Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, qui aurait dû n’être qu’une routine législative précédant l’élection présidentielle, a pris une ampleur dépassant largement l’écho de ses faibles ambitions. Sans crier gare, sans débat ni étude d’impact, le Gouvernement a déposé un amendement visant à proposer le vote par anticipation la semaine avant l’élection présidentielle dans certaines communes dotées de machines à voter.
Nous avons toutes et tous été pris de court par ce manque de sérieux du Gouvernement. Sur la forme, d’abord, puisqu’un tel dispositif impliquerait des moyens importants de sécurisation technique et juridique. Les risques de fraudes liés à l’usage du vote sur les machines ne peuvent être minimisés. Sur le fond, ensuite, puisqu’une telle proposition est susceptible de constituer une atteinte à la sincérité du scrutin. En effet, son adoption aurait entraîné une rupture d’égalité entre les électeurs dans leur information, laquelle peut influencer leur décision jusqu’au dernier moment. Nous nous félicitons donc que l’examen en CMP n’ait pas conduit à la réintroduction de cet amendement. Cet épisode nous aura cependant révélé une défaillance inquiétante dans les méthodes de travail de l’exécutif.
À rebours de la logique du Gouvernement, nous estimons que la portée de la campagne électorale ne doit pas être minimisée. Nous souhaitons que l’ensemble des candidats puissent la mener dans de bonnes conditions et que les électeurs soient correctement informés. Cela nous paraît d’autant plus nécessaire en période de pandémie. C’est pourquoi nous avions déposé des amendements sur les sondages, par exemple, afin d’aller plus loin que la publication des marges d’erreur et de limiter la manipulation de l’opinion par un outil qui n’a rien de neutre.
Sur la campagne audiovisuelle, pour assurer le pluralisme et la visibilité de l’ensemble des candidats, nous souhaitons que la norme soit l’égalité, plutôt que l’équité, laquelle favorise ceux qui disposent déjà d’une forte exposition. Nous ne pouvons laisser la bonne information des citoyens entre les mains des grands groupes privés détenant les médias. Le rôle du législateur doit être de réguler l’organisation des échéances démocratiques afin de garantir des débats d’idées pluralistes et représentatifs de l’ensemble de la société.
Enfin, concernant la tenue de la campagne et de l’élection, face à la situation sanitaire dans laquelle nous sommes depuis maintenant un an, l’absence de dispositions pour anticiper les risques de perturbation nous paraît à contre-courant et dommageable. Nous sommes pourtant parfaitement capables de prendre de telles dispositions.
Le vote représente pour nous un pilier fondamental de la démocratie. Contre sa déterritorialisation et sa complexification par des artifices techniques, nous défendons la forme citoyenne du scrutin. Afin que chacune et chacun de nos concitoyens puisse participer pleinement à l’exercice du droit de vote, nous avions également déposé un amendement défendant la tenue de bureaux de vote dans les établissements pénitentiaires.
Le texte de la CMP intègre des améliorations votées par le Sénat : sur l’accessibilité de la propagande pour les personnes handicapées, la publication des comptes de manière plus transparente ou encore l’avancement de la date de publication de la liste des candidats, que nous avions porté par amendement. Nous regrettons cependant que nos autres propositions n’aient pas été retenues.
Ce projet de loi aurait pu permettre des avancées, mais il demeure un texte d’actualisation à la marge du cadre de l’élection présidentielle. Il passe surtout pour nous à côté de l’essentiel : la remise en question d’un régime hyperprésidentiel, avec un Parlement mis à distance. C’est pourquoi, vous le savez tous, nous nous inscrivons dans une démarche de révision de nos institutions pour aller vers une VIe République véritablement démocratique et préservée des manœuvres au service des ego et intérêts privés.
Notre groupe ne s’opposera pas à ce texte, mais il s’abstiendra : nous considérons qu’il est une validation du régime actuel.