Intervention de Nicolas Alfonsi

Réunion du 4 décembre 2006 à 10h00
Loi de finances pour 2007 — Justice

Photo de Nicolas AlfonsiNicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2007 traduit un réel effort en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse, puisque les crédits de ce programme augmentent de 8, 6 % par rapport à 2006, atteignant la somme de 799 millions d'euros, soit 12, 8 % du budget de la justice.

Je me limiterai à quatre observations.

Première observation : les crédits consacrés au secteur associatif habilité, principal acteur de la prise en charge des mineurs en danger, et qui représentent 39 % du total, progressent de 16 %, soit, ainsi que l'a souligné M. le rapporteur spécial, 42 millions d'euros.

Certes, je note que la plus grande partie de cette augmentation va en fait servir à apurer la dette de l'État vis-à-vis de ce secteur. En effet, en 2006, comme déjà en 2005, le paiement aux associations s'est interrompu en cours d'année - dès le mois de mai, s'agissant des mesures en faveur des jeunes majeurs - en raison d'une sous-estimation manifeste des crédits qui, je vous le rappelle, ont désormais un caractère limitatif.

Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le garde des sceaux, afin d'apurer la dette vis-à-vis du secteur associatif habilité et de mettre un terme aux reports de charges successifs l'affectant ?

Deuxième observation : les crédits de l'action n° 2 relative aux mineurs en danger et aux jeunes majeurs se stabilisent - plus 2, 3 % - après la très forte baisse de l'an passé - moins 16 %. Cette baisse s'expliquait par la volonté de diminuer les crédits consacrés aux jeunes majeurs de 20 % en cinq ans. En effet, les dépenses liées à l'hébergement des jeunes majeurs représentent 40 % des crédits du secteur associatif, soit 109 millions d'euros sur 265 millions d'euros, ce qui est considérable, alors que les 2 500 jeunes majeurs concernés représentent à peine 5 % des jeunes pris en charge.

Vous avez donc souhaité, monsieur le garde des sceaux, recentrer les actions en faveur des jeunes majeurs de 18 à 21 ans sur ceux qui sont déjà suivis pendant leur minorité par la protection judiciaire de la jeunesse et redonner un sens à la mesure en insistant sur l'accès rapide à l'autonomie. Les autres jeunes majeurs devraient être pris en charge par les départements.

Cependant, les critères de répartition entre ces deux prises en charge, prévus par les décrets du 18 février 1975 pour la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, et du 2 décembre 1975 pour les départements, paraissent particulièrement flous, et je dois reconnaître qu'il se pose dans ce domaine un vrai problème auquel il faudra sans doute réfléchir.

Quelles mesures envisagez-vous de prendre, monsieur le garde des sceaux, pour rationaliser les prises en charge, tout en évitant à ces jeunes de sombrer dans la précarité, voire la délinquance ? Quelles assurances ont-elles été prises avec les conseils généraux pour mettre en place des relais adaptés ?

Troisième observation : l'un des objectifs impartis à la protection judiciaire de la jeunesse consiste à assurer une prise en charge de qualité tout en maîtrisant les coûts. Or, ainsi que cela a été rappelé par M. le rapporteur spécial, certains indicateurs de performance demeurent incomplets, s'agissant notamment du coût des mesures judiciaires par journée dans les centres éducatifs fermés, les CEF, les centres éducatifs renforcés et les centres de placement immédiat du secteur public.

Il semblerait cependant que les montants unitaires par journée ou par mesure du secteur public soient plus élevés que ceux qui sont observés dans le secteur associatif. Ainsi, le prix de journée dans les CEF publics est de 731 euros, contre 609 euros dans le secteur associatif habilité.

Comment expliquez-vous ces différences ? Vous paraît-il pertinent, monsieur le garde des sceaux, d'ouvrir de nouveaux CEF publics, et comment comptez-vous rapprocher le coût des structures publiques de celui des structures associatives ?

Dernière observation : sept établissements pénitentiaires pour mineurs, chacun d'une capacité de soixante places, ouvriront en 2007 et 2008, alors que des travaux très importants de rénovation et d'ouverture de quartiers mineurs ont été menés dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, la LOPJ.

Actuellement, le taux d'occupation des quartiers mineurs n'est que de 60 %. Les capacités paraissent donc supérieures aux besoins. Dans ces conditions, ne craignez-vous pas que le programme de réalisation de sept établissements pénitentiaires pour mineurs ne soit surdimensionné par rapport aux besoins ?

En conclusion, je tiens à insister sur l'urgence de disposer d'un panel de mineurs, attendu depuis 1996, qui permettra d'observer tous les mineurs nés entre un 1er et un 15 octobre dont l'institution judiciaire a eu à connaître, et ainsi d'évaluer l'impact des décisions judiciaires prises en assistance éducative et au pénal sur la trajectoire du mineur.

La première version de la base d'études du panel constitué à partir des fichiers transmis par les juridictions fait actuellement l'objet de tests. Nous attendons avec intérêt les premiers résultats provisoires qui interviendront début 2007.

Je ne voudrais pas terminer cette intervention sans rendre hommage une nouvelle fois, comme je l'ai déjà fait l'an dernier, aux éducateurs qui travaillent dans le silence et l'anonymat, loin des médias. Plus on les connaît, plus on les apprécie et j'ai personnellement eu l'occasion de mesurer, en visitant certains centres, l'abnégation, la disponibilité, le courage et le dévouement dont ils font preuve.

Sous réserve de ces observations, votre commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse ».

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