Monsieur le garde des sceaux, un budget qui progresse de 5 % dans un contexte budgétaire difficile - mais l'on part de très bas -, vous vaut des compliments, parfois relatifs, émanant même de certains membres de l'opposition à l'Assemblée nationale.
Cependant, nous sommes assez loin des promesses faites par votre prédécesseur en 2002. Les objectifs de la loi d'orientation ne seront que partiellement atteints en 2007 du fait de budgets insuffisants, de gels et de reports de crédits suivis d'annulations au cours de ces dernières années.
M. le rapporteur spécial, Roland du Luart, soulignait à juste titre précédemment que les prévisions, en matière de création de postes de magistrat, seront satisfaites à 81 % à la fin de 2007, soit un déficit de 19 %. Mais, pour ce qui concerne les créations de postes de fonctionnaire de justice, la situation s'annonce catastrophique puisque moins de 58 % des prévisions seront réalisées. Or, ces personnels sont indispensables à l'accomplissement des tâches des magistrats, comme nous le savons.
Le manque de magistrats et de greffiers va s'aggraver avec les départs massifs à la retraite d'ici à 2010, et votre collègue ministre de l'intérieur incrimine la lenteur des magistrats, alors que ce sont les moyens qui font défaut.
Vous n'êtes ni le premier, ni le seul responsable de ces carences, monsieur le garde des sceaux. La responsabilité en incombe à la gestion de ces quatre dernières années, et, même, bien avant. Les deux derniers gouvernements ont seulement aggravé la situation puisque, en 2002, l'arsenal répressif a été durci par les lois Sarkozy et Perben, sans que l'ordre public s'en trouve amélioré, bien au contraire.
Quoi qu'il en soit, la part du budget de la justice au sein du budget de la France demeure l'une des plus faibles d'Europe, ce qui relativise une augmentation, cette année, de 5 %. Comme d'autres orateurs viennent de le rappeler, notre pays dépensera, pour la justice, moitié moins que l'Allemagne et se situe au trente-septième rang des quarante-cinq membres du Conseil de l'Europe.
Le budget pour 2007 ne comblera pas le retard pris, notamment en matière de recrutement de magistrats et de personnels administratifs, tant ce retard est important.
De surcroît, le fonctionnement du nouvel arsenal répressif, l'augmentation du rythme des comparutions immédiates - une justice à la hache -, le recours trop fréquent à l'incarcération plutôt qu'aux peines alternatives à l'emprisonnement, tout cela contribue à expliquer l'augmentation de la surpopulation carcérale.
Tous ceux qui ont visité des prisons, à commencer par les députés et les sénateurs auteurs de deux rapports parlementaires, ont constaté que les détenus étaient dans une large mesure des personnes défavorisées. La grande majorité de la population pénitentiaire se compose en effet de pauvres, ce qui nous renvoie le reflet d'une société injuste et inégalitaire. Dire cela, ce n'est pas faire preuve d'angélisme, mais c'est montrer le chemin du nécessaire combat contre les inégalités, les discriminations et la précarité qui s'accroissent dans notre pays.
Mais parlons de la surpopulation carcérale. On constate un flux annuel de 85 000 entrées et sorties, soit l'équivalent de la population d'une grande ville moyenne. Ce chiffre est effrayant. Selon les statistiques officielles, le nombre des détenus s'élevait à 57 612 le 1er novembre dernier, alors que, théoriquement, le nombre de places est de 50 400. Environ un tiers des personnes détenues sont, en réalité, placées en détention provisoire ; combien d'entre elles seront déclarées innocentes ? Je vous le demande !
Le taux moyen d'occupation des prisons atteint 111 %, mais des écarts tragiques sont constatés dans les maisons d'arrêt, en particulier ; on relève des pics dans neuf établissements ou quartiers, dont le taux d'occupation culmine à 200 %.
L'administration pénitentiaire représente 35, 7 % du budget de la justice. L'essentiel des crédits sera consacré à l'élévation des murs, à la garde et au contrôle des personnes placées sous main de justice. Personne ne contestera la nécessité de remplacer les prisons les plus vétustes et de réhabiliter le parc pénitentiaire, quand on sait que 109 des 188 établissements ont été construits avant 1920. Toutefois, cela ne vous dispense pas d'intervenir dans les prisons, je pense notamment aux maisons d'arrêt Saint-Paul Saint-Joseph, à Lyon, à La Santé, à Paris, où des travaux sont prévus, au centre pénitentiaire de Fresnes ou à la maison d'arrêt de Saint-Denis de la Réunion.
Voyez le surpeuplement et le manque d'hygiène dans les cellules des prisons lyonnaises. J'ai croisé une petite troupe de six ou sept rats à plusieurs reprises dans les couloirs. Des fils électriques dénudés pendent dans certains corridors. Telle est la situation, nous dit-on, en attendant la mise en service de la nouvelle prison, à Corbas, dans la banlieue lyonnaise. Mais il serait bon de faire quelque chose tout de suite !