Je vous propose de répondre, Monsieur l'Ambassadeur à ce premier train de questions.
SE M. Hans-Dieter Lucas. - Sur la question de la coopération franco-allemande industrielle, vous avez tout à fait raison, cela ne suffit pas, il faut un agenda commun, une approche commune. Mais tout d'abord, il faut se mettre d'accord sur le noyau dur, les capacités militaires et la stratégie. Il faut une évaluation des menaces. L'accord franco-allemand est indispensable, mais ne suffit pas. Il faut une prise de position européenne.
La Chancelière souhaite que soit trouvé un accord avec la France, afin que le Bundestag puisse adopter les actes nécessaires au développement du financement.
Sur la question de la Turquie et de l'OTAN, il faut relever que la Turquie est un allié important au sein de l'OTAN, mais aussi un allié difficile.
L'OTAN est le seul cadre institutionnel qui permette le maintien d'un dialogue avec la Turquie.
Il peut y avoir des résultats encourageants, par exemple quand le Secrétaire général de l'OTAN a joué un rôle de médiateur entre la Grèce et la Turquie en Méditerranée orientale. L'OTAN est le cadre dans lequel on peut discuter de ces questions.
Sur la boussole stratégique, les travaux ont commencé sous la présidence allemande. Il faut continuer le travail. C'est notre but commun de terminer ces travaux sous la présidence française. Il y a une coopération très étroite avec la France sur la boussole stratégique. Nous allons soutenir la présidence française en ce qui concerne ce document très important, qui sera un document cadre pour définir plus en détail nos efforts dans le domaine de la politique de sécurité et de défense.
Lorsque l'on parle de la souveraineté européenne, il faut se rendre compte que cela nécessite une vue d'ensemble des menaces et de nos capacités. La boussole stratégique constitue un pas vers une plus grande souveraineté européenne en matière de sécurité.
Le nucléaire en Allemagne inspire toujours les débats, tant sur le plan civil que militaire. La position du gouvernement est tout à fait claire, en ce qui concerne le caractère de l'alliance atlantique, en tant qu'alliance nucléaire. Mais il y a aussi des tendances dans la classe politique et dans l'opinion qui sont contre. Dans certains milieux, il y a un soutien en faveur du projet de traité qui interdit les armes nucléaires, mais la position du gouvernement allemand est tout à fait claire pour ne pas ratifier cet accord et rester dans le cadre de la doctrine nucléaire actuelle.
Les relations entre les États-Unis et la Chine sont difficiles. La question est de savoir où se situe l'Europe. Notre but serait de ne pas avoir à faire un choix, mais il ne faut pas oublier que les États-Unis sont notre allié et que nous partageons avec eux les mêmes valeurs.
La Chancelière a souligné que nous n'avons aucun intérêt à un découplage avec la Chine. Nous avons besoin de la Chine sur des grands sujets internationaux : réchauffement climatique, conflits régionaux.
La Chine est aussi un partenaire économique très important. Nous avons intérêt à développer avec la Chine une relation coopérative, basée sur des règles. C'est la raison pour laquelle nous avons conclu avec la Chine l'accord sur les investissements : il définit des règles qui obligent la Chine. La France et l'Allemagne peuvent contribuer à ce processus de manière substantielle. Il reste encore à l'Europe à définir une stratégie commune vis-à-vis de la Chine. La Chancelière avait souhaité avoir un Sommet avec la Chine pendant sa présidence. Ce sommet a été reporté, à cause du Covid, mais cela reste une ambition de définir à 27 une stratégie commune, qui serait idéalement concertée avec les États-Unis.
La Chine est plusieurs choses à la fois : un partenaire, un concurrent, un rival systémique.
L'espace est un sujet qui a une énorme importance stratégique. Il y a beaucoup de grands projets franco-allemands, comme l'hydrogène, le numérique, des projets d'armement, et le spatial devrait en faire partie.
Nous travaillons ensemble dans le cadre du projet Ariane. Il faut continuer avec l'achèvement d'Ariane 6, mais il faut discuter de la politique spatiale européenne dans l'avenir. Il faut des lanceurs comme Ariane, mais il faut aussi des mini-lanceurs.
Le ministre Bruno Le Maire et son homologue ont fondé un groupe de travail pour discuter de questions ouvertes. Les philosophies ne sont pas identiques, mais nous sommes d'accord sur le but : garder un accès indépendant à l'espace pour l'Europe.
Quant à l'Iran, la situation est préoccupante. L'Iran a annoncé sa décision de réduire la transparence, dans sa coopération avec l'organisation décidée à Vienne. Il faut en discuter avec les États-Unis, mais aussi avec la Russie et la Chine.
La transparence est un pilier de l'accord avec l'Iran. Le sauvegarder nécessite que l'Iran respecte toutes ses obligations prévues par l'accord : limitation des capacités militaires et transparence.
Il faut sauver l'accord avec l'Iran et trouver une entente en ce qui concerne le programme de missiles en Iran et le rôle régional de l'Iran.
Il faut montrer que l'Europe fait quelque chose pour les citoyens. Le Portugal a annoncé un sommet sur les questions sociales au mois de mars. C'est important de démontrer que l'Europe n'oublie pas qu'elle doit être une Europe sociale.
Le projet d'une conférence sur le futur de l'Europe devrait atténuer l'impression d'une Europe technocratique. Cette conférence devra associer les citoyens et les parlementaires.