Un long chemin reste à parcourir, mes chers collègues.
Examinons également le contexte dans lequel nous nous inscrivons.
Le contexte, c'est d'abord celui du projet de loi prétendument voué à la prévention de la délinquance, texte qui introduit de lourdes confusions, notamment en attribuant de facto des pouvoirs judiciaires aux maires.
Le contexte, c'est aussi le fait que le premier président de la Cour de cassation et le procureur général aient dû s'exprimer avec force à la suite des attaques dont les magistrats de Bobigny ont été victimes de la part d'un de vos collègues du Gouvernement, monsieur le garde dans sceaux, qui a enfreint la règle constitutionnelle garantissant la séparation des pouvoirs dont vous savez qu'elle fonde l'indépendance des magistrats.
Le contexte, mes chers collègues, c'est encore l'accumulation de textes de lois portant sur le même sujet : la répression. Il me semble que nous en sommes à la septième loi de ce type depuis le début de la présente législature, comme si l'annonce de la loi, son énoncé, la discussion de la loi avaient à eux seuls la vertu de régler les problèmes.
À chaque nouvelle année, à chaque saison nouvelle, sa nouvelle loi : citons ainsi la loi Perben, la loi Sarkozy, la loi Clément... Nous avons connu tant de lois ! Veillons-y cependant, car cette accumulation, cette course en avant quelque peu pathétique, nous fait conclure que l'arrivée d'une nouvelle loi disqualifie nécessairement la précédente. En effet, si la loi précédente, que ce soit la première, la deuxième, la troisième, la quatrième ou la cinquième, avait été efficace, il n'eût pas été besoin d'en produire une nouvelle.
Or, comme il ne s'agit que d'afficher, d'énoncer, de dire, il est clair que l'objectif est atteint en termes de communication, s'il n'est pas atteint dans la réalité des choses.
Le contexte, c'est également le fait que le principe de peines plancher est constamment brandi. J'ai vu, monsieur le garde des sceaux, que vous aviez proclamé votre désaccord, mais vous ne pouvez ignorer les déclarations de celui de vos collègues que j'évoquais tout à l'heure.
Pourtant, vous le savez, le bon exercice de la justice suppose que, dans le respect de la loi, le juge puisse justement juger, c'est-à-dire exercer pleinement son pouvoir d'appréciation.
Le contexte, enfin, c'est une loi d'orientation et de programmation pour la justice dont le taux d'application, s'il est de 80 % en ce qui concerne les magistrats, ne sera que de 58 % quant aux fonctionnaires des services judiciaires.
Je me permettrai d'insister sur ce point : comme le disent aujourd'hui les magistrats qui sont venus nous contacter dans nos départements, sans un nombre suffisant de greffiers, les juges ne peuvent exercer leur mission dans de bonnes conditions. La dégradation du rapport entre le nombre de magistrats et le nombre des fonctionnaires des services judiciaires pose un réel problème pour le bon exercice de la justice.
J'aimerais, pour conclure, évoquer trois problèmes.
Premièrement, se pose la question des frais de justice, qui a déjà été abordée. Je n'ignore pas l'inflexion des dépenses qui a eu lieu en 2006, mais je m'interroge : comme M. Mermaz l'a dit précédemment, de nombreuses mesures législatives ont été prises sans véritable étude d'impact.
Nous nous trouvons aujourd'hui face à une montée en flèche des frais de justice. Il y a une inflexion de ces frais, mais nous espérons que ce n'est pas au détriment de la liberté de prescription des magistrats et de l'élucidation des crimes et délits. Nous devons rester attentifs, car il y a là un véritable problème.
J'aborderai, deuxièmement, la question de l'aide juridictionnelle. Dès le mois de janvier 2006, les avocats ont attiré votre attention, monsieur le garde des sceaux, sur la détérioration de leurs conditions de travail et ont demandé une réforme de l'aide juridictionnelle ou, du moins, une augmentation du montant prévu pour cette aide.
Un rapport destiné au Conseil de l'Europe indique qu'un avocat britannique perçoit de l'État une indemnité trois fois supérieure à celle que perçoit un avocat français pour des prestations semblables ou comparables au titre de l'aide juridictionnelle.