Intervention de Jean-Claude Carle

Réunion du 4 décembre 2006 à 22h30
Loi de finances pour 2007 — Enseignement scolaire

Photo de Jean-Claude CarleJean-Claude Carle :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord, comme l'a fait M. le rapporteur spécial, de regretter l'heure tardive - il est bientôt minuit - à laquelle nous discutons de la première ligne du budget de la nation. C'est regrettable, même si cela constitue un progrès par rapport à ce qui s'était passé voilà quelques années : nous avions été appelés à nous prononcer sur le budget de l'enseignement scolaire un dimanche après-midi !

Cela étant, monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter pour l'action que vous menez. Le projet de budget que vous nous présentez traduit en effet votre volonté de ne pas relâcher l'effort en faveur de l'éducation et d'appliquer pleinement les dispositions de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.

Si les moyens sont élevés - ils atteignent plus de 59 milliards d'euros -, l'enseignement scolaire représente en fait 22 % du budget de l'État. Je note cependant une inflexion louable. Il est temps, en effet, de mettre un terme à la politique du « toujours plus », qui ne donne pas les résultats espérés, pour passer à une politique que je qualifierai du « toujours mieux ».

Récemment, une note de l'OCDE a classé la France parmi les pays investissant le plus dans l'enseignement - 1 850 euros par an et par habitant -, mais pour des résultats qualifiés par ce même organisme de seulement « moyens ». Cela donne à réfléchir sur la direction à suivre. Notre pays, s'il veut obtenir des résultats, ne peut s'en tenir à la seule inflation budgétaire.

À côté des moyens, il doit y avoir un projet, et, je le répète, c'est la politique que vous suivez, monsieur le ministre, à savoir celle du « toujours mieux », qui doit permettre d'assurer la réussite de chacun de nos enfants.

Vous avez choisi la voie de la discussion, procédant à de multiples concertations avec le monde éducatif pour mener à bien les vingt-trois chantiers engagés. Ce dialogue constant constitue, je crois, un gage de réussite.

Le budget que nous examinons ce soir poursuit des objectifs déterminants pour notre système éducatif : d'une part, il accentue fortement les moyens consacrés à l'égalité des chances et, d'autre part, il vise à utiliser plus efficacement l'argent public.

À ce sujet, je rappellerai que le contexte budgétaire national appelle à la responsabilité des gestionnaires publics et à l'amélioration de la gestion de la dépense publique.

L'ajustement des emplois à la réalité des besoins, tel qu'il est prévu dans ce budget, s'appuie sur le travail rigoureux des deux audits de modernisation réalisés à la demande du ministère des finances, ainsi que l'a rappelé tout à l'heure Gérard Longuet.

Nous parvenons, notamment, à un meilleur encadrement de l'octroi de certaines décharges, régulièrement souhaité par nos rapporteurs.

Aujourd'hui, il ne doit plus y avoir d'enfants laissés au bord du chemin en raison de leurs différences, qu'il s'agisse de différences de milieu social, de différences culturelles ou géographiques, ou encore de différences liées au handicap.

Votre politique, monsieur le ministre, s'inscrit dans la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, texte autour duquel doit se mobiliser l'ensemble de la communauté éducative.

Ce budget concentre l'effort sur les catégories d'élèves qui en ont le plus besoin et met l'accent sur la nécessité d'apporter un soutien individualisé à certains élèves, car tous les enfants n'avancent pas au même rythme.

Tel est le sens des programmes personnalisés de réussite éducative. Je rappelle qu'il s'agit là d'un plan d'action conçu par l'équipe pédagogique en concertation avec les parents afin d'aider l'enfant à acquérir le socle commun qui lui sera indispensable par la suite.

Cette aide a montré toute son efficacité lors de l'expérimentation qui vient d'être menée dans 8 500 classes de l'enseignement primaire et 149 collèges. Aussi, je me félicite que ces programmes soient progressivement étendus à tous les établissements depuis la dernière rentrée.

Grâce au présent budget, les programmes personnalisés de réussite éducative pourront bénéficier de 1 000 assistants pédagogiques supplémentaires.

Je me réjouis également que le projet de loi de finances prévoie, en outre, le financement de 50 000 emplois de vie scolaire, recrutés sur des contrats d'avenir et affectés à des tâches administratives ou à des fonctions d'assistance éducative dans les premier et second degrés.

La création de 200 classes relais, chargées d'accueillir temporairement les élèves en rupture avec l'institution scolaire, est par ailleurs prévue à la rentrée 2007. Ainsi les chances de réinsérer ces élèves dans un cursus ordinaire s'en trouveront-elles augmentées.

Je souhaiterais également évoquer la question de la scolarisation des élèves handicapés.

En réponse au souhait du Président de la République, la loi du 11 février 2005 a, pour la première fois, affirmé leur droit d'être inscrits « comme tous les autres » dans une école ordinaire de leur quartier. L'expérience démontre le bien-fondé de cette mesure de même que l'avancée significative qu'elle représente pour l'enfant. Les témoignages que je reçois de la part de certains parents sont la preuve du formidable espoir qu'ils placent dans cette loi.

Depuis 2002, le nombre d'enfants handicapés scolarisés a progressé de 70 %, passant de 89 000 élèves accueillis en 2002- 2003 à 151 000 élèves en 2005- 2006.

Il est également important de permettre un accueil collectif dans des structures adaptées, lorsque la scolarisation dans une école ordinaire est impossible.

Conformément à la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, le présent budget prévoit la création de 166 unités pédagogiques d'intégration dans l'enseignement public et de 34 autres dans l'enseignement privé.

En termes d'encadrement, 200 emplois d'enseignants du second degré seront créés à la rentrée 2007 et 166 auxiliaires de vie scolaire seront recrutés dans les unités pédagogiques d'intégration. À cela viendra s'ajouter une partie des 50 000 contrats aidés financés dans les premier et second degrés. L'engagement de l'État d'accompagner la scolarité des enfants handicapés est donc fermement tenu.

En outre, je pense qu'il sera nécessaire de professionnaliser davantage les nouveaux métiers liés à l'accompagnement des élèves handicapés. Ils devront offrir des rémunérations attractives, une bonne intégration des frais liés à ces activités spécifiques, de réelles perspectives de carrière, de vraies possibilités de validation de la pratique professionnelle ainsi qu'une véritable ouverture vers d'autres métiers ou carrières tant dans l'éducation nationale que dans le monde médico-social et au sein des collectivités locales. Le rapport remis récemment au Premier ministre par le député Guy Geoffroy appelle à cette réflexion.

Par ailleurs, j'évoquais déjà l'an dernier le besoin de formation de l'ensemble des enseignants et des chefs d'établissement, tant il est vrai que, trop souvent, c'est la volonté d'accueillir un enfant différent qui fait défaut. Cette question pourrait notamment être traitée, à mon avis, dans le cadre de votre projet de réforme des IUFM, monsieur le ministre.

Permettez-moi maintenant d'aborder un sujet qui m'interpelle, comme bon nombre d'entre nous, je veux parler des bourses.

Si je me réjouis de l'ouverture de 89 000 bourses au mérite pour les élèves boursiers reçus avec mention au brevet, ce qui permettra aux élèves méritants issus de familles modestes de poursuivre leurs études, je suis en revanche particulièrement choqué - le terme n'est pas trop fort, monsieur le ministre - par le montant dérisoire des bourses affectées aux collégiens.

Le montant de base est de 60 euros par an. Une famille de deux enfants, dont le revenu mensuel est inférieur à 1 000 euros, ne reçoit donc, à ce titre, que 5 euros par mois. Cette somme est indécente et presque insultante pour ces familles, même si ces dernières bénéficient d'autres dispositifs d'aide sociale, comme l'allocation de rentrée scolaire, que le Gouvernement a régulièrement réévaluée.

Monsieur le ministre, vous n'êtes pas responsable de cette situation, et ceux qui, aujourd'hui, seraient tentés de crier au loup ou au scandale doivent faire preuve d'un peu de retenue et de responsabilité.

Le Gouvernement vient de réévaluer les plafonds de ressources de ces bourses de 5, 8 % pour l'année 2006-2007, alors que la réévaluation moyenne n'avait jamais dépassé 1, 4% sous les gouvernements de gauche ! Vos prédécesseurs, qu'il s'agisse de M. Jospin, de M. Lang ou de Mme Royal, qui vous accusent très souvent de « brader le système », n'ont guère accompli d'efforts pour les familles en difficulté

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