Cet article est très important bien qu’étant très technique. Il aurait d’ailleurs pu justifier, me semble-t-il, la présence du garde des sceaux, puisqu’il porte sur la mise en œuvre des crédits de réduction de peine.
Pour présenter les choses de manière quelque peu sommaire, lorsqu’une personne est incarcérée dans le cadre d’une condamnation définitive, elle peut bénéficier de deux types de réductions de peine : d’une part, de réductions de peine en fonction, pour le dire de manière simple, du comportement ; d’autre part, de réductions de peines dites, de manière impropre ou excessive, « automatiques », qui s’appliquent en fonction de la durée de la détention.
L’un des progrès notables de la loi Perben II a été de prévoir que ces réductions de peine s’appliquaient sauf avis contraire du juge de l’application des peines (JAP), car ce juge n’a absolument pas la capacité d’examiner chaque année la situation de tous les détenus. Cette mesure permettait de sanctionner le détenu qui se comportait de manière inadéquate en prison, tout en faisant bénéficier ceux qui se comportaient normalement de ces réductions.
Il nous est proposé aujourd’hui la mesure inverse : le JAP devra statuer, et il n’y aura plus de système « automatique ».
Cet article pose un autre problème. La gestion carcérale est extrêmement complexe et il faut garder en ligne de mire, à la fois, le comportement le plus adapté ou paisible du détenu, sa capacité à s’insérer dans la vie carcérale et sa réinsertion potentielle. C’est par les réductions de peine que l’on arrive à motiver suffisamment les détenus, puisque celles-ci peuvent être retirées lorsque leur comportement n’est pas adéquat.
C’est donc par ces réductions de peine que l’on peut gérer la paix carcérale – et Dieu sait si, comme vous le savez tous, cette mission est complexe à mener –, tout en entamant le processus de réinsertion.
Par ailleurs, la mesure proposée pose un problème constitutionnel parce qu’elle fait le tri en fonction des victimes. On constate d’ailleurs que les amendements sur cet article fleurissent ! Pourquoi les policiers et pas les journalistes ? Un amendement porte sur ce point. Pourquoi les militaires et pas les enseignants ? C’est l’objet d’un autre amendement.
On ne peut que constater qu’il s’agit d’une sorte d’inventaire à la Prévert et qu’en fonction des victimes il y aura lieu de gérer différemment les détenus. C’est ce qui pose problème d’un point de vue constitutionnel : si la qualité de la victime doit être prise en compte au moment de la condamnation, elle ne doit pas l’être au moment de l’exécution de la peine. Un tel dispositif ne tient pas.
Enfin, le garde des sceaux a annoncé un projet de loi qui doit porter sur les mêmes sujets. Comment allons-nous articuler les deux, sachant qu’il a indiqué dans les médias qu’il mettrait fin aux réductions de peine ?