Lorsqu’on est maire et que l’on commet un acte contraire à la loi, tout comme d’ailleurs lorsqu’on est avocat, le juge vous rappelle votre qualité. On peut imaginer, même si cela ne figure pas dans sa décision, que le juge prend en compte dans sa condamnation le fait que la personne dépositaire de l’autorité publique était éclairée quant aux conséquences de ses actes.
Il existe déjà une catégorie juridique – ce n’est pas nous qui l’avons créée ! – de dépositaires de l’autorité publique que le Gouvernement a souhaité prendre en compte.
À notre sens, il n’existe donc pas de problème constitutionnel.
Deuxième point, qui me permettra aussi de répondre à M. Durain, le Gouvernement, lorsqu’il a discuté avec les députés de l’Assemblée nationale, ne souhaitait pas aggraver la peine d’une personne déjà condamnée. Je suis d’accord avec Mme de La Gontrie, le terme « réduction automatique », qui correspond à la remise de peine supplémentaire (RPS), est utilisé par facilité alors que les choses sont un peu plus compliquées, mais chacun le comprend – par exemple, trois mois, puis deux mois, et encore deux mois…
En cas d’attaque de symboles de la République – les policiers, les gendarmes ou les maires par exemple –, il s’agit donc non pas d’aggraver la condamnation, mais de considérer que la réduction ne peut pas être automatique. Entre-temps, comme l’a dit madame de La Gontrie, le garde des sceaux a fait cette annonce. Je m’en réjouis, car j’ai toujours considéré que les réductions de peine automatiques n’étaient pas une bonne politique : c’était au mieux une politique permettant une « bonne utilisation des conditions carcérales ».
Les réductions de peine sont nécessaires parce qu’il faut prendre en considération le comportement et l’insertion de la personne condamnée, mais pourquoi seraient-elles automatiques ? Un effort doit être exigé en contrepartie de la réduction de peine. C’est pour cette raison que l’article 23, tel qu’il a été proposé par l’Assemblée nationale, n’avait pas prévu la suppression des réductions de peine individuelles pour les personnes qui seraient responsables d’infractions ou de crimes et délits contre des gendarmes, des policiers ou des maires.
La réduction de peine individuelle peut évidemment concerner ceux qui ont agressé ces catégories de personnes. Mais il nous paraissait déjà anormal, d’une part, d’obtenir ces réductions de façon automatique lorsqu’étaient attaqués des symboles forts de la République.
D’autre part, de manière générale, ces réductions automatiques ne nous semblaient pas légitimes. Je suis fort heureux et soutiens pleinement le fait que le garde des sceaux vous présente bientôt une grande loi justice. C’est historique, parce que de nombreux gouvernements – on pourrait citer ceux dont faisaient partie les ministres Perben et Dati ainsi que certains gouvernements socialistes – ont mis en place des remises de peine automatiques qui ne sont pas, à mon avis, très pédagogiques vis-à-vis des personnes condamnées.
Le fait que le gouvernement nommé par Emmanuel Macron propose au Parlement la fin des réductions automatiques de peine me semble extrêmement important et suscitera certainement de nombreux débats.
Dans ces conditions, je me rallie évidemment à la rédaction de l’article 23 proposée par M. le rapporteur, mais, je le précise pour Mme de La Gontrie, en attendant que le projet de loi de réforme de la justice soit débattu et adopté – je ne préjuge pas du vote du Parlement.
Il est évident que ces deux textes ne se contrarieront pas puisque, par définition, les agresseurs de policiers, de gendarmes ou de maires n’auront plus droit aux remises de peine automatiques, mais pourront toujours obtenir des remises de peine individuelles. Ainsi, demain, si le Parlement l’accepte, l’ensemble des personnes qui seront condamnées à de la prison ferme ne bénéficieront plus de remises de peine automatiques.
Qui peut le plus peut le moins, aussi la rédaction de l’article 23 proposée par la commission des lois semble déboucher sur un bon équilibre du point de vue des libertés individuelles et du respect des personnes condamnées, ainsi que de celui du respect des personnes dépositaires de l’autorité publique. C’est d’ailleurs à ce titre que ces dernières, à savoir le policier, le gendarme ou le maire – vous avez évoqué le maire de Signes –, bref toute personne ayant la responsabilité d’imposer cette autorité, se voient plus souvent agressées que les autres.
Et en les agressant, c’est la République qu’on agresse. Je crois donc que l’article 23 de la proposition de loi coïncide très bien avec ce que proposera le garde des sceaux dans quelque temps.