… en respectant ses buts, qui sont nobles.
Le Gouvernement aurait pu déposer un amendement, monsieur Sueur, certes soumis à l’avis des parlementaires, mais il aurait ainsi participé à la rédaction du texte.
Monsieur le président Kanner, je me suis bien évidemment posé la question de savoir si un tel dispositif existait déjà. Or, sur les faits dont j’ai eu à connaître en tant que ministre de l’intérieur, ou ceux dont prédécesseurs ont été saisis, y compris ceux du gouvernement auquel vous avez appartenu, il n’y a jamais eu de condamnation pour des divulgations d’identité de policiers ou de gendarmes, y compris dans notre région. Je pense aux policiers de Calais dont les noms, prénoms, adresses et photos sont aujourd’hui encore exposés sur un site internet hébergé à l’étranger. Au regard des commentaires que l’on peut y lire, ce n’est sans doute pas pour leur apporter des chocolats à Noël…
Je me suis donc posé la même question que vous et je n’en ai pas conclu que la justice ne faisait pas son travail, mais que l’incrimination pénale était mal rédigée.
Par ailleurs, il n’est venu à aucun moment à l’esprit du Gouvernement d’interdire aux journalistes de filmer et de diffuser des images. À cet égard, monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la carte de presse. Or, comme le soulignent certains syndicats de journalistes, n’est pas journaliste celui qui a une carte de presse, mais celui qui se dit journaliste.
Personne ne pense qu’un journaliste qui filme et diffuse des images le fait pour attenter à la vie physique ou psychique des policiers et des gendarmes. En effet, même un journaliste est soumis, comme tout citoyen, comme les policiers et les gendarmes eux-mêmes, au code pénal. Il ne s’agit donc pas d’empêcher les journalistes de faire leur travail ou de rendre la loi bavarde avec des incriminations redondantes.
Cela étant dit, et sans revenir sur le fond, le Sénat décidera souverainement, tout comme l’Assemblée nationale et la commission mixte paritaire. Les buts sont nobles – et je remercie le Sénat d’y réfléchir à ce point –, mais les moyens méritent certainement d’être améliorés.
Certains orateurs se sont émus de l’inscription initiale de ces dispositions dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Votre assemblée, majorité et opposition désormais convaincues par les arguments du rapporteur, va inscrire directement dans le code pénal des dispositions qui devaient initialement figurer dans cette loi. Or le texte de 1881 n’est pas plus ou moins protecteur qu’une autre loi. Vous allez créer une incrimination pénale qui permettra des comparutions immédiates et des gardes à vue, ce que ne permettait pas le texte initial.
On a longtemps dit que le Gouvernement avait écrit ce texte avec ses pieds – fort bien ! Je comprends la volonté du rapporteur, avec lequel j’ai déjà discuté de cette question, et je soutiens en quelque sorte cette volonté de conférer une plus grande force et autorité à cette incrimination. Mais comprenez bien que cette inscription dans le code pénal permettra des comparutions immédiates et des gardes à vue qui n’étaient pas envisageables en restant dans le cadre de la loi de 1881.
Nous n’allions pas non plus créer d’ovni, comme d’aucuns semblent le penser, en inscrivant ces dispositions dans la loi sur la liberté de la presse. Permettez-moi de vous renvoyer à son article 39 sexies, modifié en 1995 – en janvier 1995, sous Charles Pasqua