Intervention de Stéphane Le Rudulier

Réunion du 11 mars 2021 à 14h45
Élection du président de la république — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi organique

Photo de Stéphane Le RudulierStéphane Le Rudulier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à titre liminaire, je voudrais remercier l’ensemble des membres de la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 2 mars dernier. J’aimerais notamment saluer le rapporteur pour l’Assemblée nationale, M. Alain Tourret, avec lequel j’ai eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises pour aboutir à ce texte commun, dans un esprit d’écoute et de dialogue.

À l’origine, il est vrai, il s’agissait de procéder à un simple toilettage technique en modifiant, un an avant l’élection présidentielle, des dispositions organiques introduites en 1988 dans la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel. Or ce toilettage technique a pris une tout autre dimension avec le dépôt tardif d’un amendement du Gouvernement relatif au vote anticipé via des machines à voter.

Les problèmes de fond que cet amendement soulevait ont été largement évoqués dans l’hémicycle, mais le problème était avant tout de forme ; vous l’avez d’ailleurs reconnu en séance publique, madame la ministre. En effet, l’amendement a été déposé très tardivement devant la deuxième chambre saisie, sans consultation préalable de l’Assemblée nationale, ni des forces politiques, ni encore du Conseil d’État. Le procédé a d’ailleurs fortement ému non seulement les sénateurs, mais également les députés, considérant qu’il s’agissait là d’une question de respect du Parlement et, plus largement, de nos institutions.

Dans ces conditions – tout le monde en conviendra –, il était singulièrement difficile d’aborder une telle problématique. Pourtant, je reste intimement convaincu de la nécessité d’introduire des évolutions dans notre droit électoral, s’agissant notamment de la diversité des modalités de vote ; la récente mission d’information du Sénat sur le vote à distance l’a d’ailleurs prouvé.

Encore une fois, nous ne refusons pas de réfléchir sur un sujet aussi essentiel pour notre vie démocratique. Toutefois, la réflexion doit être totalement déconnectée de tout contexte électoral, en particulier de l’élection clé de voûte de nos institutions. À mon sens, il n’y a pas de place pour de l’expérimentation sur des questions aussi sensibles dans le cadre de l’élection présidentielle. En matière de droit électoral comme de fonctionnement de nos institutions, qu’il s’agisse des modes de votation ou des systèmes électoraux, il semble indispensable de prendre beaucoup de recul pour mesurer dans un climat serein et apaisé toutes les conséquences d’idées qui peuvent paraître novatrices, modernes, voire séduisantes, mais dont la mise en œuvre pourrait aussi avoir des effets pervers, contraires aux objectifs visés.

Une fois cette difficulté dépassée, l’accord des deux chambres sur un texte commun nous a paru tout à fait possible. D’ailleurs, certains apports non négligeables du Sénat n’ont soulevé aucune difficulté. J’en mentionnerai cinq.

Le premier est l’accessibilité de la campagne électorale aux personnes en situation de handicap. C’est vraiment une avancée majeure. Certes, nous restons au stade de l’incitation pour l’ensemble des candidats, tout en nous appuyant sur l’expertise du Conseil national consultatif des personnes handicapées. En effet, la multitude des supports de propagande et la diversité des handicaps ne nous ont pas permis d’aller plus loin.

Le deuxième est l’actualisation des listes des parrains, afin de tenir compte des dernières réformes de l’organisation territoriale.

Le troisième est la publication obligatoire des marges d’erreur des instituts de sondage à chaque utilisation de ceux-ci.

Le quatrième est le caractère expérimental de la dématérialisation des comptes de campagne et des reçus-dons, qui permettra d’évaluer le dispositif avant toute généralisation éventuelle.

Le cinquième est la publication des comptes de campagne en open data, comme pour l’ensemble des autres élections.

En outre, trois sujets ont fait l’objet de discussions approfondies.

Les deux premières modifications étaient d’ordre purement technique. Elles étaient issues d’amendements du groupe socialiste du Sénat, que nous vous avons proposé de conserver. D’une part, une date limite plus précoce est fixée pour la publication de la liste des candidats. Implicitement, cela permettra de sécuriser la période dite « intermédiaire » tout en laissant un laps de temps suffisant au Conseil constitutionnel pour contrôler les parrainages. D’autre part, l’avance versée à l’ensemble des candidats pour financer leur campagne électorale est portée de 153 000 euros à 200 000 euros. Sur ce point, nous ne faisons que prendre en compte l’inflation.

Un sujet était beaucoup plus délicat : la durée de la période de financement de la campagne présidentielle. Celle-ci était fixée à un an, contre six mois pour les autres élections. Nous vous proposons à titre exceptionnel une durée de neuf mois, au regard du contexte si singulier. La période de financement débuterait ainsi le 1er juillet 2021.

La proposition avait un objectif clair : éviter tout chevauchement avec les élections régionales et départementales qui auront lieu au mois de juin prochain. Il s’agissait également de se prémunir contre les difficultés de ventilation des dépenses entre les différents scrutins qui placeraient dans une insécurité juridique des candidats se présentant aux deux élections.

Les critères de répartition de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques nous ont paru très incertains. D’ailleurs, il a été observé que la situation de l’élection présidentielle était totalement incomparable avec celle des élections législatives, la ligne de démarcation entre les deux campagnes étant la défaite au premier tour ou au second tour du scrutin présidentiel d’un candidat qui se présenterait ensuite à la députation.

Incontestablement, nous ne sommes pas dans la même chronologie. Le délai d’un an avait été maintenu pour l’élection présidentielle afin d’englober les primaires. Or aucun parti n’a prévu l’organisation de primaires d’ici au 1er juillet prochain.

Le délai de neuf mois, qui correspond d’ailleurs à l’idée initiale du Gouvernement, nous semble donc le plus adapté pour la prochaine élection présidentielle.

Tel est, mes chers collègues, le texte commun aux deux chambres que nous vous proposons d’adopter définitivement aujourd’hui. J’aimerais une nouvelle fois remercier l’ensemble des membres de la commission des lois de la qualité de nos échanges, ainsi que l’ensemble des sénateurs de la qualité de nos débats en séance publique.

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