La séance est ouverte à dix heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la sécurité globale (proposition n° 150, texte de la commission n° 410, rapport n° 409, avis n° 393).
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du titre III, l’examen de l’article 22.
TITRE III
VIDÉOPROTECTION ET CAPTATION D’IMAGES
Le titre IV du livre II du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre II ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord
« Art. L. 242 -1. – Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions dans lesquelles les autorités publiques mentionnées aux articles L. 242-5 et L. 242-6 peuvent procéder au traitement d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote.
« Sont prohibés la captation du son depuis ces aéronefs, l’analyse des images issues de leurs caméras au moyen de dispositifs automatisés de reconnaissance faciale, ainsi que les interconnexions, rapprochements ou mises en relation automatisés des données à caractère personnel issues de ces traitements avec d’autres traitements de données à caractère personnel.
« Art. L. 242 -2. – Lorsqu’elles sont mises en œuvre sur la voie publique, les opérations mentionnées aux articles L. 242-5 et L. 242-6 sont réalisées de telle sorte qu’elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.
« Les images captées peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné.
« Art. L. 242 -3. – Le public est informé par tout moyen approprié de la mise en œuvre de dispositifs aéroportés de captation d’images et de l’autorité responsable, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis. Une information générale du public sur l’emploi de dispositifs aéroportés de captation d’images est organisée par le ministre de l’intérieur.
« Art. L. 242 -4. – La mise en œuvre des traitements prévus aux articles L. 242-5 et L. 242-6 doit être justifiée au regard des circonstances de chaque intervention, pour une durée adaptée auxdites circonstances et qui ne peut être permanente. Elle ne peut donner lieu à la collecte et au traitement que des seules données personnelles strictement nécessaires à l’exercice des missions concernées et s’effectue dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
« L’autorité responsable tient un registre des traitements mis en œuvre précisant la finalité poursuivie, la durée des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant accès aux images, y compris, le cas échéant, au moyen d’un dispositif de renvoi en temps réel.
« Les enregistrements peuvent être utilisés à des fins de pédagogie et de formation des agents.
« Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont effacés au bout de trente jours.
« Art. L. 242 -5. – I. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention, de recherche, de constatation ou de poursuite des infractions pénales, les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale peuvent être autorisés à procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote dans le cas :
« 1° De crimes ou délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à cinq ans ;
« 2° D’autres infractions, lorsque des circonstances liées aux lieux de l’opération rendent particulièrement difficile le recours à d’autres outils de captation d’images ou sont susceptibles d’exposer leurs agents à un danger significatif.
« L’autorisation est délivrée par décision écrite et motivée du procureur de la République territorialement compétent qui s’assure du respect des dispositions du présent chapitre. Elle détermine le périmètre et la période pour lesquels elle est valable, ainsi que les infractions concernées.
« II. – Dans l’exercice de leurs missions de maintien de l’ordre et de la sécurité publics, les services mentionnés au I peuvent également être autorisés à procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote aux fins d’assurer :
« 1° La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public ainsi que l’appui des personnels au sol en vue de maintenir ou rétablir l’ordre public, lorsque les circonstances font craindre des troubles à l’ordre public d’une particulière gravité, ou lorsque des circonstances liées aux lieux de l’opération rendent particulièrement difficile le recours à d’autres outils de captation d’images ou sont susceptibles d’exposer leurs agents à un danger significatif ;
« 2° La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats, lorsqu’ils sont particulièrement exposés à des risques d’intrusion ou de dégradation ;
« 3° La régulation des flux de transport ;
« 4° La surveillance des frontières en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier ;
« 5° Le secours aux personnes.
« L’autorisation est délivrée par décision écrite et motivée du représentant de l’État dans le département et, à Paris, du préfet de police, qui s’assure du respect des dispositions du présent chapitre. Elle détermine le périmètre et la période pour lesquels elle est valable, ainsi que ses finalités.
« III. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à la sûreté de l’État, les services de l’État concourant à la défense nationale peuvent procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote dans le but d’assurer la protection des intérêts de la défense nationale et des établissements, installations et ouvrages d’importance vitale mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense.
« Art. L. 242 -6. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention, de protection et de lutte contre les risques de sécurité civile, de protection des personnes et des biens et de secours d’urgence, les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d’incendie et de secours, les personnels des services de l’État et les militaires des unités investis à titre permanent de missions de sécurité civile ou les membres des associations agréées de sécurité civile au sens de l’article L. 725-1 peuvent procéder en tous lieux, au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote, à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images aux fins d’assurer :
« 1° La prévention des risques naturels ou technologiques ;
« 2° Le secours aux personnes et la lutte contre l’incendie ;
« 3°
Supprimé
« Art. L. 242 -7. – Les modalités d’application du présent chapitre et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
Nous en sommes parvenus, au sein de l’article 22, à six amendements et un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 347, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 4, 6 et alinéa 9, première phrase
Remplacer la référence :
L. 242-6
par la référence :
L. 242-7
II. – Après l’alinéa 28
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 242 -7. – I. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens ainsi que de leurs missions de police judiciaire, les services de police municipale peuvent être autorisés, par le représentant de l’État dans le département, à procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images aux fins d’assurer l’exécution des arrêtés de police du maire et de constater les contraventions à ces arrêtés.
« II. – L’autorisation mentionnée au I est subordonnée à la demande préalable du maire et à l’existence d’une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l’État prévue à l’article L. 512-4.
III. – Alinéa 29
Remplacer la référence :
L. 242.7
par la référence :
L. 242-8
La parole est à M. le ministre.
Il s’agit de permettre aux polices municipales d’utiliser des drones – ce sujet nous a beaucoup occupés hier – pour des motifs qui relèvent des pouvoirs de police du maire, la salubrité publique notamment – je pense par exemple à la gestion des déchets sur la voie publique, qu’ont évoquée hier quelques sénateurs du groupe Les Républicains.
Il s’agit, autrement dit, de filer la métaphore « drones » de l’article 22.
Le sous-amendement n° 388, présenté par M. Buffet, est ainsi libellé :
Amendement n° 347
1° Alinéa 8
Après la référence :
« Art. L. 242-7. – I. –
insérer les mots :
À titre expérimental et pour une durée de cinq années à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la sécurité globale,
2° Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« III. – La mise en œuvre de l’expérimentation prévue au présent article fait l’objet d’un bilan dans les deux ans suivant son entrée en vigueur, remis par le Gouvernement au Parlement et à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, afin d’évaluer l’opportunité du maintien des mesures qu’elle prévoit.
La parole est à M. François-Noël Buffet.
Ce sous-amendement a pour objet de permettre l’expérimentation de l’usage des drones par les polices municipales.
Il paraît important que ces dernières puissent avoir recours à ce moyen ; reste qu’il est sans doute nécessaire également de ménager une petite période d’expérimentation pour qu’ensuite les choses soient parfaitement cadrées, à la fois sur le plan de l’usage, de la capacité, de la formation et, bien évidemment, de la réglementation.
L’amendement n° 131 rectifié, présenté par M. Gontard, Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Remplacer les mots :
aux articles L. 242-5 et L. 242-6
par les mots :
à l’article L. 242-5
2° Remplacer les mots :
de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées
par les mots :
des espaces privés, notamment de l’intérieur des domiciles, de leurs entrées, des espaces extérieurs des propriétés privées ou de l’intérieur des véhicules
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Nous avons vu hier soir que cet article 22 posait problème. Les amendements de suppression n’ont pas été votés, mais on voit bien que la commission s’est posé des questions et a essayé d’encadrer l’usage des drones.
Cet amendement, inspiré des travaux de notre collègue députée Paula Forteza, a justement pour objet de préciser et de renforcer la rédaction de l’actuel alinéa 6 pour garantir qu’en aucune façon des images de drones filmant l’intérieur des domiciles ne puissent être visionnées, comme le prévoit actuellement le texte.
Il vise à compléter le dispositif en y ajoutant les espaces extérieurs privés et l’intérieur des véhicules. Le respect de la vie privée et de l’intimité des personnes doit être le même dans tous les cas, que l’on soit allongé sur son canapé, affairé dans son jardin ou au volant de sa voiture.
En contrepartie de l’extension du champ du dispositif, nous proposons d’en excepter les opérations de sécurité civile – je pense tout particulièrement aux opérations de lutte contre les incendies. Je m’interroge, au passage, sur l’actuelle rédaction de l’alinéa 6, qui, précisément, exclut l’utilisation des images de domiciles pour les opérations de sécurité civile. Or s’il est justement un cas de figure où l’utilisation d’images filmées par un drone à l’intérieur d’un domicile peut se justifier, c’est bien celui d’une opération de sauvetage lors d’un incendie.
Cet amendement est donc cohérent avec la philosophie qu’a souhaité adopter la commission sur l’article 22. Il s’agit d’exclure toute visualisation d’images à caractère privé par les services de police et de limiter son usage à la stricte protection civile des personnes.
L’amendement n° 329 rectifié, présenté par MM. Richard, Mohamed Soilihi, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
aux articles L. 242-5 et L. 242-6
par les mots :
à l’article L. 242-6
La parole est à M. Alain Richard.
Il s’agit simplement de corriger une référence de manière à éviter toute ambiguïté concernant le champ visuel sur lequel les caméras aéroportées peuvent intervenir. Cette proposition rejoint donc la préoccupation de protection de la vie privée et du domicile.
L’amendement n° 208 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Bonnecarrère, Delcros, Détraigne et Capo-Canellas, Mme Saint-Pé, M. Duffourg, Mmes Jacquemet et Vermeillet, MM. Henno, Laugier, Levi, Mizzon, Louault et Longeot, Mmes N. Goulet et Guidez, MM. Delahaye, de Belenet et Canevet, Mmes Herzog, Billon et Perrot, M. Poadja, Mme Dindar, MM. S. Demilly, Moga, Cadic, Cigolotti, Lafon, Folliot et Chauvet, Mme Gatel et M. Le Nay, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées
par les mots :
lieux privés
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Cet amendement reprenant largement les observations de notre collègue Richard, je considère qu’il est défendu.
L’amendement n° 306, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
à l’exception de parties communes d’immeubles d’habitation ou d’entrepôts
La parole est à M. Stéphane Ravier.
Il est primordial de garantir le respect de la protection de la vie privée dans le cadre de l’exploitation des images prises par drones lors de manifestations.
Cette proposition de loi doit garantir une meilleure protection des forces de l’ordre et une plus grande efficacité de leurs actions sans tomber dans la tentation de Big Brother. Ces excès entraveraient les efforts légitimes qu’il est urgent et nécessaire de faire pour remettre notre pays en ordre.
Il convient donc de refuser la reconnaissance faciale par les drones ou l’intrusion dans la vie privée des domiciles, et de l’écrire clairement dans cet article.
Je souhaite cependant, par cet amendement, rétablir la possibilité pour les forces de l’ordre de filmer les parties communes des immeubles, qui sont des parties non privatives, ainsi que des entrepôts.
Il n’aura échappé à personne que les halls d’immeubles sont souvent le lieu de nombreux trafics, en particulier des trafics de drogue, dans un grand nombre de cités marseillaises notamment. Ces trafics prospèrent à l’abri du regard des forces de l’ordre, et toujours au détriment des habitants des immeubles concernés, qui finissent par être pris en otage dans leur propre domicile.
Il est également de notoriété publique que le mode de fonctionnement des Black Blocs ou autres mouvements d’extrême gauche s’appuie, en amont et en aval des exactions qu’ils commettent contre les commerces, le mobilier urbain ou les forces de l’ordre, sur l’utilisation de parties communes d’immeubles ou d’entrepôts situés à proximité des zones de manifestation ou sur leur trajet.
En effet, les halls d’immeubles servent à échapper aux fouilles des forces de l’ordre aux points d’entrée des manifestations et à y cacher du matériel qui deviendra ensuite des armes par destination. Ils servent également de refuge lorsque les forces de l’ordre tentent de procéder à des interpellations.
Il paraît donc proportionné, pour le bien de tous, sans entrave à la vie et à la propriété privées, de permettre aux drones de capter des images dans les parties communes d’immeubles d’habitation ou d’entrepôts, dans le respect strict des dispositions de cet article.
L’amendement n° 318 rectifié bis, présenté par MM. Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les modalités d’extension aux services de police municipale, sur autorisation du représentant de l’État dans le département, de la capacité d’utiliser des caméras aéroportées pour les finalités relevant des leurs compétences, notamment en matière de régulation des flux de transport et de dommages aux personnes et à l’environnement.
La parole est à M. Alain Richard.
Cet amendement a en quelque sorte le caractère d’un reliquat. En effet, j’avais déposé devant la commission, voilà déjà quelques jours, un amendement qui visait à permettre l’utilisation de drones par les polices municipales pour répondre à certaines finalités, comme l’a dit M. le ministre tout à l’heure.
Malheureusement, victime de mon inexpérience et de l’inépuisable imagination de nos amis de la commission des finances, je me suis heurté à l’application de l’article 40 de la Constitution ; réfléchissant in petto, je me suis dit malgré tout qu’un drone coûtait souvent moins cher qu’une seule caméra fixe.
J’avais donc dû y renoncer ; je n’en suis que plus reconnaissant au ministre d’avoir utilisé ce point de départ pour rédiger l’amendement n° 347, qui répond parfaitement à mon objectif initial, et à la commission de l’avoir complété en donnant à cette disposition un caractère expérimental tout à fait justifié – c’est la position que vient de défendre le président Buffet.
Lorsque l’amendement n° 347 sera adopté, comme je l’espère, je retirerai tout naturellement l’amendement n° 318 rectifié bis.
Je voudrais au préalable excuser l’absence de notre collègue Loïc Hervé, qui a fait un travail remarquable sur tous ces sujets et est malheureusement empêché pour raisons familiales. Je prends le relais !
Sur le sous-amendement n° 388, comme M. Richard vient de le dire, nous avons travaillé en commun avec le président Buffet et l’avis de la commission est évidemment favorable : son adoption nous permettra d’aller vers l’expérimentation avec toutes les garanties nécessaires. Une fois sous-amendé, l’amendement du Gouvernement recevra à son tour un avis favorable de la part de la commission.
L’amendement n° 318 rectifié bis consiste en une demande de rapport ; le Sénat y est traditionnellement opposé.
Pour ce qui est des drones dans les lieux privés, il est question des « espaces privés » dans l’amendement n° 131 rectifié et des « lieux privés » dans l’amendement n° 208 rectifié bis présenté par Mme Gatel. L’exclusion des espaces ou des lieux privés me semble, dans ces deux rédactions, beaucoup trop large ; on peut imaginer que les opérations de police aient besoin d’images captées depuis la voie publique dans des espaces qui, eux, ne sont pas ouverts au public, par exemple des parkings privés ou des entrepôts.
Nous avons eu ce débat hier soir ; je souhaiterais, mes chers collègues, que vous retiriez vos amendements, sachant que, en définitive, la position de notre rapporteur Loïc Hervé, qui consiste à définir une doctrine d’emploi permettant de border le dispositif en expliquant dans quelles conditions il trouvera à s’appliquer, répond à votre sollicitation.
J’aurais bien émis un avis de sagesse sur l’amendement n° 329 rectifié de M. Richard, mais compte tenu de ce que nous venons de dire je pense que le problème est réglé.
Sur celui de M. Ravier, qui tend à autoriser la captation d’images dans les halls d’immeubles – nous n’allons pas refaire le débat –, notre avis est défavorable.
Avis favorable, évidemment, sur le sous-amendement de M. Buffet : nous sommes d’accord pour donner un caractère expérimental à cette disposition.
M. Richard a la paternité de l’amendement gouvernemental ; c’est son initiative qui a lancé le débat devant la commission des finances. Avis défavorable, par définition, sur sa demande de rapport – il a fait naître le débat qu’il souhaitait voir émerger.
À Mme Gatel et aux autres sénateurs qui veulent réduire les possibilités de captation, je dis que j’entends le souci légitime qu’ils expriment. J’ajouterai cependant trois choses.
Premièrement, les drones peuvent être utilisés – chacun le comprend – dans des cas où l’on a besoin de savoir des choses sur des lieux privés. Je pense par exemple à des situations de prise d’otage : il est évident que la prise d’otage se fait rarement sur la voie publique. Il serait quand même un peu étonnant – vous en serez d’accord – qu’on ne puisse pas utiliser ces possibilités de captation d’images dans le lieu privé où a lieu la prise d’otage.
Deuxièmement, nous cherchons surtout, avec l’utilisation de ces drones, à éviter la surexposition des personnels de la gendarmerie et de la police nationale. Le type de travail que j’ai en vue peut être effectué soit par l’intermédiaire de caméras embarquées, comme vous le voyez dans certains documentaires, soit par l’intermédiaire de chiens équipés, soit par l’intermédiaire de drones, l’emploi de moyens technologiques ayant pour contrepartie évidente de limiter ladite surexposition.
Troisièmement, on utilise également ces drones dans les missions de sécurité civile. Les drones vont dans des lieux ou des parties privés tout simplement pour aider les services d’incendie et de secours à intervenir.
Je ne pense donc pas que restreindre le champ d’application de cette technologie à la voie publique permette de lui donner toute son utilité.
En revanche, j’entends la préoccupation des parlementaires. Je voudrais quand même faire remarquer que le texte de l’article 22 prévoit des garanties extrêmement claires – j’en profite pour saluer le travail de M. le rapporteur Hervé –, à commencer par des garanties d’information à destination des personnes éventuellement concernées. Il ne prévoit pas la possibilité de filmer l’intérieur des domiciles – c’est un point très important : il y a une différence entre le privé et le domicile –, non plus que les parties communes et les entrées lorsque les opérations sont mises en œuvre sur la voie publique.
On a vu hier que le Parlement souhaitait un régime de déclaration ou d’autorisation de la part du préfet ou du procureur de la République, selon les finalités. Si la finalité de l’utilisation de cette technologie est le maintien de l’ordre sur la voie publique, alors il est très clairement écrit dans le texte qu’on ne peut pas filmer les parties communes.
Il faut trouver le bon équilibre – il me semble qu’on y parvient avec le texte de l’article 22 – entre, d’une part, la nécessaire utilisation des drones, notamment dans les prises d’otage, à l’intérieur de domaines privés et, d’autre part, l’interdiction de filmer des domiciles et la garantie d’information accordée aux personnes concernées.
Avis défavorable, donc, sur ces divers amendements, même si j’en comprends la philosophie.
M. le rapporteur, à propos de l’amendement n° 131 rectifié, évoque un problème de précision. Au contraire, me semble-t-il, cet amendement vient justement préciser le travail fait en commission, puisqu’il a pour objet de définir clairement les lieux qui ne doivent pas être filmés : domiciles, entrées, espaces extérieurs de propriétés privées, intérieurs des véhicules. Il tend aussi et surtout à encadrer l’utilisation des drones en matière de sécurité civile, en cas d’incendie notamment, comme l’a dit M. le ministre.
Il va donc plutôt dans le sens voulu par la commission ; je ne comprends pas bien, par conséquent, l’avis émis sur cet amendement. C’est l’inverse de ce qui a été dit qui me semble vrai : il s’agit de sécuriser l’utilisation des images filmées par des drones.
Je vais retirer l’amendement déposé par Hervé Marseille. Je pense que j’arriverai à le convaincre de la sagesse et de la pertinence des arguments du rapporteur et du ministre – il comprendra.
Je suis favorable à l’amendement n° 347 et au sous-amendement n° 388, qui tend sagement à assortir la proposition du Gouvernement d’un caractère expérimental. Cela doit rassurer tous les collègues qui craignent cette disposition ; expérimenter est souvent un signe de sagesse : cela permet à la fois de gagner la confiance de chacun et de se donner les moyens d’ajuster les éléments qui mériteront de l’être. C’est aussi faire preuve de confiance envers la police municipale, et surtout faire œuvre d’efficacité en matière de sécurité et, me semble-t-il, de protection des libertés.
Le sous-amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 131 rectifié et 329 rectifié n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’amendement n° 306.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 318 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 218, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les caméras aéroportées utilisées par la police nationale, la gendarmerie nationale ou la préfecture de police de Paris ne peuvent pas être dotées de dispositifs de nature à rendre possible, quels que puissent être les usages retenus, l’identification des personnes filmées.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Comme nous l’avons dit au cours de la discussion générale, nous saluons le travail de la commission des lois pour mieux encadrer l’usage des drones. Nous souhaitons cependant, par cet amendement, qu’il soit précisé à l’article 22 que les drones ne peuvent pas être utilisés pour identifier les personnes filmées.
Cette interdiction de l’identification des personnes par drones est contraire à l’objet même de ce que nous venons de voter.
Par définition, donc, avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 219, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Est prohibée toute installation de dispositifs d’armement sur les aéronefs.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Il s’agit de préciser qu’est prohibée l’installation de dispositifs d’armement sur les drones.
Voilà l’amendement Star Wars, comme nous l’avons appelé. On est complètement en dehors du sujet : on instruit des procès d’intention qui ne sont absolument pas fondés.
Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis. C’est le côté obscur de la Force…
Sourires.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 373, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
A. – Alinéa 6
Après la référence :
« Art. L. 242-2. -
insérer la mention :
I. –
B. – Après l’alinéa 7
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
« II. – Dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi n° … du… relative à la sécurité globale, le ministre de l’intérieur précise, par des lignes directrices adressées aux services mentionnés aux articles L. 242-5 et L. 242-6 et placés sous son autorité :
« – les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données personnelles auxquelles les agents doivent satisfaire pour être autorisés à procéder au traitement d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord ;
« – pour chacune des finalités mentionnées au présent chapitre, les cas et modalités selon lesquels le recours à des caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord est considéré comme proportionné au sens de l’article L. 242-4 ;
« – les règles techniques devant encadrer l’usage, dans le temps et dans l’espace, des caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord par les services compétents, et en particulier les spécifications permettant de s’assurer que les lieux privés mentionnés au premier alinéa du I du présent article ne font pas l’objet de prises de vues spécifiques.
« La Commission nationale de l’informatique et des libertés est consultée préalablement à l’adoption et à la modification de ces lignes directrices, qui font l’objet d’une mise à jour régulière pour tenir compte de l’évolution des techniques et des normes relatives à la protection des données personnelles.
« Sous réserve des seuls éléments dont la divulgation pourrait être contraire à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, ces lignes directrices sont rendues publiques avec l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement, auquel je faisais allusion en réponse à Mme Gatel, a fait l’objet d’un travail très approfondi de la part de notre collègue Loïc Hervé : on peut parler d’une véritable doctrine d’emploi des drones.
Il est rédigé en six alinéas qui sont autant de lignes directrices permettant de préciser les exigences de formation des personnels, les garanties juridiques générales énoncées par la loi, les cas concrets où l’usage des drones peut être considéré comme proportionné au regard des finalités autorisées par la loi – c’est très important pour éviter les risques constitutionnels –, et surtout de définir les spécifications techniques qui, si elles n’ont pas leur place dans la loi, sont indispensables pour s’assurer que ces dispositifs potentiellement très intrusifs ne portent pas une atteinte disproportionnée à la vie privée, ce qui répond aux préoccupations exprimées par les auteurs des amendements précédents.
Avec ce travail juridique important, nous avons toutes les garanties nécessaires pour mettre en place l’expérimentation.
Cet amendement va certainement moins loin que ceux que nous avions déposés ; reste qu’il démontre, s’il en était besoin, que les inquiétudes sont nombreuses et qu’il est nécessaire de sécuriser ce dispositif. Star Wars ne paraît finalement pas si loin ; tout le monde semble vouloir s’en prémunir.
Nous voterons cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 240, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Après les mots :
et de l’autorité responsable
supprimer la fin de cette phrase.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Il est défendu, madame la présidente : il va dans le même sens que les précédents.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 132, présenté par M. Gontard, Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Cet amendement vise une nouvelle fois à sécuriser cette proposition de loi.
Le 22 décembre dernier, le Conseil d’État vous a infligé, monsieur le ministre, ainsi qu’au préfet de police de Paris, un véritable camouflet en interdisant d’utiliser les drones pour surveiller les rassemblements sur la voie publique.
Dans sa décision, le Conseil d’État dénonçait même le dispositif dans son essence : « Le ministre n’apporte pas d’élément de nature à établir que l’objectif de garantie de la sécurité publique lors de rassemblements de personnes sur la voie publique ne pourrait être atteint pleinement, dans les circonstances actuelles, en l’absence de recours à des drones. »
En droit des données personnelles, si l’utilité d’un dispositif de surveillance n’est pas clairement démontrée, celui-ci ne peut jamais être autorisé. Là où sont en cause des données sensibles telles que les opinions politiques captées en manifestation, il faut même, pour qu’ils soient autorisés, que ces dispositifs soient absolument nécessaires au maintien de l’ordre.
Cette proposition de loi ne justifie en rien cette absolue nécessité. Rien ne vient donc justifier cette atteinte gravissime au droit de manifester et à la liberté d’opinion – nous en avons déjà parlé hier soir.
Comme je viens de le dire, la commission a présenté une doctrine d’emploi des drones et a spécifiquement encadré leur usage lors de rassemblements publics, en exigeant que des circonstances particulières soient réunies : lorsqu’il existe des craintes de troubles à l’ordre public d’une particulière gravité, lorsque les circonstances liées au lieu de l’opération rendent difficile le recours à d’autres outils de captation d’images ou lorsque ces circonstances sont susceptibles d’exposer les agents à un danger significatif.
Avec le dispositif proposé, nous pensons avoir bien encadré le problème. Avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 133, présenté par M. Gontard, Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Cet amendement a pour objet l’utilisation des drones pour la surveillance des frontières. Je ne m’étendrai pas sur la politique migratoire de la France, aussi inhumaine qu’inefficace. Mais je vais tenter de vous convaincre avec des arguments rationnels.
Le retour d’expérience de la surveillance de la frontière américano-mexicaine par drones fait état d’une immense gabegie financière : cette politique est coûteuse et inefficace. En 2015, un rapport du département de la sécurité intérieure faisait apparaître que les arrestations d’immigrés clandestins pouvant être imputées aux drones représentaient 1, 8 % du total de ces arrestations, pour un budget global de 62, 5 millions de dollars !
Clairement, l’intervention humaine est moins onéreuse et plus efficace.
Pire encore, on apprenait en 2016 que les cartels mexicains pirataient les GPS des drones surveillant la frontière pour la franchir tranquillement. Cette inefficacité est sans doute à l’origine de la volonté de l’ex-président Trump de construire son fameux mur, autre gabegie qui ne connaît guère plus de succès.
Concernant l’Europe, les chiffres montrent l’explosion du budget de l’agence Frontex, de 137 millions d’euros en 2015 à 322 millions d’euros en 2020, selon les chiffres de la Cour des comptes européenne, et une automatisation toujours plus grande de la surveillance des frontières.
Parallèlement, le ratio entre le nombre de personnes qui tentent de franchir la Méditerranée et le nombre de celles qui y laissent la vie ne fait qu’augmenter.
Cette automatisation de la surveillance aux frontières n’est donc qu’une nouvelle façon pour les autorités européennes d’accentuer le drame qui continue de se jouer en Méditerranée, pour une efficacité qui, finalement, ne profite qu’aux industries de la surveillance. À l’échelle de la France, la problématique est la même : de tels drames humains ont lieu chaque jour dans les Alpes.
En plus d’être littéralement inhumaine, la surveillance de la frontière par drones nous semble particulièrement onéreuse et inopportune. Il faut bien sûr encadrer et même interdire l’utilisation des drones pour la surveillance des frontières.
Monsieur le sénateur, nous pensons très exactement le contraire. Nul besoin d’aller jusqu’à la frontière américano-mexicaine ; il suffit d’aller à la frontière franco-italienne, où l’on trouve une série de régions montagneuses, pour constater que la surveillance de grandes étendues de nature par des drones permet au contraire de déceler les franchissements illégaux.
Cela n’empêche pas un traitement humanisé des interpellations. En tout cas, pour ce qui est de la surveillance, le drone est beaucoup moins onéreux et tout à fait adapté.
Avis défavorable.
J’ai bien entendu M. Gontard défendre son amendement et M. le rapporteur lui répondre. Monsieur le rapporteur, je vais vous dire le fond de ma pensée en une phrase : vous venez de faire la démonstration de la société dont nous ne voulons pas !
M. le rapporteur nous parle de la configuration de la frontière italienne pour affirmer que l’usage des drones y serait indispensable. Je vous invite à aller réellement voir ce qui se passe à la frontière italienne, à Montgenèvre notamment : des cas manifestes d’inhumanité et des accidents s’y produisent tous les jours. L’utilisation de drones dans des conditions de montagne – vraiment, je vous invite à y aller : vous verrez ce que c’est ! –, cela ne fonctionne pas. On a doublé voire triplé les effectifs ; cela ne fonctionne pas.
Nous pourrions être plus pragmatiques dans l’élaboration de nos politiques : ouvrir les yeux, observer et constater ce qui ne fonctionne pas. D’autres politiques seraient peut-être plus utiles.
Allez voir aussi du côté italien ; discutez avec les élus : ils vous diront exactement la même chose.
Le moment est venu d’agir et de mettre en œuvre un accueil digne, en tout cas de faire en sorte que votre politique se fasse dans les règles, celles des droits de l’homme, et même des droits tout court – ce n’est pas ce qui se passe actuellement à Montgenèvre.
Si l’on voulait respecter les droits à Montgenèvre, il faudrait créer un centre d’accueil, ce qui n’est absolument pas à l’ordre du jour. On refuse les demandeurs d’asile, on les renvoie en Italie. Je pourrais parler des centres d’enfermement qui se trouvent à Menton – je ne sais comment les appeler autrement, puisqu’ils ne sont pas définis. Je rappelle qu’un arrêt récent intime justement au préfet de laisser les parlementaires et les associations visiter ces lieux – nous nous y sommes rendus à plusieurs reprises, mais nous nous en sommes vu refuser l’accès. Il est temps que la France respecte les droits !
Je ne peux pas laisser tenir de tels propos dans l’hémicycle !
Premièrement, monsieur le sénateur, il n’est pas anormal que la France, comme tous les pays, souhaite préserver sa souveraineté et ses frontières. Ce n’est pas un gros mot que de parler de frontières et de souveraineté !
Deuxièmement, les conditions dans lesquelles les étrangers sont accueillis sur le sol national sont on ne peut plus dignes et conformes aux droits de l’homme. Avec 142 000 demandes d’asile, la France est le pays qui, proportionnellement à sa population, accueille le plus de demandeurs d’asile en Europe.
Vous affirmez que nous ne sommes pas assez efficaces. L’Italie, l’année dernière, a enregistré 34 000 demandeurs d’asile sur son sol. Or, rien qu’à la frontière italienne, nous avons procédé à 38 000 reconduites à la frontière ! Les policiers, les gendarmes et les agents de la préfecture travaillent dans des conditions extrêmement difficiles. Ils doivent notamment faire face à des militants politiques, parfois accompagnés de parlementaires, qui viennent les « embêter », pour ne pas dire plus.
Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.
Si on pouvait travailler sans le Parlement, ce serait tellement mieux !
Il me semble que nous pourrions, à juste titre, souligner le grand calme et la grande efficacité de la police et de la gendarmerie de la République !
Troisièmement, vous citez l’exemple de Menton. Mais les Italiens sont d’accord avec nous ! C’est tellement vrai que, en négociant avec deux gouvernements italiens différents – j’ai reçu encore hier la ministre italienne de l’intérieur et je me suis rendu trois fois directement à Rome et plusieurs fois à Menton, à Bardonecchia ou à Vintimille –, nous venons de mettre en place – c’est une première – un contrôle en commun par des patrouilles franco-italiennes. Contrairement à ce que vous dites, le gouvernement et les élus italiens partagent tout à fait notre point de vue. Par ailleurs, la plupart des élus que j’ai rencontrés dans les Alpes-Maritimes ne sont pas de votre avis politique, c’est le moins que l’on puisse dire !
Enfin, l’une des difficultés, et vous n’en parlez jamais, c’est celle des passeurs, ceux qui font de la traite d’êtres humains. La façon dont aujourd’hui sont traités indignement les étrangers en situation irrégulière sur notre sol n’est pas le fait de l’État, qui les protège, mais des passeurs et des organisations criminelles. Ce sont eux que nous devons combattre !
Il est donc normal qu’un État souverain protège ses frontières, sauf à considérer qu’il n’y a pas de problème avec les frontières et la souveraineté, et que l’on doit laisser chacun aller n’importe où. Il existe des règles pour entrer sur le territoire national. Nous souhaitons les faire respecter, comme l’ensemble des pays européens, en parfaite collaboration avec l’Italie.
Par ailleurs, nous devons résoudre des problèmes plus profonds, qui sont la conséquence soit des désordres climatiques, soit des désordres économiques, soit des désordres politiques, ce que la France fait très largement puisqu’elle octroie à peu près 30 000 demandes d’asile par an à certaines personnes pourchassées dans leur pays pour des raisons d’ordre sexuel ou politique.
De plus, la France, indépendamment des difficultés observées à la frontière italienne, rencontre également des problèmes dans la région des Hauts-de-France, puisqu’une grande partie des migrants souhaitent passer chez nos amis britanniques, pour y travailler. Nous sommes donc à la fois un pays d’entrée et un pays d’accueil. Le peuple français fait preuve d’un sang-froid remarquable, avec des policiers et des gendarmes qui opèrent dans des conditions extrêmement difficiles. Je ne peux donc pas laisser dire ce que vous avez affirmé sur la police de la République, qui travaille dans la plus grande dignité.
Mme Brigitte Lherbier applaudit.
En ce qui concerne le jugement du tribunal administratif de Nice, les centres seront effectivement ouverts à chacun. Je rappelle qu’à Menton il ne s’agit pas d’un centre de rétention : il ne faut pas non plus dire n’importe quoi dans l’hémicycle, monsieur le sénateur !
Oui, parce qu’on ne peut pas laisser dire n’importe quoi sur les services de l’État ! Vos propos sont insultants pour les policiers et les gendarmes, …
… qui, tous les jours, travaillent dans des conditions difficiles et en faisant preuve d’humanité !
Quoi qu’il en soit, à Menton, toutes les quatre heures nous remettons effectivement à la police italienne un certain nombre de migrants en attente sur le site de Menton. Vous nous invitez à aller voir ce qui se passe à la frontière, mais nous savons très bien comment les choses se déroulent : nous ne faisons qu’exprimer un avis différent du vôtre !
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.
M. Patrick Kanner. Monsieur le ministre, nous essayons d’avoir un dialogue respectueux au sein de cet hémicycle. Ce n’est pas la première fois que vous accusez un sénateur ou une sénatrice de « dire n’importe quoi ».
M. Gérald Darmanin le confirme.
Vous êtes en droit d’être défavorable à l’opinion que nous émettons à l’égard de l’une de vos propositions, mais vous pourriez faire preuve de davantage de respect à l’égard de la Haute Assemblée et nous répondre en des termes un peu plus sympathiques !
Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. François Bonhomme ironise.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue, même si ce n’en était pas vraiment un…
Nous nous honorons de ce que nous faisons à l’endroit des réfugiés. Nous sommes des parlementaires et c’est notre travail de visiter ces centres. Nous visitons également des prisons et des centres de rétention administrative (CRA). Nous nous sommes rendus plusieurs fois à Menton et sur la frontière franco-italienne.
Arrêtez d’entretenir cette sorte de suspicion à l’égard des parlementaires et d’alimenter l’idée que certains d’entre eux iraient à l’encontre des lois. Vous qui nous faites de longs cours d’histoire depuis mardi, souvenez-vous que, dans le passé, quelques parlementaires – ils n’étaient pas nombreux – ont aidé ceux qui fuyaient la guerre et les camps. Nous prétendons être un pays d’accueil, mais nous ne montrons pas l’exemple !
Cessez de nous montrer du doigt et laissez-nous faire notre travail, car vous ne faites pas le vôtre en ce qui concerne l’accueil des réfugiés et des migrants. Votre politique n’est qu’un échec !
M. Guy Benarroche applaudit.
S’agissant de la nature et des termes du débat, j’ai le sentiment que M. le ministre a un petit problème avec le Parlement, qu’il accuse de « dire n’importe quoi ». C’est ce qui m’a été répondu hier, c’est aussi ce qui nous a été reproché ce matin. Je ne peux pas laisser tenir de tels propos !
Maintenant, à en croire M. le ministre, nous « embêterions » les forces de l’ordre : excusez-moi, mais nous sommes aussi attachés au bon fonctionnement de nos institutions que vous, monsieur le ministre, et nous sommes les premiers sur le terrain, dans nos circonscriptions, dans nos communes à respecter, à rendre hommage et à accompagner le travail des gendarmes et des policiers. Votre volonté de revendiquer le monopole de la sécurité devient quelque peu lassante !
M. Patrick Kanner applaudit.
Quant au rapport entre le Gouvernement et le Parlement, qu’observons-nous depuis hier ? Que vous avez déposé beaucoup d’amendements de suppression sur l’excellent travail de la commission des lois en matière de garanties. Le Défenseur des droits ne dit pas n’importe quoi ! La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ne dit pas n’importe quoi ! La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ne dit pas n’importe quoi ! Quand des parlementaires cherchent à améliorer un texte bancal, ils font leur travail, malgré la procédure simplifiée.
Cette proposition de loi, qui vise à être un projet de loi, est un texte bricolé. Elle n’est pas le bon véhicule législatif pour traiter de sujets aussi importants. Nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, on légifère à la va-vite et il faudra sans doute y revenir bientôt. Il s’agit d’une énième loi de sécurité décidée sous la pression d’événements malheureux.
Quand la CNCDH s’inquiète à propos des drones en disant qu’il s’agit d’un nouveau type de rapport entre la police et la population, caractérisé par la défiance et la distance, et non d’une nouvelle technologie de surveillance, quand des magistrats, des avocats, des associations de défense des droits de l’homme et des responsables éminents le dénoncent également, je ne crois pas qu’il faille traiter leurs avis par le mépris en les considérant comme farfelus !
Ces mesures sont prématurées, inquiétantes, voire dangereuses. L’amendement déposé par notre collègue Gontard mérite donc toute notre attention.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.
Monsieur le ministre, quoi que vous disiez, quels que soient les grands mots que vous utilisez, les images de tentes lacérées et de chaussures volées parlent d’elles-mêmes : les migrants et les réfugiés ne sont pas accueillis dignement dans notre pays !
Beaucoup de Françaises et de Français, qui voient dans leur environnement quotidien, à côté de chez eux, des installations de fortune peuvent malheureusement en témoigner !
Aujourd’hui, y compris à la frontière, il est faux d’affirmer que les gens sont accueillis dignement. Certes, notre pays – et c’est heureux ! – traite et accorde des demandes d’asile, mais on ne peut pas se cacher derrière cette réalité pour affirmer que tout va bien !
Pour ma part, je crois que l’on demande à un certain nombre d’agents des forces de l’ordre – je ne pense pas qu’ils agissent de leur propre chef – de faire des choses pour décourager les réfugiés et rendre leurs conditions de vie de plus en plus difficiles. D’ailleurs, les journalistes n’ont pas la possibilité de visiter certains endroits pour témoigner de ce qui s’y passe. Alors oui, nous, parlementaires, devons faire notre travail, c’est-à-dire observer et contrôler l’action du Gouvernement !
Aujourd’hui, la situation est terrible : non seulement on accueille des réfugiés qui ont déjà connu des souffrances extrêmes dans des conditions qui ne sont pas dignes de notre pays et de nos valeurs, mais de surcroît on met les agents des forces de l’ordre en situation de faire des choses que, pour beaucoup d’entre eux et d’entre elles, ils réprouvent. §On ne peut pas dire que tout va bien, que la France est formidable et la situation des réfugiés est magnifique !
Cette explication de vote vaudra pour l’ensemble de l’article.
Avec beaucoup de respect pour chacun, il y a un lien entre le débat d’aujourd’hui et celui que nous avons eu hier sur les drones et la liberté de manifester.
Sans provocation aucune, mes chers collègues, je ne dirai jamais que vous dites n’importe quoi, même si parfois certains propos sont extravagants et peuvent être hors sujet.
L’actuelle instrumentalisation de dispositifs visant à garantir la sécurité des forces de l’ordre, mais aussi à préserver nos libertés, me semble prendre un tournant dangereux. Il nous faut, parce que nous sommes tous responsables, reconnaître qu’il est important de faire évoluer les moyens affectés à la sécurité pour garantir nos libertés.
Madame Assassi, j’ai été très touchée par votre intervention hier, lorsque vous avez exprimé votre volonté de citoyenne de pouvoir manifester pour défendre vos idées. Je salue vos propos et vos engagements. Dans le même temps, d’autres interventions hier m’ont profondément choquée. Dans une démocratie, si l’on veut que chacun puisse défendre ses idées et manifester en toute tranquillité, avec ses enfants, il faut de la sécurité.
A-t-on entendu parler hier des hélicoptères qui survolaient les manifestations dans les villes ? A-t-on entendu parler hier de manifestations qui étaient instrumentalisées par des gens qui n’ont qu’une envie : utiliser la liberté et la conviction de ceux qui vont manifester pour détruire ?
À Rennes, pendant des mois, des gens se sont servis de la liberté de manifester pour casser. Je pense sincèrement que notre commission a veillé à sécuriser les dispositifs. Soyons réalistes et dépassons les postures. À défaut, cela pourrait nous mettre en très grosse difficulté par rapport aux attentes de nos concitoyens et des policiers qui nous protègent !
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 188 rectifié, présenté par MM. Perrin et Cambon, Mme Primas, M. Cigolotti, Mme Thomas, MM. Longeot et Courtial, Mmes L. Darcos et Demas, M. Burgoa, Mmes Lopez et Belrhiti, M. Lefèvre, Mmes Guidez, Deroche et Dumont, MM. de Belenet, D. Laurent, Rapin, Milon et Mouiller, Mmes Schalck, Berthet et Loisier, M. Longuet, Mme Imbert, MM. Mandelli et B. Fournier, Mme Deromedi, M. Menonville, Mme Chauvin, M. Wattebled, Mmes Raimond-Pavero, Billon et Garriaud-Maylam, MM. Duffourg, Brisson, A. Marc et Bouchet, Mme Saint-Pé, MM. Vogel, de Nicolaÿ et Darnaud, Mme Ventalon, M. Bascher, Mme M. Mercier, M. Charon, Mme Joseph, M. Guerriau, Mme Gruny, MM. Le Nay, Le Gleut et Belin, Mme Pluchet et MM. Decool, Saury, Rietmann et Meurant, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 24
Supprimer cet alinéa.
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
….. – Le code de la défense est ainsi modifié :
1° Après la section 1 du chapitre II du titre III du livre III de la première partie, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section …
« Dispositifs techniques concourant à la protection des installations d ’ importance vitale
« Art. L. 1332 -…. – À des fins de protection des établissements, installations et ouvrages d’importance vitale mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2, les services de l’État concourant à la défense nationale, à la sûreté de l’État et à la sécurité intérieure peuvent procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord, à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images dans les conditions définies aux articles L. 2364-2 à L. 2364-4. » ;
« 2° Le titre VI du livre III de la deuxième partie est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre ….
« Dispositifs techniques concourant à la protection des installations militaires
« Art. L. 2364 -1. – À des fins de protection des installations militaires, les services de l’État concourant à la défense nationale, à la sûreté de l’État et à la sécurité intérieure peuvent procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord, à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images.
« Art. L. 2364 -2. – La mise en œuvre des traitements prévus à l’article L. 2364-1 ne peut donner lieu à la collecte et au traitement que des seules données personnelles strictement nécessaires à l’exercice des missions concernées et s’effectue dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Les opérations de captation d’images sont réalisées de telle sorte qu’elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.
« Art. L. 2364 -3. – Ces enregistrements sont conservés pour une durée maximale de trente jours, excepté s’ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire ou administrative.
« Art. L. 2364 -4. – Le public est informé par l’autorité responsable, par tout moyen approprié, de la mise en œuvre de dispositifs de captation d’images au titre du présent chapitre, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis. »
La parole est à M. Mathieu Darnaud.
Cet amendement de notre collègue Cédric Perrin vise à renforcer les outils utilisés pour assurer la protection des installations militaires et des installations d’importance vitale en définissant les conditions de mise en œuvre des caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord.
Il est proposé, à ce titre, d’insérer de nouvelles dispositions dans les première et deuxième parties du code de la défense pour compléter le régime juridique des installations d’importance vitale et des installations militaires.
Ces caméras seront utilisées à des fins de protection des zones militaires et des établissements, installations et ouvrages d’importance vitale.
Dans ces conditions, des garanties propres à ces usages sont définies, tenant notamment à une durée de conservation des enregistrements limitée et à une information générale du public.
Les traitements de données mis en œuvre devront également respecter l’ensemble des garanties de la loi Informatique et libertés, en particulier son article 31. Ces traitements seront ainsi soumis à l’avis préalable de la CNIL. L’acte réglementaire les autorisant déterminera, outre la durée de conservation prévue par les nouveaux articles en cause, les catégories de données traitées, les destinataires de ces données et les modalités d’exercice des droits reconnus aux personnes concernées par ces traitements.
Le sous-amendement n° 383, présenté par M. Richard, est ainsi libellé :
Amendement n° 188 rectifié, alinéas 8 et 12
Supprimer les mots :
circulant sans personne à bord
La parole est à M. Alain Richard.
J’approuve pleinement les objectifs et le cadre fixé par l’amendement de M. Cédric Perrin. En examinant les conditions de fonctionnement et de protection de certaines unités militaires ou de certaines bases militaires, on note cependant qu’une partie des images sont prises par hélicoptère. Il faut donc retirer, aux alinéas 8 et 12 de cet amendement, l’expression « circulant sans personne à bord », s’agissant du statut des images et de la protection des tiers, notamment.
Quant à l’utilisation des images prises par hélicoptère dans ces circonstances, elles doivent être traitées comme des images de drones.
Le sous-amendement n° 374, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 188 rectifié
1° Alinéa 13
Remplacer la référence :
à l’article L. 2364-1
par les mots :
aux articles L. 1332-… et L. 2364-1 doit être justifiée au regard des circonstances de chaque intervention, pour une durée adaptée auxdites circonstances et qui ne peut être permanente. Elle
2° Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité responsable tient un registre des traitements mis en œuvre précisant la finalité poursuivie, la durée des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant accès aux images, y compris, le cas échéant, au moyen d’un dispositif de renvoi en temps réel.
3° Alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 2364 -3. – Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont effacés au bout de trente jours.
4° Alinéa 16
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Une information générale du public sur l’emploi de dispositifs aéroportés de captation d’images est organisée par le ministre de la défense.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 374 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 188 rectifié et le sous-amendement n° 383.
Loïc Hervé a défini une doctrine d’emploi. En cohérence avec ce qui a été dit, il s’agit ici d’ajouter certaines garanties nécessaires.
La commission est favorable à l’amendement tout à fait pertinent présenté par Mathieu Darnaud, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 374.
J’en profite pour rebondir sur le débat précédent. J’ai été rapporteur de la loi prorogeant certaines dispositions de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, la loi SILT. Je me suis déplacé dans les Alpes-Maritimes et j’ai pu constater combien il était vital de pouvoir surveiller la frontière. La police venait d’arrêter un terroriste dangereux s’apprêtant à menacer une installation stratégique à Dunkerque : cette personne avait parcouru des kilomètres le long du littoral. C’est évidemment grâce à des engins de type drone ou hélicoptère que l’on peut parvenir à réaliser une telle surveillance. Il faut donc savoir ce que l’on veut. Voulons-nous être protégés ? Voulons-nous lutter efficacement contre le terrorisme ? Tout cela n’a rien à voir avec l’accueil des réfugiés, qui est un autre sujet.
La commission est également favorable au sous-amendement n° 383 de M. Richard.
L’avis du Gouvernement est identique à celui qui vient d’être exprimé par la commission.
Le sous-amendement est adopté.
Le sous-amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 328 rectifié bis, présenté par MM. Richard, Mohamed Soilihi, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéas 26 à 28
Rédiger ainsi ces alinéas :
1° La prévention et l’évaluation des risques de sécurité civile ;
2° Le secours d’urgence aux personnes ;
3° La lutte contre les incendies, autres accidents, sinistres ou catastrophes.
La parole est à M. Alain Richard.
Cet amendement concerne les conditions d’utilisation des images prises au moyen de dispositifs aéroportés en matière de protection civile. Je suggère de clarifier et de resserrer les finalités pour lesquelles ces images peuvent être utilisées, à savoir : la prévention et l’évaluation des risques ; le secours d’urgence aux personnes ; la lutte contre les incendies et les accidents.
La commission a défini un certain nombre de conditions. Notre collègue Alain Richard souhaite apporter des précisions, mais nous pourrions le faire en commission mixte paritaire. S’il accepte de retirer cet amendement, je m’engage à aboutir sur ce point pour tenir compte de ses observations.
L ’ article 22 est adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 130 rectifié, présenté par M. Gontard, Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Est instauré un moratoire interdisant aux autorités publiques de déployer tout traitement automatisé de recueil de l’image d’une personne par le moyen de la vidéoprotection à des fins d’exploitation biométrique, dans l’espace public, sans le consentement des personnes concernées.
Ce moratoire s’applique pour une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
J’espère que Mme Gatel ne trouvera pas cet amendement extravagant…
La première de nos valeurs républicaines est la liberté. Nous devrions tous défendre les libertés publiques et individuelles. Or il me semble que ce texte s’éloigne de nos valeurs républicaines.
Le présent amendement est directement inspiré des travaux de notre collègue députée Paula Forteza et du groupe écologiste de l’Assemblée nationale. Cet amendement de sagesse vise à instaurer un moratoire interdisant l’usage de la reconnaissance faciale pour identifier les individus sans le consentement préalable et éclairé des intéressés, et ce jusqu’à ce que des garanties suffisantes soient établies en termes de sécurité et de libertés fondamentales. C’est le choix de plusieurs villes américaines, telles que Portland ou San Francisco.
Je précise que ce dispositif ne concerne que les caméras dans l’espace public. Ce moratoire – je le dis en réponse à M. le ministre – ne concernerait pas les autres types d’expérimentations comme celles qui sont relatives à l’authentification. Il ne s’appliquerait pas non plus lorsque les alternatives sont proposées aux utilisateurs, par exemple dans le cas de l’application « authentification en ligne certifiée sur mobile » (Alicem) ou du dispositif « passage rapide aux frontières extérieures » (Parafe), en cours d’expérimentation ou de déploiement. Ni le rapporteur ni le ministre ne semblent l’avoir compris lors des débats à l’Assemblée nationale, qui ont été décevants.
Les données faciales sont des données biométriques sensibles et constituent des informations irrévocables. Elles sont, par définition, uniques et inchangeables en cas de vol ou de compromission. Une protection accrue de ces données doit être mise en place. Cela soulève donc des enjeux cruciaux en matière de libertés publiques, d’éthique et de consentement.
La reconnaissance faciale n’est pas, à ce jour, une technologie totalement mûre et possède encore de nombreux défauts techniques, comme cela a été souligné au cours des débats. Il existe, notamment, des biais lorsqu’il s’agit des minorités ethniques, des femmes et des jeunes.
Par ailleurs, cette technologie peut engendrer des dérives mettant en danger nos libertés et notre démocratie, comme le démontrent les cas de répression des manifestations à Hong Kong ou la surveillance de la minorité ouïghoure par la Chine.
Ce moratoire permettra de prendre le temps nécessaire pour mener et conduire un débat public digne de ce nom. La CNIL ainsi que le Contrôleur européen de la protection des données le demandent. Un tel moment démocratique permettrait de mieux cerner les attentes de l’ensemble de la société civile en matière de numérique, de coconstruire un cadre normatif et de mener une analyse d’impact rigoureuse sur la reconnaissance faciale. Il s’agit donc tout simplement, comme beaucoup s’accordent à le reconnaître, d’un amendement de bon sens.
L’amendement n° 291 rectifié bis, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Est instauré un moratoire interdisant aux autorités publiques de déployer tout traitement automatisé de recueil de l’image d’une personne par les moyens de la vidéoprotection, des caméras mobiles, des caméras embarquées ou caméras installées sur des aéronefs circulant sans personnes à bord, dans l’espace public, sans le consentement des personnes concernées.
Ce moratoire s’applique pour une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Jérôme Durain.
C’est un bon sens partagé que celui de M. Gontard et de ses collègues, car nous nourrissons des inquiétudes assez profondes sur l’utilisation de l’intelligence artificielle et de la reconnaissance faciale.
Hier, M. le ministre n’a pas apprécié que j’aille puiser mes remarques dans le Livre blanc de la sécurité intérieure. Excusez-moi d’y revenir, monsieur le ministre, mais quand on lit dans ce Livre blanc que l’on veut « mobiliser les technologies biométriques dans le respect des valeurs et des normes de l’État de droit », c’est une bonne chose ! Or on trouve, plus bas, un point 4.7 intitulé : « Expérimenter la reconnaissance du visage dans l’espace public ». Nous sommes donc en droit de nous poser des questions, parce que nous comprenons que, si on le peut, on le fera !
Le cadre législatif qui nous est proposé n’est pas suffisamment protecteur des libertés individuelles et n’apporte pas assez de garanties. Je le redis, Loïc Hervé a effectué un travail remarquable sur les garanties encadrant certains dispositifs. Malgré tout, il est prématuré de s’engager dans la voie de la reconnaissance faciale.
Le ministre nous a assuré hier qu’il n’y aurait pas de reconnaissance faciale, car nous butons parfois sur des questions de performance technologique des instruments. Je suis quand même très inquiet et je ne suis pas le seul : dans le débat public, de nombreuses personnes s’alarment des dérives potentielles. La reconnaissance faciale est déjà mise en place dans d’autres pays. Pourquoi n’y viendrions-nous pas également, comme certaines grandes démocraties – du moins qui se vivent comme telles –, à l’autre bout de la planète, où la population vit avec le système du « crédit social » et sous la surveillance et le contrôle de 250 millions de caméras ? Soyons vigilants sur ces sujets.
Nous demandons donc la mise en place d’un moratoire de deux ans pour éviter que l’on s’engage trop vite et trop mal dans la reconnaissance faciale.
Ce n’est pas la première fois que plusieurs de nos collègues, en particulier M. Durain, attirent notre attention sur l’évolution des technologies, qui peut aller plus vite que le cadre structurant posé par le législateur.
Pour autant, nous lançons une expérimentation. Mme Gatel, en faisant adopter un très bon amendement, a permis la réalisation d’une évaluation à mi-parcours. Le président de la commission des lois a proposé la constitution d’une mission d’information pluraliste – majorité et opposition – dont je serai corapporteur pour aller au fond de ces questions.
Vous avez donc raison, il faut approfondir ces sujets passionnants et très importants pour les libertés publiques. À mi-parcours, nous connaîtrons le résultat de la mission d’information et nous pourrons intégrer ses réflexions. C’est pourquoi je suis défavorable à la mise en place d’un moratoire.
M. le rapporteur nous rappelle fort justement que la commission des lois va mettre en place une réflexion approfondie sur le sujet. A contrario, il indique qu’il faut commencer l’expérimentation.
À l’inverse, l’instauration d’un moratoire nous permettrait de mener des investigations et des recherches, d’en tirer toutes les conséquences et de passer ensuite à une expérimentation en toute connaissance de cause. C’est pourquoi la mise en place d’un moratoire me semble tout à fait justifiée.
Mon intervention ira dans le même sens que celle de Didier Marie. La commission a bien cerné les problématiques posées par ces nouvelles technologies. Elle a parfaitement compris que l’ouverture à la reconnaissance faciale était un réel problème et qu’il fallait l’encadrer. Elle a certes prévu une clause de revoyure au bout deux ans, mais ce n’est pas suffisant. Le moratoire me paraît être un bon dispositif. Il permet de prendre le temps de la réflexion afin de se poser les bonnes questions. J’ai vraiment du mal à comprendre que l’on refuse un tel dispositif. Le Sénat a la réputation d’être la chambre de la sagesse. Donnons-nous le temps et ne mettons pas trop rapidement le doigt dans l’engrenage. Derrière un tel système, il y a une question de choix de société. Pour le coup, il s’agit véritablement d’amendements de bon sens.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Le titre IV du livre II du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Caméras embarquées
« Art. L. 243 -1. – Lors de leurs interventions, les autorités publiques mentionnées aux articles L. 242-5 et L. 242-6 peuvent procéder, au moyen de caméras équipant leurs véhicules, embarcations et autres moyens de transport fournis par le service, à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images captées au sein de ces moyens de transport, sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public.
« Art. L. 243 -2. – Les traitements prévus à l’article L. 243-1 ont pour finalités de prévenir les incidents au cours des interventions, de faciliter le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves, d’assurer la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public, de faciliter la surveillance des littoraux, des eaux intérieures et des zones frontalières ainsi que le secours aux personnes et la lutte contre l’incendie, et de réguler les flux de transport.
« Art. L. 243 -3. – Les traitements prévus à l’article L. 243-1 ne peuvent être mis en œuvre de manière permanente. Les images captées peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné. L’autorité responsable tient un registre des véhicules et moyens de transports concernés ainsi que des traitements mis en œuvre. Elle précise pour chacun la finalité poursuivie, la durée des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant accès aux images, y compris, le cas échéant, au moyen d’un dispositif de renvoi en temps réel.
« Art. L. 243 -4. – Le public est informé, par une signalétique spécifique, de l’équipement du moyen de transport par une caméra, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis. Une information générale du public sur l’emploi des caméras équipant les moyens de transport est organisée par le ministre de l’intérieur.
« Art. L. 243 -5. – Hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements sont effacés au bout de trente jours.
« Art. L. 243 -6. – Les modalités d’application du présent chapitre et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret précise également les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès à ces derniers. »
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 236 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 297 rectifié bis est présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 236.
Cet article vise à créer un cadre juridique à l’usage des caméras embarquées dans les véhicules des forces de l’ordre et des services de secours. Les auteurs de cet amendement sont opposés à l’extension de l’usage des caméras embarquées partout dans l’espace public, et à la surveillance massive et indifférenciée à laquelle cela conduit.
Certes, la commission des lois du Sénat a procédé à des modifications de cet article pour y intégrer des garanties complémentaires relatives au traitement des images constituant des données à caractère personnel, mais bien d’autres points de cet article posent problème.
Je pense à l’usage possible de moyens militaires pour surveiller les populations telles que les drones ou encore les hélicoptères équipés non plus d’une « simple caméra », mais d’une « boule optronique », dont la caméra thermique et le zoom surpuissant permettent à la police de filmer, de traquer, d’identifier, de jour comme de nuit, et de retransmettre en direct le flux vidéo, avec une « qualité d’image comparable à celle que le public connaît pour le Tour de France », comme l’indique La Quadrature du Net dans l’une de ses analyses.
Je pense aussi aux finalités nombreuses et imprécises qui seront poursuivies pêle-mêle, de la surveillance de manifestations à la surveillance des frontières, ou encore à la surveillance de tous les lieux « ouverts au public ».
Je pense enfin au fait que les populations ne soient pas forcément informées de l’équipement du moyen de transport par une caméra.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à cet article.
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 297 rectifié bis.
L’article 22 bis présente le mérite d’encadrer une pratique qui existe déjà, illégalement, depuis plus de dix ans.
Cependant, malgré les modifications introduites par la commission des lois, cet article continue de soulever des interrogations, similaires à celles qui se posent pour l’encadrement des caméras aéroportées prévu à l’article 22 de la proposition de loi.
Son champ d’application est trop lâche et ne va pas sans poser de difficultés, notamment lorsque les caméras embarquées sont utilisées dans le cadre de manifestations.
Les modalités d’information du public ne sont guère explicitées.
Les exceptions posées à l’information du public – à savoir lorsque les circonstances l’interdisent et lorsque les objectifs visés s’y opposent – ne semblent pas assez précises et laissent une marge de manœuvre trop importante aux forces de sécurité.
Alors que le respect des libertés fondamentales est en jeu, il n’est pas acceptable de renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de définir le cadre de ce dispositif.
Ces amendements tendant à la suppression de l’article 22 bis, l’avis est défavorable.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 236 et 297 rectifié bis.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 352, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
aux articles L. 242-5 et L. 242-6
par les mots :
aux articles L. 242-5 à L. 242-7
La parole est à M. le ministre.
La commission avait dans un premier temps émis un avis défavorable sur cet amendement. Mais, vous avez pu le constater en début de séance, le président François-Noël Buffet a déposé un sous-amendement visant à permettre, dans des conditions encadrées – nous venons de l’expliquer à plusieurs reprises –, l’expérimentation par les polices municipales de drones.
Par cohérence, et pour faire suite à l’initiative de M. Buffet, je dois vous indiquer que, depuis que la commission a adopté une position défavorable, j’ai consulté nombre d’associations d’élus et de collègues maires. Il en ressort que beaucoup de dispositions existent déjà et qu’il me semble nécessaire, sous réserve de l’encadrement prévu par la commission, de les faire évoluer.
Je m’en remets donc à la sagesse de nos collègues.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 237 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
service
insérer les mots :
, à l’exception des aéronefs circulant sans personne à bord régis par le chapitre II du présent titre,
La parole est à Mme Éliane Assassi.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 134, présenté par M. Gontard, Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le traitement des images par des logiciels de reconnaissance faciale est interdit.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Je serai bref puisque nous avons déjà eu ce débat à l’occasion de l’examen du présent article et des deux précédents.
En cohérence avec les propositions que nous avons présentées sur les caméras-piétons et avec les dispositions adoptées par la commission à l’article 22 relatif aux drones, nous souhaitons que soit interdit le traitement des images captées par des caméras embarquées via des logiciels de reconnaissance faciale.
Je rappelle que la reconnaissance faciale ne doit pas être considérée comme une technologie d’identification biométrique comme les autres. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) garantit aux citoyennes et aux citoyens européens « le droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé, y compris le profilage », selon la définition du profilage inscrite à l’article 4 de ce règlement.
L’usage de la reconnaissance faciale, notamment de façon automatisée, entre en contradiction avec l’article 5 du RGPD. Parce que la reconnaissance faciale appartient à la catégorie plus large des techniques biométriques, elle entre également en contradiction avec l’article 9 interdisant « le traitement des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique ». M. le ministre en a fait la brillante démonstration hier…
Si l’on est opposé à la reconnaissance faciale, il faut interdire l’utilisation de ces logiciels.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Le refus du rapporteur et du ministre me laisse perplexe. Cet amendement est pourtant extrêmement simple : il dit que le traitement par reconnaissance faciale est interdit.
Si l’on rejette cet amendement, cela signifie que l’on accepte que cette pratique soit autorisée…
Est-ce bien ce que vous voulez ?
Je trouve très étrange que le rapporteur soit défavorable à cet amendement, et très inquiétant que le Gouvernement partage son avis. Je pense donc qu’il faut voter cet amendement et dire qu’il n’y a pas de possibilité de reconnaissance faciale.
Il serait intéressant que le ministre s’exprime sur ce sujet.
Souhaitez-vous autoriser la reconnaissance faciale, ou non ? Vous avez répondu « non », monsieur le ministre, mais la réponse devrait justement passer par l’adoption de cet amendement.
Je veux également m’adresser aux collègues qui siègent à droite de l’hémicycle : souhaitez-vous la mise en place de la reconnaissance faciale ? Si vous rejetez cet amendement, il me semble que la réponse est « oui », ce qui serait particulièrement dangereux, me semble-t-il, pour les libertés publiques.
Je demande un scrutin public sur cet amendement.
Je mets aux voix l’amendement n° 134.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 91 :
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 238, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 243-2. - Les traitements prévus à l’article L. 243-1 ont pour finalités le secours aux personnes et la lutte contre l’incendie, et de réguler les flux de transport.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Il s’agit de limiter les finalités d’usage des caméras embarquées aux situations de secours et d’urgence.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 362, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
de manière permanente
par les mots :
que pour la durée strictement nécessaire à la réalisation de l’intervention concernée
II. – Alinéa 9, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. le ministre.
L’avis est favorable sur le I de cet amendement, qui vise à limiter la durée de captation des images par les caméras embarquées à celle de l’intervention. Cette précision est tout à fait utile et pertinente.
Sur le II, en revanche, l’avis est défavorable.
Comme je l’ai expliqué, nous avons élaboré une doctrine qui a été clairement retranscrite dans le texte de la commission. L’adoption du II de l’amendement reviendrait à remettre en cause une partie de cette doctrine, ce qui ne me semble pas cohérent avec notre position.
Faute d’un retrait du II par le Gouvernement, je demanderai un vote par division sur cet amendement.
Je suis l’avis de M. le rapporteur et accepte de rectifier l’amendement en retirant le II.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 362 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
de manière permanente
par les mots :
que pour la durée strictement nécessaire à la réalisation de l’intervention concernée
Je le mets aux voix.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 239, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Après les mots :
par une caméra
supprimer la fin de cette phrase.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Nous avons défendu, à l’article 22, un amendement ayant le même objet, mais relatif à l’usage des drones.
Il s’agit ici, dans le cadre de l’usage des caméras embarquées, de garantir l’information du public par une signalétique spécifique. Autrement dit, lorsque ces caméras sont utilisées et qu’elles filment des citoyens présents dans l’espace public, ceux-ci doivent en être informés par tout moyen.
Les exceptions en la matière n’ont pas leur place dans un dispositif aussi problématique que celui qui nous est proposé, avec un éventail d’usages démesuré, puisque notre amendement visant à limiter les finalités aux situations de secours et d’urgence n’a pas été retenu.
Vous l’aurez compris, cet amendement revêt pour nous une importance toute particulière. Il a trait à la question que j’ai posée précédemment : de quelle société voulons-nous ? Il s’agit non pas d’une question rhétorique, mais d’une réelle interrogation qui traduit une grande inquiétude.
L’espace public est-il voué à être mis sous une cloche numérique et filmé dans son ensemble à tout moment ? Tout semble mis en œuvre pour parvenir à cette fin, et croyez bien que nous le regrettons.
Comme sur l’amendement précédent de Mme Assassi, l’avis est défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 22 bis est adopté.
L’amendement n° 177 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Requier et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Après l’article 22 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le g du I de l’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces vérifications peuvent notamment être effectuées auprès toute entité publique ou privée recourant à des systèmes de vidéosurveillance. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour saluer la participation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) aux travaux de la commission, ainsi que les recommandations qu’elle a pu faire et que nous avons entendues.
La CNIL n’est pas qu’un organe consultatif. Vous le savez, elle est également chargée d’un travail de terrain. En effet, elle peut notamment missionner un ou plusieurs de ses membres pour procéder ou faire procéder à des vérifications portant sur tout traitement de données à caractère personnel.
Si le recours à la vidéosurveillance est toujours plus important, dans la perspective de sécuriser les locaux et terrains des entreprises et des administrations, il apparaît nécessaire que la CNIL exerce un contrôle actif et efficace concernant le traitement des données qu’impliquent de tels dispositifs. L’objet de cet amendement est donc d’expliciter cette fonction en l’inscrivant parmi l’ensemble des missions dont la CNIL est chargée.
L’intention des auteurs de l’amendement est bonne, mais celui-ci est satisfait par le droit en vigueur : la CNIL a tout à fait la possibilité d’intervenir sur le contrôle des systèmes de vidéoprotection et de tous ceux que nous avons énumérés.
Par ailleurs, le président de la commission des lois consulte et fait appel à la CNIL sur des sujets qu’il estime stratégiques et fondamentaux ; et il ne s’en est pas privé. La CNIL donne alors un avis. La commission des lois en a tenu compte pour élaborer sa doctrine, comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice.
Je demande donc le retrait de l’amendement.
L’amendement n° 177 rectifié est retiré.
L’amendement n° 385, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 22 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la défense est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 1521-2, il est inséré un article L. 1521-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1521-2-1. – Pour l’exécution de la mission définie à l’article L. 1521-2, les commandants des bâtiments de l’État ou les commandants de bord des aéronefs de l’État peuvent procéder, au moyen de caméras équipant leur bâtiment ou leur aéronef, à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images pour faciliter et sécuriser la conduite des opérations.
« Il peut également être procédé à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installés sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote ou installés sur des navires ou engins flottants de surface maritimes ou sous-marins, autonomes ou commandés à distance, sans personne embarquée.
« Les enregistrements sont conservés pour une durée maximale de trois mois, excepté s’ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire ou administrative.
« Le public est informé par tout moyen approprié de la mise en œuvre de l’équipement des bâtiments ou des aéronefs par une caméra, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis. » ;
2° L’article L. 1521-4 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cadre de la visite, cette équipe peut procéder à l’enregistrement audiovisuel de son intervention, au moyen de caméras individuelles aux seules fins de faciliter et de sécuriser la conduite des opérations.
« Les enregistrements sont conservés pour une durée maximale de trois mois, excepté s’ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire ou administrative.
« Les personnes présentes à bord sont informées par tout moyen approprié de l’emploi de caméras individuelles, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis. »
La parole est à M. le ministre.
Le sous-amendement n° 387, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement 385
1° Alinéa 6, au début
Ajouter les mots :
Aux mêmes fins,
2° Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
« La mise en œuvre du traitement prévu au présent article doit être justifiée au regard des circonstances de chaque intervention, pour une durée adaptée auxdites circonstances et qui ne peut être permanente. Elle ne peut donner lieu à la collecte et au traitement que des seules données personnelles strictement nécessaires à l’exercice des missions concernées et s’effectue dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
« L’autorité responsable tient un registre des traitements mis en œuvre précisant la finalité poursuivie, la durée des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant accès aux images, y compris, le cas échéant, au moyen d’un dispositif de renvoi en temps réel.
« Les opérations de captation d’images sont réalisées de telle sorte qu’elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.
« Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont effacés au bout de trente jours.
3° Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Une information générale du public sur l’emploi de dispositifs aéroportés de captation d’images est organisée par le ministre de la défense.
4° Alinéas 11 et 12
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« L’enregistrement n’est pas permanent.
« Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont effacés au bout de trente jours.
« Les caméras sont fournies par le service et portées de façon apparente. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre de la défense.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 387 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 385.
Ce sous-amendement, qui concerne la police en mer, est similaire à celui qui a été présenté précédemment par Mathieu Darnaud sur les sites stratégiques et il prévoit les mêmes garanties.
L’avis est favorable sur l’amendement n° 385 du Gouvernement, sous réserve de l’adoption du présent sous-amendement.
Bien que le sous-amendement de la commission des lois me semble d’une grande complexité, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
J’imagine que vous aurez l’occasion lors de la commission mixte paritaire, monsieur le rapporteur, de vous entendre avec vos collègues de l’Assemblée nationale.
Le sous-amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 22 bis.
TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES AUX FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE
L’amendement n° 66 rectifié, présenté par Mme G. Jourda, MM. Cozic, Bourgi, Redon-Sarrazy, Antiste, Pla et Stanzione, Mme Artigalas, MM. Vallet, Devinaz et Vaugrenard, Mme Bonnefoy, M. Tissot, Mmes Conway-Mouret, Préville et Monier, M. Cardon et Mme Féret, est ainsi libellé :
Avant l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatorzième alinéa du 1 du I de l’annexe I de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, il est inséré un alinéa rédigé :
« Dans les communes de moins de 50 000 habitants, ce principe peut connaître une dérogation, permettant ainsi à la gendarmerie nationale d’assurer cette mission de sécurité publique. »
La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Monsieur le ministre, dans le quotidien Le Parisien du 14 novembre dernier, vous justifiiez la volonté d’aller vers une organisation plus efficace par une mauvaise répartition des zones d’intervention entre les deux forces de sécurité intérieure. Vous vous appuyiez ainsi sur les conclusions du récent Livre blanc de la sécurité intérieure.
Vous le savez, ces annonces de la modification à venir du zonage entre police et gendarmerie inquiètent les élus. Même si nous partageons ce constat – oui, la répartition territoriale a, dans certains territoires, perdu de sa pertinence –, une réforme s’impose. Cet amendement ainsi que le suivant visent à introduire davantage de souplesse et d’efficacité.
Mais il faut que cette réforme à venir, quelle qu’elle soit, fasse l’objet d’une étroite concertation, en amont et en aval, avec les associations d’élus locaux, afin de réaliser un « délicat travail de dentelle », pour reprendre l’expression de notre collègue Françoise Gatel.
J’irai même plus loin : il faut rendre obligatoire la consultation des associations départementales des maires, de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), en cas de projet de modification du zonage entre police et gendarmerie. Monsieur le ministre, nous attendons de vous un engagement en ce sens.
Le présent amendement porte sur la question des zones de compétence territoriale entre police et gendarmerie, qui est un sujet délicat. Il l’est d’autant plus que les syndicats de police et les élus locaux ont peut-être mal compris, à la lecture de l’entretien que vous avez accordé, que vous vouliez accroître le périmètre de la police, alors que de nombreux élus souhaitent basculer en zone gendarmerie.
Le sujet est donc sensible dans nos territoires et chez les élus, mais également au sein des forces de sécurité. Même si policiers et gendarmes s’en défendent, chacun dénonce par avance la volonté hégémonique de l’autre.
Aujourd’hui le code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que les communes de plus de 20 000 habitants relèvent par défaut de la compétence de la police nationale. Nous voulons, par cet amendement, créer une dérogation qui permettrait à la gendarmerie d’assurer la sécurité publique des communes jusqu’à 50 000 habitants.
Lorsque j’étais député, j’ai défendu auprès de cinq ministres de l’intérieur successifs, sous deux gouvernements d’orientation politique différente, la question du partage entre les zones de police et les zones de gendarmerie. Chaque fois, j’étais accompagné par des élus locaux du secteur et, chaque fois encore, les ministres de l’intérieur, quelle que fût leur orientation politique, nous ont écoutés avec beaucoup d’attention.
Cette organisation est évidemment une préoccupation des élus de terrain, mais je ne pense pas qu’elle relève de la loi.
Par définition, cette question relève du ministre de l’intérieur et de ses services. Or il arrive, ma chère collègue, que ces ministres écoutent les élus locaux ! Tous ceux que j’ai rencontrés m’ont toujours écouté, y compris celui qui se trouve aujourd’hui au banc du Gouvernement…
L’avis est défavorable.
Madame la sénatrice, ce sujet ne relève effectivement pas du domaine de la loi.
J’ai, pour ma part, toujours consulté les élus locaux, à l’instar, je pense, de tous mes prédécesseurs ; je suis certain que mes successeurs feront de même, car cette question est très importante pour les territoires.
Je ne souhaite pas qu’advienne le grand soir des zones de police et de gendarmerie, car ce serait quelque peu ridicule. Le dernier qui s’est essayé à une réforme de ce type fut Manuel Valls, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, en se limitant à quelques zones.
Je souhaite, en revanche, que l’on réfléchisse aux territoires de la délinquance.
Ce qui a changé, en effet, ce ne sont ni la police ni la gendarmerie, mais les agglomérations et la géographie de notre pays, lequel a connu une augmentation du nombre d’habitants et un mouvement de conurbation, avec la création de lignes de transport, notamment de métro et de tramway, mais aussi de villes nouvelles.
On rencontre des situations étonnantes. Le territoire de certaines villes, par exemple, est surveillé par la police, quand la rocade d’autoroute qui relie celle-ci à la ville est surveillée par la gendarmerie. Avouez que ce n’est pas d’une grande efficacité collective ! Nous devons donc examiner cela concrètement.
Je ne suis pas favorable à votre amendement, car j’estime que le nombre d’habitants ne signifie pas grand-chose. Mieux vaut raisonner en termes de territoires de délinquance, car c’est cela qui compte.
Je connais des communes de 5 000 ou 6 000 habitants qui ont des problèmes de radicalisation, de trafic de stupéfiants, de délinquance générale, et des villes de 30 000 habitants où les choses sont très différentes, même si la vie n’y est pas, à proprement parler, paisible.
Je connais des endroits où les besoins en termes de maintien de l’ordre public sont importants, et d’autres où tel n’est pas le cas.
Je connais des territoires qui ont agrandi leur conurbation, et où les présidents d’agglomération eux-mêmes demandent aux collectivités locales de se mettre d’accord pour avoir un seul correspondant. En effet, à cause d’un mitage parfois ancien, nous connaissons aujourd’hui des structurations urbaines différentes.
D’autres agglomérations, dont le territoire est en partie rural et en partie urbain, vivent très bien le fait de disposer de plusieurs forces. J’ajoute, à cet égard, que le discours selon lequel la gendarmerie n’intervient que dans la ruralité est faux : 70 % des interventions de la gendarmerie ont lieu en zone urbaine ou périurbaine. Et je ne parle pas des gendarmes mobiles qui interviennent très largement dans les zones de police.
Ce débat est ancien, au moins autant que le code général des collectivités territoriales. Entre-temps, la gendarmerie nationale a été rattachée au ministère de l’intérieur, et c’est une bonne chose.
Ce débat est donc aujourd’hui moins important qu’il ne l’était lors des quinze, vingt ou trente dernières années puisqu’une seule force intervient désormais, celle qui relève du ministère de l’intérieur.
Encore une fois, il n’y aura pas de grand soir des zones de police et de gendarmerie. Il faut mener des réflexions pour savoir si nous pouvons être plus efficaces ici ou là. À cet égard, les exemples de la rocade d’autoroute et des lignes de transport en commun que je citais précédemment me paraissent frappés au coin du bon sens. Rien ne se fera sans les élus locaux !
Avis défavorable.
Je comprends parfaitement l’inquiétude de Mme Gisèle Jourda.
Dans le Livre blanc, on a fixé arbitrairement, si je puis me permettre cette expression, un nombre d’habitants. Or c’était totalement faux.
M. le ministre, je le crois, suivra l’exemple des autres ministres de l’intérieur. On ne peut en effet avancer sur la sécurité territoriale sans associer ce pilier de la sécurité qu’est le maire.
Quel que soit le cas de figure, quand viendra sur la table le sujet de la répartition des compétences entre la gendarmerie et la police, le ministre aura donc prévu, selon une logique implacable et incontournable – à moins que je ne me trompe ; nul n’a la science infuse ! –, de réunir autour de la table les élus de proximité. Ils pourront ainsi participer à la définition de la compétence territoriale des forces de sécurité concernant leur commune, en fonction de leur environnement, en zone urbaine, périurbaine ou rurale.
La perspective d’une telle conciliation doit être de nature à apaiser l’inquiétude de notre collègue.
Je suis très sensible à la question soulevée par Gisèle Jourda.
Nous avons eu l’occasion de l’évoquer, monsieur le ministre, à la suite du rapport d’information fait par nos collègues Rémy Pointereau et Corinne Féret au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, et intitulé L ’ A ncrage territorial de la sécurité intérieure.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour rendre un hommage très sincère à la gendarmerie, laquelle cultive depuis fort longtemps avec les élus locaux une relation de proximité et de synergie permettant que l’information circule. Ainsi, maires et gendarmes sont souvent d’excellents partenaires.
J’entends cependant les réflexions d’Henri Leroy et de M. le ministre. En France, nous avons longtemps organisé les choses en fonction de seuils de population. Cela n’est plus d’actualité, car il y a désormais des zones urbaines, périurbaines, et des connexions, notamment en termes de mobilité et d’accès routier ou ferroviaire : la délinquance a une agilité qui lui fait dépasser les frontières administratives. Il nous faut donc sans doute raisonner en termes de bassins de délinquance.
Ma chère collègue, je partage votre souhait d’un dialogue nourri et construit avec les élus locaux. Le maire joue à cet égard un rôle pivot, et il ne pourra en effet y avoir de continuum de sécurité dans le cadre d’une réforme, quelle qu’elle soit, en l’absence d’une étroite collaboration avec ces élus.
Pour avoir vécu dans le département de l’Aude, sous plusieurs gouvernements, les répartitions et zonages successifs entre police et gendarmerie, je me permets de dire respectueusement devant la Haute Assemblée que les choses ne sont pas si simples !
Je ne vois pas en quoi il serait dérangeant d’inscrire dans la loi le principe de la consultation des associations d’élus. Cela se pratique, certes, dans certains départements. Dans le mien, en revanche, je puis vous dire que tel n’était pas le cas et que les élus sont allés dans la rue pour protester.
Vous avez ainsi devant vous une socialiste qui a organisé dans son département une manifestation, alors que le gouvernement de l’époque était celui de M. Jospin. §Par la suite, sous la présidence de M. Sarkozy, nous avons dû faire la même chose…
Les choses allant mieux en les disant, je souhaite que le principe d’une telle concertation soit inscrit dans la loi. Nous connaissons chacun des exemples locaux… Ma démarche est donc tout à fait fondée et respectueuse des lois de notre République.
Vous ne pouvez pas empêcher certains maires, jusqu’au seuil de 50 000 habitants, de vouloir une représentation plus efficace des forces de gendarmerie !
Tel est le sens de cet amendement, que j’appelle mes collègues à soutenir.
Applaudissements sur des travées du groupe SER.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 65 rectifié, présenté par Mme G. Jourda, MM. Cozic, Bourgi, Redon-Sarrazy, Antiste, Pla et Stanzione, Mme Artigalas, MM. Vallet, Devinaz et Vaugrenard, Mme Bonnefoy, M. Tissot, Mme Conway-Mouret, M. Sueur, Mmes Préville et Monier, M. Cardon et Mmes Féret et Poumirol, est ainsi libellé :
Avant l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatorzième alinéa du 1 du I de l’annexe I de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les communes de moins de 50 000 habitants, ce principe peut connaître une dérogation lorsqu’une coopération étroite de la police nationale et de la gendarmerie nationale s’avère nécessaire. Les forces de la gendarmerie nationale peuvent alors, à la demande du maire et sous l’autorité du préfet, renforcer les actions de la police nationale. »
La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Dans la continuité de mon intervention précédente, je vous présente cet amendement d’appel : un appel à la souplesse, à l’efficacité, à l’optimisation des échanges et des coopérations territoriales de toutes les forces de sécurité, un appel, enfin, à une intégration plus directe de l’ensemble des acteurs dans ce fameux continuum de sécurité.
La clé de répartition arithmétique actuelle entre les forces de gendarmerie nationale et les forces de police nationale ne convainc plus ni les élus ni les forces de police et de gendarmerie. Dans le contexte sanitaire actuel, vous avez pu le constater, les bassins de délinquance évoluent – vous l’avez dit, monsieur le ministre. Les mesures sanitaires ont notamment renforcé les comportements d’occupation du domaine public. Face à ces réalités, les forces de l’ordre sont souvent en nombre insuffisant.
La connaissance des problématiques de sécurité en zone périurbaine par les forces de gendarmerie constitue, à mon sens, une indéniable amélioration de la sécurité globale de nombreux territoires. Je citerai ainsi la ville de Carcassonne qui comprend, en plus de sa zone urbaine, cinq hameaux rattachés qui se suivent et dont les populations sont similaires à celles des communes rurales limitrophes.
Il convient désormais de dépasser le seul critère démographique de leur répartition sur nos territoires, en tenant compte de leurs besoins ponctuels. Tel est l’objet de cet amendement.
Vous me répondrez que la possibilité de renforcer la zone de police nationale par la gendarmerie départementale existe déjà au travers de la coordination opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires (Corat), mise en place en 2011.
Ce dispositif prévoit notamment que, dans un cas imprévisible et urgent excédant ses capacités de réponse, une force peut demander le concours de l’autre force. La Corat s’applique pour les communes de toutes tailles, quelle que soit la zone de compétence. Mais nous voulons aller plus loin et prévoir un élément de souplesse si le maire en fait la demande.
Ainsi, cet amendement prévoit que, dans les communes de moins de 50 000 habitants, à la demande du maire et sous l’autorité du préfet, des brigades mobiles de gendarmerie pourront intervenir en appui ponctuel en zone de police nationale. Les unités de gendarmerie pourront donc venir s’agréger à la police nationale et renforcer ses actions dans nos zones urbaines.
Ma chère collègue, vous avez dépassé votre temps de parole et largement présenté votre amendement.
Quel est l’avis de la commission ?
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 290 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mme Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport préparatoire à la réforme urgente de l’organisation et du fonctionnement des corps d’inspection des forces de l’ordre nationales.
Ce rapport a pour objet l’élaboration d’un modèle reposant sur un organisme public non ministériel, doté d’un pouvoir d’initiative d’enquêtes et composé de membres appartenant aux corps respectifs de la police et de la gendarmerie nationales, du Défenseur des droits et de personnalités qualifiées.
La parole est à M. Didier Marie.
Monsieur le ministre, à la fin du mois de novembre 2020, vous avez reconnu devant la commission des lois de l’Assemblée nationale que la police souffrait de sept péchés capitaux. Vous avez, à cette occasion, fait des propositions de réforme pour répondre, à la fois, à la crise provoquée par la multiplication des violences policières et à l’injonction du Président de la République de réaffirmer le lien de confiance entre la police et les citoyens.
Outre les questions de la formation et des moyens d’encadrement, vous avez cité comme péché capital – c’est le cinquième – le fonctionnement de l’inspection générale de la police nationale (IGPN). Vous avez fait des propositions, sans aller très loin dans les préconisations, mais en reconnaissant qu’il existait un problème de transparence et de confiance et qu’il serait peut-être opportun de nommer une personnalité indépendante à la tête de cette inspection.
Cette réforme de l’IGPN est attendue, parce qu’elle est nécessaire. Les organes actuels de contrôle interne des forces de l’ordre font l’objet de critiques récurrentes en raison de leur manque d’indépendance, qui entretient le soupçon de partialité.
L’effet de corps lié à la composition actuelle des organes de contrôle qui comprennent majoritairement des policiers et des gendarmes rattachés organiquement au ministère de l’intérieur, via les directions générales de la police et de la gendarmerie, crée un sentiment d’entre-soi professionnel et entretient une culture corporatiste.
Comprenez bien, monsieur le ministre, que nous ne mettons pas en cause l’action des contrôleurs de l’IGPN en tant que telle. Ces derniers sont redoutés par les fonctionnaires de police, et nous ne disons en aucune façon que l’IGPN est une machine à laver les violences illégitimes.
Nous prenons également acte de certaines évolutions réalisées ces dernières années dans le sens de l’ouverture et de la transparence de l’institution – je pense notamment au bilan annuel de l’IGPN présenté à la presse et à la mise en place d’un comité d’orientation du contrôle interne –, mais elles restent insuffisantes, car votre ministère a une capacité de résistance incroyable lorsqu’il s’agit de prendre toute la mesure des crises.
Cette situation communément admise exige d’engager une véritable réforme structurelle, afin de faire évoluer les modalités du contrôle vers davantage de transparence et d’équilibre. Cette démarche est la condition pour que les autorités de contrôle regagnent en légitimité, en retrouvant l’impartialité dont elles n’auraient jamais dû se départir.
Pour y parvenir, il faut séparer la chaîne de contrôle et la chaîne de commandement. À défaut, les forces de l’ordre encourent le risque que les actions qu’elles mènent dans le cadre de leur mission de sécurité publique continuent d’être désavouées et contestées.
Cet amendement tend donc à vous inviter, monsieur le ministre, à donner suite à votre engagement de réforme de l’IGPN.
Dans le cadre du Beauvau de la sécurité, nous aurons l’occasion dans quelques semaines d’évoquer la question des inspections. Ce qui vaut pour l’IGPN vaut également pour l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) et, de manière générale, pour toutes les inspections.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire précédemment, l’IGPN conduit, d’une part, des enquêtes administratives : il est tout à fait normal qu’elle soit, à ce titre, rattachée au directeur général de la police nationale et au ministre de l’intérieur. On n’imaginerait pas des enquêtes administratives faites par une inspection qui ne serait pas placée auprès du directeur général du ministre – cela n’aurait aucun sens ! –, qu’il s’agisse de l’inspection générale des finances (IGF) pour le ministère des finances ou de l’inspection générale de la justice pour le ministère de la justice.
D’autre part, l’IGPN peut être saisie dans le cadre judiciaire directement par le procureur de la République : elle ne rend alors pas compte des décisions qu’elle prend ou des faits qu’elle constate dans le cadre de ses enquêtes, comme tous les services de police. Dans ce cas, elle ne fait pas remonter d’informations au ministre de l’intérieur.
Il faut donc accepter cette dualité des inspections.
Ensuite, vous avez évoqué, monsieur le sénateur, des dysfonctionnements. Ils existent, et j’ai justement dit qu’il fallait non pas moins, mais plus d’IGPN.
La non-publicité des décisions prises par l’IGPN ou des recommandations faites au ministre de l’intérieur était un défaut. C’est moi qui ai décidé de publier ces recommandations lors des récentes affaires que vous avez évoquées.
L’absence de caractère contraignant des propositions de l’IGPN faites dans le cadre d’enquêtes administratives est également un défaut : ces propositions doivent s’imposer au directeur général et au ministre comme un minimum – on peut imaginer que le ministre ait envie d’aller plus loin.
L’absence de délai de remise de ses conclusions de l’IGPN après sa saisine est un autre défaut.
Le dispositif est satisfaisant, sinon la justice ne saisirait pas l’IGPN presque systématiquement de tout ce qui concerne les difficultés impliquant des membres forces de l’ordre. Nous devons simplement assurer la transparence de ses décisions, les rendre contraignantes et garantir qu’elles seront rendues rapidement.
Je regrette que M. le rapporteur ait balayé aussi rapidement notre amendement. L’IGPN n’est pas un sujet totalement anodin lorsqu’on évoque la sécurité globale.
Notre amendement, monsieur le ministre, est l’un de ceux que le Sénat n’a pas l’habitude de retenir, puisqu’il prévoit la remise d’un rapport pour associer le Parlement, en l’occurrence le Sénat, à la réflexion sur la réforme des corps d’inspection. Vous en avez convenu, celle-ci est nécessaire. La confiance dans nos forces de sécurité réside effectivement dans la transparence, qui n’est aujourd’hui pas suffisante – vous en êtes d’accord, me semble-t-il.
Nous prenons acte aujourd’hui de votre volonté de faire évoluer les choses. Nous souhaitons, comme vous l’aviez d’ailleurs préconisé lors de votre audition à l’Assemblée nationale, qu’une personnalité indépendante puisse être nommée à la tête de l’IGPN.
Si je me suis opposé à votre amendement, monsieur Marie, c’est parce que la jurisprudence constante de la commission des lois est d’être défavorable aux demandes de rapport.
La commission dispose de tous les outils, sous l’autorité de son président, pour mener des missions d’information et de contrôle quand les sujets se présentent. Nous ne voulons pas être étouffés par des rapports dont on sait – en tant que vieux parlementaire, je peux vous assurer que j’ai vu passer de nombreuses demandes de rapport… – que leur efficacité est vraiment très aléatoire.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Après l’article 721-1-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 721-1-2 ainsi rédigé :
« Art. 721 -1 -2. – Les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles 221-4, 222-3, 222-8 et 222-10 du code pénal ne bénéficient pas des crédits de réduction de peine mentionnés à l’article 721 du présent code lorsque ces infractions ont été commises au préjudice d’une personne investie d’un mandat électif public, d’un magistrat, d’un militaire de la gendarmerie nationale, d’un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, d’un agent de police municipale ou d’un sapeur-pompier professionnel ou volontaire.
« Une réduction de peine peut être accordée aux personnes mentionnées au premier alinéa qui ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite.
« Cette réduction, accordée par le juge de l’application des peines après avis de la commission de l’application des peines, ne peut excéder trois mois pour la première année d’incarcération, deux mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d’un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, sept jours par mois ; pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux sept jours par mois ne peut toutefois excéder deux mois.
« Elle est prononcée en une seule fois lorsque l’incarcération est inférieure à une année et par fractions annuelles dans le cas contraire. Toutefois, pour l’incarcération subie sous le régime de la détention provisoire, elle est prononcée, le cas échéant, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.
« Dans l’année suivant son octroi, et en cas de mauvaise conduite du condamné en détention, la réduction de peine peut être rapportée en tout ou en partie par le juge de l’application des peines après avis de la commission de l’application des peines.
« Pour l’application du présent article, la situation de chaque condamné est examinée au moins une fois par an. »
L’article 23 de la proposition de loi prévoit de supprimer les crédits de réduction automatique de peine pour les auteurs d’infractions qui sont commises au préjudice d’une personne investie d’un mandat public électif – les élus locaux –, de militaires de la gendarmerie nationale, d’agents de l’administration pénitentiaire, des douanes, de la police nationale, de la police municipale, ou de sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires. Je salue le travail fait par la commission des lois.
On l’évoque souvent, les élus locaux et l’ensemble des forces de l’ordre sont, hélas ! en première ligne face à la violence et aux incivilités.
Je participe, comme le font d’autres collègues dans leur département, aux journées nationales organisées sous l’autorité des préfets et des sous-préfets en l’honneur des sapeurs-pompiers, des policiers et des gendarmes victimes du devoir. Chaque année, nous dénombrons malheureusement une vingtaine de décès en service de membres des forces de l’ordre.
En ce qui concerne les élus, nous avons en mémoire le décès du maire de Signes en août 2019. Des élus sont fréquemment menacés ou agressés, ce qui pose de réels problèmes. D’où la nécessité d’une grande fermeté pénale à l’encontre de ceux qui s’attaquent aux membres des forces de sécurité, des forces de l’ordre et aux élus locaux.
À ce titre, un rapport de Philippe Bas, paru en octobre 2019, intitulé Plan d ’ action pour une plus grande sécurité des maires, développait un certain nombre de propositions. Il faut renforcer la réponse pénale à l’égard des infractions commises sur les catégories de métiers ciblées par les nouvelles dispositions.
Je soutiendrai donc cet article qui a été largement retravaillé par nos collègues.
Je l’ai déjà dit, rien dans ce texte n’a été envisagé pour remédier à la culture de l’impunité qui porte atteinte à l’image des forces de l’ordre et contribue à saper le lien de confiance nécessaire entre celles-ci et la population.
Alors que nous commençons l’étude du titre IV relatif aux forces de sécurité intérieure, nous nous devons de reconnaître la réalité que vivent certains de nos citoyens au quotidien, malgré le peu d’enquêtes permettant de la documenter, chiffres à l’appui : c’est celle des contrôles au faciès.
Selon l’enquête publiée en 2017 par le Défenseur des droits Jacques Toubon, on a vingt fois plus de chances d’être contrôlé quand on est un jeune homme « noir » ou « arabe » en France.
Une autre étude, menée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en 2009, montrait déjà que, sur 500 contrôles policiers observés à plusieurs endroits de Paris, les personnes perçues comme « noires » ou « arabes » ont été contrôlées de manière disproportionnée par rapport aux personnes perçues comme « blanches ».
Mon groupe et moi-même regrettons que l’amendement que nous souhaitions initialement présenter à cet endroit du texte, et qui avait pour objet d’instaurer le récépissé de contrôle d’identité papier afin de lutter contre le délit de faciès et les contrôles d’identité abusifs, ait été déclaré irrecevable. Nous avions présenté dès 2011 une proposition de loi en ce sens – les écologistes étaient, à l’époque, représentés pour la première fois au Sénat.
Ce récépissé aurait été une avancée pour rétablir la confiance entre la police et la population dans son ensemble.
Nous nous étonnons qu’un texte qui prévoit tant de mesures instaurant davantage de contrôle des citoyens à tous les niveaux ne puisse contenir en son sein un dispositif mettant en place, en contrepartie, des garde-fous à l’action parfois abusive des forces de l’ordre. Nous ne pouvons plus faire l’autruche face à ces abus…
Cet article est très important bien qu’étant très technique. Il aurait d’ailleurs pu justifier, me semble-t-il, la présence du garde des sceaux, puisqu’il porte sur la mise en œuvre des crédits de réduction de peine.
Pour présenter les choses de manière quelque peu sommaire, lorsqu’une personne est incarcérée dans le cadre d’une condamnation définitive, elle peut bénéficier de deux types de réductions de peine : d’une part, de réductions de peine en fonction, pour le dire de manière simple, du comportement ; d’autre part, de réductions de peines dites, de manière impropre ou excessive, « automatiques », qui s’appliquent en fonction de la durée de la détention.
L’un des progrès notables de la loi Perben II a été de prévoir que ces réductions de peine s’appliquaient sauf avis contraire du juge de l’application des peines (JAP), car ce juge n’a absolument pas la capacité d’examiner chaque année la situation de tous les détenus. Cette mesure permettait de sanctionner le détenu qui se comportait de manière inadéquate en prison, tout en faisant bénéficier ceux qui se comportaient normalement de ces réductions.
Il nous est proposé aujourd’hui la mesure inverse : le JAP devra statuer, et il n’y aura plus de système « automatique ».
Cet article pose un autre problème. La gestion carcérale est extrêmement complexe et il faut garder en ligne de mire, à la fois, le comportement le plus adapté ou paisible du détenu, sa capacité à s’insérer dans la vie carcérale et sa réinsertion potentielle. C’est par les réductions de peine que l’on arrive à motiver suffisamment les détenus, puisque celles-ci peuvent être retirées lorsque leur comportement n’est pas adéquat.
C’est donc par ces réductions de peine que l’on peut gérer la paix carcérale – et Dieu sait si, comme vous le savez tous, cette mission est complexe à mener –, tout en entamant le processus de réinsertion.
Par ailleurs, la mesure proposée pose un problème constitutionnel parce qu’elle fait le tri en fonction des victimes. On constate d’ailleurs que les amendements sur cet article fleurissent ! Pourquoi les policiers et pas les journalistes ? Un amendement porte sur ce point. Pourquoi les militaires et pas les enseignants ? C’est l’objet d’un autre amendement.
On ne peut que constater qu’il s’agit d’une sorte d’inventaire à la Prévert et qu’en fonction des victimes il y aura lieu de gérer différemment les détenus. C’est ce qui pose problème d’un point de vue constitutionnel : si la qualité de la victime doit être prise en compte au moment de la condamnation, elle ne doit pas l’être au moment de l’exécution de la peine. Un tel dispositif ne tient pas.
Enfin, le garde des sceaux a annoncé un projet de loi qui doit porter sur les mêmes sujets. Comment allons-nous articuler les deux, sachant qu’il a indiqué dans les médias qu’il mettrait fin aux réductions de peine ?
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 84 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 115 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 280 rectifié bis est présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 84 rectifié.
L’argumentation qui vient d’être développée par Marie-Pierre de La Gontrie recoupe les arguments qui sont les nôtres pour demander la suppression de cet article. Si l’on revient aux dispositions antérieures à 2004, les JAP vont crouler sous une montagne de dossiers. En définitive, ce sont eux qui seront pointés du doigt, car on leur fera porter des responsabilités qu’ils n’ont pas les moyens d’assumer – certains d’entre vous le savent bien, mes chers collègues.
Ensuite, selon l’estimation de l’Association nationale des juges de l’application des peines (Anjap), entre un quart et un tiers des condamnés voient déjà leurs crédits de réduction de peine réduits ou entièrement supprimés. Il est donc nécessaire de se saisir du problème de la manière la plus fine possible pour estimer l’efficacité d’un retour à la situation antérieure.
Enfin, j’ai eu l’occasion de visiter la prison de Fresnes. Nous sommes face à un problème bien réel : quarante établissements pénitentiaires ont été considérés comme exposant les personnes détenues à des traitements inhumains ou dégradants. Ce constat découle non pas d’une expertise de notre groupe, mais de décisions analogues de la justice française et de la Cour européenne des droits de l’homme. On ne peut pas afficher comme objectif une conduite exemplaire à la sortie de l’univers carcéral quand on constate l’état des quarante établissements pointés du doigt.
On peut afficher faussement un objectif de sécurité globale, mais on constatera ensuite une augmentation de l’insécurité dans l’ensemble de nos territoires.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 115.
L’article 23 prévoit la suppression du bénéfice des crédits de réduction de peine pour les personnes condamnées à la suite de la commission de certaines infractions graves : meurtres, actes de torture, actes ayant conduit à des infirmités permanentes. Cette disposition porte atteinte de manière manifeste au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, ainsi qu’au principe d’individualisation de la peine prévu à l’article 132-34 du code pénal.
Selon ce dernier principe, il revient aux magistrats de fixer les modalités d’exécution des condamnations. Dans la pratique, le JAP peut toujours supprimer ou accorder des crédits de réduction des peines, en fonction notamment du comportement de la personne incarcérée. Pour les professionnels de la justice, ces crédits constituent un outil de gestion du bon ordre en détention et permettent, de ce fait, de réduire l’insécurité et l’exposition des surveillants pénitentiaires à des faits de violence.
En outre, l’article 707 du code de procédure pénale prévoit que le régime d’exécution des peines est « adapté au fur et à mesure de l’exécution de la peine, en fonction de l’évolution de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée, qui font l’objet d’évaluations régulières ». Selon les dispositions de ce même article, toute personne incarcérée doit bénéficier d’un retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d’occupation de l’établissement pénitentiaire.
En privant l’administration pénitentiaire et le JAP de leur choix pour accorder ou non ces crédits, l’article 23 rompt avec les objectifs de réinsertion sociale des personnes condamnées et de lutte contre la surpopulation carcérale.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cet article.
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 280 rectifié bis.
Je serai bref, car beaucoup a déjà été dit, notamment par ma collègue Marie-Pierre de La Gontrie.
L’article 23 nous semble contraire à de nombreux principes. Il ne respecte pas la loi de 2019 de programmation pour la justice, dont l’objectif était de diminuer le taux d’incarcération, et ne correspond pas à ce que nous rapportent les magistrats sur la gestion carcérale permise par les crédits de réduction de peine.
On entre dans une mécanique quelque peu curieuse et dangereuse : où s’arrête la liste des personnes qui bénéficient du caractère aggravant des violences commises à leur endroit ? On a déjà débattu de ce sujet : on vise les policiers, puis la famille des policiers, puis les ascendants, bientôt les voisins… Je caricature la situation, mais il est extrêmement délicat d’alourdir les conditions de détention d’une personne condamnée au motif qu’il faut respecter une liste imparfaite et peu claire.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article.
Je commencerai par répondre aux collègues qui ont pris la parole sur l’article.
Je tiens d’abord à vous remercier, monsieur Laménie, de vos propos, que j’approuve tout à fait. Vous avez rappelé les graves atteintes portées à la personne des élus locaux, avec la mort du maire de Signes qui est dans tous les esprits. Cette situation exige un dispositif adapté, non seulement pour les membres des forces de l’ordre sur les questions qui nous préoccupent, mais aussi pour les dépositaires de l’autorité publique. Il faut également appliquer les préconisations du rapport de Philippe Bas. Le texte de la commission apporte la réponse à toutes vos préoccupations légitimes.
Ensuite, je veux dire à Mmes Benbassa et de La Gontrie que leurs réflexions seraient tout à fait exactes… si elles concernaient le texte issu de l’Assemblée nationale.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie fait un signe de dénégation.
Madame de La Gontrie, j’ai écouté votre analyse juridique, qui était comme d’habitude tout à fait pertinente et qui expliquait bien les problèmes. Vous le savez, puisque vous étiez souvent présente lors de nos auditions, nous avons entendu les représentants de la Conférence nationale des procureurs de la République, des juges des libertés et de la détention et, longuement, le procureur général près la Cour de cassation, François Molins. Ce dernier m’a envoyé une note de douze pages, dont une partie concernait l’article 23. La nouvelle rédaction de l’article que nous avons adoptée tient compte de toutes ses remarques. Elle apporte les garanties que vous avez évoquées : la cohérence et la proportionnalité du dispositif de suppression des crédits de réduction de peine pour cette nouvelle catégorie de condamnés.
Le dispositif que nous avons prévu n’est pas calqué sur un régime d’exception antiterroriste. Il a permis de recentrer le champ des infractions concernées par la suppression des crédits sur les infractions les plus graves : meurtres, actes de torture, actes de barbarie, violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, ce qui n’était pas le cas dans le texte de l’Assemblée nationale.
L’adoption de l’amendement de la commission a, par ailleurs, permis d’étendre le champ des personnes au préjudice desquelles ces infractions sont commises pour y inclure les magistrats et les personnes dépositaires de l’autorité publique, notamment les élus locaux, par cohérence avec les victimes, dont la qualité caractérise actuellement une circonstance aggravante dans le droit actuel pour les infractions susmentionnées.
Enfin, pour répondre aux arguments intéressants que vous avez développés à la fin de votre propos, priver l’administration pénitentiaire de tout outil en matière de crédits de réduction de peine serait irresponsable. Il est vrai que le garde des sceaux nous annonce une réforme en la matière. Nous avons, dans notre amendement, esquissé une première piste pour maintenir un dispositif incitant à la bonne conduite en détention, et donc créer une nouvelle forme de crédits de réduction de peine.
Nous avons atteint ce triple objectif dans l’amendement de la commission, raison pour laquelle je donnerai un avis défavorable aux amendements de suppression.
M. le rapporteur a tout dit ou presque, mais, par respect pour les nombreux orateurs qui ont exprimé leur opposition à l’article 23, je tiens à expliciter trois points.
Premier point, madame de La Gontrie, je ne pense pas un seul instant que la disposition présente un vice constitutionnel, puisque la discrimination entre les victimes, avec une « liste à la Prévert », pour reprendre votre expression, qui ne permettrait pas de comprendre pourquoi certaines professions seraient incluses et pas d’autres, existe déjà dans les textes pour distinguer les dépositaires de l’autorité publique.
Certaines personnes sont reconnues comme étant dépositaires de l’autorité publique : les policiers et les gendarmes, ainsi que les élus, comme l’a indiqué M. le rapporteur. S’en prendre à ces personnes est passible d’une peine aggravée, tout comme une aggravation de peine est prévue quand ces personnes commettent des actes répréhensibles – cette réciprocité est bienvenue.
Lorsqu’on est maire et que l’on commet un acte contraire à la loi, tout comme d’ailleurs lorsqu’on est avocat, le juge vous rappelle votre qualité. On peut imaginer, même si cela ne figure pas dans sa décision, que le juge prend en compte dans sa condamnation le fait que la personne dépositaire de l’autorité publique était éclairée quant aux conséquences de ses actes.
Il existe déjà une catégorie juridique – ce n’est pas nous qui l’avons créée ! – de dépositaires de l’autorité publique que le Gouvernement a souhaité prendre en compte.
À notre sens, il n’existe donc pas de problème constitutionnel.
Deuxième point, qui me permettra aussi de répondre à M. Durain, le Gouvernement, lorsqu’il a discuté avec les députés de l’Assemblée nationale, ne souhaitait pas aggraver la peine d’une personne déjà condamnée. Je suis d’accord avec Mme de La Gontrie, le terme « réduction automatique », qui correspond à la remise de peine supplémentaire (RPS), est utilisé par facilité alors que les choses sont un peu plus compliquées, mais chacun le comprend – par exemple, trois mois, puis deux mois, et encore deux mois…
En cas d’attaque de symboles de la République – les policiers, les gendarmes ou les maires par exemple –, il s’agit donc non pas d’aggraver la condamnation, mais de considérer que la réduction ne peut pas être automatique. Entre-temps, comme l’a dit madame de La Gontrie, le garde des sceaux a fait cette annonce. Je m’en réjouis, car j’ai toujours considéré que les réductions de peine automatiques n’étaient pas une bonne politique : c’était au mieux une politique permettant une « bonne utilisation des conditions carcérales ».
Les réductions de peine sont nécessaires parce qu’il faut prendre en considération le comportement et l’insertion de la personne condamnée, mais pourquoi seraient-elles automatiques ? Un effort doit être exigé en contrepartie de la réduction de peine. C’est pour cette raison que l’article 23, tel qu’il a été proposé par l’Assemblée nationale, n’avait pas prévu la suppression des réductions de peine individuelles pour les personnes qui seraient responsables d’infractions ou de crimes et délits contre des gendarmes, des policiers ou des maires.
La réduction de peine individuelle peut évidemment concerner ceux qui ont agressé ces catégories de personnes. Mais il nous paraissait déjà anormal, d’une part, d’obtenir ces réductions de façon automatique lorsqu’étaient attaqués des symboles forts de la République.
D’autre part, de manière générale, ces réductions automatiques ne nous semblaient pas légitimes. Je suis fort heureux et soutiens pleinement le fait que le garde des sceaux vous présente bientôt une grande loi justice. C’est historique, parce que de nombreux gouvernements – on pourrait citer ceux dont faisaient partie les ministres Perben et Dati ainsi que certains gouvernements socialistes – ont mis en place des remises de peine automatiques qui ne sont pas, à mon avis, très pédagogiques vis-à-vis des personnes condamnées.
Le fait que le gouvernement nommé par Emmanuel Macron propose au Parlement la fin des réductions automatiques de peine me semble extrêmement important et suscitera certainement de nombreux débats.
Dans ces conditions, je me rallie évidemment à la rédaction de l’article 23 proposée par M. le rapporteur, mais, je le précise pour Mme de La Gontrie, en attendant que le projet de loi de réforme de la justice soit débattu et adopté – je ne préjuge pas du vote du Parlement.
Il est évident que ces deux textes ne se contrarieront pas puisque, par définition, les agresseurs de policiers, de gendarmes ou de maires n’auront plus droit aux remises de peine automatiques, mais pourront toujours obtenir des remises de peine individuelles. Ainsi, demain, si le Parlement l’accepte, l’ensemble des personnes qui seront condamnées à de la prison ferme ne bénéficieront plus de remises de peine automatiques.
Qui peut le plus peut le moins, aussi la rédaction de l’article 23 proposée par la commission des lois semble déboucher sur un bon équilibre du point de vue des libertés individuelles et du respect des personnes condamnées, ainsi que de celui du respect des personnes dépositaires de l’autorité publique. C’est d’ailleurs à ce titre que ces dernières, à savoir le policier, le gendarme ou le maire – vous avez évoqué le maire de Signes –, bref toute personne ayant la responsabilité d’imposer cette autorité, se voient plus souvent agressées que les autres.
Et en les agressant, c’est la République qu’on agresse. Je crois donc que l’article 23 de la proposition de loi coïncide très bien avec ce que proposera le garde des sceaux dans quelque temps.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Je voudrais simplement attirer l’attention de nos collègues et du Gouvernement sur le fait que, à deux reprises aujourd’hui, le Gouvernement nous met en situation de devoir légiférer, à quelques jours d’intervalle, sur un sujet analogue. C’est une mauvaise façon de travailler.
En effet, nous allons délibérer à l’instant sur ce texte – je ne sais pas quand il sera adopté définitivement –, puis nous aurons à examiner, dans quelques semaines, le projet de loi du garde des sceaux, traitant du même sujet.
De la même manière, cet après-midi, nous allons débattre des dispositions du fameux article 24 de ce texte, alors même que, dans quinze jours, nous discuterons de l’article 18 du projet de loi confortant les principes de la République, dont le périmètre est voisin.
Ce sont de mauvaises conditions pour légiférer et c’est pour cela que nous devons être exigeants. C’est certes l’un des motifs que nous invoquons pour supprimer cet article, mais je souhaitais attirer l’attention, notamment celle du ministre, sur cette extrême difficulté.
Il a été beaucoup question de bon sens, ce matin, donc je ne voudrais pas rater cet épisode. Je me demande sincèrement avec bon sens pourquoi l’on parle de réductions automatiques de peine, alors même qu’il suffirait peut-être de prononcer des peines moins lourdes au moment du jugement. Il ne s’agit néanmoins que de mon bon sens tout à fait personnel. Cette idée de réduction automatique de peine m’échappe donc vraiment.
J’entends bien les arguments des uns et des autres, ainsi que la pertinence du vôtre, ma chère collègue Marie-Pierre de La Gontrie. À l’occasion de la discussion du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, le président Bas avait lancé une enquête sur la situation des élus. Chacun d’entre nous connaît ou a vécu des agressions extrêmement violentes d’élus, lesquels peuvent se trouver désemparés. Ce n’était pas la personne privée qui était attaquée, mais la fonction de maire. Il s’agit donc d’agressions contre le symbole de la République et contre l’autorité qu’incarne le maire.
La commission des lois me semble avoir fait un travail assez ciselé et j’apprécie l’avis du Gouvernement sur ce sujet. Aussi, chère Marie-Pierre de La Gontrie, je pense qu’il est important d’acter cela aujourd’hui. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir à l’occasion du texte traitant de la justice.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 84 rectifié, 115 et 280 rectifié bis.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 48 rectifié, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, MM. H. Leroy, Tabarot, Genet, Le Gleut et Le Rudulier, Mmes Schalck, Garnier et Pluchet, M. Bascher, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bonne et Bonnus, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Cadec, Charon et Courtial, Mmes de Cidrac, Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Dumont, F. Gerbaud et Gruny, MM. Klinger, Laménie, Lefèvre et Mandelli, Mme Micouleau, MM. Panunzi et Piednoir, Mme Raimond-Pavero, MM. Savin et Somon et Mme Thomas, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
de la gendarmerie nationale,
insérer les mots :
d’un militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321-1 du code de la défense,
La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.
Cet amendement, j’en suis certaine, fera consensus auprès de tous mes collègues, quel que soit leur bord politique.
Il vise à indiquer explicitement que les militaires réquisitionnés sur le territoire national pour garantir la sécurité de tous les Français face aux attaques terroristes bénéficient également des dispositions du nouvel article L. 721-1-2 du code de procédure pénale.
Notre collègue cible les militaires qui interviennent sur le territoire national en soutien des forces de sécurité intérieure : l’avis est donc favorable.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Levi, Regnard, Decool, Bonhomme, Delahaye, Canevet et Laugier, Mmes Guidez et Drexler, M. Kern, Mmes Noël, Billon, Dumont, Garriaud-Maylam et Perrot, MM. Hingray et Le Nay, Mme Joseph, MM. Joyandet, Cigolotti, Médevielle, Guerriau, Longeot et Chasseing, Mmes Herzog et Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy, Favreau et Moga, Mme L. Darcos, MM. Ravier, J.M. Arnaud et Duffourg et Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, d’un enseignant de l’éducation nationale ou de l’enseignement supérieur
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
Cet article, dans son alinéa 2, supprime le bénéfice des crédits de réduction de peine pour les personnes condamnées à la suite de certaines infractions commises à l’encontre d’une personne investie d’un mandat électif, d’un militaire de la gendarmerie nationale, d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un sapeur-pompier professionnel ou volontaire. À titre personnel, je m’en félicite.
Néanmoins, le récent attentat contre M. Samuel Paty ainsi que les menaces de mort proférées à l’encontre de M. Didier Lemaire, enseignant dans la ville de Trappes, nous obligent. En effet, face à l’augmentation de ces menaces, notre devoir est de protéger l’ensemble de la communauté éducative. En conséquence, cet amendement vise à renforcer la protection des enseignants de l’éducation nationale, mais également de l’enseignement supérieur.
Je donnerai également l’avis de la commission sur l’amendement suivant que va nous présenter René-Paul Savary.
J’ai expliqué précédemment que, pour rédiger ces nouvelles dispositions, nous nous sommes calés sur le dispositif concernant les circonstances aggravantes, qui existe déjà dans la loi.
Pour être clair, madame de La Gontrie, ce que je ne vous ai pas dit tout à l’heure, c’est que j’ai demandé l’avis éclairé de la Cour de cassation avant de vous présenter l’article.
Si je vous le présente comme tel, c’est que j’ai obtenu un avis de « sagesse positive », si j’ose dire. Je comprends bien la préoccupation exprimée par notre collègue concernant les enseignants, car tout le monde a évidemment en mémoire l’attentat contre Samuel Paty. De même, René-Paul Savary a raison : compte tenu des conditions dans lesquelles un journaliste a été récemment molesté, il faut un dispositif pour mieux protéger ces deux catégories de personnes.
Vous évoquez, madame de La Gontrie, la concomitance de l’examen de certaines lois. En l’occurrence, il s’agit typiquement d’un point qui aura sa place dans l’article 18 du projet de loi confortant les principes de la République.
Je préférerais que l’on retirât ces amendements pour les redéposer à l’occasion de l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Mme Eustache-Brinio, corapporteure sur ce texte, et moi-même réfléchissons actuellement à la coordination des deux dispositifs, puisque nous avançons plus vite sur ce texte de loi que sur le projet de loi confortant les principes de la République – ce n’est pas moi qui crée cet embouteillage.
L’avis est donc défavorable, ce qui ne signifie pas que la commission soit opposée sur le fond à cet amendement. En effet, il aura toute sa place au moment de l’examen de l’article 18 du projet de loi confortant les principes de la République.
Oui, je le maintiens, madame la présidente, car il me semble que le sujet que vient d’évoquer notre rapporteur n’a rien à voir avec cet amendement.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Je voudrais simplement faire remarquer à mes chers collègues que cet amendement illustre parfaitement ce que j’évoquais dans ma prise de parole sur l’article, à savoir que l’on cible toute une catégorie de personnes dont, effectivement, le sort est totalement injustifiable. Néanmoins, pourquoi les enseignants, les journalistes et pourquoi pas les enfants ou les femmes ?
Voilà pourquoi cela ne fonctionne pas, pourquoi cet article est totalement bancal et pourquoi nous avions demandé sa suppression. Le problème est d’ailleurs le même pour l’amendement suivant.
Pourquoi pas les enseignants, les enfants, les femmes ? Mais, parce qu’ils ne sont pas dépositaires de l’autorité publique !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie rit.
Nous avons évoqué, tout à l’heure, la distinction que nous faisions sur les remises de peine automatiques et Mme de La Gontrie alertait, indépendamment des arguments de fond, sur le risque constitutionnel.
On a évidemment envie de protéger davantage les enseignants ou les fonctionnaires municipaux – lorsque j’étais maire, les agents du service de la propreté étaient agressés quasiment chaque jour dans certains quartiers – et on peut le faire d’une manière différente, c’est une évidence. Toutefois, ils ne relèvent pas de la catégorie des dépositaires de l’autorité publique.
En étant défavorable à l’amendement de M. Levi tout en étant d’accord avec son principe général, le Gouvernement rappelle qu’il ne s’agit pas là de catégories dépositaires de l’autorité publique.
Le rapporteur a raison lorsqu’il évoque l’existence d’autres moyens pour protéger un certain nombre de professions victimes, dans le cadre de leurs fonctions et non pas de manière générale, d’atteintes, de crimes et délits. C’est notamment le cas des enseignants, en particulier du fait du séparatisme ou de l’islamisme radical, mais nous aurons ultérieurement l’occasion d’en discuter.
Il sera alors question de protections spécifiques, mais il me semble qu’il faut bien réfléchir à ce que nous faisons : nous parlons de la catégorie des dépositaires de l’autorité publique et il faut s’y tenir.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 135 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bonne, Bouchet, Brisson, Burgoa, Cadec et Cardoux, Mme Chauvin, MM. Cuypers et de Nicolaÿ, Mmes Deromedi et Di Folco, M. B. Fournier, Mmes Gosselin, Imbert, Joseph et Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme M. Mercier, M. Milon, Mme Raimond-Pavero, MM. Rapin et Regnard, Mme Schalck, M. Sol et Mme Thomas, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
ou d’un journaliste détenteur de la carte de presse
La parole est à M. René-Paul Savary.
J’ai effectivement à cœur de présenter cet amendement, même si j’ai bien compris les explications qui m’amèneront à le retirer.
Nous avons été traumatisés de voir un photographe, qui n’est pas un provocateur, mais quelqu’un qui travaille depuis des années et qui a des bonnes relations avec tout le monde, se faire littéralement massacrer. Je remercie d’ailleurs M. le ministre de s’être rendu sur place. Nous sommes tous attachés aux journaux locaux – je suis un ancien élu local depuis 1983 – et lorsqu’on connaît le monde de la presse qui nous entoure, c’est particulièrement traumatisant.
C’est la raison pour laquelle j’ai voulu que l’on tienne compte de ce métier de journaliste, qui devient dangereux. Ces journalistes répondent effectivement à un certain nombre de critères qui auraient pu les amener à être concernés par le dispositif de cet amendement : ils sont en première ligne sur les événements. En effet, en présence des forces de l’ordre et des rassemblements de bandes, puisque c’est ainsi que cela s’est produit, ils couvrent les événements pour en donner l’information nécessaire.
Vous avez tout à fait ciblé les choses, monsieur le rapporteur, ce photographe a été victime d’un véritable acte de barbarie ! Effectivement, les journalistes ne sont pas dépositaires de l’autorité publique, mais ils sont dépositaires de l’information publique, ce qui est important.
J’ai bien compris que l’article 18 du projet de loi confortant les principes de la République pouvait répondre aux pressions de plus en plus nombreuses dont les journalistes sont, depuis quelque temps, les cibles. En fonction des articles qu’ils publient, ils sont victimes de pressions touchant leur famille, notamment par la diffusion sur les réseaux sociaux de leur identité ou la formulation de menaces.
Je pense que ce projet de loi confortant les principes de la République, à travers son article 18, pourra répondre à ces préoccupations. J’ai bien entendu les arguments qui me sont opposés, je remercie le rapporteur et le ministre d’avoir pris en compte ces difficultés et, en conséquence, je retire mon amendement.
L’amendement n° 135 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. le rapporteur.
Je voudrais dire à René-Paul Savary que nous sommes tout à fait sensibles à la démarche qu’il a entreprise avec plusieurs de ses collègues et que la commission des lois intégrera bien cet amendement dans la rédaction qu’elle adoptera pour l’article 18 du projet de loi confortant les principes de la République.
L ’ article 23 est adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 37 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer, F. Gerbaud et Garriaud-Maylam, M. Longuet, Mme Joseph, M. Bonne, Mme Deromedi, M. Houpert, Mmes Dumas et Dumont, MM. Pellevat et Mandelli, Mmes Drexler et Thomas, MM. Bonhomme, Cadec, Panunzi, Regnard et Courtial, Mme Canayer, M. Klinger, Mmes Delmont-Koropoulis, Schalck et Deroche, MM. H. Leroy, Tabarot, Cuypers, B. Fournier, Le Rudulier, Bonnus, Brisson, Boré, Somon et Charon, Mme Bellurot et M. Saury, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 132-18-1 est ainsi rétabli :
« Art. 132 -18 -1. – Pour les crimes commis contre un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, un policier municipal ou agent des douanes, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Sept ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;
« 2° Dix ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;
« 3° Quinze ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;
« 4° Vingt ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.
« Lorsqu’un crime est commis en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. » ;
2° L’article 132-19-1 est ainsi rétabli :
« Art. 132 -19 -1. – Pour les délits commis contre un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, un policier municipal ou agent des douanes, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Dix-huit mois, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ;
« 2° Trois ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;
« 3° Quatre ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;
« 4° Cinq ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.
« Lorsqu’un délit est commis en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Cet amendement s’inscrit dans une logique de protection des membres des forces de l’ordre et a été rédigé à la suite de demandes formulées par des membres des forces de l’ordre.
Il s’agit d’élargir l’anonymisation des membres des forces de l’ordre à certaines procédures et sous certaines conditions. La loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique a élargi les conditions dans lesquelles les agents intervenant dans le cadre d’une procédure judiciaire peuvent protéger leur identité et faire mention, en lieu et place de leurs nom et prénom, d’un numéro d’immatriculation. Je vous propose, en plus des actes de terrorisme et des crimes permettant cette anonymisation, de l’élargir aux conditions détaillées par cet amendement…
Nous avons évoqué des circonstances particulièrement difficiles et douloureuses, mais permettez-moi d’en citer deux autres : l’attentat de Magnanville, d’une part, et le fait que bon nombre d’enfants de policiers n’osent pas indiquer la profession de leurs parents quand on la leur demande à l’école, d’autre part.
Aujourd’hui, les membres des forces de l’ordre sont ciblés, victimes de guet-apens et parfois même traqués et menacés chez eux. Aussi m’a-t-il semblé nécessaire de faire en sorte qu’ils soient mieux protégés, s’ils le souhaitent et si cela est possible, dans les conditions détaillées dans cet amendement, notamment en élargissant leur anonymisation afin qu’ils ne servent pas d’appât ou de proie.
Ma chère collègue, il me semble que votre argumentaire portait sur l’amendement n° 38 rectifié et non sur l’amendement n° 37 rectifié.
L’amendement n° 9 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 38 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer, F. Gerbaud et Garriaud-Maylam, M. Longuet, Mme Joseph, M. Bonne, Mmes Deromedi, Bonfanti-Dossat, de Cidrac, Dumas et Dumont, MM. Pellevat et Mandelli, Mmes Drexler et Thomas, MM. Bonhomme, Regnard et Courtial, Mme Canayer, MM. Klinger, C. Vial et Guené, Mmes Delmont-Koropoulis et Deroche, MM. H. Leroy, Tabarot, Cuypers, B. Fournier, Le Rudulier, Bonnus, Boré, Somon et Charon, Mme Bellurot et MM. Saury et Bacci, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 15-4 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le mot : « procédures », la fin du troisième alinéa est ainsi rédigée : « portant sur un crime ou un délit. » ;
2° Les 1° et 2° sont abrogés.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
L’amendement n° 37 rectifié concerne les peines planchers, déjà évoquées à plusieurs reprises par la commission des lois.
Tout le monde sait – le garde des sceaux l’a d’ailleurs dit hier lors des questions d’actualité – que le dispositif des peines planchers, en vigueur entre 2007 et 2014, affiche un bilan plus que mitigé. La réforme a bien contribué à alourdir la durée des peines, mais ses effets ont porté sur la petite délinquance et non sur les grands criminels. Dans 62 % des cas, les juges ont prononcé, par décision motivée, des condamnations dérogeant au principe de la peine plancher.
À mon sens, il serait bien plus efficace, plutôt que de tenter d’alourdir par la loi les peines prononcées, que le garde des sceaux diffuse une circulaire de politique pénale ferme sur l’application de la loi. C’est dans la loi, il faut donc la faire appliquer. Nous aurons l’occasion d’en reparler à l’occasion du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire qui sera prochainement débattu. L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° 37 rectifié.
Je souscris à la préoccupation que Mme Boyer a traduite par son amendement n° 38 rectifié. La possibilité, pour un policier ou un gendarme, d’être identifié par son seul identifiant administratif, est déjà prévue par le 2° du I de l’article 15-4 du code de procédure pénale qui dispose que l’identification par le seul numéro dans les procédures judiciaires est possible pour « les procédures portant sur un délit puni de moins de trois ans d’emprisonnement lorsqu’en raison de circonstances particulières dans la commission des faits ou de la personnalité des personnes mises en cause, la révélation de l’identité de l’agent est susceptible de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches ».
Cet amendement étant satisfait par le droit, je vous demande donc de le retirer.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 38 rectifié est retiré.
L’amendement n° 91 rectifié, présenté par MM. Karoutchi et Houpert, Mmes V. Boyer, Bellurot, Noël et Micouleau, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Guerriau, Mme Joseph, M. Grosperrin, Mme L. Darcos, M. Chasseing, Mmes Thomas et Garriaud-Maylam, M. Le Gleut, Mme Chauvin, MM. Bacci, Vogel et Bonnus, Mme Lassarade, MM. Lagourgue et Louault, Mme M. Mercier, MM. Lefèvre, Bonne et Darnaud, Mme Lopez, MM. Bascher et Genet, Mmes Gruny et Dumont, M. Guené, Mme Deseyne, MM. Moga, Sido, Pemezec et Bouchet, Mmes Billon et Di Folco, MM. Rapin, del Picchia et A. Marc, Mme Malet, M. Menonville, Mmes Delmont-Koropoulis et Guidez, MM. D. Laurent, Brisson, Savin et Savary, Mme Ventalon, M. Gueret, Mme Dumas, M. Burgoa, Mme Raimond-Pavero, M. Longeot, Mme Deroche, MM. B. Fournier, Cuypers et de Nicolaÿ, Mme Imbert, MM. Laménie, Longuet, Boré, Le Rudulier et Hingray, Mme Schalck, MM. H. Leroy et Détraigne, Mme Drexler et MM. Gremillet, Charon, Milon, Maurey, Meurant et Bouloux, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après le 4° de l’article 222-14-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les mêmes peines sont applicables en cas de violences commises dans les mêmes conditions à l’encontre du conjoint, des ascendants ou des descendants en ligne directe ou de toute autre personne vivant habituellement au domicile des personnes mentionnées au premier alinéa, en raison des fonctions exercées par ces dernières. » ;
2° L’article L. 222-15-1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « encontre », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « soit à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, soit en raison de sa qualité, que l’auteur connaissait ou ne pouvait ignorer, des violences avec usage ou menace d’une arme. » ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue également une embuscade le fait d’attendre, dans les mêmes conditions, le conjoint, les ascendants ou les descendants en ligne directe ou toute autre personne vivant habituellement au domicile des personnes mentionnées au premier alinéa dans le but, caractérisé par un ou plusieurs faits matériels, de commettre à leur encontre, en raison des fonctions de ces dernières, des violences avec usage ou menace d’une arme. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
Cet amendement vise, d’une part, à intégrer dans le champ des infractions réprimées par le délit d’embuscade les faits commis en raison des fonctions exercées par la personne, même s’ils ne surviennent pas dans le cadre de l’exercice de ces fonctions.
En effet, de nombreux faits divers récents ont malheureusement montré que des délinquants cherchent désormais à identifier les policiers et les gendarmes pour diffuser leurs identités, notamment à travers les réseaux sociaux, dans le but de les agresser, y compris en dehors de leurs heures de service.
D’autre part, cet amendement vise à intégrer dans le champ des infractions réprimées les faits commis sur un proche des personnes citées à ces articles en raison des fonctions exercées par ces dernières. On a, en effet, constaté à plusieurs reprises la lâcheté des agresseurs qui les pousse désormais à s’en prendre notamment aux conjoints et aux enfants des membres des forces de l’ordre.
M. Karoutchi, comme toujours, a eu une impulsion pertinente puisqu’il propose d’élargir le délit d’embuscade aux actes commis à raison de la qualité de la personne et contre sa famille. Cela va tout à fait dans le sens des propositions de la commission pour plusieurs autres articles et apporte un complément tout à fait utile au délit d’embuscade. L’avis est donc favorable.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 23.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 165 rectifié, présenté par MM. Gold, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Requier et Roux et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article 706-58 du code de procédure pénale, après le mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou portant sur une infraction commise sur toute personne dépositaire de l’autorité publique ».
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Le code de procédure pénale organise, dans ses articles 706-57 à 706-63, une procédure d’anonymisation des témoignages, afin de protéger les personnes à l’encontre desquelles il n’existe aucun indice faisant présumer qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction et qui sont susceptibles d’apporter des éléments de preuve intéressant la procédure.
Toutefois, ce dispositif n’est accessible qu’aux témoins dans des procédures portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement. Cela nous paraît insuffisant et nous demandons un élargissement aux cas d’agression de tout dépositaire de l’autorité publique. Cette disposition permettrait une meilleure répression de ces actes participant largement au climat d’insécurité qui peut parfois régner.
Ainsi, cet amendement vise à élargir le principe d’anonymat aux personnes témoins de toutes infractions et agressions envers des dépositaires de l’autorité publique.
L’amendement n° 101 rectifié, présenté par Mmes Thomas et Chain-Larché, M. Cuypers, Mme Drexler, MM. Perrin, Rietmann et Brisson, Mme L. Darcos, MM. Grand, Burgoa, Anglars, Bacci, Cambon et Pellevat, Mmes V. Boyer, Lassarade, Belrhiti et Di Folco, MM. Rapin, de Legge et Courtial, Mmes Puissat, Gruny et Deromedi, M. D. Laurent, Mmes Bellurot et Estrosi Sassone, MM. Genet, Chaize, Favreau, Mouiller et Saury, Mme Gosselin, MM. Laménie et Bonnus, Mmes M. Mercier et Schalck, M. Bonne, Mme Deroche, M. B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Longuet, Sol et Houpert, Mmes Dumont et Malet, M. Regnard, Mme Noël, MM. Cadec et Piednoir, Mmes Berthet et Pluchet, M. Dallier, Mme F. Gerbaud, M. J.M. Boyer, Mme Primas, MM. Lefèvre et Savary, Mmes Lopez, Eustache-Brinio et Deseyne, M. Savin, Mme Lherbier, M. Klinger, Mme Canayer, MM. Charon et C. Vial, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Le Rudulier, Tabarot, H. Leroy, Babary, Gremillet et Duplomb, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article 706-58 du code de procédure pénale, après le mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou portant sur une infraction commise sur un sapeur-pompier, un agent de la police nationale, un gendarme ou un agent de la police municipale ».
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Cet amendement de Claudine Thomas va dans le même sens que le précédent tout en le précisant. Il reprend la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité des sapeurs-pompiers, adoptée par le Sénat en mars 2019, en facilitant l’anonymat des témoins d’agressions à leur encontre, tout en l’élargissant aux policiers nationaux, gendarmes et policiers municipaux.
Le principe de l’anonymat est déjà inscrit dans la loi, mais uniquement pour les témoins de crimes ou de délits.
Cet amendement vise donc à élargir le principe d’anonymat aux personnes témoins de toute infraction d’agressions envers les sapeurs-pompiers, les policiers nationaux, gendarmes et policiers municipaux.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 59 rectifié est présenté par MM. Chasseing, Decool et Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Capus, A. Marc, Wattebled, Médevielle, Verzelen, Calvet, Mizzon et Louault, Mmes Sollogoub et Guidez, M. Longeot, Mme L. Darcos, MM. Chauvet et Chatillon, Mmes Herzog et Garriaud-Maylam, MM. Nougein, Bacci et Bonne, Mmes Lopez et Saint-Pé, MM. Lefèvre et Genet, Mme Dumont, MM. Bouchet, Moga, Charon et Cigolotti, Mme Imbert, M. J.B. Blanc, Mmes Billon, N. Delattre, Perrot et Dindar, M. de Belenet, Mme Richer, MM. Rojouan, Laménie, Hingray, Duplomb, Tabarot et Détraigne, Mme Drexler, M. Meurant et Mme de Cidrac.
L’amendement n° 284 rectifié est présenté par Mme G. Jourda, MM. Devinaz, Kanner et Durain, Mme Harribey, M. Marie, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Carlotti, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article 706-58 du code de procédure pénale, après le mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou portant sur une infraction commise sur un sapeur-pompier ».
La parole est à M. Dany Wattebled, pour présenter l’amendement n° 59 rectifié.
La parole est à M. Patrick Kanner, pour présenter l’amendement n° 284 rectifié.
Il s’agit d’inscrire dans le marbre de la loi le texte d’une proposition de loi relative au renforcement de la sécurité des sapeurs-pompiers, votée par le Sénat à l’unanimité, ce dont je me félicite, le 6 mars 2019. J’avais à cette occasion reçu le soutien de Loïc Hervé et Catherine Troendlé, en particulier.
Nos sapeurs-pompiers interviennent sur tous les territoires, sur tous les sujets, parfois même très éloignés de leur mission première. Ils peuvent se faire agresser et font même l’objet de guet-apens. Vous connaissez tous les chiffres en la matière : nous constatons, aujourd’hui, une recrudescence extrêmement importante des agressions à leur égard. Ils méritent donc toute notre attention.
Il s’agit d’étendre le régime de protection des témoins en offrant la possibilité à un témoin de garder l’anonymat pour toute infraction, dès lors qu’elle serait commise sur un sapeur-pompier.
Cette disposition de bon sens, si elle ne règle pas tous les problèmes, est très attendue par l’ensemble des sapeurs-pompiers qui nous protègent et que nous devons aussi protéger.
J’ai eu l’honneur de présider le plus important service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de France, comptant 3 000 salariés professionnels et 4 000 volontaires. Aussi, en votant cet amendement, nous donnerions un signe très positif à cette catégorie de Français qui occupent, aujourd’hui, une place très importante en matière de sécurité.
Dans un premier temps, la commission avait donné un avis défavorable sur ces amendements, mais pas en raison de leur but – je pense que tout le monde, ici, est soucieux de répondre aux préoccupations que vient d’énoncer Patrick Kanner et plusieurs de nos collègues.
Ces amendements tendent à élargir aux catégories de personnes principalement visées par la présente proposition de loi la disposition adoptée à l’unanimité dans la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité des sapeurs-pompiers.
Il serait mal venu d’émettre un avis défavorable sur une disposition votée à l’unanimité par la Haute Assemblée.
Le Sénat a prévu une dérogation à l’article 706-58 du code de procédure pénale pour les sapeurs-pompiers, mais j’attire votre attention sur le fait que l’étendre nécessiterait un débat approfondi. En effet, l’anonymat est une procédure dérogatoire conçue pour les cas particulièrement graves. Y recourir rend impossible toute condamnation sur le seul fondement de dépositions recueillies dans de telles conditions, ainsi que le précise l’article 706-62 du code de procédure pénale. Il nous faut donc être prudents.
De mon point de vue, le mieux serait que le ministre, s’il le peut, s’engage à ce que la proposition de loi de M. Kanner vienne rapidement en discussion à l’Assemblée, ce qui permettrait de clore ce débat. En attendant, je me vois mal garder une position de principe pour des questions juridiques. La commission avait émis un avis de principe, aussi vais-je m’en remettre à la sagesse de notre assemblée sur les amendements n° 59 rectifié et 284 rectifié qui reprennent intégralement la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité des sapeurs-pompiers, parce que le vote unanime de la Haute Assemblée s’impose à tous.
Par conséquent, je demande le retrait des amendements n° 165 rectifié et 101 rectifié.
Monsieur le rapporteur, ce serait mentir à la Haute Assemblée que de m’engager à inscrire à l’ordre du jour une proposition de loi.
Je vais également m’en remettre à la sagesse du Sénat, comme M. le rapporteur, en soulignant d’ailleurs la petite difficulté juridique qui pourrait être pointée devant le Conseil constitutionnel à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Est aujourd’hui prévue par le code de procédure pénale la possibilité d’anonymiser les témoignages, si la sécurité de leurs auteurs risque d’être menacée. Cela vaut pour tout le monde, tant pour ceux qui ont envie d’aider les sapeurs-pompiers ou toute personne victime d’une difficulté.
J’entends bien ce qu’évoque le Sénat et je comprends, en tant que ministre de l’intérieur et en tant qu’élu, ce que vous souhaitez protéger, puisque, plus qu’avant, les sapeurs-pompiers interviennent dans des conditions extrêmement difficiles et sont agressés. Ils sont manifestement devenus des symboles de l’autorité publique, alors que, par définition, ils n’en sont pas dépositaires.
Je comprends donc la volonté du Sénat et sa proposition de loi. Comme je ne peux pas m’engager sur l’inscription de ce texte à l’ordre du jour l’Assemblée nationale – elle serait toutefois bienvenue –, j’émets un avis de sagesse tout en rappelant qu’il faudra examiner cette difficulté juridique en commission mixte paritaire.
Compte tenu de la volonté unanime exprimée il y a deux ans par notre Haute Assemblée, je propose que les auteurs des amendements n° 165 rectifié et 101 rectifié en modifient la rédaction pour la rendre identique à celle des amendements n° 59 rectifié et 284 rectifié.
Nous aurons ainsi un dispositif soutenu par tous les groupes.
Madame Maryse Carrère, acceptez-vous la suggestion de rectification de M. le rapporteur ?
L’amendement de notre collègue Éric Gold était plus global et intégrait « toute personne dépositaire de l’autorité publique », mais nous nous rallions à la proposition de M. le rapporteur.
Madame Dominique Estrosi Sassone, acceptez-vous également de rectifier votre amendement ?
Je rectifie notre amendement conformément à la proposition de M. le rapporteur.
Je suis donc saisie de deux amendements n° 165 rectifié bis et 101 rectifié bis, dont la rédaction est identique à celle des amendements n° 59 rectifié et 284 rectifié.
La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Je veux saluer cette avancée.
Quand on accompagne nos sapeurs-pompiers au quotidien, on se rend compte, comme l’a fort justement dit M. le ministre, qu’ils sont devenus un emblème de notre République. Ils sont pris à partie alors qu’ils portent secours à des personnes en affrontant d’énormes difficultés.
Cette mesure, avec toutes les restrictions dont elle a été assortie, va dans le bon sens. Elle sera énormément appréciée des sapeurs-pompiers, qui, outre le service qu’ils rendent aux personnes, défendent les valeurs de notre République.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 165 rectifié bis, 101 rectifié bis, 59 rectifié et 284 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 23.
L’amendement n° 49 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, M. H. Leroy, Mme Demas, M. Tabarot, Mmes Pluchet, Schalck et Garnier, MM. Le Gleut, Le Rudulier, C. Vial, Genet et Bascher, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bonne et Bonnus, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Charon et Courtial, Mmes Deroche, Deromedi, Dumont, F. Gerbaud et Gruny, MM. Klinger, Laménie, Lefèvre et Mandelli, Mme Micouleau, M. Piednoir, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero et MM. Savin et Segouin, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l’article 721-1-1 du code de procédure pénale, les mots : « à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du même code » sont supprimés.
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
Cet amendement de ma collègue Alexandra Borchio Fontimp concerne la provocation à des actes terroristes et l’apologie de ces actes, qui ne doivent évidemment bénéficier d’aucune clémence de notre part.
L’argument de la liberté d’expression est souvent avancé pour justifier de tels actes, mais il ne doit pas se transformer en droit à la haine.
C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à exclure l’apologie des actes de terrorisme et la provocation à ces derniers du bénéfice des crédits de réduction de peine mentionnés à l’article L. 721 du code de procédure pénale.
Même si je comprends bien l’intention de ses auteurs, cet amendement aurait dû être déposé lors du débat sur la prorogation de certaines dispositions de la loi SILT. Le rapporteur que j’étais alors aurait émis un avis favorable.
Je suis désolé, mais l’apologie du terrorisme relève, en l’état actuel du droit – cela peut changer –, de la loi sur la liberté d’expression.
Nous aurons, cet après-midi, un débat hautement éclairé sur l’article 24.
Je ne me risquerai pas à interférer de nouveau avec la loi sur la liberté d’expression, parce que c’est plutôt dans les dispositifs des lois antiterroristes que l’on peut trouver une réponse.
La prorogation de la loi SILT a été votée. Le Gouvernement soumettra probablement un nouveau texte à l’examen de notre assemblée l’année prochaine. Il y aura également probablement un projet de loi sur le renseignement. Si j’en suis le rapporteur, j’émettrai un avis favorable sur un amendement de ce type. Je ne peux le faire dans le cadre du présent texte, raison pour laquelle je sollicite le retrait de cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.