Intervention de Bernard Piras

Réunion du 4 décembre 2006 à 22h30
Loi de finances pour 2007 — Enseignement scolaire

Photo de Bernard PirasBernard Piras :

L'enseignement agricole, dans son ensemble, est incontestablement mal traité.

D'une part, l'enseignement privé l'est à n'en pas douter : il attend toujours la publication d'un décret modifiant le décret n° 89-406 du 20 juin 1989, modifié, qui doit permettre, notamment, de poursuivre, voire d'amplifier, le reclassement de 2 200 agents de troisième catégorie.

D'autre part, l'enseignement agricole public l'est au moins tout autant.

Ainsi, la réduction des moyens qui lui sont consacrés a eu plusieurs conséquences : l'érosion constante de la part des effectifs scolarisés par les établissements publics, qui s'élève à présent à moins de 38 % ; la précarisation accrue des emplois ; la baisse régulière des crédits de formation continue des personnels ; le plafonnement du recrutement des élèves, au mépris de la mission d'insertion scolaire que la loi d'orientation agricole de 1999 lui avait confiée ; l'impossibilité de redoublement pour certains élèves de terminale ; le regroupement de classes de différents niveaux et de différentes filières ; l'impossibilité de pouvoir effectuer certains dédoublements réglementaires.

Mes chers collègues, je pourrais multiplier les illustrations de cette triste réalité, car la situation de l'enseignement agricole public est bien celle que je vous décris. Je vous invite vivement à vous rendre chacun dans un établissement de votre département afin de prendre conscience du désarroi qui y règne. D'ailleurs, monsieur le ministre, je ne doute pas que vous et votre collègue ministre de l'agriculture aurez à coeur d'aller « sonder les âmes » au sein des établissements de la Somme et de la Charente-Maritime !

Si mon propos vous semble quelque peu alarmiste, il est parfaitement justifié par la teneur de mes échanges avec les personnels des établissements drômois. Par exemple, la limitation des effectifs à 24 élèves par classe se traduit pour l'un par une diminution de 50 à 60 élèves sur 360 actuellement et, pour l'autre, par le non-accueil de 32 élèves pour un effectif actuel de 425 élèves.

Cette réduction a pour effet d'augmenter le coût de l'élève formé et d'induire des difficultés financières très importantes pour l'équilibre de fonctionnement des établissements concernés. De même, elle laisse en suspens de nombreuses questions : que deviennent ces élèves non accueillis par l'enseignement agricole public ? Quels choix laisse-t-on aux élèves et aux familles en termes d'orientation ? Doit-on accepter que celle-ci se fasse par défaut ?

Monsieur le ministre, nombreux sont ceux qui attendent avec impatience les réponses que vous pouvez apporter à ces légitimes interrogations.

J'illustrerai mon propos par un autre exemple : un des établissements que j'ai visités a vu sa dotation horaire globale diminuer de 3 240 heures entre la rentrée 2004 et celle de 2006, soit une baisse de 11, 5 %, ce qui correspond à 5 équivalents temps plein. Sur le plan pédagogique, les effets néfastes sont nombreux : regroupements, suppressions d'heures et limitations en matière de recrutement.

L'enseignement agricole est contraint de « naviguer à vue ». Je dénonce cette logique, qui est le fruit d'une gestion purement comptable, car, c'est désormais criant, le Gouvernement laisse cet enseignement en quasi-déshérence. Une diminution de moyens serait compréhensible si elle était justifiée par la mise en oeuvre d'un projet, qu'il nous serait alors loisible d'approuver ou de critiquer. Mais peut-être projetez-vous, en définitive, d'encourager cette dégradation, qui aboutit à la fermeture des formations, sans aucune réaction du ministère concerné.

Six rapports consacrés à l'avenir de l'enseignement agricole ont été remis ou sont en cours de rédaction, la plupart à la demande du Gouvernement. L'ensemble de ces études, auxquelles peut être adjointe la concertation que le ministère de l'agriculture vient de lancer, pourraient être interprétées comme le signe d'un intérêt prononcé pour cet enseignement. Néanmoins, cette réflexion, à laquelle je ne peux que souscrire, arrive bien tard, à la fin d'une législature marquée avant tout par une réduction sans précédent des moyens.

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous justifier votre politique conduite en matière d'enseignement agricole, laquelle vise à ne porter une réflexion qu'après avoir « cassé » ce merveilleux outil éducatif, à l'identité et à la réussite indéniables ? La méthode suivie par ce gouvernement manque cruellement de logique. En 2002, vous avez pourtant hérité d'un enseignement agricole en plein essor.

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