Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 11 mars 2021 à 14h45
Élection du président de la république — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi organique

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vais pas m’attarder sur l’avatar qu’a constitué le dépôt par le Gouvernement d’un amendement en séance devant le Sénat : il a assez fait parler de lui – trop, vraisemblablement ! Je vais commencer par saluer les quelques avancées techniques, qui sont essentiellement dues à la sagesse des parlementaires, lesquels ont su s’accorder sur un texte qui avait été travaillé de manière assez équilibrée par notre commission et notre assemblée.

Comme l’a déjà fait remarquer notre rapporteur, le texte reprend les avancées prévues par nos travaux sénatoriaux. Toutefois, je continue de regretter l’abandon de la transmission électronique des parrainages, pourtant prévue depuis plusieurs années et repoussée à l’élection suivante. C’est un réel constat d’échec de ne pas avoir pu, en quatre ans, mettre en place les conditions de sécurité permettant ce processus de dématérialisation.

Il me paraît tout de même étrange, à l’heure du télétravail et de la déclaration des impôts par internet, que le Gouvernement n’ait pas pu sécuriser moins de 50 000 connexions non simultanées. Pourtant, ce texte prévoit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques mette en œuvre un téléservice permettant l’édition et la délivrance de reçus pour chaque don versé à un candidat et un autre pour recevoir de manière dématérialisée les comptes de campagne. J’espère bien évidemment que cette simplification numérique bénéficie des mêmes critères de sécurité qui justifient le non-recours à la dématérialisation des parrainages…

J’en profite pour souligner l’importance fondamentale d’un sujet peu souvent mis en avant : le vote des détenus.

Je l’ai déjà dit, mais je souhaite le répéter : la prison est certes le lieu d’exécution de la peine, mais elle est aussi le lieu qui doit permettre la réinsertion du délinquant. Comment envisager une réinsertion, alors que ces personnes sont exclues de fait, et non en droit, de la participation à la vie citoyenne que constitue le moment fort de notre vie démocratique, l’élection présidentielle ? Malgré le succès relatif de l’établissement de bureaux de vote lors des élections européennes, il a été choisi de ne pas renouveler l’expérience pour se concentrer sur le vote par correspondance. Il est dès lors très important que l’administration pénitentiaire prenne part activement à l’information des détenus sur leur droit à être inscrits sur une liste électorale, mais aussi sur les démarches à effectuer et sur les modalités du vote par correspondance.

Le texte a aussi gardé les modifications sur le vote par procuration, considéré comme une modalité du vote ne nécessitant plus d’être justifiée et devant s’appliquer à tous, y compris aux Français de l’étranger. Je reste, comme vous le savez, excessivement prudent sur le déploiement de ce vote par procuration : il me semble que c’est celui qui présente le risque le plus fort de non-sincérité.

Je salue le fait que les apports sénatoriaux sur les conditions de publication des sondages aient été conservés. Certes, d’un point de vue personnel, mes réticences sur les dates possibles de ces publications sont bien plus grandes. Il n’en reste pas moins que notre texte permet d’apporter une explication de ces chiffres, de montrer les limites des méthodes statistiques sur les intentions de vote et d’accompagner ces publications a minima des marges d’erreur calculées, voire de réglementation plus drastique sur les périodes tolérées de réalisation et de diffusion.

Ces améliorations techniques sont nécessaires, mais il est de notre devoir d’essayer d’utiliser le plus grand nombre de moyens pour faciliter le vote. Nous devons également garder en tête notre responsabilité de nous poser les bonnes questions, en particulier comment donner envie de voter ; pour cela, il est nécessaire de crédibiliser la capacité des élus de tous niveaux à changer la vie quotidienne de nos concitoyens.

Notre système est à bout de souffle, notre démocratie fragilisée, pas seulement en raison des mesures restrictives prises au nom de la lutte contre la pandémie. Il est donc plus que temps de réfléchir sur notre République et sur les dangers de l’hyperprésidentialisation.

La légitimité issue des citoyens ne devrait pas pouvoir être détachée de la responsabilité envers eux – les deux sont liées. Le Président, en gouvernant seul, hors du cadre régulier prévu par notre démocratie, se permet en quelque sorte d’échapper aux électeurs.

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