Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 17 mars 2021 à 8h30
Projet de loi confortant le respect des principes de la république — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances :

La commission des finances s'est saisie pour avis des articles 10, 11, 12 et 46 qui ont trait à son champ de compétences. Ces articles n'entretiennent parfois qu'un lien ténu avec la lutte contre les séparatismes et le respect des principes de la République. Nous profitons, en quelque sorte, de ce texte pour réviser le droit fiscal des organismes sans but lucratif.

Les articles 10 à 12 concernent l'encadrement des avantages fiscaux attribués aux associations. Les associations, les fondations et les fonds de dotation peuvent bénéficier du régime du mécénat, qui permet aux contribuables de profiter de réductions d'impôt au titre de leurs dons et versements aux organismes sans but lucratif. En l'état actuel du droit, le seul contrôle que l'administration peut effectuer sur ce point est un contrôle de concordance. L'administration fiscale vérifie très simplement que les montants inscrits sur les reçus fiscaux délivrés par l'organisme correspondent bien aux montants perçus. Les contrôles sont donc plus que limités. Je rappelle que cela représente une dépense fiscale importante : 1,5 milliard d'euros pour 5,5 millions de foyers bénéficiaires, concernant l'impôt sur le revenu ; et 800 000 euros pour 77 000 entreprises, concernant l'impôt sur les sociétés.

L'article 10 du projet de loi modifie donc le livre des procédures fiscales pour instaurer une nouvelle procédure de contrôle, celle du contrôle de l'éligibilité de l'organisme au régime du mécénat. Je me suis attaché à vérifier que les garanties octroyées aux organismes lors de ce contrôle étaient bien similaires à celles qui sont prévues pour les autres contrôles - c'est bien le cas. Si cette nouvelle procédure de contrôle est nécessaire, elle ne doit pas pour autant faire peser de trop lourdes contraintes sur les associations, en particulier sur les plus petites d'entre elles. Ce point d'équilibre m'a guidé dans l'examen des différents articles.

C'est la raison pour laquelle la commission des finances a adopté un amendement visant à reporter l'entrée en vigueur de cette disposition au 1er janvier 2022. En effet, les organismes sans but lucratif, afin de se prémunir de toute sanction lors d'un éventuel contrôle, vont avoir recours à la procédure du rescrit mécénat, consistant à demander par avance à l'administration fiscale s'ils sont éligibles aux dons. Le recours au rescrit pourrait être d'autant plus massif que, comme la Cour des comptes l'a souligné dans un référé, la doctrine fiscale relative aux conditions d'éligibilité d'un organisme au régime du mécénat n'est pas tout à fait stabilisée ; il y a un vrai risque d'engorgement.

Nous proposons donc de laisser un délai supplémentaire aux organismes et associations à but non lucratif, mais aussi à l'administration fiscale pour affiner sa doctrine et traiter les rescrits mécénat.

L'article 11 crée une obligation pour les organismes sans but lucratif de déclarer chaque année à l'administration fiscale le montant global des dons et des versements. Cette nouvelle déclaration permet de mieux cibler les contrôles et de mieux connaître les dépenses. Elle comporte toutefois un risque d'alourdissement administratif pour l'ensemble des organismes, notamment les petites structures.

Il faudra veiller à ce que cette déclaration se fasse par le biais d'une plateforme numérique simplifiée. Lors des auditions, on nous a parlé d'une mise en place « progressive ». Un délai d'adaptation, repoussant du 1er janvier 2021 au 1er janvier 2022 la date à partir de laquelle les dons et versements seront soumis à cette nouvelle obligation, doit permettre à la direction générale des finances publiques (DGFiP) de mettre en service un tel portail.

L'article 12 élargit la liste des infractions susceptibles d'entraîner la suspension des avantages fiscaux au titre des dons, versements et legs en cas de condamnation pénale définitive d'un organisme sans but lucratif. En l'état actuel du droit, la suspension des avantages fiscaux n'est prévue qu'en cas de condamnation pour abus de confiance ou escroquerie. Les nouvelles infractions concernées comprennent à la fois des infractions faisant peser une menace grave sur la société - le terrorisme ou l'usage de menaces à l'égard d'un agent public - et des infractions de nature économique, comme le blanchiment d'argent ou le recel.

L'Assemblée nationale a également adopté un amendement ajoutant le délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse à cette liste. La commission des finances a adopté un amendement identique à celui qui est proposé par Mmes les rapporteures, visant à supprimer cette infraction de la liste.

De manière générale, l'effectivité de l'article 12 me paraît très limitée. Ce dispositif est peu connu. Chaque année, le nombre de condamnations pour l'ensemble des crimes et délits est inférieur à 100.

L'article 46 concerne le droit d'opposition de Tracfin. Lorsqu'un professionnel assujetti aux obligations signale à Tracfin une opération douteuse, ce service peut exercer son pouvoir d'opposition et demander à ce que l'opération soit bloquée pendant 10 jours. Ce délai doit permettre à l'autorité judiciaire de bloquer les fonds, avec des obligations très fortes de confidentialité. Ce pouvoir d'opposition, Tracfin l'utilise avec parcimonie : il a usé de cette prérogative à 93 reprises entre 2013 et 2019. Le droit d'opposition n'est donc activé qu'en cas de risque d'évasion des fonds et des capitaux, ou de risque de dissipation des fonds.

En l'état du droit, Tracfin ne peut exercer son droit d'opposition que sur une seule opération, après une déclaration de soupçon. Pour renforcer son efficacité, l'article 46 prévoit d'étendre cette possibilité à d'autres opérations. Les députés ont souhaité ajouter que les assujettis ne pouvaient bloquer l'opération que sous réserve de possibilité. Après avoir écouté la directrice de Tracfin, la commission des finances a décidé de simplifier les choses en revenant sur la modification apportée par l'Assemblée nationale. Je crois que Mmes les rapporteures ont déposé un amendement identique.

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