Intervention de Pascal Clément

Réunion du 4 décembre 2006 à 10h00
Loi de finances pour 2007 — Justice

Pascal Clément, garde des sceaux :

Les juges pourront donc recourir progressivement au bracelet électronique mobile, qui permet de concilier protection de la société, respect des victimes et réinsertion des condamnés à de longues peines.

Monsieur Goujon, vous m'avez posé deux autres questions très importantes : l'une sur l'accueil des condamnés atteints de pathologies lourdes et l'autre sur les actions de prosélytisme.

Il y a, effectivement, des détenus qui n'ont pas leur place en prison et qui posent de ce fait des difficultés extrêmement importantes aux personnels pénitentiaires. Je tiens à rendre hommage à ces personnels, qui doivent parfois gérer des détenus très difficiles.

Le ministère de la santé, à qui incombe la prise en charge médicale des détenus, en a conscience. Actuellement, 180 psychiatres - c'est bien peu - travaillent en milieu carcéral, soit un ratio de un psychiatre pour 400 détenus contre un pour 4 000 personnes à l'extérieur, étant rappelé que 40 % des détenus relèvent peu ou prou de la psychiatrie.

Il faut aller plus loin et sortir les détenus atteints de troubles psychiques très graves du milieu carcéral classique, pour les placer dans des structures psychiatriques sécurisées et fermées.

L'opinion publique doit connaître les décisions que nous avons prises avec M. Xavier Bertrand. Comme certains d'entre vous l'ont indiqué, nous allons mettre en service plus de 700 places en unités hospitalières spécialement aménagées, réparties dans des hôpitaux psychiatriques, couvrant ainsi l'ensemble du territoire national. Leur mise en place soulève certains problèmes. Il faut, par exemple, construire des ascenseurs dédiés, placer des barreaux aux fenêtres, procéder à tous les aménagements que l'hôpital permet. Les premières unités ne pourront donc ouvrir qu'en 2008.

Monsieur le rapporteur pour avis, j'en viens aux actions mises en oeuvre par le Gouvernement pour lutter contre le prosélytisme dans les établissements pénitentiaires.

L'administration pénitentiaire veille à ce que la pratique des cultes soit assurée au sein des prisons dans le respect des principes républicains. Elle s'efforce de développer la présence d'aumôniers musulmans, encore trop peu nombreux, et nous le regrettons - ils ne sont que 70 sur un total de 900 aumôniers - au sein des établissements pénitentiaires. Leur nombre est, toutefois, en progression constante.

Nous nous réjouissons de pouvoir, comme pour les autres grandes religions représentées au sein de la population carcérale, avoir un interlocuteur en la personne de M. Talabi, qui vient d'être désigné aumônier musulman national des prisons par le Conseil français du culte musulman.

La présence d'aumôniers musulmans désignés d'un commun accord par l'administration et les instances représentant la communauté musulmane de France me paraît constituer la réponse la plus adaptée aux discours excessifs propagés par certains détenus s'autoproclamant imams, et qui, bien évidemment, ne le sont pas.

Nous surveillons de très près ce risque de prosélytisme qui, bien que réel, est contenu. Deux actions complémentaires sont conduites par l'administration pénitentiaire : un échange d'informations avec les services de police chargés de la lutte contre le terrorisme et une formation de tous les personnels pénitentiaires, notamment des surveillants, à « la pratique des cultes et à la lutte contre le prosélytisme en établissements ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget de la justice est ambitieux. Il répond aux défis auxquels est confrontée l'institution judiciaire. La justice aura les moyens de s'atteler aux trois engagements que je prends devant vous : la modernisation, l'accessibilité et l'efficacité de la justice.

Le mois prochain, nous prendrons ensemble un nouvel engagement, celui de la réforme de la justice, qui vise simplement à répondre aux questions que se sont posées les Français après l'affaire d'Outreau. Il s'agira non pas de faire « la » réforme, je laisse cette ambition aux candidats à l'élection présidentielle, mais de mieux lutter contre les détentions provisoires injustifiées - souci que je partage avec nombre d'entre vous - renforcer les droits de la défense - c'est absolument indispensable - et moderniser le régime de la responsabilité des magistrats.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les points que je souhaitais évoquer devant vous. Je répondrai, au cours de l'examen des amendements, aux questions que je n'aurai pas pu aborder dans cette évocation globale de la mission « Justice ». Au demeurant, je tiens à remercier l'ensemble des orateurs qui sont intervenus ce matin.

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