 %. C'est indubitable : vous connaissez les engagements pris, monsieur le garde des sceaux.

Nombre de nos collègues sont intervenus en ce sens et de nombreux amendements ont été déposés qui convergent largement. J'espère donc vraiment que nous aurons l'occasion de faire un pas en avant en ce domaine. Vous savez combien une telle évolution est attendue par les avocats.

Monsieur le garde des sceaux, l'augmentation de l'aide juridictionnelle n'est pas une revendication corporatiste. Au-delà des seuls avocats, elle intéresse en effet l'ensemble de nos concitoyens, qui doivent pouvoir bénéficier d'un égal accès au droit et à la justice, quels que soient leurs revenus. Or tel n'est pas le cas aujourd'hui, notamment pour les nombreuses personnes qui sont dans une situation financière très difficile.

La justice doit être la même pour tous. En ce jour, nous attendons donc du Gouvernement qu'il réponde aux attentes et accorde les moyens demandés.

J'aborderai, troisièmement, le programme « Protection judiciaire de la jeunesse », qui finance les mesures judiciaires destinées à favoriser la réinsertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté, ainsi que l'action d'envergure menée par les conseils généraux dans le cadre de la protection administrative et judiciaire de la jeunesse.

Aujourd'hui, l'État prend en charge l'ensemble des actions relatives aux mineurs en danger, exception faite des mesures d'investigation et d'orientation éducative, ainsi que des enquêtes sociales effectuées au titre de l'ASE, l'aide sociale à l'enfance.

À cet égard, lors de l'examen de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite « loi Perben II », nous avions eu le sentiment, peut-être à tort, que l'État cherchait à se décharger de la question des mineurs en danger, au « bénéfice », si je puis dire, des départements. Certes, des expérimentations ont bien été menées, mais nous n'en connaissons pas les résultats.

Par conséquent, monsieur le garde des sceaux, quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ? Considère-t-il que la prise en charge des mineurs en danger doive continuer à relever de l'État ou a-t-il l'intention de transférer cette responsabilité aux départements ? Nous attendons donc de votre part une réponse précise sur cette question importante.

En outre, comme l'ont déjà fait remarquer plusieurs de mes collègues, je rappelle que la totalité des emplois créés dans ce projet de budget au titre de la protection judiciaire de la jeunesse est destinée à l'encadrement des centres éducatifs fermés. Le fait qu'aucun poste ne soit affecté à l'ensemble des autres missions et interventions dans ce domaine pose tout de même un réel problème, car il est essentiel de prévoir des moyens humains suffisants pour entourer tous ces jeunes.

Je ne reviendrai pas sur les propos de mon collègue Louis Mermaz. Au demeurant, si nous voulons enfin sortir du cercle de la récidive, il n'y a pas d'autre solution que de privilégier l'accompagnement humain. Il faut en finir avec la « sortie sèche » de prison, car l'absence d'accompagnement des anciens détenus par les personnels d'insertion et de probation se traduit très souvent par de grandes difficultés et conduit à la récidive. À cet égard, le plan triennal de recrutement prévu dans la loi Perben II semble quelque peu oublié...

Monsieur le garde des sceaux, à l'évidence, notre pays connaîtra des changements importants l'année prochaine. J'espère qu'ils nous seront favorables, ...mais chacun a son idée sur la question !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. En tout cas, si nos idées l'emportent, nous agirons différemment. Le Gouvernement consent des réductions fiscales à nos compatriotes les plus aisés, à hauteur de 4 milliards d'euros. Mieux aurait valu affecter une telle somme aux secteurs qui méritent véritablement d'être prioritaires, c'est-à-dire la recherche, comme je l'ai dit la semaine dernière, et la justice. À notre sens, ce changement d'orientation aurait beaucoup de signification.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais d'abord me féliciter de la présence, d'ailleurs constante dans notre hémicycle au cours de cette discussion budgétaire, de M. le président de la commission des finances. Je profite de cette occasion pour le supplier de veiller, à l'avenir, à ce que l'ensemble du calendrier budgétaire puisse « riper », afin que le budget de la justice ne soit plus toujours examiné un lundi et qu'il puisse, au contraire, être discuté un mardi, puis un mercredi, puis un jeudi.

Je ne reviendrai pas sur la situation des prisons, car tout a été dit par mon ami Louis Mermaz. J'ai bien noté cependant les propos totalement contradictoires de M. Lecerf, dont l'asservissement au Gouvernement est chaque jour plus visible.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Par ailleurs, j'ai entendu ce même M. Lecerf soutenir les juges de proximité. Je retire donc ce que j'ai dit lors de l'intervention de notre collègue Pierre Fauchon, car j'avais estimé que, si lui ne disait pas de bien de ces juges, nul ne le ferait. Eh bien, j'observe que M. Lecerf a multiplié par deux le nombre de ceux qui disent du bien des juges de proximité !

En ce qui concerne l'aide juridique, monsieur le garde des sceaux, je note que l'augmentation de plus de 6 % prévue pour 2007 a reçu l'assentiment de nombre de nos collègues. Or, je le rappelle, tout cela est déjà inscrit dans la loi ; simplement, le Gouvernement ne l'a pas appliquée ! Par conséquent, je ne suis pas persuadé que le fait de le répéter servira à quelque chose, mais peut-être pourrez-vous nous éclairer sur ce point.

À mon tour, monsieur le garde des sceaux, j'insiste moi aussi sur le fait qu'une telle revendication n'est pas du tout corporatiste : il ne s'agit pas de donner du travail à tel ou tel avocat !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Mais, monsieur le président de la commission des lois, non seulement il ne faut pas le dire, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

... mais il faut, au contraire, affirmer que l'accès à la justice dans notre pays doit être gratuit. La pauvreté augmentant en France, il est évidemment légitime que les crédits consacrés à l'aide juridique soient revalorisés. Le jour où la pauvreté diminuera, l'aide juridique s'avérera moins indispensable.

À cet égard, mes chers collègues, nous aurons l'occasion de défendre tout à l'heure un amendement visant à modifier l'article 5 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique.

Le début de l'article ne nous pose pas de problèmes particuliers. Il précise ainsi que, pour l'octroi de l'aide juridique, « sont prises en considération les ressources de toute nature dont le demandeur a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition. » C'est normal ! « Il est tenu compte des éléments extérieurs du train de vie. » Toujours rien de plus normal ! « Sont exclues de l'appréciation des ressources les prestations familiales ainsi que certaines prestations sociales à objet spécialisé selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État. » Pourquoi pas ? « Il est tenu compte de l'existence de biens, meubles ou immeubles, même non productifs de revenus à l'exclusion de ceux qui ne pourraient être vendus ou donnés en gage sans entraîner un trouble grave pour l'intéressé. » Pourquoi pas, en effet ?

En revanche, c'est la première phrase du dernier alinéa qui nous pose problème, car après les mots : « Il est encore tenu compte, dans l'appréciation des ressources, de celles du conjoint du demandeur à l'aide juridictionnelle, » sont ajoutés les mots : « ainsi que de celles des personnes vivant habituellement à son foyer ».

Nous demandons précisément la suppression de ce dernier membre de phrase. En effet, il n'est pas normal que les enfants qui sont logés par leurs parents parce qu'ils n'ont pas les moyens d'aller habiter ailleurs voient les revenus des parents pris en compte et pour cette raison n'aient pas droit à l'aide juridictionnelle, contrairement aux mineurs qui vivent en dehors du foyer familial mais dont les parents ont pourtant suffisamment de ressources pour leur payer une location !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je rappelle que la commission des affaires économiques a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Christian Gaudin membre de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Dans la suite de l'examen des crédits de la mission « Justice », la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà cinq ans que la justice est entrée dans une nouvelle ère : la représentation nationale, à l'époque, avait pris l'engagement devant les Français de renforcer les fonctions régaliennes de l'État et de fournir un effort significatif en faveur de sa justice. Je note d'ailleurs avec satisfaction que vous l'avez tous remarqué dans vos interventions.

Je souhaite revenir un instant sur les chiffres obtenus depuis le début de la législature, car ils ne sont pas si fréquents : c'est même du jamais vu depuis des décennies ! Ainsi, le budget de la justice a augmenté de 38 % depuis 2002, soit près de 1, 8 milliard d'euros de crédits supplémentaires. La mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a permis d'enregistrer une hausse constante tous les ans. Nous n'avons donc pas eu à déplorer les « trous budgétaires » observés au cours des législatures précédentes, où les bons budgets alternaient avec les très mauvais, ce qui, sur cinq ans, aboutissait à une moyenne générale assez faible.

Pour 2007, le budget de la justice augmente de 5 %, après 4, 6 % en 2006. La mission « Justice » est celle qui connaît la hausse la plus importance dans ce budget. Totalisant 6, 271 milliards d'euros, elle représente 2, 34 % du budget de l'État, contre 1, 69 % en 2002 et moins de 0, 5 % il y a vingt ans.

Alors, quand j'entends certains dire que la justice est sinistrée, je me demande ce qu'ils pouvaient penser il y a cinq ans !

Je ne prétends pas que tous les problèmes soient réglés, mais il convient tout de même d'être précis dans les termes employés. À cet égard, je tiens à rendre hommage à tous ceux qui sont intervenus ce matin, car j'ai beaucoup apprécié leurs propos, tout en nuances, par comparaison avec ceux que j'ai entendus en dehors de cette assemblée, et qui me navrent. En effet, le dialogue démocratique doit être fondé sur des chiffres et des faits incontestables pour tous. Si l'on commence à contester les chiffres, il est difficile d'entamer un dialogue digne de ce nom.

Un véritable effort a donc été accompli.

Lorsque je me rends dans les juridictions ou que je participe à une assemblée générale des magistrats d'une cour d'appel, en général, l'atmosphère est détendue. Je fais un discours liminaire, puis les magistrats me posent toutes les questions qu'ils souhaitent. Pendant ces réunions, qui peuvent durer deux heures, nous échangeons et, dans une confiance partagée, nous nous disons les choses, et ce n'est pas toujours agréable.

Je tiens à dire devant la représentation nationale que tous les magistrats que j'ai rencontrés lors de ces occasions m'ont confirmé qu'ils disposaient aujourd'hui, à leur niveau, des effectifs nécessaires. Or je lis l'inverse. En cette fin de législature, le nombre de magistrats est globalement suffisant : nous avons comblé les principales lacunes, même s'il peut toujours manquer un magistrat ici ou là.

En revanche, il est vrai que le ratio de greffier par magistrat est plus faible qu'auparavant. Cette carence tient en particulier au fait que nous avons connu une année pratiquement creuse, la durée de la scolarité à l'École nationale des greffes étant passée d'un an à dix-huit mois.

À la fin de l'année 2007, grâce au projet de loi de finances que vous allez voter, il y aura 400 greffiers et fonctionnaires de justice supplémentaires. Les mêmes échos ne devraient donc plus nous parvenir en provenance des juridictions.

En cinq ans, les années 2002 et 2007 comprises, l'effort accompli aura été tel que nous aurons réglé les dernières situations de thrombose et les principaux problèmes auxquels était confrontée l'administration de la justice. Il était important, je crois, de le dire aujourd'hui, à l'occasion de l'examen de ce budget de fin de législature.

Ne voyez pas là le discours partisan d'un homme politique qui défend le bilan de son camp : il s'agit d'une vérité incontestée et chiffrée. D'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous en avez tous parlé dans vos interventions. Certes, chacun s'est empressé, avec raison, de dire que ces chiffres étaient relatifs, mais nous partions de loin.

Je souhaite revenir sur la question du classement.

Il existe différents classements. L'un d'entre vous a commenté celui établi, dans le cadre du Conseil de l'Europe, par la CEPEJ, la Commission européenne pour l'efficacité de la justice. Ce classement est double : il comprend un ratio relatif au budget par habitant et un ratio relatif au budget sur le produit intérieur brut.

Un journal du soir bien connu a retenu le ratio relatif au produit intérieur brut, qui classe la France au vingt-huitième rang sur trente-cinq. Or ce ratio n'a pas beaucoup d'intérêt pour un pays comme le nôtre, car il établit une comparaison entre l'effort budgétaire accompli et l'ensemble de la richesse d'un pays.

Autrement dit, plus un pays est pauvre, mieux il est placé au sein de ce classement. La France étant un pays riche, il convient plutôt de se référer au ratio relatif au budget par habitant, qui tend à mesurer l'effort budgétaire fourni pour chaque habitant. Au sein de ce dernier classement, notre pays est classé au dix-septième rang, ce qui est mieux.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

J'aimerais d'ailleurs savoir quelles données recouvrent exactement ces comparaisons, mais j'avoue que je ne le sais pas. J'ai simplement le sentiment que si, vraiment, la France était au dix-septième rang de ce classement européen, toutes les juridictions devraient connaître une situation de thrombose générale. Visiblement, nous ne comparons pas les mêmes choses !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Ce qui m'importe, c'est la progression du budget de la justice. La représentation nationale doit être consciente que nous avons fait d'énormes progrès en cinq ans.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Je reviendrai plus tard sur les propos de M. Sueur. J'ai en effet une autre réponse à lui donner, qui n'est pas d'ordre budgétaire.

Ces moyens conséquents permettent de remplir le triple engagement - modernisation, accessibilité et efficacité de la justice - que le Gouvernement avait pris et qu'il renouvelle aujourd'hui devant vous.

Le premier engagement concerne la modernisation de la justice.

La justice doit responsabiliser ses acteurs. Comme l'ont souligné M. Roland du Luart, rapporteur spécial, et M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, l'exemple le plus révélateur de cette modernisation est la maîtrise des frais de justice. Ces dépenses connaissaient une augmentation de 15 % à 20 % par an et avaient atteint 487 millions d'euros en 2005. En 2006, elles seront conformes aux prévisions et s'élèveront à 420 millions d'euros environ.

Mme Borvo Cohen-Seat a sans doute raison de dire que nous ne devons pas crier trop tôt victoire. Toutefois, pour moi, la victoire ne réside pas cette fois dans les chiffres, mais bien dans la philosophie de cette stabilisation, qui exige un changement dans les mentalités.

Un certain nombre de premiers présidents avaient élevé, lors de la rentrée solennelle de leurs juridictions, des doutes sérieux sur cette obligation budgétaire, qui aurait pu mettre en cause l'indépendance de la justice. Aujourd'hui, la preuve est faite que pas une seule fois cette contrainte n'a pesé sur l'activité juridictionnelle d'un magistrat. C'est important, et même essentiel. Sous ce rapport, nous avons gagné notre pari. Si, en outre, ce pari est gagné sur le plan financier, nous ne pouvons que nous en réjouir.

Ce changement dans les mentalités et les procédures a été rendu possible par la très forte implication des chefs de cours, des magistrats et des fonctionnaires de justice qui gèrent de manière décentralisée les budgets des juridictions, dans le souci de l'économie et de la performance.

J'avais assuré que cette maîtrise budgétaire ne se ferait pas au détriment de la liberté d'initiative des magistrats et de la recherche de la vérité. Je crois pouvoir affirmer que nous y sommes parvenus.

En matière de responsabilisation des acteurs, vous m'avez demandé, monsieur Détraigne, ce que je comptais faire pour que les chefs de cours disposent des marges de manoeuvre qu'ils sont en droit d'attendre de la loi organique relative aux lois de finances.

Pour l'ensemble des acteurs concernés par cette loi, l'année 2006 a été une année d'apprentissage de nouveaux concepts.

Les chefs de cours sont devenus ordonnateurs des dépenses des juridictions, reprenant à leur compte une fonction précédemment exercée par les préfets. Ils disposent désormais d'un véritable pouvoir de gestion. À cet égard, je ne peux que regretter comme vous, monsieur du Luart, le non-transfert à la mission « Justice » des 200 équivalents temps plein correspondant à cette nouvelle responsabilité.

Je souhaite que les marges de manoeuvre budgétaires des chefs de cours, mais également des directeurs régionaux de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, soient augmentées, grâce à une évaluation initiale plus précise de leurs besoins, et qu'ils deviennent ainsi pleinement responsables de leurs décisions de gestion.

Dans la continuité de cette démarche de modernisation, je souhaite que la justice s'appuie sur les nouvelles technologies pour être plus performante.

J'ai ainsi ouvert, pour l'année qui vient, un chantier important : la numérisation des procédures pénales. Il s'agit de profiter de l'évolution des technologies pour assurer une plus grande fluidité dans le déroulement de ces procédures et l'accès en temps réel aux dossiers, tant pour les magistrats que pour les auxiliaires de justice. Avant la fin de l'année, plus d'une centaine de tribunaux de grande instance seront choisis eu vue de la première vague de cette numérisation, dont la mise en oeuvre sera progressive.

Enfin, l'ensemble des juridictions et les principaux établissements pénitentiaires devraient être équipés en visioconférence d'ici à la fin de cette année. Cette modernisation sera source d'économies importantes en termes tant de déplacements d'experts et de magistrats - notamment, monsieur Othily, dans les départements et territoires d'outre-mer - que de transfèrement de détenus. Elle permettra de limiter les risques liés à ces déplacements, notamment lors des auditions des détenus.

Je souhaite également, et c'est mon deuxième engagement, que la justice soit plus accessible pour tous les citoyens. L'accès au droit, et Dieu sait si nous en entendons parler actuellement, doit être favorisé, tout particulièrement le droit pour les plus démunis à disposer d'un avocat.

Sur ma proposition, le Premier ministre a décidé de faire un effort important en faveur des crédits de l'aide juridictionnelle, qui progresseront de 6, 6 %, soit 20 millions d'euros.

Cet effort, je le constate avec tristesse, est passé complètement inaperçu, la presse n'en a pas parlé, et j'ai même pu lire que rien n'avait été fait dans ce domaine depuis 2001. C'est totalement inexact, pour ne pas dire plus !

Certains d'entre vous ont noté que, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, cet effort financier était conséquent. Il était déjà important auparavant, comme l'a dit M. Mermaz.

Sur ces 20 millions d'euros, plus de 16 millions sont consacrés exclusivement à la revalorisation de l'unité de valeur, qui permet de fixer la rétribution des avocats. Le solde permet de financer la poursuite des actions d'amélioration d'une défense de qualité engagées en collaboration avec de nombreux barreaux, compte tenu de la stabilisation du nombre d'admissions au titre de l'aide juridictionnelle. Des pays comparables au nôtre font nettement moins bien.

La France, et c'est toute la différence avec la Grande-Bretagne, compte près de 900 000 bénéficiaires de l'aide juridictionnelle. Le problème tient moins au montant des crédits alloués à cette aide juridictionnelle qu'au nombre des bénéficiaires, car des crédits même importants peuvent ne pas se traduire par une rétribution des avocats importante s'ils sont divisés entre un très grand nombre de bénéficiaires. À cet égard, j'ai pris une initiative dont je vous parlerai ultérieurement.

Vous vous prononcerez dans quelques instants sur plusieurs amendements tendant à augmenter cet effort. Je peux d'ores et déjà vous dire que je suis favorable à ceux dont l'objet est une augmentation complémentaire compatible avec l'équilibre budgétaire des autres programmes de la mission « Justice ».

Auparavant, je souhaite rappeler que, depuis 2001, plusieurs réformes sont intervenues afin d'améliorer la rétribution de l'avocat au titre de l'aide juridictionnelle, soit par des revalorisations de l'unité de valeur, soit par une revalorisation du barème de leurs interventions. Ceux qui nous critiquent oublient trop souvent ce second volet.

Ces réformes ont abouti à une revalorisation de plus de 50 % de la contribution de l'État aux missions d'aide juridictionnelle entre 2001 et 2007. Je n'ai lu cette information nulle part et je pense que beaucoup d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ignoraient aussi. Les journaux font tout pour donner le sentiment que rien n'a été fait, ce qui est totalement inexact, comme je le disais.

Les dépenses d'aide juridictionnelle pèsent de plus en plus lourd dans les finances publiques, alors même que le fonctionnement de cette aide est critiqué par de nombreux avocats. J'ai donc proposé d'ouvrir dans les prochaines semaines une réflexion d'ensemble sur le sujet dans le cadre d'assises de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit qui réuniront l'ensemble des acteurs concernés et porteront sur l'avenir de l'aide juridique, qu'il s'agisse des niveaux de rétribution de la profession d'avocat, de la reconnaissance d'une défense de qualité ou de la coordination de l'aide juridictionnelle avec l'assurance de protection juridique.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial.

En effet, pour nombre de nos concitoyens, évincés du dispositif de l'aide juridique en raison du niveau de leurs revenus, l'accès au droit passe avant tout par l'assurance de bénéficier d'une protection juridique. Pourtant, cette garantie n'a pas encore acquis la place qui doit être la sienne.

Sans attendre le résultat des assises de janvier, je vous rappelle que mon ministère a rédigé, en accord avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ce qui n'était pas évident d'emblée, un projet de réforme qui a bénéficié de l'arbitrage favorable du Premier ministre.

Il s'agit d'améliorer le système actuel dans deux domaines essentiels. D'une part, il est prévu de réintroduire la présence de l'avocat lors de la phase amiable de règlement des litiges, l'assureur ne pouvant plus s'opposer au recours par son assuré à un avocat lorsque la partie adverse est elle-même assistée d'un avocat.

En outre - c'est vraiment nouveau, cela correspond à la déontologie professionnelle et je m'étonne que l'on ne l'ait pas fait plus tôt - la liberté de choix et la liberté d'honoraires seront consacrées, interdiction étant faite à l'assureur de négocier directement avec l'avocat le montant de ses honoraires, contrairement à ce qui prévaut aujourd'hui, comme chacun le sait. La situation actuelle est extrêmement choquante et totalement inacceptable du point de vue de la déontologie professionnelle des avocats, et je serai heureux, grâce il est vrai à des propositions de loi émanant du Sénat, d'être le garde des sceaux qui y aura mis fin.

La réforme, qui sera de nature à développer cette assurance afin qu'elle constitue une réponse efficace pour l'accès au droit des classes moyennes, est attendue tant par les avocats, du moins je l'espère, que par l'ensemble des représentants des consommateurs.

Je veux vous assurer ici de nouveau de la détermination du Gouvernement à faire adopter cette réforme, essentielle à mes yeux, avant la fin de la législature et je remercie MM. Jarlier et Zocchetto d'avoir chacun déposé une proposition de loi en ce sens, textes qui seront, je l'espère, examinés au mois de janvier par votre assemblée...

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

...et, également, dans la foulée, par l'Assemblée nationale, afin que les dispositions proposées soient votées avant la fin de la législature.

L'accessibilité de la justice doit aussi concerner les victimes, en leur garantissant une prise en charge concrète.

Ainsi la forte progression des crédits destinés aux associations d'aide aux victimes depuis 2002 a permis d'augmenter de 38 % le nombre de victimes suivies, soit plus de 100 000 en 2005.

Près de 3, 7 millions d'euros seront consacrés au développement de l'accès au droit par l'intermédiaire des maisons de justice et du droit et des conseils départementaux de l'accès au droit. Ces structures sont, en effet, désormais présentes dans quasiment tous les départements aujourd'hui.

Les maisons de justice et du droit ont vu leur nombre passer de 43 en 2002 à 120 en 2006. Voilà encore un bilan qui est à l'honneur de cette majorité.

Enfin, la commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, disposera d'un budget fortement renforcé. Là aussi, en lisant certains journaux, je me demande si nous parlons des mêmes choses. Mais jugez-en vous-mêmes : près de 10 millions d'euros sont attribués à la Commission, soit une hausse de 13 % en 2007, après celle de 26 % de l'an dernier. C'est-à-dire que, en deux ans, le budget de la CNIL a augmenté de 40 %. J'ai cru comprendre qu'elle était mise au pain sec et à l'eau : à ce régime-là, je suis demandeur !

Je partage complètement l'approche de MM. du Luart et Détraigne, qui souhaitent sortir cette autorité administrative indépendante de la mission « Justice ». En effet, compte tenu précisément de l'indépendance légitime de la CNIL, nous ne sommes consultés ni sur la détermination de ses besoins, ni sur l'exécution de son budget.

Dans ces conditions, il me semble préférable d'adapter la procédure budgétaire à la réalité et de mettre fin à un rattachement artificiel de la CNIL à la mission « Justice ».

En revanche, je ne peux pas du tout vous approuver s'agissant du Conseil supérieur de la magistrature.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Non, monsieur le président de la commission des lois, pas du tout !

L'action du CSM est directement et exclusivement liée à l'activité du programme « Justice judiciaire ». Ses crédits, sans commune mesure avec ceux de la CNIL, sont clairement identifiés au sein d'une action spécifique de ce programme, et cette proposition, monsieur le président de la commission des lois, signifie l'indépendance budgétaire de toutes les juridictions, notamment, bien entendu, de la Cour de cassation.

M. le président de la commission des lois fait un signe de dénégation.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Si, monsieur le président, et cela a été dénoncé par M. le rapporteur spécial. Gardons-nous bien de faire pour la justice judiciaire ce qui a été fait pour la justice administrative.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

En tout cas, c'est ce que je recommande au Parlement.

Rendre plus accessible la justice ne se limite pas aux seuls aspects financiers. L'accessibilité signifie aussi de continuer à réduire les délais de justice qui, trop souvent, empêchent nos concitoyens de se tourner vers l'institution judiciaire. Les délais moyens de traitement dans les juridictions du premier degré ont déjà été réduits de 28 %, passant en moyenne de 9, 4 mois à 6, 7 mois. Il nous faut maintenant aller plus loin.

C'est pourquoi, au-delà des efforts de modernisation entrepris, la justice a besoin de recruter de nouveaux personnels. Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007 nous permettront de recruter 1 548 emplois supplémentaires. Sur la législature, cela signifie que 7 700 emplois nouveaux auront été créés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez maintenant les chiffres, et je vous laisse apprécier les manifestations que l'on a pu vivre voilà deux jours sur les marches du Palais de justice. C'est à se demander si nous vivons dans le même pays ! Je vous ai donné les chiffres : ils ne sont pas contestables.

Pour les juridictions, ce sont 776 postes nets de magistrat et plus de 2 000 postes de greffier et de fonctionnaire des greffes qui auront été créés au cours de la législature. Et les 400 postes qui seront créés cette année porteront les effectifs à un niveau satisfaisant, bien qu'il soit indispensable - je ne le cache pas, je l'ai dit à l'Assemblée nationale et je le répète ici - que la prochaine majorité, quelle qu'elle soit, vote de nouveau une loi d'orientation et de programmation...

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

...pour tenir cet effort budgétaire encore pendant cinq ans. Avec ces cinq années supplémentaires, je pense que la justice ne sera plus le parent pauvre de la République. Mais dire que la justice est sinistrée aujourd'hui, c'est oublier l'effort considérable qui a été accompli depuis cinq ans pour les juridictions.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Vous avez souligné, monsieur Fauchon, les difficultés de recrutement des juges de proximité.

Il est vrai, Mme Borvo l'a souligné également, que le premier programme inscrit dans les propositions présidentielles avait prévu le recrutement de 3 000 juges de proximité. Mais, très vite, nous l'avons rectifié et retenu un effectif plus souhaitable de 1 000.

J'en suis toujours à ce chiffre-là, et je constate que nous en sommes à 550 parce que le Conseil constitutionnel a émis des réserves d'interprétation pour montrer que les juges de proximité sont des juges au plein sens du terme. En conséquence, le Conseil supérieur de la magistrature a été particulièrement exigeant, je peux en témoigner. En effet, devenir juge de proximité n'est pas si simple, on a même vu des magistrats à la retraite voire leur candidature refusée. §C'est dire le niveau d'exigence !

Il nous faut donc arriver à cet effectif de 1 000 juges de proximité et nous aurons ainsi apporté là encore une aide substantielle à nos juridictions, car ces juges deviennent souvent assesseurs au tribunal correctionnel et rendent des services signalés dans les juridictions auxquelles ils appartiennent. Et aujourd'hui, vous n'entendez nulle part les juges d'instance dire qu'ils ne veulent pas de ces nouveaux collègues et qu'ils souhaitent revenir à la situation antérieure.

Je sais bien que l'opposition prévoit dans son programme de revenir sur ce point. Mesdames, messieurs les sénateurs, prenez contact avec les tribunaux d'instance et vous verrez comment vous serez reçus si vous leur annoncez que vous leur retirez les juges de proximité ! Comme toujours dans ces domaines, critiquez avant et adorez après !

Certes, monsieur le rapporteur spécial, la loi d'orientation et de programmation pour la justice n'aura pas été intégralement exécutée, les effectifs initialement prévus n'auront été globalement créés qu'à 80 %, mais on aimerait que toutes les lois de programmation votées par le Parlement soient exécutées à ce niveau-là, même si comme vous tous, j'aurais préféré que ce fût à 100 %.

Toutefois, je reconnais un taux d'exécution moins bon que les autres pour les greffes, puisqu'il ne sera que de 64 % environ, soit tout de même plus de 2 800 postes créés. Nous espérions faire plus dans ce domaine, nous avons donc incontestablement à poursuivre cet effort, mais je ne veux pas que l'on oublie ce qui a déjà été fait.

Globalement, pour l'ensemble des services de la Chancellerie, le taux d'exécution est extrêmement élevé.

En 2007, les juridictions pourront augmenter leurs effectifs de 160 magistrats nets et de 360 personnels des greffes supplémentaires, plus des fonctionnaires, ce qui fera 400 postes.

Cet effort est considérable, mais il doit être poursuivi, notamment pour les greffiers, tous les rapporteurs l'ont souligné.

Nous devons également réfléchir aux modalités d'organisation du travail au sein de chaque juridiction et engager la numérisation des procédures pénales.

Je souhaite enfin que l'année 2007 soit, pour la justice, placée sous le signe de l'efficacité.

La protection judiciaire de la jeunesse voit ses crédits augmenter très fortement cette année, de 8, 6 %. Je le précise parce que je ne me souviens pas qu'un rapporteur l'ait noté. C'est la partie du budget du ministère de la justice qui a le plus augmenté.

Monsieur Alfonsi, vous m'avez interrogé très justement sur l'apurement de la dette de l'État vis-à-vis du secteur associatif habilité, qui fait partie des situations les plus choquantes sur le plan budgétaire. Monsieur le rapporteur pour avis, cette dette était de 62 millions d'euros à la fin de l'exercice 2005.

Face à cet enjeu financier, la direction de la PJJ a engagé un plan d'optimisation des dépenses, par un recentrage des prises en charge des jeunes majeurs pour les jeunes les plus en difficulté et par une meilleure complémentarité entre les différents intervenants associatifs ou publics.

Cette démarche permet d'apurer progressivement la dette, qui a déjà été ramenée à 43 millions d'euros et qui devrait, avec l'aide de mon collègue Jean-François Copé, être réduite à 20 millions d'euros dès l'année prochaine.

Au-delà de l'aspect budgétaire, vous m'avez interrogé sur les modalités de mise en oeuvre de ce recentrage de la PJJ sur la prise en charge des jeunes majeurs les plus en difficultés. Cette action a été et est toujours conduite en concertation avec les magistrats prescripteurs, les conseils généraux et les associations habilitées sur la base des seuls critères éducatifs.

La PJJ sera renforcée par le recrutement supplémentaire de 290 agents spécialisés dans les métiers de l'éducation et de l'insertion.

Ils auront à coeur de répondre aux nouvelles formes de délinquance des mineurs sur l'ensemble du territoire national. Pour y contribuer, 20 centres éducatifs fermés supplémentaires ouvriront cette année, portant le nombre de places disponibles dans ces établissements à 465 à la fin de l'année 2007.

Monsieur Sueur, dans l'intention de transférer la prise en charge des mineurs en danger aux départements, il est exact que les juges ont tendance à privilégier la spécialisation des différents établissements, les services de la PJJ recevant plus de jeunes délinquants, notamment en zone urbaine. Mais, en application de la loi de 2004, une expérimentation de décentralisation avait été engagée. Elle a débuté en Haute-Corse, monsieur Alfonsi, en septembre 2006. Quatre autres départements s'y engageront en 2007, dont le Rhône, me semble-t-il. Ces expérimentations se font sur la base des demandes des départements dans le cadre de conventions prévoyant la compensation financière correspondante.

Nous n'en sommes donc pas encore à dresser le bilan, monsieur Sueur, nous sommes simplement en cours d'expérimentation.

M. Alfonsi m'a également interrogé sur la différence de coût entre la gestion publique et la gestion associative de ces établissements. Les chiffres de 2005 sur lesquels vous vous fondez ne portent que sur un nombre limité de centres éducatifs fermés et en plus - c'est le fond du débat - occupés partiellement. Mais je peux vous indiquer que les différentes études approfondies ont montré qu'il n'y avait pas fondamentalement d'écart de prix entre ces modes de gestion pour des prestations de placement comparables.

Monsieur Othily, deux CEF seront ouverts au premier semestre 2007, l'un à Saint-Benoît de la Réunion et l'autre à Port-Louis, en Guadeloupe.

Quant aux sept établissements pénitentiaires pour mineurs qui seront livrés dans les mois à venir, je ne crains pas qu'ils soient surdimensionnés. Le nombre de mineurs incarcérés évolue entre 600 et 800 pour 1 100 places disponibles aujourd'hui. Je suis tellement traumatisé par la surpopulation dans les maisons d'arrêt que je préfère demain plus de places que moins de places. Il est sûr que c'est la bonne solution !

Le nombre de mineurs détenus est bien en baisse, madame Borvo Cohen-Seat, car 680 mineurs étaient incarcérés au 1er novembre de cette année, contre 800 en 2002.

Les 420 places en établissements pour mineurs n'entraîneront donc pas de surcapacité puisque parallèlement 420 places de quartiers pour mineurs seront reconverties en places pour détenus majeurs, ce qui créera de nouvelles places. À ces places en établissements pour mineurs s'ajoutent 600 places entièrement rénovées dans les quartiers pour mineurs qui seront maintenus.

Notre pays disposera, enfin, d'un dispositif permettant de répondre efficacement à la délinquance grave et réitérée de certains jeunes.

L'administration pénitentiaire bénéficiera de 703 emplois supplémentaires en 2007. Ils permettront notamment de recruter les 458 agents nécessaires à l'ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires.

En effet, les années 2002 à 2006 ont été des années de construction et de réhabilitation.

En 2007, commenceront les années de mise en service des nouveaux établissements pénitentiaires et des palais de justice. Les opérations de rénovation se poursuivront. L'investissement du ministère de la justice dans ce programme immobilier représentera en effet plus de 1 milliard d'euros d'autorisations d'engagement.

Parmi ces crédits, 890 millions d'euros permettront à l'administration pénitentiaire de respecter l'objectif de la LOPJ de créer 13 200 places réparties sur trente établissements afin de faire face à la surpopulation carcérale et à la vétusté de certains établissements.

Comme l'a souligné M. Béteille, c'est bien l'objectif que nous nous sommes fixé pour le plus grand établissement pénitentiaire d'Europe. Sa rénovation coûtera près de 400 millions d'euros et elle s'étalera sur plusieurs années puisque, vous le savez, nous travaillons en site occupé. C'est dire les contraintes de l'opération.

Notre pays disposera ainsi d'environ 60 000 places conformes à nos besoins quantitatifs et adaptées aux nouvelles règles pénitentiaires européennes.

À ce sujet, permettez-moi de rappeler que les règles pénitentiaires européennes doivent, selon moi, soit servir de base au projet de loi pénitentiaire que la gauche a négocié pendant cinq ans sans le voter, soit s'y substituer. Si nous avions, demain, le choix entre une loi pénitentiaire pour exprimer de manière législative la finalité de la détention et un programme de construction, mieux vaudrait commencer par le programme de construction !

Les débats qui ont eu lieu en 2001 et en 2002 n'ont en rien remédié à la surpopulation des prisons, ce qui, moi, me choque. Et l'humanisme, le vrai, commande de construire des places avant de s'interroger sur l'utilité de la détention !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Les règles pénitentiaires européennes éditées par l'administration pénitentiaire ont été adressées à l'ensemble des surveillants de l'administration pénitentiaire de France. Elles constituent aujourd'hui la base de la philosophie et de l'éthique des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire.

Monsieur Mermaz, les maisons d'arrêt de Saint-Joseph et de Saint-Paul, à Lyon, sont dans une situation tellement insupportable que j'ai renoncé à m'y rendre, je le confesse.

Pour remédier à la situation, nous avons décidé de créer de nouveaux établissements, notamment à Corbas, à Bourg-en-Bresse et à Roanne. Cela nous permettra de fermer les prisons de Saint-Joseph et de Saint-Paul qui, je le répète, sont dans un état insupportable. Votre témoignage, monsieur Mermaz, vient à l'appui de ce que nous savons tous.

On m'a fait tout à l'heure une objection qui m'a un peu surpris. On m'a dit que M. Gil-Robles tirait, en 2004, des conclusions identiques à celles que contenaient les rapports parlementaires de 2001. C'est là le malheur ! En effet, en 2000, rien n'était fait, tandis qu'en 2004 la loi d'orientation et de programmation pour la justice était en cours d'exécution. J'ai parfois eu le sentiment que M. Gil-Robles avait oublié la LOPJ.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

On ne peut donc pas avoir des conclusions identiques en 2000 et en 2004.

Dix établissements pour détenus majeurs sont d'ores et déjà lancés dans le cadre de contrats en partenariat public-privé, les PPP. L'ensemble des établissements prévus par la LOPJ seront donc construits d'ici à 2010.

Dans l'hypothèse d'une alternance en 2007, j'espère que ceux qui couperont le ruban auront l'honnêteté politique de rappeler que ces programmes sont dus à leurs prédécesseurs et qu'ils n'y sont pour rien.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Monsieur Sueur, je me souviens que Mme Guigou comme Mme Lebranchu, quand elles ont inauguré des établissements correspondant à la réalisation des programmes lancés par M. Méhaignerie, ont systématiquement oublié de le rappeler.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Chat échaudé craint l'eau froide !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il est réconfortant de voir que vous envisagez l'alternance !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Mais l'alternance n'est que pure hypothèse de ma part, et il serait de beaucoup préférable que l'avenir éloigne cette perspective !

Sourires

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Monsieur Othily, sachez que, pour l'outre-mer, ce programme a prévu la création et la rénovation de 1 345 places, dont les 600 places de la maison d'arrêt de La Réunion. Cela constitue une obligation morale et politique évidente, car cette maison d'arrêt est dans un état inacceptable. L'ensemble sera livré en 2008 et les surveillants seront recrutés dès 2007.

S'agissant de la Guyane, je puis vous affirmer que tout sera fait en 2007 afin de pourvoir les postes vacants.

L'effort immobilier se poursuivra également pour les juridictions grâce à un programme de construction et de rénovation de 190 millions d'euros.

Ces recrutements et ces constructions nous permettront d'assurer la bonne exécution des décisions de justice.

Déjà, en quatre ans, le taux de réponse pénale a augmenté de plus de 10 %, la justice apportant une réponse pénale dans 78 % des dossiers transmis. Pour les mineurs - il n'est pas inutile de le rappeler - ce taux de réponse pénale est aujourd'hui de 86 %, soit 8 % de plus que pour les adultes.

J'ajoute que notre politique active de diversification de la réponse pénale a permis d'accroître le nombre de mesures alternatives aux poursuites de 45 %, rendant ainsi la justice plus effective.

L'an dernier, j'avais fait de la création de bureaux de l'exécution des peines, les BEX, l'une de mes priorités pour 2006. Aujourd'hui, 67 bureaux de l'exécution ont été créés dans les tribunaux de grande instance. Cette mesure sera généralisée à tous les TGI d'ici à la fin de l'année. Leur implantation sera étendue aux tribunaux pour enfants afin d'assurer une réponse pénale plus efficace à l'égard des mineurs.

Je souhaite également tout mettre en oeuvre pour éviter les « sorties sèches » de prison, que beaucoup d'entre vous ont à juste titre déplorées, tant il est vrai que ces sorties, sans suivi et sans soutien adapté, sont absolument insupportables et devraient être totalement proscrites. La loi Perben II prévoit d'ailleurs la préparation de la sortie de prison.

Nous devons donc poursuivre nos efforts en faveur des mesures d'aménagement de peine, qui ont augmenté pour atteindre 27 % entre 2003 et 2005.

Je remercie M. Jean-René Lecerf d'avoir souligné les efforts réalisés et les progrès accomplis depuis 2002.

Comme le souligne M. Goujon, rapporteur pour avis, cette progression a été accompagnée par les importants recrutements réalisés au cours de cette législature. En cinq ans, 1 200 personnels d'insertion et travailleurs sociaux supplémentaires ont été recrutés, ce qui constitue une progression exceptionnelle. L'année dernière, lors de la discussion du projet de loi de finances, un parlementaire m'avait recommandé, plutôt que de construire des prisons, de recruter des travailleurs sociaux. Eh bien, nous avons fait les deux !

La mission d'inspection et d'évaluation des services pénitentiaires d'insertion et de probation que vous avez évoquée n'a pas quantifié de nouveaux besoins de recrutement. Ses recommandations portent essentiellement sur l'organisation et l'intervention même de ces services.

Comme je l'avais annoncé, nous compterons, à la fin de l'année 2007, près de 3 000 placements simultanés en bracelet électronique fixe. M. Othily a rendu hommage à M. Cabanel. Je rappelle que nous sommes maintenant en train d'expérimenter, et je suis un peu à l'initiative de ce mouvement, le bracelet électronique mobile. Nous en sommes à la troisième expérimentation. La cour d'appel de Rouen, va, après celle de Douai et avant celle d'Aix-en-Provence, dans quelque temps, expérimenter ce dispositif.

L'année 2007 verra donc l'expérimentation, extrêmement intéressante, du bracelet électronique mobile, donc avec GPS, qui permettra des libérations conditionnelles que les juges de l'application des peines n'oseraient pas décider aujourd'hui autrement.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Jusqu'à ce que le dispositif soit totalement fiable. Cela prendra sans doute une bonne année. Mais mieux vaut cela qu'un incident ou, pire, un accident.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Les juges pourront donc recourir progressivement au bracelet électronique mobile, qui permet de concilier protection de la société, respect des victimes et réinsertion des condamnés à de longues peines.

Monsieur Goujon, vous m'avez posé deux autres questions très importantes : l'une sur l'accueil des condamnés atteints de pathologies lourdes et l'autre sur les actions de prosélytisme.

Il y a, effectivement, des détenus qui n'ont pas leur place en prison et qui posent de ce fait des difficultés extrêmement importantes aux personnels pénitentiaires. Je tiens à rendre hommage à ces personnels, qui doivent parfois gérer des détenus très difficiles.

Le ministère de la santé, à qui incombe la prise en charge médicale des détenus, en a conscience. Actuellement, 180 psychiatres - c'est bien peu - travaillent en milieu carcéral, soit un ratio de un psychiatre pour 400 détenus contre un pour 4 000 personnes à l'extérieur, étant rappelé que 40 % des détenus relèvent peu ou prou de la psychiatrie.

Il faut aller plus loin et sortir les détenus atteints de troubles psychiques très graves du milieu carcéral classique, pour les placer dans des structures psychiatriques sécurisées et fermées.

L'opinion publique doit connaître les décisions que nous avons prises avec M. Xavier Bertrand. Comme certains d'entre vous l'ont indiqué, nous allons mettre en service plus de 700 places en unités hospitalières spécialement aménagées, réparties dans des hôpitaux psychiatriques, couvrant ainsi l'ensemble du territoire national. Leur mise en place soulève certains problèmes. Il faut, par exemple, construire des ascenseurs dédiés, placer des barreaux aux fenêtres, procéder à tous les aménagements que l'hôpital permet. Les premières unités ne pourront donc ouvrir qu'en 2008.

Monsieur le rapporteur pour avis, j'en viens aux actions mises en oeuvre par le Gouvernement pour lutter contre le prosélytisme dans les établissements pénitentiaires.

L'administration pénitentiaire veille à ce que la pratique des cultes soit assurée au sein des prisons dans le respect des principes républicains. Elle s'efforce de développer la présence d'aumôniers musulmans, encore trop peu nombreux, et nous le regrettons - ils ne sont que 70 sur un total de 900 aumôniers - au sein des établissements pénitentiaires. Leur nombre est, toutefois, en progression constante.

Nous nous réjouissons de pouvoir, comme pour les autres grandes religions représentées au sein de la population carcérale, avoir un interlocuteur en la personne de M. Talabi, qui vient d'être désigné aumônier musulman national des prisons par le Conseil français du culte musulman.

La présence d'aumôniers musulmans désignés d'un commun accord par l'administration et les instances représentant la communauté musulmane de France me paraît constituer la réponse la plus adaptée aux discours excessifs propagés par certains détenus s'autoproclamant imams, et qui, bien évidemment, ne le sont pas.

Nous surveillons de très près ce risque de prosélytisme qui, bien que réel, est contenu. Deux actions complémentaires sont conduites par l'administration pénitentiaire : un échange d'informations avec les services de police chargés de la lutte contre le terrorisme et une formation de tous les personnels pénitentiaires, notamment des surveillants, à « la pratique des cultes et à la lutte contre le prosélytisme en établissements ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget de la justice est ambitieux. Il répond aux défis auxquels est confrontée l'institution judiciaire. La justice aura les moyens de s'atteler aux trois engagements que je prends devant vous : la modernisation, l'accessibilité et l'efficacité de la justice.

Le mois prochain, nous prendrons ensemble un nouvel engagement, celui de la réforme de la justice, qui vise simplement à répondre aux questions que se sont posées les Français après l'affaire d'Outreau. Il s'agira non pas de faire « la » réforme, je laisse cette ambition aux candidats à l'élection présidentielle, mais de mieux lutter contre les détentions provisoires injustifiées - souci que je partage avec nombre d'entre vous - renforcer les droits de la défense - c'est absolument indispensable - et moderniser le régime de la responsabilité des magistrats.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les points que je souhaitais évoquer devant vous. Je répondrai, au cours de l'examen des amendements, aux questions que je n'aurai pas pu aborder dans cette évocation globale de la mission « Justice ». Au demeurant, je tiens à remercier l'ensemble des orateurs qui sont intervenus ce matin.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC -UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je souhaite répondre à M. Dreyfus-Schmidt.

Mon cher collègue, chaque année, nous organisons les débats budgétaires en relation étroite avec le Gouvernement.

Le Sénat doit examiner les crédits de trente-quatre missions, après avoir adopté la première partie du projet de loi de finances, donc les ressources de l'État. Les articles non rattachés doivent également être traités sur une ou deux journées. Et la Constitution ne nous laisse en tout que vingt jours pour cette tâche délicate et intense.

Les crédits affectés à la mission « Justice » sont toujours examinés un lundi matin. Jusqu'en 2004, il s'agissait du lundi précédent l'examen des articles non rattachés. L'an passé, nous avons dû avancer cette discussion d'une semaine. Les articles non rattachés étant tellement nombreux et lourds de conséquences que nous leur avons consacré un samedi et un dimanche.

Quant à l'ordre du jour, il a été arrêté par la conférence des présidents, dans la transparence la plus totale.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Justice » figurant à l'état B.

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Justice

Justice judiciaire

dont titre 2

1 772 980 309

1 772 980 309

Administration pénitentiaire

dont titre 2

1 414 642 042

1 414 642 042

Protection judiciaire de la jeunesse

dont titre 2

393 733 432

393 733 432

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés

dont titre 2

103 213 254

103 213 254

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° II-131 est présenté par M. Lardeux.

L'amendement n° II-172 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont Titre 2

Administration pénitentiaire

Dont Titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

L'amendement n° II-131 n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° II-172.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, mes explications vaudront également pour les amendements n° II-173 et II-174, qui viendront plus tard en discussion.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, le problème de la revalorisation de l'aide juridictionnelle ne sera pas réglé en 2007 avec le projet de budget qui nous est présenté. Chacun le sait, cette aide constitue la seule garantie, pour les justiciables les plus démunis, d'accéder à la justice. Autrement dit, pour eux, c'est le seul moyen de défendre correctement leurs droits. Monsieur le garde des sceaux, les comparaisons avec d'autres pays, notamment européens, mériteraient une étude approfondie. Mais, comme vous avez déjà beaucoup à faire, je pense qu'il serait astucieux de confier cette mission à vos services.

Pour ma part, je suis attachée à un service public de la justice, qui n'existe pas, loin de là, dans tous les pays européens. Par conséquent, je considère que l'ensemble des aspects relatifs à l'aide juridictionnelle doivent être pris en compte.

Parce que nous sommes attachés au principe d'égal accès à la justice, nous soutenons totalement les avocats, qui ont fait grève deux fois de suite, alors que cette profession n'a pas l'habitude de descendre dans la rue. C'est dire si elle en a assez ! Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à avoir entendu leurs revendications, puisque d'autres amendements visant à revaloriser l'aide juridictionnelle ont été déposés.

L'amendement n° II-172 a pour objet de revaloriser l'aide juridictionnelle, en honorant la promesse faite au début de cette législature, promesse qui est malheureusement restée lettre morte. Il est urgent de procéder aujourd'hui à cette revalorisation, pour un montant de 25 millions d'euros, soit une augmentation de 15 % de l'unité de valeur. L'adoption d'une telle mesure permettrait aux avocats d'être plus justement rémunérés pour les missions d'aide juridictionnelle.

Il serait également souhaitable, afin de garantir cette rémunération sur le long terme, que la revalorisation de l'unité de valeur soit indexée sur la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu.

Cette proposition n'est pas corporatiste. Notre seul intérêt est ici celui des justiciables. Si nous défendons le principe de l'aide juridictionnelle, c'est parce qu'elle permet à toute personne disposant de faibles revenus de faire valoir ses droits en justice. Il s'agit, pour nous, de freiner l'instauration d'une justice à deux vitesses : l'une, expéditive, pour les pauvres, et une autre, plus attentive aux intérêts des parties.

Au demeurant, nous sommes favorables à une augmentation, quelle qu'elle soit, de l'aide juridictionnelle dans le projet de budget pour 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° II-184, présenté par MM. Sueur, Dreyfus-Schmidt, Mermaz, Bel, Frimat, Badinter, Mahéas, Peyronnet, Collombat et Yung, Mmes M. André, Tasca, Bricq et Hurel, M. Carrère, Mmes Cerisier-ben Guiga, Printz, Campion, Alquier, Demontès, Bergé-Lavigne et San Vicente-Baudrin, MM. Courteau, Demerliat, Cazeau, C. Gautier, Besson, Dussaut, Godefroy, Assouline, Miquel, Guérini, Todeschini, Madec, Madrelle, Josselin, Lagauche, Vézinhet, Krattinger, Signé, Lejeune, Repentin, Bodin, Vantomme, Michel, Auban, Ries, Moreigne, Journet, Masseret, Bockel, Raoul, Picheral, Tropeano, Haut, Marc, Rouvière, Sutour, Siffre, Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont Titre 2

Administration pénitentiaire

Dont Titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L'amendement que j'ai l'honneur de présenter au nom du groupe socialiste va dans le même sens que celui que vient de défendre Mme Nicole Borvo.

Il s'agit de procéder au transfert de 25 230 480 euros sur le programme 101 « Accès au droit et à la justice », de manière à porter les rétributions des avocats au titre de l'aide juridictionnelle au niveau qui devrait être le leur, si l'on veut respecter les engagements qui ont été pris en 2004, monsieur le garde des sceaux, par le Gouvernement.

J'ai bien compris qu'une concertation serait organisée en janvier prochain. Je rappelle que Mme Guigou, mais aussi et surtout Mme Lebranchu avaient appelé de leurs voeux une telle concertation et qu'elles se proposaient de l'organiser. Certes, il est regrettable qu'une telle décision n'intervienne que maintenant, mais mieux vaut tard que jamais ! En effet, une concertation avec les avocats sur l'ensemble de la question de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit est véritablement nécessaire.

En outre, des dispositions récentes, qui sont maintenant inscrites dans la loi, entraînent de nouvelles dépenses en matière d'aide juridictionnelle, puisque de nouveaux bénéficiaires peuvent désormais en profiter. C'est notamment le cas des mineurs délinquants, grâce à l'ordonnance du 8 décembre 2005, ou encore des majeurs ou des mineurs dont « la situation apparaît particulièrement digne d'intérêt au regard de l'objet du litige ou des charges prévisibles du procès », et, enfin, de toutes les victimes ou ayants droit d'une victime, en vue d'exercer l'action civile en réparation des dommages résultant des crimes les plus graves.

En dehors de cette situation nouvelle, je tiens à préciser que cet amendement vise à prendre en compte la demande légitime des avocats, lesquels font valoir que, si l'on veut traiter sérieusement tous les dossiers, il faut du temps, et que ce temps doit être justement rémunéré.

Si nous défendons avec beaucoup de coeur - et nous espérons vraiment, monsieur le garde des sceaux, être entendus - une revalorisation de 15 %, conformément aux engagements pris par le Gouvernement, c'est non seulement parce que les avocats le demandent, mais aussi parce qu'il s'agit de la mise en oeuvre concrète de l'égalité devant la justice et le droit, et de la possibilité, pour nos compatriotes les plus démunis, d'avoir accès à une justice de qualité, ce qui implique une défense exercée dans de bonnes conditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° II-162 rectifié, présenté par M. Béteille et Mme Keller, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont Titre 2

Administration pénitentiaire

Dont Titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Laurent Béteille.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Béteille

Cet amendement, qui s'inscrit dans la ligne des précédents, ne va cependant pas aussi loin.

Tout d'abord, je rappelle que les avocats défendent exactement de la même manière leurs clients, que ceux-ci bénéficient ou non de l'aide juridictionnelle.

En effet, j'ai le souvenir d'avoir eu à traiter, dans mon cabinet, des dossiers d'aide juridictionnelle beaucoup plus lourds et difficiles que certains dossiers de clients assurant la rémunération de leur avocat. Et ces dossiers-là n'étaient pas du tout défavorisés ! J'insiste sur ce point, car on a laissé entendre tout à l'heure qu'il pouvait y avoir une justice à deux vitesses, entre les clients bénéficiant de l'aide juridictionnelle et les autres, ce qui est complètement faux !

Cela dit, je considère que les cabinets d'avocats passent beaucoup de temps sur ces dossiers, et qu'il est tout à fait normal que leur rémunération soit à la hauteur de leur travail.

Comme je le disais d'entrée de jeu, cet amendement n'est pas maximaliste. Il ne reprend pas, notamment, les propositions et sollicitations de l'ordre des avocats du barreau de l'Essonne que j'ai reçues, comme sans doute beaucoup de mes collègues en ont reçu du barreau de leur département.

Cet amendement prévoit un effort mesuré, mais juste, pour atteindre une augmentation de neuf points de l'unité de valeur, ce qui me paraît équilibré par rapport aux autres propositions qui peuvent être faites. Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° II-22 est présenté par M. du Luart, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° II-84 est présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont Titre 2

Administration pénitentiaire

Dont Titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Dont Titre 2

Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-22.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Dans le présent projet de loi de finances, il est proposé une revalorisation de 6 % de l'unité de valeur permettant de fixer le montant de la contribution de l'État à la rétribution de l'avocat.

La question de l'aide juridictionnelle est au coeur de la problématique de l'accès au droit, en particulier pour les plus démunis. Importante pour les justiciables, elle est aussi sensible pour les avocats, qui méritent une indemnisation à la hauteur de leur mission. L'actualité récente et, notamment, l'organisation de nombreux mouvements de protestations ont permis de mieux saisir le profond malaise et - pourquoi ne pas le dire ? - le mécontentement de cette profession.

La commission des finances, soutenue par la commission des lois, a donc estimé nécessaire d'accomplir un pas supplémentaire dans la revalorisation de l'aide juridictionnelle, en majorant de 5, 7 millions d'euros l'enveloppe consacrée à cette action.

Des motivations objectives militent en faveur d'une telle revalorisation. Le nombre des admissions à l'aide juridictionnelle a en effet connu un fort accroissement au cours des dernières années, augmentant de 9, 8 % en 2003, de 10 % en 2004 et de 6, 6 % en 2005. Par ailleurs, la dernière revalorisation de l'aide juridictionnelle remonte à l'année 2004. Une réponse à l'inquiétude des avocats doit donc être apportée. Elle engage l'idée même que nous nous faisons de l'institution judiciaire.

L'adoption de cet amendement permettrait une revalorisation, importante, de 8 %. Dans le contexte budgétaire tendu que chacun connaît, un tel effort est significatif.

En effet, le problème posé réside moins dans le dépassement d'un seuil psychologique - plus 9 %, 10 % ou 15 % - nécessairement factice, que dans l'envoi d'un signal fort et clair à l'intention de la profession, d'un message témoignant d'une meilleure prise en compte des difficultés des avocats et ouvrant un chemin pour les prochains mois. Tel est l'esprit de cet amendement.

Le tracé de ce chemin est déjà esquissé. Nos collègues Pierre Jarlier et François Zocchetto viennent d'en marquer la prochaine étape en déposant, chacun, une proposition de loi visant à réformer l'assurance de protection juridique. Vous-même, monsieur le garde des sceaux, avez annoncé la tenue d'assises de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit au mois de janvier.

Pour ma part, comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire sur l'épineuse question des frais de justice, je mènerai une nouvelle mission de contrôle budgétaire sur le thème de l'aide juridictionnelle au cours du premier semestre 2007.

L'amendement n° II-22 de la commission des finances vise à maintenir les crédits de paiement du programme « Accès au droit et à la justice » à leur niveau de l'exercice 2006, soit 344, 1 millions d'euros, la hausse de 5, 7 millions d'euros étant affectée à l'enveloppe destinée au financement de l'aide juridictionnelle.

L'augmentation des autorisations d'engagement et des crédits de paiement de l'action « Aide juridictionnelle » de 5, 7 millions d'euros est compensée par une réduction de 2 millions d'euros des autorisations d'engagement et des crédits de paiement consacrés, au sein du programme « Conduite et pilotage de la justice et organismes attachés », aux dépenses informatiques hors grands projets - moins 1 million d'euros pour le poste « Maintien de l'existant » et moins 1 million d'euros sur le poste « Renouvellement des matériels » - et par une réduction de 3, 7 millions d'euros des autorisations d'engagement et des crédits de paiement consacrés au programme « Justice judiciaire ».

Sans pénaliser irrémédiablement le bon fonctionnement des services du ministère et des juridictions, cet amendement offre une majoration substantielle de l'aide juridictionnelle, point de départ de la réflexion plus large qui va être menée dans les mois à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-84.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

L'amendement de la commission des lois étant identique à celui de la commission des finances, je ne reviendrai pas sur ce qu'a très bien dit mon collègue Roland du Luart. J'ajouterai seulement quelques points qui vont dans le même sens et qui renforcent, nous semble-t-il, la nécessité d'adopter ces amendements.

D'abord, le recours à l'aide juridictionnelle est de plus en plus fréquent. Une étude publiée par l'INSEE, voilà quinze jours ou trois semaines, montre que le revenu médian dans notre pays est de 1 314 euros. Or le plafond pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle étant de 1 288 euros, cela signifie que, pratiquement, la moitié de la population peut avoir accès à cette aide.

Comme vous, monsieur le garde des sceaux, je souhaite que l'on parvienne à un certain palier. Les débats que nous aurons au mois de janvier sur la réforme de l'assurance de protection juridique y contribueront, mais ils ne permettront pas de tout régler.

De plus, l'aide juridictionnelle est, si vous me permettez l'expression, « mangeuse de temps ». En effet, le public auquel elle s'adresse n'ayant pas toujours les capacités requises pour répondre aux demandes des avocats, de nombreuses relances sont nécessaires.

Si, heureusement pour nombre de cabinets d'avocats, cette aide ne représente pas l'essentiel du chiffre d'affaires, elle nécessite, en revanche, que l'on y consacre parfois un temps très important. Finalement, l'aide juridictionnelle constitue plus une simple indemnisation qu'une rémunération. Si l'on veut que l'accès à la justice soit le même pour tous, que le revenu se situe en dessous ou au-dessus du plafond de l'aide juridictionnelle, il nous faut effectivement donner aujourd'hui un signal fort. Les amendements identiques de la commission des finances et de la commission des lois s'inscrivent tout à fait dans cette démarche.

J'ajoute que nous avons examiné de près le moyen de financer notre proposition. Comme nous l'avons presque tous dit, ce budget, qui augmente de 5 % dans le contexte budgétaire actuel, est globalement satisfaisant, mais, nous l'avons pratiquement tous dit aussi, il faudrait faire plus, et cela quel que soit le programme et quelle que soit l'action. Il n'est pas très facile de trouver de l'argent à l'intérieur de la mission « Justice » pour renforcer l'action « Aide juridictionnelle », qui nous paraît particulièrement prioritaire.

Les amendements que nous proposons sont susceptibles, me semble-t-il, de remettre à niveau l'aide juridictionnelle, qui est un impératif, et en tout cas d'envoyer un signal fort, sans pour autant « déshabiller » un certain nombre d'autres actions qui, elles aussi, nécessitent des crédits substantiels.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° II-172 fait quelque peu concurrence à celui de la commission des finances. Le redéploiement des crédits envisagé pénaliserait durement, à mon sens, le fonctionnement des services du ministère par un assèchement des crédits de la communication et un ralentissement de certains programmes immobiliers.

De plus, il ne faut pas l'oublier, il ferait supporter une charge trop lourde à la CNIL pour son fonctionnement, ce qui serait très préoccupant.

Par conséquent, je demande à Mme Borvo Cohen-Seat de retirer son amendement. Dans le cas contraire, compte tenu de son ampleur eu égard aux équilibres budgétaires, j'émettrai un avis défavorable.

L'amendement n° II-184 est très proche de celui que je viens de commenter. La différence, c'est que son financement n'est pas gagé par une diminution des crédits de la CNIL, ce qui, à mon avis, était une grosse erreur.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Pour les mêmes raisons, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable, car, là encore, son ampleur est trop lourde par rapport aux équilibres budgétaires dont nous avons à discuter.

L'amendement n° II-162 rectifié est intéressant et va un peu plus loin que les amendements identiques de la commission des finances et de la commission des lois. Pour les arguments que nous avons développés tout à l'heure, nous avons considéré qu'il était nécessaire d'envoyer un signal fort, mais nous pensons sage de nous arrêter à 8 %.

Enfin, l'amendement est gagé sur les travaux de création d'une cantine sur le site de la place Vendôme. Or cette cantine étant attendue par les personnels de la Chancellerie...

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Et de la Cour des comptes !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

... et de la Cour des comptes, effectivement, il n'est pas souhaitable, dans l'immédiat, de donner un coup d'arrêt à ce projet.

Aujourd'hui, mettons-nous d'accord sur une réévaluation de 8 % et, si M. Béteille en est d'accord, je lui demande de bien vouloir retirer son amendement. Dans le cas contraire, l'avis de la commission serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Dans l'esprit, je m'associe globalement à l'ensemble des amendements qui ont été déposés par les sénateurs, tous groupes confondus, et qui reprennent les préoccupations fort vives de la profession d'avocat.

La situation française est effectivement très particulière : le nombre des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle est fort élevé, 900 000 personnes, et nous dépensons pour cette aide 320 millions d'euros cette année, montant qui n'est pas humiliant pour la France. En revanche, le rapport entre ces deux éléments pose problème.

J'avoue que j'ai été surpris - c'était sans doute mon rôle - par le fait que personne ne veuille s'attaquer au problème de façon structurelle. Je n'ai entendu qu'une demande d'augmentation, sans penser que, l'année prochaine, voire les années suivantes, une demande identique pourrait de nouveau être faite ! Or le problème n'est pas de faire 10 %, 12 % ou 15 % par an. Quel Gouvernement suivrait une telle inflation de la demande ?

Je trouve désolant qu'aucun travail sur le fond n'ait été réalisé. D'où mon idée de créer des assises, afin de réfléchir à la réponse structurelle qu'il est nécessaire d'apporter à cette difficile question de l'aide juridictionnelle.

Une véritable réforme de l'assurance de protection juridique constituerait un bon début. Elle permettrait de mettre fin à une situation que je trouve personnellement intolérable et qui consiste à faire de certains avocats des salariés déguisés de compagnies d'assurances.

Jusqu'à présent, le ministère de la justice n'est jamais parvenu à forcer la main des assureurs pour obtenir des honoraires libres, à charge pour l'assureur de fixer un montant plafond de prestations et pour le citoyen justiciable de compléter en fonction de la demande de l'avocat. C'est ce que je propose. La bonne nouvelle, c'est que j'ai eu l'accord du ministre de tutelle des compagnies d'assurances et, grâce à Thierry Breton - qu'il me soit permis de le remercier publiquement ici -, nous pouvons donc aller plus loin.

J'estime avoir apporté à la profession d'avocat une vraie réponse, et pas simplement une réponse démagogique qui consisterait à promettre d'augmenter le taux !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Madame Borvo Cohen-Seat, ce n'est pas mon prédécesseur en 2003 qui a prévu l'engagement dont on entend parler et qui serait parole de l'État. Il est très flatteur de penser que chaque parole ministérielle est une parole de l'État, mais cela me paraît excessif.

C'est Mme Lebranchu - elle n'appartient pas à notre majorité, que je sache ! - qui, en décembre 2000, s'était engagée sur le pourcentage de 15 %. Que diriez-vous si, aujourd'hui, je m'engageais sur un tel pourcentage pour 2008 ? Vous me demanderiez si je suis sérieux ! Or je le suis et je considère par conséquent que je n'ai pas le droit de le faire.

Qui peut se sentir obligé par la parole d'un ministre d'une autre majorité ? Un engagement de l'État, c'est autre chose ! Généralement, cela ne prend pas la forme d'un engagement strictement ministériel, surtout en période d'examen du budget. Par conséquent, personne, dans cette majorité, ne peut se sentir lié par un tel engagement, que, de plus, on ne peut en aucun cas qualifier d'engagement de l'État !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

À la suite du protocole d'accord signé le 18 décembre 2000 avec les représentants de la profession d'avocat, plusieurs réformes ont amélioré la rétribution des avocats au titre de l'aide juridictionnelle, soit par une revalorisation de l'unité de valeur de référence, soit - et cela n'est pas compris - par une revalorisation du barème de rétribution. On peut jouer sur les deux !

Je n'ai entendu parler que de l'augmentation de l'unité de valeur. On n'a jamais fait allusion à qui avait été fait en matière de revalorisation du barème de rétribution. La référence à la seule augmentation du montant de l'unité de valeur ne reflète donc qu'une partie de l'amélioration de la rétribution des avocats depuis 2001. Je remonte à cette période, car le protocole d'accord a été signé le 18 décembre 2000.

Depuis lors, les réformes représentent 50, 2 % de la contribution de l'État aux missions de l'aide juridictionnelle, augmentation que, dans le débat public, tout le monde omet de rappeler aujourd'hui ! Par ailleurs, la revalorisation de 6, 6 % prévue par ce projet de loi de finances compense l'évolution des prix de 5, 5 % constatée depuis la dernière revalorisation intervenue le 1er janvier 2004.

Les amendements proposés prévoient d'abonder le programme « Accès au droit et à la justice » pour le porter à 25 295 936 millions d'euros, afin de permettre une progression de 15 % de l'unité de valeur, au lieu des 6 % prévus par le Gouvernement.

Les réductions proposées pour financer cette mesure portent sur des postes de dépenses particulièrement sensibles et nécessaires à la modernisation du ministère. Certaines de ces économies, comme celle de 12 millions d'euros sur le gardiennage des scellés, ont déjà été réalisées dans le cadre du plan de maîtrise des frais de justice de cette année. On ne peut pas faire deux fois les mêmes économies ! De telles diminutions de crédits ne peuvent de ce fait recueillir mon approbation.

En revanche, je partage votre point de vue, ainsi que celui de nombreux avocats, sur le caractère perfectible du fonctionnement de l'aide juridictionnelle. Les dépenses y afférentes s'accroissent régulièrement et représentent un poids de plus en plus lourd pour les finances publiques.

L'augmentation que vous proposez n'est pas la bonne réponse. Il semble préférable d'agir sur les barèmes par type d'intervention pour mieux rémunérer les interventions les plus complexes. Ainsi, j'ai décidé d'engager une réflexion d'ensemble en la matière lors des assises de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit, qui auront lieu au mois de janvier. Ces assises seront l'occasion d'échanges, dans le cadre d'un dialogue constructif, avec l'ensemble des acteurs concernés sur l'avenir de l'aide juridique, qu'il s'agisse des niveaux de rétribution de la profession d'avocat, de la reconnaissance d'une défense de qualité ou de la coordination de l'aide juridictionnelle avec l'assurance de protection juridique.

Pour permettre d'aborder ces assises dans les meilleures conditions, je ne suis pas opposé à revoir, sur la base des deux amendements identiques présentés, d'une part, par Roland du Luart, au nom de la commission des finances, d'autre part, par Yves Détraigne, au nom de la commission des lois, l'augmentation initialement proposée par le Gouvernement. Ainsi, aux 6, 6 % de hausse proposés dans le projet de loi de finances s'ajouteraient deux points.

Compte tenu de l'ensemble de ces considérations, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n°s II-172, II-184 et II-162 rectifié.

En revanche, il émet un avis favorable sur les amendements identiques n°s II-22 et II-84.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Bernadette Dupont, pour explication de vote sur l'amendement n° II-172.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

Autant il est compréhensible de vouloir régler les problèmes rencontrés par les avocats, autant il ne faut pas oublier les difficultés immobilières auxquelles sont confrontés les tribunaux ; les nombreux stages que j'ai effectués l'attestent. Il faut donc respecter les dépenses immobilières qui sont inscrites au budget du ministère de la justice.

L'entretien ou les chantiers de désamiantage, comme au tribunal de Nanterre, coûtent très cher. Les conditions de travail sont très difficiles.

Et puis, monsieur le ministre, je vous adresse une supplique : lancez les travaux à la cour d'appel de Versailles !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Évidemment, la LOLF nous impose des contraintes. Néanmoins, il n'est pas interdit de s'interroger sur le niveau du budget de la mission « Justice ».

M. le garde des sceaux est satisfait de son budget, mais d'autres, comme moi, considèrent qu'il est insuffisant au regard des besoins.

S'agissant de notre amendement n° II-172, je déplore que le gouvernement précédent n'ait pas budgété cette augmentation. Cela étant, la hausse de 15 % répond à une nécessité.

Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le garde des sceaux, ne respecte pas ses propres engagements ; nous l'avons vu avec la privatisation de GDF. Vous êtes donc mal placé pour faire la leçon !

Par conséquent, monsieur le président, je maintiens l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'ai pas de chance avec notre collègue André Lardeux. Lorsque je préférerais qu'il ne soit pas présent en séance, il l'est ; lorsque je souhaiterais qu'il soit présent, il ne l'est pas !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Son amendement n° II-131, identique à celui qui a été déposé par le groupe communiste, est quasiment identique à notre amendement n° II-184.

Il est intéressant de savoir qu'il existe au sein de l'UMP des parlementaires qui partagent notre avis - mais je ne m'en étonne pas - et qui estiment qu'il serait tout à fait normal que soit revalorisé de 15 % le montant de l'unité de valeur afin de rattraper le retard.

Monsieur le président, je demande que le Sénat se prononce par scrutin public sur notre amendement n° II-184.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix l'amendement n° II-184.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 68 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Monsieur Béteille, l'amendement n° II-162 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Béteille

M. Laurent Béteille. Je ne voudrais pas prendre la responsabilité d'affamer le personnel du ministère de la justice. Tactiquement, ce serait maladroit.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Béteille

Je ne pensais pas demander l'impossible. Apparemment, c'est le cas. Compte tenu de l'avis défavorable émis tant pas la commission que par le Gouvernement, je retire, avec regret, mon amendement. Néanmoins, je forme le voeu qu'une suite favorable sera réservée à nos demandes après les assises de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° II-162 rectifié est retiré.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je remercie Laurent Béteille d'avoir retiré son amendement.

Si j'ai bien compris, monsieur le garde des sceaux, cette cantine sera à la disposition de la Chancellerie et de la Cour des comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ça change tout !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous sommes donc rassurés ! En effet, à l'occasion du « formatage » des missions, nous avions compris que la Cour de cassation était absente de la mission « Conseil et contrôle de l'État », où seules figuraient les hautes juridictions des comptes et les juridictions administratives. Mais voilà que la cantine sera utilisée à la fois par la Cour des comptes et par la Chancellerie. C'est certainement de bon augure !

Sourires

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je me réjouis du vote de ces deux amendements identiques de la commission des lois et de la commission des finances. Néanmoins, je souhaite insister sur un point : les moyens dont disposera l'aide juridictionnelle seront supérieurs aux crédits qui sont inscrits à ce titre. En effet, monsieur le garde des sceaux, la caisse autonome de règlement pécuniaire des avocats, la CARPA dispose d'un fonds de roulement d'environ 30 à 35 millions d'euros. Un tel niveau se justifiait, disait-on, par le caractère tardif des versements de la Chancellerie. Par conséquent il fallait, en quelque sorte, assurer l'avance.

Toutefois, lors de votre audition devant la commission des finances, vous avez indiqué que les fonds seraient mandatés dès le 1er janvier. Par conséquent, les moyens en trésorerie dont bénéficiera l'aide juridictionnelle augmenteront singulièrement en 2007 par rapport aux années précédentes. Cela pourrait rassurer M. Dreyfus-Schmidt.

Enfin, je me demande si le fait que ces fonds soient versés directement à la CARPA, laquelle les reverse aux avocats, constitue vraiment une simplification administrative. Ne serait-il pas plus simple que les greffes rémunèrent directement les avocats ? Cela permettrait de gagner du temps dans les transmissions de trésorerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix les crédits de la mission « Justice », modifiés.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures trente.