Monsieur l'Ambassadeur, on a déjà évoqué les questions liées à la Défense et à l'organisation industrielle. Il est un sujet qui m'intéresse beaucoup et sur lequel j'ai déjà eu l'occasion de travailler. Il s'agit de la politique spatiale européenne.
Vous n'êtes pas sans savoir que l'on est passé d'une logique uniquement civile à une approche plus duale et donc stratégique. En la matière, l'Allemagne, qui a longtemps accusé un certain retard sur la politique spatiale européenne, le rattrape en partie. Elle a une politique assez active, mais on a du mal à voir aujourd'hui quelles orientations et surtout quelle coordination on peut avoir au niveau européen.
En France, on a été particulièrement choqué lorsque, en 2013, trois satellites militaires de radar allemands ont été lancés par un lanceur américain Falcon 9, alors que l'Allemagne, au titre de son implication forte dans l'Agence spatiale européenne, bénéficie à plein de ce qu'on appelle le « retour géographique », c'est-à-dire que ce qui est financé par les États membres, revient en travail et en emplois dans les États membres. D'ailleurs, les critiques qui sont faites sur Ariane 5, et bientôt Ariane 6, sur leurs coûts, sont liées au fait que l'Europe refuse toutes formes de délocalisation de production hors de ses États participants.
Aujourd'hui on voit l'Allemagne encourager des sociétés privées comme OHB-system ou ISAR, qui se lancent dans la production de mini-lanceurs. On envisage aussi la possibilité d'un port spatial allemand.
Entre subventions et compétition, comment peut-on trouver un fonctionnement harmonieux, qui nous porterait vers une approche stratégique de souveraineté européenne, dans un domaine où, avec la protection des moyens de communication et des satellites, les applications autrefois civiles deviennent de plus en plus militaires ?