J’espère que Mme Gatel ne trouvera pas cet amendement extravagant…
La première de nos valeurs républicaines est la liberté. Nous devrions tous défendre les libertés publiques et individuelles. Or il me semble que ce texte s’éloigne de nos valeurs républicaines.
Le présent amendement est directement inspiré des travaux de notre collègue députée Paula Forteza et du groupe écologiste de l’Assemblée nationale. Cet amendement de sagesse vise à instaurer un moratoire interdisant l’usage de la reconnaissance faciale pour identifier les individus sans le consentement préalable et éclairé des intéressés, et ce jusqu’à ce que des garanties suffisantes soient établies en termes de sécurité et de libertés fondamentales. C’est le choix de plusieurs villes américaines, telles que Portland ou San Francisco.
Je précise que ce dispositif ne concerne que les caméras dans l’espace public. Ce moratoire – je le dis en réponse à M. le ministre – ne concernerait pas les autres types d’expérimentations comme celles qui sont relatives à l’authentification. Il ne s’appliquerait pas non plus lorsque les alternatives sont proposées aux utilisateurs, par exemple dans le cas de l’application « authentification en ligne certifiée sur mobile » (Alicem) ou du dispositif « passage rapide aux frontières extérieures » (Parafe), en cours d’expérimentation ou de déploiement. Ni le rapporteur ni le ministre ne semblent l’avoir compris lors des débats à l’Assemblée nationale, qui ont été décevants.
Les données faciales sont des données biométriques sensibles et constituent des informations irrévocables. Elles sont, par définition, uniques et inchangeables en cas de vol ou de compromission. Une protection accrue de ces données doit être mise en place. Cela soulève donc des enjeux cruciaux en matière de libertés publiques, d’éthique et de consentement.
La reconnaissance faciale n’est pas, à ce jour, une technologie totalement mûre et possède encore de nombreux défauts techniques, comme cela a été souligné au cours des débats. Il existe, notamment, des biais lorsqu’il s’agit des minorités ethniques, des femmes et des jeunes.
Par ailleurs, cette technologie peut engendrer des dérives mettant en danger nos libertés et notre démocratie, comme le démontrent les cas de répression des manifestations à Hong Kong ou la surveillance de la minorité ouïghoure par la Chine.
Ce moratoire permettra de prendre le temps nécessaire pour mener et conduire un débat public digne de ce nom. La CNIL ainsi que le Contrôleur européen de la protection des données le demandent. Un tel moment démocratique permettrait de mieux cerner les attentes de l’ensemble de la société civile en matière de numérique, de coconstruire un cadre normatif et de mener une analyse d’impact rigoureuse sur la reconnaissance faciale. Il s’agit donc tout simplement, comme beaucoup s’accordent à le reconnaître, d’un amendement de bon sens.