Intervention de Pascal Clément

Réunion du 4 décembre 2006 à 10h00
Loi de finances pour 2007 — Justice

Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà cinq ans que la justice est entrée dans une nouvelle ère : la représentation nationale, à l'époque, avait pris l'engagement devant les Français de renforcer les fonctions régaliennes de l'État et de fournir un effort significatif en faveur de sa justice. Je note d'ailleurs avec satisfaction que vous l'avez tous remarqué dans vos interventions.

Je souhaite revenir un instant sur les chiffres obtenus depuis le début de la législature, car ils ne sont pas si fréquents : c'est même du jamais vu depuis des décennies ! Ainsi, le budget de la justice a augmenté de 38 % depuis 2002, soit près de 1, 8 milliard d'euros de crédits supplémentaires. La mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a permis d'enregistrer une hausse constante tous les ans. Nous n'avons donc pas eu à déplorer les « trous budgétaires » observés au cours des législatures précédentes, où les bons budgets alternaient avec les très mauvais, ce qui, sur cinq ans, aboutissait à une moyenne générale assez faible.

Pour 2007, le budget de la justice augmente de 5 %, après 4, 6 % en 2006. La mission « Justice » est celle qui connaît la hausse la plus importance dans ce budget. Totalisant 6, 271 milliards d'euros, elle représente 2, 34 % du budget de l'État, contre 1, 69 % en 2002 et moins de 0, 5 % il y a vingt ans.

Alors, quand j'entends certains dire que la justice est sinistrée, je me demande ce qu'ils pouvaient penser il y a cinq ans !

Je ne prétends pas que tous les problèmes soient réglés, mais il convient tout de même d'être précis dans les termes employés. À cet égard, je tiens à rendre hommage à tous ceux qui sont intervenus ce matin, car j'ai beaucoup apprécié leurs propos, tout en nuances, par comparaison avec ceux que j'ai entendus en dehors de cette assemblée, et qui me navrent. En effet, le dialogue démocratique doit être fondé sur des chiffres et des faits incontestables pour tous. Si l'on commence à contester les chiffres, il est difficile d'entamer un dialogue digne de ce nom.

Un véritable effort a donc été accompli.

Lorsque je me rends dans les juridictions ou que je participe à une assemblée générale des magistrats d'une cour d'appel, en général, l'atmosphère est détendue. Je fais un discours liminaire, puis les magistrats me posent toutes les questions qu'ils souhaitent. Pendant ces réunions, qui peuvent durer deux heures, nous échangeons et, dans une confiance partagée, nous nous disons les choses, et ce n'est pas toujours agréable.

Je tiens à dire devant la représentation nationale que tous les magistrats que j'ai rencontrés lors de ces occasions m'ont confirmé qu'ils disposaient aujourd'hui, à leur niveau, des effectifs nécessaires. Or je lis l'inverse. En cette fin de législature, le nombre de magistrats est globalement suffisant : nous avons comblé les principales lacunes, même s'il peut toujours manquer un magistrat ici ou là.

En revanche, il est vrai que le ratio de greffier par magistrat est plus faible qu'auparavant. Cette carence tient en particulier au fait que nous avons connu une année pratiquement creuse, la durée de la scolarité à l'École nationale des greffes étant passée d'un an à dix-huit mois.

À la fin de l'année 2007, grâce au projet de loi de finances que vous allez voter, il y aura 400 greffiers et fonctionnaires de justice supplémentaires. Les mêmes échos ne devraient donc plus nous parvenir en provenance des juridictions.

En cinq ans, les années 2002 et 2007 comprises, l'effort accompli aura été tel que nous aurons réglé les dernières situations de thrombose et les principaux problèmes auxquels était confrontée l'administration de la justice. Il était important, je crois, de le dire aujourd'hui, à l'occasion de l'examen de ce budget de fin de législature.

Ne voyez pas là le discours partisan d'un homme politique qui défend le bilan de son camp : il s'agit d'une vérité incontestée et chiffrée. D'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous en avez tous parlé dans vos interventions. Certes, chacun s'est empressé, avec raison, de dire que ces chiffres étaient relatifs, mais nous partions de loin.

Je souhaite revenir sur la question du classement.

Il existe différents classements. L'un d'entre vous a commenté celui établi, dans le cadre du Conseil de l'Europe, par la CEPEJ, la Commission européenne pour l'efficacité de la justice. Ce classement est double : il comprend un ratio relatif au budget par habitant et un ratio relatif au budget sur le produit intérieur brut.

Un journal du soir bien connu a retenu le ratio relatif au produit intérieur brut, qui classe la France au vingt-huitième rang sur trente-cinq. Or ce ratio n'a pas beaucoup d'intérêt pour un pays comme le nôtre, car il établit une comparaison entre l'effort budgétaire accompli et l'ensemble de la richesse d'un pays.

Autrement dit, plus un pays est pauvre, mieux il est placé au sein de ce classement. La France étant un pays riche, il convient plutôt de se référer au ratio relatif au budget par habitant, qui tend à mesurer l'effort budgétaire fourni pour chaque habitant. Au sein de ce dernier classement, notre pays est classé au dix-septième rang, ce qui est mieux.

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