Intervention de Claude Raynal

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 3 mars 2021 à 9h00
Évolution du modèle bancaire et avenir de la banque universelle — Audition de Mme Maya Atig directrice générale de la fédération bancaire française fbf Mm. Denis Beau premier sous-gouverneur de la banque de france paul de leusse directeur général d'orange bank et alexandre prot cofondateur et président-directeur général de qonto

Photo de Claude RaynalClaude Raynal, président :

Je cède désormais la parole à M. Paul de Leusse, directeur général adjoint du groupe Orange, en charge des services financiers mobiles. Il nous précisera le point de vue sur ces questions d'une néobanque, qui, ces derniers jours, a fait l'actualité.

Paul de Leusse, directeur général adjoint du groupe Orange, en charge des services financiers mobiles. - Je souhaite commencer par un mot rapide d'introduction, afin de présenter l'activité d'Orange Bank. Au total, Orange Bank compte 1,3 million de clients en Europe et, après six mois d'exploitation en Afrique, 500 000 nouveaux clients sur ce continent. Le lancement des activités bancaires d'Orange répond à un objectif de démocratisation de l'innovation, qui constitue l'une des racines du groupe.

En France, les trois quarts des ouvertures de compte ont lieu au sein de nos boutiques et points de vente physiques. Le profil des clients procédant à des ouvertures de comptes en boutique est assez différent de celui des clients captés par le canal digital. Pour l'essentiel, ce sont des clients qui n'auraient pas forcément fait le choix d'une banque digitale sans une prise de contact physique en boutique.

En Afrique, Orange a développé une offre à destination des 80 % d'Africains qui n'ont pas accès aux services bancaires. Il s'agit de démocratiser le crédit et l'épargne en les rendant accessibles avec un simple téléphone à touche sans nécessité de disposer d'un smartphone.

De plus, nous pensons qu'il est possible de réaliser une hybridation entre le monde des télécoms et le monde bancaire. Nous avons ainsi pu mettre en oeuvre des solutions de financement et d'assurance mobile mais également exploiter, avec l'accord du client, la donnée télécom dans une optique d'octroi de financements. Alors que la France est un des pays les plus régulés en la matière, nous sommes très heureux de pouvoir octroyer des prêts sur la base du comportement télécom des utilisateurs.

Par ailleurs, je ne pense pas qu'il faille opposer néobanques et banques traditionnelles. Il me semble plutôt que l'opposition à faire aujourd'hui est celle qui distingue les acteurs installés en France, régulés selon les normes nationales et les acteurs étrangers qui ne sont pas soumis aux régulations françaises mais peuvent opérer sur le territoire. L'écart de niveau d'exigences de régulation est nuisible tant aux néobanques qu'aux banques traditionnelles.

Par exemple, sur l'entrée en relation, les règles applicables aux acteurs établis en France et à l'étranger divergent. Les banques installées dans certains autres États membres bénéficient en effet de contraintes documentaires plus souples.

Un deuxième exemple d'asymétrie concerne la réglementation applicable au métier de banquier stricto sensu. Plusieurs entreprises de fintech offrent des services que l'on qualifie de parabancaires. Alors que le métier de banquier est très régulé, les professions parabancaires le sont en réalité très peu. Les conseillers Orange réalisant l'ouverture d'un compte Orange Bank doivent ainsi avoir suivi quatre-vingts heures de formation. Si Orange s'était limité à des offres parabancaires comme des prestations de paiement, les collaborateurs n'auraient eu à suivre aucune formation. Sur ce point également, il y a une asymétrie nuisible par rapport aux entreprises installées à l'étranger.

Enfin, mon dernier exemple concerne l'Afrique où Orange a été approché par l'un des principaux acteurs mondiaux du numérique pour lancer une monnaie adossée au dollar. Orange a refusé de participer à cette association mais il s'agit d'un exemple d'innovation non régulée qui peut conduire à un affaiblissement des monnaies nationales.

Je passe la parole à M. Alexandre Prot, cofondateur de l'entreprise Qonto, afin qu'il nous en dise davantage sur les conditions de développement d'une fintech. Quels sont vos objectifs et quelles sont, selon vous, les avantages d'une néobanque par rapport au secteur traditionnel ?

Alexandre Prot, cofondateur de l'entreprise Qonto. - Qonto étant sans nul doute moins connu qu'Orange Bank, je vais d'abord revenir rapidement sur nos activités et notre développement. Qonto est un établissement de paiement réglementé, basé à Paris.

Il s'agit d'un établissement de paiement actif depuis désormais quatre ans, servant 120 000 clients qui sont essentiellement des TPE, des PME et indépendants à la fois en France mais aussi en Allemagne, en Italie et en Espagne. Les effectifs de Qonto représentent près 300 personnes à Paris.

L'entreprise connait un très fort développement de son chiffre d'affaires et du nombre de clients. Cette croissance nous a valu d'être intégrés en début d'année dans le Next 40, indice créé par le Gouvernement français pour identifier les futures licornes, soit les entreprises en forte croissance, dont la valorisation parvient à dépasser le milliard d'euros. L'objectif affiché par le président de la République est d'atteindre la création de vingt-cinq licornes françaises d'ici 2025.

Qonto vend à ses clients la mise en place d'un compte courant qui permet de réaliser des paiements et des prélèvements et qui est associé à une offre de cartes de paiement, simple ou premium, avec des plafonds et des assurances différenciés.

Les procédures se font intégralement en ligne, soit sur le site internet, soit sur les applications mobiles. Que ce soit l'ouverture de compte, les échanges avec les conseillers, ces opérations sont réalisées à distance et dans cinq langues différentes : français, allemand, espagnol, italien et anglais.

Selon nous, la raison de l'afflux de clients tient à trois éléments : d'abord, la fluidité des applications qui rend très simple l'ouverture du compte, l'ajout de bénéficiaire ou encore la réalisation de virements.

De plus, le service client est particulièrement réactif et disponible. Le support client est ouvert sept jours par semaine, de neuf heures à dix-neuf heures les jours ouvrés et sur des plages plus restreintes le week-end. Le service est disponible quand le client en a besoin.

Concernant la tarification, celle-ci est particulièrement simple : tous les tarifs sont directement accessibles sur le site internet. Proposant une offre plus restreinte que les banques traditionnelles, il est aussi plus simple d'avoir une offre plus claire pour les clients, sans surprises et sans commissions qui ne soient pas comprises. Notre force réside dans la combinaison d'une application très fluide, un support particulièrement disponible et une tarification transparente.

Parmi les clients de Qonto, 70 % d'entre eux sont des entreprises existantes au moment de l'ouverture du compte et qui disposaient déjà d'un compte dans une banque traditionnelle. La moitié d'entre elles a ensuite fait le choix de ne conserver que leur compte Qonto. Les 30 % d'entreprises restant se créent et s'immatriculent directement avec Qonto. En France, 800 000 entreprises se créent par an et notre objectif est de leur offrir un outil simple et fluide pour se lancer et facturer leurs clients rapidement.

Afin de financer cette forte croissance, alors que nous ne sommes pas encore rentables, nous avons déjà levé un total de 136 millions d'euros, avec des profils d'investisseurs assez divers, français, américains, anglais, et même chinois avec un investissement en capital du géant technologique chinois Tencent.

Qonto reste cependant un acteur indépendant des grands groupes traditionnels, et souhaite le rester. Parmi nos investisseurs, nous comptons notamment le directeur financier d'Adyen, entreprise néerlandaise qui montre bien le succès que peuvent atteindre certaines entreprises de la fintech avec une valorisation de plus de 65 milliards d'euros. Notre objectif est de rester indépendant sans d'adosser à un grand groupe.

Pour moi, il est particulièrement important de veiller à la compétitivité des entreprises françaises et du marché français par rapport aux autres acteurs européens ou basés dans un autre État membre. Le dispositif de passeport européen permettant d'opérer dans tous les États membres, cela crée une asymétrie de concurrence pour les entreprises installées en France. Il est nécessaire que les règles imposées aux acteurs basés en France soient similaires à celles imposées aux acteurs basés à l'étranger. Alors que nous avons fait le choix de nous localiser en France, certains acteurs réalisent des choix différents et il est indispensable de parvenir à uniformiser les règles.

Un second point de vigilance concerne les types d'acteurs ou d'agrément : il me semble incohérent de constater qu'en tant qu'établissement de paiement, nous ne pouvons par réaliser un certain nombre d'opérations qui relèvent exclusivement des établissements de crédit. Tel est notamment le cas des dépôts de capital social des entreprises donnant à lieu à une attestation de dépôts des fonds, et qui ne peuvent être réalisés qu'au sein des établissements de crédit. C'est un exemple de ce qui pourrait être ajusté pour faciliter l'innovation et pour encourager davantage la création d'entreprises en France.

Pour conclure, je souhaite simplement rappeler que la frontière entre banque et néobanque n'est pas toujours parfaitement nette mais qu'il y a bien une continuité dans les services apportés.

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