Intervention de Georges Othily

Réunion du 4 décembre 2006 à 10h00
Loi de finances pour 2007 — Justice

Photo de Georges OthilyGeorges Othily :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans un contexte budgétaire que chacun sait très difficile, les crédits alloués à la mission « Justice » et à ses cinq programmes augmentent de presque 5 %, pour atteindre dans le projet de loi de finances pour 2007 un montant de plus de 6 271 millions d'euros de crédits de paiement. Monsieur le ministre, il s'agit là, déjà, d'une très bonne raison de voter les crédits de cette mission !

Nous ne pouvons que nous féliciter de cette progression globale, et il faut reconnaître que la justice demeure l'une des grandes priorités budgétaires de ce gouvernement, comme de ceux qui l'ont précédé depuis 2002.

Ce même budget augmentait de 4 % en 2005 et de 4, 6 % en 2006. En 2002, il représentait 1, 69 % du budget de l'État. Aujourd'hui, il atteint 2, 34 %.

Cependant, une autre réalité s'impose à nous, à savoir l'insuffisance chronique du budget de la justice dans notre pays.

La nécessité de revaloriser ces crédits apparaît très nettement lorsque l'on tente une étude comparée avec les grands pays européens : toutes choses égales par ailleurs, la France dépense pour son institution judiciaire moitié moins que son voisin et partenaire allemand.

Néanmoins, les crédits de la mission « Justice » reflètent la poursuite de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, et tout particulièrement du dernier volet de la politique volontariste de rénovation et de construction engagée par le Gouvernement.

En effet, 2007 sera l'année de la mise en service des nouveaux établissements pénitentiaires et palais de justice. Ce programme immobilier représentera 1, 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement.

Parmi ces crédits, 890 millions d'euros permettront à l'administration pénitentiaire de créer 13 200 places, réparties entre trente établissements, afin de faire face à la surpopulation carcérale et à la vétusté de nombre d'établissements. La France devrait alors disposer d'environ 60 000 places de détenus, qui seront surveillées par 22 465 emplois temps plein travaillé, ou ETPT, soit une hausse de 196 ETPT.

Devons-nous en déduire, monsieur le garde des sceaux, que les effets des spots publicitaires télévisés destinés à recruter des surveillants de prison sont à la hauteur de vos espérances ?

Aussi, êtes-vous en mesure de m'indiquer combien de ces nouveaux ETPT bénéficieront au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly, en Guyane ? Combien d'entre eux seront affectés en Guadeloupe, en Martinique, ou à La Réunion ?

De même, combien des 13 200 nouvelles places seront attribuées à l'unique établissement pénitentiaire de Guyane, ou aux prisons de Ducos, en Martinique, ou de Baie-Mahault, en Guadeloupe, dont vous avez pu constater les insuffisances lors de votre visite, en octobre 2005 ?

Depuis votre venue, et compte tenu de la situation très grave dans laquelle se trouve la Guyane en matière de criminalité, de délinquance et de trafic de drogue - en témoigne la participation active de ce département au dispositif TREND, ou tendances récentes et nouvelles drogues -, l'état des prisons ne s'est pas amélioré, naturellement, pour ne pas dire qu'il s'est détérioré !

L'établissement de Rémire-Montjoly confirme très largement le constat dressé par le rapport de 2005 du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe sur l'état de nos établissements pénitentiaires. Ce rapport rejoignait d'ailleurs en grande partie les conclusions rendues en 2000 par les commissions d'enquête de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui - faut-il le rappeler ? - qualifiaient nos prisons d'« humiliation pour la République ».

Monsieur le ministre, vous avez présenté la construction de nouvelles prisons comme une réponse aux problèmes carcéraux. S'agit-il de la seule solution à mettre en oeuvre ? Non !

Comme l'a rappelé M. Jacques Pelletier, le 11 mai dernier, à l'occasion de sa question orale avec débat sur les conclusions du rapport du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe concernant le respect effectif des droits de l'homme dans notre pays, la construction de nouveaux établissements ne peut être qu'un préalable à une refonte globale, d'une part, de notre politique pénitentiaire, et d'autre part, de notre dispositif judiciaire.

Certes, les détenus sont intentionnellement retirés de l'espace public afin de protéger la société, mais ils ne perdent pas pour autant leur qualité intrinsèque de personnes humaines, pas plus que leur dignité. Les actions engagées pour les préparer à se réinsérer dans la société, une fois leur peine purgée, sont indissociables du droit légal à la rédemption et à la réhabilitation de tous ceux qui, à un moment ou à un autre, ont enfreint les règles posées par la collectivité.

La réflexion doit être engagée sur les motifs même de l'incarcération : la détention provisoire, qui est juridiquement l'exception, est devenue la norme. Rappelons les termes de l'article 137 du code de procédure pénale : « La personne mise en examen, présumée innocente, reste libre. Toutefois, en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire. Lorsque celles-ci se révèlent insuffisantes au regard de ces objectifs, elle peut, à titre exceptionnel, être placée en détention provisoire. »

Au lieu de servir à protéger l'ordre public, la détention provisoire devient un moyen de pression physique et psychologique pour obtenir des aveux. Le nombre des détentions provisoires ne cesse d'augmenter, alors que le nombre de condamnations finales reste stable. Ne faut-il pas voir dans cette situation une contradiction, monsieur le garde des sceaux ?

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