Monsieur l'ambassadeur, notre commission a le plaisir de vous accueillir pour la première fois depuis votre nomination, en septembre dernier.
En France, on parle souvent de moteur franco-allemand de la construction européenne, voire de « couple franco-allemand », tant cette relation est importante pour nous. Quel regard portez-vous sur notre relation bilatérale, et quelles perspectives dressez-vous pour les mois à venir ?
Parmi les nombreux sujets à aborder, celui de la coopération de défense retient particulièrement notre attention.
Lors du dernier Conseil franco-allemand de défense et de sécurité (CFADS), la Chancelière et le Président de la République ont souhaité que les projets communs de système de combat aérien du futur (SCAF) et de char de combat du futur (MGCS), avancent rapidement. Or ces deux briques essentielles de la composante industrielle de notre autonomie stratégique sont aujourd'hui malmenées : le partage des tâches entre Airbus et Dassault, qui nous semblait pourtant acquis et symétrique du leadership allemand sur le MGCS, est remis en cause. Notre ministre des armées déclarait avant-hier, à propos du SCAF : « c'est quelque chose que vous ne pouvez faire qu'avec de vrais amis, ceux qui tiennent parole ».
Nous pourrons également échanger sur la question du drone MALE européen (Eurodrone) et celle du standard 3 du Tigre, hélicoptère qui joue un rôle important dans nos opérations au Sahel.
En outre, nous souhaiterions aborder de nombreux sujets : le Brexit, la souveraineté européenne, l'autonomie stratégique, la coopération en matière de défense, etc.
Avec le Brexit, la désorganisation des chaînes logistiques est d'autant plus dommageable que nos économies sont fortement imbriquées. Craignez-vous un effondrement des échanges ? Comment évaluez-vous le risque économique pour nos deux pays ? Par ailleurs, d'après vous, les Britanniques souhaiteront-ils participer, d'une quelconque manière, à la défense européenne ?
Les États-Unis reviennent quant à eux à des positions plus classiques, même si certaines sont constantes : le président Biden a ainsi qualifié la Chine de « concurrent le plus sérieux ». Mais c'est sur le dossier russe que le changement d'administration devrait être le plus visible ; le nouveau président américain a en effet déclaré que les États-Unis « ne se laisseront plus faire face aux agressions de la Russie ».
Sur ce sujet, la France et l'Allemagne partagent une même volonté d'autonomie ; aussi nos autorités ne remettent-elles pas en cause le projet de gazoduc « Nord Stream 2 » reliant la Russie à l'Allemagne, qui est menacé de sanctions par le Congrès américain. Toutefois, l'empoisonnement de Navalny, puis son emprisonnement, ont rendu le dialogue avec les Russes difficile. Le rôle de ce pays dans la résolution de plusieurs crises internationales nous semble important, à tel point que nous tentons, malgré tout, de maintenir le dialogue. Quel bilan tirez-vous de l'actualité des dernières semaines pour nos relations avec la Russie ?
Enfin, pensez-vous que les positions française et allemande soient convergentes pour faire émerger une véritable autonomie stratégique européenne ?