Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 16 mars 2021 à 21h30
Sécurité globale — Article 4

Gérald Darmanin :

C’est tout de même assez formidable…

Ensuite, il me semble également un peu osé de nous traiter de jacobins en ressortant l’ancienne édition d’un journal, alors que nous sommes le premier gouvernement à proposer la création d’une police municipale parisienne. On ne va certes jamais assez loin, mais vous pourriez tout de même reconnaître que ce gouvernement prend au contraire Paris au sérieux. Cela donnerait davantage de force à vos arguments.

Au passage, je ne trouve pas que le terme de « jacobin » soit une insulte, mais c’est peut-être dû à la conception que s’en fait l’ancien membre du RPR que je suis et à mes souvenirs militants. §Monsieur Dominati, puisque vous citiez Paris, vous devez connaître la culture politique à laquelle je fais référence même si, je le sais bien, vous n’y adhérez pas.

Je voudrais également souligner que Paris a choisi de prendre exemple sur n’importe quelle autre ville de France en recréant l’équivalent d’une police de proximité au travers des agents de surveillance de Paris (ASP), des gardiens de parc, et en somme de tout ce qui, dans une ville « normale », est du ressort d’une police municipale. Par exemple, à Tourcoing, la police de la circulation, du stationnement, de la salubrité publique, des parcs et jardins relève de la police municipale.

À Paris, on dénombre déjà plus de 5 000 agents tout confondu, qui composent ce que l’on n’appelle pas, mais ce qui ressemble à une police municipale, compte tenu des divers services qu’ils rendent. Il faut donc faire attention à ce que l’on dit : certaines choses sont déjà en place à Paris.

En disant cela, je ne cherche pas à m’immiscer dans le débat parisien stricto sensu. Je constate simplement que plusieurs milliers de fonctionnaires de la Ville de Paris font déjà le travail réalisé par les polices municipales de proximité – cette expression ne signifie d’ailleurs pas grand-chose, car une police municipale est par définition de proximité – dans les autres villes.

La question est de savoir si nous souhaitons vraiment confier des pouvoirs de police à la maire de Paris, une police qui serait à ses ordres et pourrait être armée. Il ne me semble pas inutile de débattre du fait que près de 5 000, 6 000 ou 7 000 hommes et femmes – je ne connais pas le chiffre exact –, qui ne seraient pas sous l’autorité de l’État, pourraient demain exercer leurs missions munis d’armes, dans la ville où résident le Président de la République, les membres du Gouvernement, les personnalités les plus éminentes du monde économique, et où siège le Parlement.

Une telle éventualité pose question. On peut tout de même s’interroger sur ce possible conflit de légitimité politique dans un pays qui, il n’y a pas si longtemps, a vu des chars stationner devant l’Assemblée nationale pour empêcher un certain nombre de personnes de contraindre le Parlement à abdiquer son pouvoir.

Comme l’a dit le ministre Richard, nous avons estimé que le fruit était mûr et que nous pouvions avancer dans cette direction, notamment parce qu’une relation de confiance s’est établie avec la Ville de Paris et que nous sommes d’accord sur l’ampleur des moyens à allouer à la capitale, c’est-à-dire ni plus ni moins qu’aux autres villes françaises.

J’en viens maintenant à la question des mairies d’arrondissement. J’ai l’impression que vous faites porter sur le Gouvernement et le préfet de police de Paris le poids d’une responsabilité qui n’est pas la leur, celui d’enjeux liés aux débats démocratiques complexes autour de la légitimité des maires d’arrondissement vis-à-vis de la mairie centrale. Ce n’est ni au préfet de police ni à la police de la République qu’il revient de résoudre ces problèmes : tout cela résulte de la loi PLM, qui est un peu ancienne.

Je précise à l’attention de M. le rapporteur Daubresse, s’il me le permet, que le maire de Paris est élu, à ma connaissance, par le Conseil de Paris, non pas par les mairies d’arrondissement. Il y a certes des votes par arrondissement, qui permettent de répartir les sièges au sein du Conseil, mais ce sont bien les conseillers de Paris, également conseillers départementaux qui, indépendamment de leur vote au niveau de leur arrondissement, élisent le maire de Paris et ses adjoints.

J’en viens à un autre point important, la situation des policiers décrite par M. Dominati.

D’abord, il ne faut pas exagérer : certains policiers parisiens font bel et bien un travail de proximité. M. Laurent a raison de dire qu’une partie de ces 40 000 policiers s’occupent de sécurité publique, tout simplement parce qu’il y a davantage de tâches de police judiciaire à effectuer à Paris qu’ailleurs, davantage d’enquêtes judiciaires et financières, d’enquêtes sur des affaires de mœurs ou de trafic de stupéfiants.

À Paris, la police s’occupe également beaucoup du maintien de l’ordre public. D’ailleurs, les policiers travaillant dans les commissariats sont souvent impliqués dans ces missions. On y trouve aussi la brigade de recherche et d’intervention (BRI), qui traite évidemment de très importantes affaires relevant du terrorisme ou du grand banditisme.

Mais on recense aussi beaucoup de policiers dans les commissariats qui font un travail de proximité. Personne ne peut dire le contraire.

On ne peut pas imaginer sérieusement que les 40 000 fonctionnaires de la Ville de Paris… Pardon, lapsus révélateur ! Comme le disait Lacan, il s’agit d’un véritable acte manqué. §Je voulais dire que l’on ne peut pas soutenir sérieusement que la préfecture de police de Paris n’assume pas du tout ses missions de proximité. Pourrait-elle faire davantage ? Assurément, comme toute la police nationale, et vous avez parfaitement raison de le souligner.

Les jeunes policiers dont vous avez parlé, monsieur Dominati, ne représentent pas la totalité, mais une large part des fonctionnaires que nous affectons dans la capitale ou sur la plaque parisienne. D’ailleurs, les élus des Hauts-de-Seine, et plus encore ceux de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, pourraient légitimement considérer que les élus parisiens sont fort sympathiques, mais qu’il faut sérieusement débattre du périmètre d’action de la police relevant de la préfecture de police. C’est un sujet dont je discute beaucoup avec les élus des départements limitrophes de la Ville de Paris.

À mon sens, il revient tout autant à la Ville de Paris, en tout cas à la métropole, qu’à l’État de bien accueillir ces jeunes fonctionnaires, d’abord en accordant des logements sociaux à ceux qui gagnent 1 500 ou 2 000 euros par mois, ensuite en cherchant à les convaincre de faire venir leur conjoint. Sachant qu’un policier est souvent marié à un ou une fonctionnaire, on peut en effet estimer qu’il y a suffisamment d’emplois publics à Paris pour les attirer.

Il appartient également à la mairie de Paris d’accueillir les enfants de ces policiers dans de bonnes conditions. Je pense à des politiques publiques attractives, notamment en matière de garde – par exemple, lorsqu’ils s’installent à Tourcoing, les fonctionnaires de police voient la moitié de leurs frais de garde en crèche pris en charge par la ville – ou de cantine scolaire. Toutes les grandes métropoles, dont le pouvoir d’attraction est malmené par la hausse des prix de l’immobilier, agissent de la sorte.

Cela étant, je ne sous-estime pas le fait que la perspective de devoir passer une heure, voire une heure et demie dans les transports en commun, ou de devoir se mettre en colocation dans des logements parfois insalubres, amplifie la difficulté d’attirer de jeunes fonctionnaires à Paris.

Vous le savez sans doute, Paris est la seule commune dans laquelle nous forçons les fonctionnaires de police à rester pendant un certain nombre d’années, ce qui est la preuve de son manque d’attractivité. La faute n’incombe pas à Mme Hidalgo, puisque la difficulté à trouver les moyens de maintenir ces fonctionnaires sur place et de les fidéliser est évidemment très ancienne.

Ce constat vaut pour les agents de police, mais il vaut aussi pour la plupart des fonctionnaires affectés à Paris ou dans sa proche banlieue. Il ne s’agit donc pas d’un problème d’organisation des forces de police en tant que tel, mais bien d’un problème d’accompagnement social, dont je suis prêt à discuter avec les élus parisiens.

Pour autant, je comprends les interrogations des élus parisiens.

Mettons les choses au clair, car j’ai cru percevoir dans l’intervention de M. Laurent une légère confusion. Nous sommes bien d’accord que l’alinéa 16, tel qu’il a été récrit par le Sénat, prévoit qu’un conseil parisien de sécurité – dont on conviendra qu’il n’existe nulle part ailleurs – réunit le maire de Paris ou son représentant, les maires de chaque arrondissement ou leurs représentants, et le préfet de police de Paris. Il est également prévu que ce conseil sera consulté sur les politiques municipales en matière de sécurité et de tranquillité publiques, ainsi que sur la doctrine d’emploi de la police municipale, et qu’il se réunira au moins une fois par trimestre.

Ainsi rédigé – c’est mon premier point –, le texte prévoit donc bien que le préfet de police sera présent au sein du conseil parisien de sécurité.

Si vous me le permettez, madame la présidente, par parallélisme des formes, et en guise de compromis, je suis prêt à rectifier mon amendement.

Dans sa rédaction initiale, celui-ci visait à supprimer la présence obligatoire du préfet de police dans l’instance créée par le Parlement. Je souhaite désormais préciser qu’y siégera le préfet « ou son représentant », tout comme on l’a prévu pour le maire de Paris et les maires d’arrondissement.

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