Concernant la présence allemande au Sahel, j'ai essayé de montrer qu'elle est déjà très substantielle, et il ne faut pas oublier que ce n'est pas notre seule présence militaire. On est encore très fortement engagé en Afghanistan - l'Allemagne est le deuxième fournisseur de troupes en Afghanistan -, en Lituanie - on mène un bataillon de combat -, dans les Balkans, en Irak aussi. Dans ce contexte, notre présence militaire au Sahel est déjà très significative. Il y a un vrai changement de paradigme dans la discussion en Allemagne. On reconnaît vraiment le Sahel comme représentant un défi stratégique, pas seulement pour la France, mais aussi pour l'Allemagne et pour l'Europe. C'est la raison pour laquelle on a, d'une manière assez substantielle, élevé le niveau de notre engagement sur les plans civil, militaire et aussi financier, et cette discussion continuera. En ce qui concerne la MINUSMA, l'Allemagne est le fournisseur le plus important au niveau européen. Il y a donc là une évolution, et cette discussion va continuer. Si on regarde les engagements militaires de l'Allemagne, il faut regarder l'image complète. Il est important pour nous de voir ce que nous pouvons faire, quelles sont nos capacités.
Il y avait la question de l'importance du maritime. L'Allemagne est aussi - peut-être pas comme la France - une puissance maritime. Nous avons parfaitement reconnu l'importance de cet aspect pour notre politique de sécurité. L'Union européenne a développé une stratégie maritime, mais aussi l'OTAN. C'est pour nous une question très importante, nous avons soutenu ces deux stratégies et nous contribuons à leur mise en oeuvre.
Il y avait des questions concernant la brigade franco-allemande et la situation Covid, ainsi que le centre de formation Tigre. Vous avez demandé des chiffres très précis ; pour le moment, je n'ai pas ces chiffres mais on va s'en occuper et vous informer là-dessus.
Nord Stream 2 est une question difficile. Notre position est claire : il n'y a pas de raison pour nous de mettre fin à Nord Stream 2. Tout d'abord, c'est un projet entre des entreprises, donc ce n'est pas un projet de l'État allemand. Ce sont des entreprises européennes qui contribuent à ce projet, dont Engie, entreprise française. On est d'avis que ce n'est pas le moment de prendre la décision politique d'abandonner ce gazoduc en réaction au comportement russe. On peut avoir une discussion sur des sanctions globales économiques, mais, dans ce cas-là, il faut avoir aussi une discussion sur les exportations pétrolières russes, par exemple aux États-Unis. Économiquement, le pétrole russe est probablement plus important pour le budget russe que les exportations de gaz. C'est une discussion très difficile. Nous n'avons pas l'ambition de commencer une telle discussion au sein de l'UE. Cette discussion se retrouve aussi en Allemagne, au sein de la coalition, de la part de l'opposition et des médias. Mais, pour le moment la position du gouvernement est claire. Il y a un argument politique et il y a aussi un argument économique, que vous avez mentionné : nous avons besoin de ce gaz russe parce que nous nous trouvons dans une phase transitoire. Nous avons abandonné le nucléaire et le charbon et nous avons besoin, pour un certain temps, du gaz - comme d'autres pays. Mais il ne faut pas surestimer la dépendance au gaz russe. Pour donner un chiffre, après l'achèvement de Nord Stream 2, la part du gaz russe dans le mix énergétique allemand s'élèvera à 9 %. Ce n'est pas rien mais ce n'est pas 30 ou 40%. Il faut donc aussi se représenter les proportions.
La fermeture de la frontière avait été une mauvaise expérience, j'en suis tout à fait d'accord, et l'on ne voulait pas la répéter à la frontière franco-allemande. Il y a sur ces questions une concertation très étroite entre les capitales, mais aussi sur le plan régional : il y a des visioconférences chaque semaine entre les autorités des trois Länder, les ministères et la préfète du Grand-Est. La dernière a eu lieu hier, et tout le monde est d'accord pour éviter une nouvelle fermeture de la frontière. Par ailleurs, en ce qui concerne la République tchèque, on n'a pas fermé la frontière.
L'immigration, c'est une question qu'il faut vraiment régler dans le cadre européen. On a commencé sous la présidence allemande la discussion sur un nouveau système d'asile et d'immigration de l'Union européenne. C'était difficile, tout d'abord parce que la Commission a fait ses propositions très tard à cause du Covid. Mais il est clair que les positions sont assez divergentes au sein de l'Union européenne. Pour nous, comme pour la France, les propositions de la Commission étaient une bonne base. Elles s'appuient sur le principe d'une solidarité partagée entre les pays membres de l'UE d'accueil, mais définir cette solidarité est très difficile. Quoi qu'il en soit, il faut se mettre d'accord sur un système d'asile et d'immigration européen, car cette question ne peut être réglée que dans un cadre européen. Ensemble, avec la France, nous nous mobiliserons pour trouver un accord là-dessus. Il y a quelques mois, la chancelière a dit que trouver un accord sur ces questions était peut-être encore plus difficile que trouver un accord sur les questions financières ! La tâche est donc particulièrement ardue, mais c'est une très bonne chose que la France et l'Allemagne soient d'accord sur l'approche.