Mes chers collègues, Mesdames, Messieurs, la délégation aux droits des femmes a décidé de procéder, en 2021, à un bilan de la situation des femmes dans les territoires ruraux. Il couvre des sujets aussi divers que l'orientation scolaire et universitaire, l'égalité professionnelle, la santé, le rôle des élues et l'accès aux responsabilités et, bien sûr, la lutte contre les violences, thème de notre table ronde de ce matin.
Je remercie tout d'abord nos interlocuteurs de s'être rendus disponibles pour nous aujourd'hui malgré des agendas très contraints. Je précise à leur attention que notre délégation a désigné, pour mener à bien ce travail, une équipe de huit rapporteurs associant tous les groupes politiques de notre assemblée, et représentant par ailleurs des territoires très divers : Vienne, Drôme, Lozère, Rhône, Hautes-Alpes, Haute-Garonne, Finistère et Dordogne.
Je rappelle également que cette réunion fait l'objet d'un enregistrement vidéo, accessible en ce moment même sur le site du Sénat puis en VOD, et qu'elle est organisée à la fois au Sénat et à distance, en visioconférence.
La lutte contre les violences faites aux femmes, la prise en charge et l'accompagnement des victimes apparaissent aujourd'hui comme un véritable défi pour les territoires ruraux. Plus d'un an après la clôture, le 25 novembre 2019, du Grenelle de lutte contre les violences, la question se pose de savoir si les territoires ruraux et leurs spécificités ont été suffisamment pris en compte, et si la dynamique impulsée alors par le Gouvernement est suffisante pour impacter durablement les politiques de lutte contre les violences en milieu rural.
Avec cette table ronde, notre délégation a souhaité mettre l'accent sur la situation des femmes habitant en zone rurale, victimes de violences conjugales.
Nous savons en effet que les spécificités des conditions de vie dans ces territoires augmentent les difficultés rencontrées par ces femmes dans leur parcours de sortie des violences et compliquent leur accompagnement par les acteurs et actrices de la lutte contre ces violences.
Un rapport publié en 2018 par le Centre Hubertine Auclert sur les femmes vivant dans les zones rurales d'Ile-de-France a mis en évidence les difficultés liées à la faible mobilité des victimes et à leur isolement, à la recherche d'anonymat problématique pour celles qui souhaiteraient effectuer un signalement ou s'informer sur les démarches à entreprendre, à leur dépendance économique et financière, à une connaissance insuffisante des associations susceptibles de leur venir en aide et, enfin, au manque de structures d'hébergement d'urgence adaptées ainsi qu'à l'insuffisance des solutions de relogement pérenne.
Autre spécificité soulignée par cette étude : les femmes victimes de violences qui vivent dans des communes rurales s'adressent beaucoup plus souvent au corps médical et font moins appel à la police, aux services sociaux, aux associations ou aux numéros verts d'aide aux victimes.
Enfin, ce rapport montre l'importance de l'engagement des collectivités territoriales et cite bon nombre de bonnes pratiques mises en oeuvre par des élus pour mieux accompagner les victimes de violences dans les territoires ruraux.
Ces constats sont-ils transposables à d'autres territoires ruraux que ceux de l'Ile-de-France ?
Je me tourne vers nos invités, qui vont nous éclairer par leur expérience et leurs témoignages, nous aider à mieux comprendre la situation des victimes de violences dans les territoires ruraux et à formuler des recommandations destinées à améliorer la lutte contre les violences faites aux femmes dans ces territoires.
Je les remercie d'être à nos côtés ce matin, dans cette salle ou à distance, et leur souhaite la bienvenue au Sénat.
Avec Hélène Furnon-Petrescu, cheffe du service des droits des femmes, nous allons nous interroger sur la spécificité des réponses à apporter pour venir en aide aux femmes victimes de violences dans les territoires éloignés des grandes métropoles. Puis nous prendrons connaissance des constats établis par la Gendarmerie nationale grâce à Aline Emptaz, conseillère judiciaire auprès du directeur général de la Gendarmerie nationale, et au lieutenant-colonel Denis Mottier, de la direction des opérations et de l'emploi. Nous entendrons ensuite les témoignages de deux grands réseaux associatifs : la Fédération nationale des Centres d'information sur les droits des femmes (FNCIDFF), représentée par Nora Husson, responsable du département suivi et exploitation statistiques des CIDFF ; et la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF), représentée par Françoise Brié, sa directrice générale, que nous sommes heureux de retrouver ce matin. Je précise que la FNSF a publié en 2016 une étude pionnière sur le sujet qui nous réunit ce matin, à partir d'observations effectuées dans deux régions : Midi-Pyrénées et Pays de la Loire. Nous donnerons ensuite la parole à deux associations de terrain : Paroles de femmes à Gaillac dans le Tarn, représentée par sa présidente Betty Fournier, et Les Chouettes, de la Drôme, représentée par Françoise Mar, coprésidente et cofondatrice.
Nous entendrons également le point de vue des associations d'élus, pour nous éclairer sur les obstacles et difficultés spécifiques que rencontrent les élus des territoires ruraux en matière de lutte contre les violences et d'accompagnement des victimes, mais aussi pour nous faire part des initiatives et bonnes pratiques locales qui pourraient servir d'exemples. L'Assemblée des départements de France (ADF) interviendra par la voix d'Anne Harel, vice-présidente du conseil départemental de la Manche, et de Marie-Pierre Mouton, présidente du conseil départemental de la Drôme. L'Association des maires de France (AMF) est représentée par Cécile Gallien, vice-présidente et maire de Vorey en Haute-Loire ainsi qu'Édith Gueugneau, maire de Bourbon-Lancy en Saône-et-Loire, que notre délégation connaît bien.
Enfin, nous aborderons le rôle crucial des professionnels de santé dans la prise en charge des victimes de violences dans les territoires ruraux : le pharmacien, investi depuis le premier confinement d'un rôle majeur pour identifier et orienter les femmes victimes de violences, et le médecin traitant, qui est en première ligne pour identifier et prendre en charge les victimes, a fortiori depuis que la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a prévu la levée du secret médical en cas de violences conjugales, même en l'absence d'accord de la victime, si ces violences mettent la victime en danger immédiat et si elle se trouve en situation d'emprise.
Nous entendrons donc le Docteur Marie-Pierre Glaviano Ceccaldi, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des médecins et présidente du Comité national des violences intrafamiliales et, enfin, Alain Delgutte, membre du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens.
Je vais tout d'abord donner la parole à Hélène Furnon-Petrescu, que je remercie une nouvelle fois, comme nos invités, de s'être rendue disponible pour cette visioconférence. Nous avons l'habitude de nous rencontrer et de travailler ensemble. C'est un plaisir de vous retrouver ce matin.