Intervention de Philippe Bonnecarrere

Commission des affaires européennes — Réunion du 18 mars 2021 à 8h30
Justice et affaires intérieures — État de droit dans l'union européenne - rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mm. philippe bonnecarrère et jean-yves leconte

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere, co-rapporteur :

Je remercie le président de nous avoir donné plusieurs mois pour travailler sur ce sujet, dans une perspective de long terme. La démocratie est peut-être moins établie que nous ne le pensions. Les Pères fondateurs pensaient que, dès lors qu'un pays avait goûté à la démocratie, il n'y avait plus de régression possible. Ce n'est pas vrai et l'État de droit est attaqué, menaçant le principe fondateur de confiance mutuelle. Le système du mandat d'arrêt européen, par exemple, ne peut fonctionner si l'indépendance de la justice est remise en cause dans certains pays.

Certains pays assument de manière décomplexée d'utiliser à leur profit la règle de l'unanimité au Conseil et de faire ce qu'ils veulent chez eux : cela ne va pas nécessairement jusqu'à l'empoisonnement des opposants, comme celui de M. Navalny, mais cela passe par la multiplication de règles techniques qui enserrent la société, restreignent la liberté de la presse ou l'indépendance de la justice, etc. La Pologne ou la Hongrie n'acceptent pas notre définition de l'État de droit, qu'ils jugent individualiste, subjective, organisée autour de la protection de l'individu. Ils préfèrent une définition objective, fondée sur les valeurs collectives, la préservation du contrat social. Ce dialogue n'est pas simple.

M. Gattolin a raison sur le rôle du droit : l'Union européenne est un marché, une monnaie et un système juridique coiffé par une juridiction unique. C'est notre joyau. La CJUE est un outil précieux. J'ai eu l'occasion d'exprimer devant vous mes réserves sur l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme. Je dois reconnaître que le rôle de la CJUE est essentiel pour l'État de droit et qu'il faut absolument préserver sa plénitude de juridiction. En France, nous avons souvent le sentiment que notre action est entravée par le juge et que le Parlement n'est plus souverain. C'est en partie vrai, mais lorsque l'on regarde au-delà de nos frontières, on constate que le rôle du juge est essentiel. Lors de l'élection présidentielle, certains candidats proposeront certainement de modifier la Constitution pour modifier le régime de l'asile ou de l'immigration, par exemple. Mais il n'est pas sûr que cela suffise, car l'État de droit repose sur un système d'interdépendances : contrôle de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel, contrôle de la Cour européenne des droits de l'Homme - l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme fait ainsi obstacle à la suppression du regroupement familial -, et contrôle de la CJUE au regard de la Charte des droits fondamentaux. Même si on peut parfois trouver le corset trop serré, il est aussi protecteur !

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