Je voudrais vous y voir, mon cher collègue ! Voilà quelque temps, j'ai d'ailleurs invité M. le garde des sceaux à s'y rendre, puisqu'il est président du conseil général de la Loire, dans la région Rhône-Alpes, et sa visite serait fort appréciée.
Quand bien même les prévisions de construction se réaliseraient - n'oubliez pas, alors, de fermer les établissements dégradés -, les moyens en personnels ne suivront pas. On continuera de manquer de surveillants, faute des crédits nécessaires, mais aussi faute de candidats, tant les conditions de travail sont dures.
Voilà qui est plus grave : même si certaines amorces apparaissent dans le présent projet de budget, la terrible insuffisance des moyens humains et financiers n'est pas sans conséquences. Il en est ainsi pour tout ce qui touche à la santé des détenus, au traitement des maladies mentales d'un nombre grandissant de détenus, dont la place n'est pas en prison, au manque de moyens relatifs à l'éducation des mineurs, qu'il faut, d'une manière générale, sauf cas très exceptionnel, préserver de l'emprisonnement.
Il en est de même pour la formation générale et professionnelle, l'entretien physique, l'accès à des activités intellectuelles, manuelles, sportives, la préparation à la sortie de prison et le suivi ultérieur, autrement dit la réinsertion, le maintien des liens familiaux pendant la détention, l'aménagement des peines, les libérations conditionnelles, qui ne sont encore accordées qu'avec trop de parcimonie.
Bref, les insuffisances en moyens frappent tous les facteurs qui permettent à l'emprisonnement d'être une sanction par la privation de liberté, et non pas une punition par la dégradation. Voilà pourquoi c'est bien trop souvent l'inverse qui se produit.
Comment ne pas relever aussi en amont l'insuffisance des crédits alloués du fait des retards pris vis-à-vis des associations oeuvrant pour la protection judiciaire de la jeunesse ? Quelles sont les perspectives aujourd'hui pour les projets éducatifs ? Un certain nombre d'entre nous ont des inquiétudes à ce sujet.
Comment aussi ne pas s'inquiéter de l'insuffisance de l'aide juridictionnelle qui, malgré une revalorisation de 6, 6 % de l'unité de valeur, continue de priver les plus démunis du droit légitime à être défendu ? M. Jean-Pierre Sueur présentera, sur ce point, un amendement au nom de notre groupe.
Ainsi, trop souvent, le système pénitentiaire fonctionne à rebours : il fabrique alors des révoltés, quand il ne détruit pas les individus, aggravant les tares de notre société, au premier rang desquelles on peut citer l'insécurité, avec son corollaire de victimes.
Monsieur le garde des sceaux, j'avais dit à l'un de vos prédécesseurs, avant 2002, que le succès d'un garde des sceaux et d'un gouvernement se mesurait, selon nous, à la diminution du nombre des détenus. Je le répète aujourd'hui à votre intention.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, on comprend que l'institution judiciaire soit en crise. L'affaire d'Outreau a révélé l'impérieuse nécessité de réformes qu'il faudra accomplir, quitte à déranger certains corporatismes.