Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 18 mars 2021 à 14h30
Sécurité globale — Article 25

Gérald Darmanin :

Tout a été dit ou presque sur cet article 25, pour le soutenir ou le contester.

Premièrement – cela a été dit pudiquement –, cette disposition a aussi vocation à protéger les lieux de culture et de fête, qui sont visés par les terroristes. Au Bataclan, je rappelle que c’est un commissaire en service, mais pas dans cette salle, qui est intervenu de sa propre initiative en attendant l’arrivée des troupes spécialisées. Honneur lui soit rendu, car il a contribué à empêcher la poursuite du massacre. La menace terroriste reste d’ailleurs extrêmement forte au moment où nous parlons.

Deuxièmement, nous n’inventons pas l’eau chaude. Les policiers nationaux peuvent déjà, après avoir demandé l’autorisation à leur hiérarchie, emporter leur arme après leur service. C’est bien évidemment en lien avec le drame de Magnanville et les difficultés que nous avons connues pour les forces de l’ordre, mais cela s’explique aussi par le fait que ces dernières peuvent à tout moment être rappelées.

Cette possibilité de port d’arme hors service ne s’appuie actuellement sur aucun cadre légal, seulement sur une disposition réglementaire, l’article R. 434-19 du code de la sécurité intérieure, qui dispose : « Lorsque les circonstances le requièrent, … » – avouez que c’est assez large – « … le policier ou le gendarme, même lorsqu’il n’est pas en service, intervient de sa propre initiative, avec les moyens dont il dispose, notamment pour porter assistance aux personnes en danger. » On peut certes conclure de cette disposition qu’elle autorise le port d’arme hors service, mais on pourrait également en avoir une autre lecture. Le Gouvernement de la République souhaite donc légaliser la pratique, ce qui devrait plaire au Parlement…

Je vais vous communiquer le nombre de fonctionnaires de police qui, selon les derniers chiffres dont je dispose, au 30 novembre 2020, ont demandé l’autorisation de conserver leur arme lorsqu’ils rentrent chez eux. Auparavant – je m’adresse en particulier au sénateur du groupe centriste –, je tiens à dire que ce sont parfois les élus locaux eux-mêmes, notamment les élus régionaux, qui concluent des conventions de gratuité dans les transports avec les forces de l’ordre en échange du port d’arme hors service pour intervenir en cas de difficultés – je pense notamment aux TER de la région Île-de-France. Prenons garde aux injonctions contradictoires adressées aux policiers : d’un côté, on leur octroie la gratuité dans les transports en échange du port de leur arme ; de l’autre, on leur dit que ce n’est pas bien de la conserver lorsqu’ils ne sont pas en service… Je peux comprendre les questions que vous posez : ce n’est pas un débat médiocre, et il faut bien évidemment encadrer cette possibilité.

La direction centrale de la sécurité publique (DCSP), qui compte le plus de policiers, a délivré 26 693 autorisations. La direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) en a délivré 3 479 et la direction centrale des compagnies républicaines de sécurité (DCCRS) 5 451. Il y a donc aujourd’hui plus de 30 000 policiers sur 150 000 qui conservent leur arme en dehors de leur service, sans qu’aucun des dangers que vous avez signalés ne se soit matérialisé à ma connaissance. Je ne sous-estime pas le risque d’un événement exceptionnel, mais je constate que la pratique est déjà largement répandue.

Les policiers et les gendarmes peuvent donc déjà, en dehors de leur service, venir armés dans des lieux culturels ou festifs. Il y a certes une coutume qui permet à la patronne ou au patron de l’établissement de refuser son entrée, mais celle-ci n’est pas fondée sur un cadre légal reconnu par les lois de la République.

Troisièmement – c’est un point important, qui a été évoqué notamment par M. le rapporteur –, le Gouvernement avait initialement prévu que les conditions d’application de la disposition législative seraient définies par arrêté. L’Assemblée nationale a souhaité qu’elles soient définies par décret en Conseil d’État. Nous n’entendons pas revenir sur cette évolution, qui permettra le contrôle de cette pratique par la plus haute juridiction administrative de notre pays.

Persistance de la menace terroriste, volonté des élus locaux de lutter contre la violence dans les transports, menaces personnelles contre les policiers et les gendarmes, obligations de disponibilité des forces de l’ordre, absence de cadre légal d’une pratique déjà autorisée au quotidien pour plus de 30 000 policiers sans le moindre problème, conditions d’application définies par décret en Conseil d’État : tous ces éléments me paraissent de nature à rassurer ceux qui avaient des doutes sur l’article 25.

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