Notre analyse du phénomène des personnes sans domicile s'est appuyée sur les indicateurs de l'Insee que nous étions en capacité d'actualiser. Ces indicateurs recouvrent les personnes sans abri, hébergées dans l'hébergement d'urgence ou d'insertion, hébergées dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile, résidant dans des locaux impropres à l'habitation, etc. L'actualisation des chiffres concernant ces publics nous a conduit à produire une estimation globale à hauteur de 300 000 personnes. Cette estimation a minima a ensuite été confirmée par la Cour des comptes. Nous ferions donc bien face à un doublement extrêmement préoccupant de cette population depuis 2012. Cette population aurait même triplé par rapport à l'enquête réalisée par l'Insee en 2001.
Du reste, l'enquête de l'Insee sur le sujet devrait être relancée prochainement, ce qui devrait aussi permettre de porter un regard sur les parcours des personnes concernées.
Pour ce qui est de mettre fin au sans-abrisme, cinq à dix années pourraient être suffisantes, en fonction de la tension au sein des territoires.
Toutefois, le problème du sans-abrisme nécessiterait d'être considéré, non pas en tant que tel, mais en tant que conséquence d'une défaillance d'autres politiques publiques (aide sociale à l'enfance, accompagnement des sortants de prison ou d'hôpitaux psychiatriques, accompagnement des personnes expulsées, accompagnement des victimes de violences conjugales, prise en charge des populations exilées, etc.).
L'enjeu serait donc de faire en sorte que les aides apportées à ces personnes, à tel ou tel moment de leur parcours, puissent permettre à la puissance publique et/ou aux associations de leur offrir ou de les orienter vers des solutions de logement dignes et durables, le cas échéant à travers le logement social, les APL, la mobilisation du parc privé à vocation sociale, la création de solutions accompagnées, le logement d'insertion, etc.
On observe par ailleurs, dans les grandes villes, une insuffisance chronique de logements à loyers accessibles pour des populations à faibles ressources, si bien que le secteur de l'hébergement ne cesse de croître, avec pour conséquence une augmentation constante du BOP 177, qui dépasse aujourd'hui les 2 milliards d'euros.
Pour mettre fin au sans-abrisme, il conviendrait donc de déployer la politique du logement d'abord à une plus grande échelle, pour prévenir les exclusions par le logement et être en capacité de proposer aux personnes concernées des solutions de logement adaptées et durables, plutôt que de les faire tourner au sein de différents dispositifs, à grands frais pour leur santé et les finances publiques.
Il y a là une réflexion à mener sur la définition d'une véritable politique sociale du logement.
Pour ce qui est des évolutions structurelles à impulser, force est de constater que nous souffrons aujourd'hui d'une grande complexité administrative. Or, dans le cadre de la crise sanitaire, nous avons su mobiliser tous les acteurs dans le même sens. Tous les acteurs se sont sentis responsables et se sont mobilisés, si bien que l'action publique a rarement atteint un tel niveau d'efficacité. Il nous faudrait pouvoir adopter la même posture autour d'un certain nombre d'objectifs fondamentaux. Dans cette optique, une réflexion nécessiterait d'être menée, le cas échéant dans le cadre de l'examen du projet de loi « 4D », sur la distribution et l'articulation des compétences et des responsabilités autour d'un certain nombre de sujets tels que l'action sociale, la prise en charge des exilés, la production de logements ou encore la réduction des inégalités territoriales.