Bonjour Madame la présidente, bonjour à tous. Je précise que, si je suis à l'origine de l'association Paroles de Femmes, dont j'étais présidente, je viens de passer le relais à Carole Hamel.
Créée en 2005, notre association est référente violences dans le département et labellisée accueil de jour spécialisé. Nous disposons de permanences déconcentrées dans le Tarn, dont une dans une maison France Services. Nous recevons environ 300 femmes par an, dont 45 % en zone rurale. Notre département est en effet essentiellement rural, en dehors d'Albi et de Castres. Nous nous sommes intéressés à cette problématique dès 2012, puisque nous estimions que nous étions dans le déni des situations très compliquées de ces femmes en milieu rural. Nous avons mené la première étude sur le sujet en France. Des constats que nous en avons tirés, nous avons essayé de mettre en place des personnes relais en 2016. Nous avons donc travaillé sur tout l'ouest du département afin de développer ces accueils, ce qui nous a amenés en 2019 à organiser un colloque sur cette question à Gaillac. Près de 300 personnes y ont assisté. Toutes les administrations étaient représentées, témoignant ainsi d'une prise de conscience des partenaires. Le Préfet, le président du conseil général, les procureurs, la Gendarmerie ont démontré leur volonté de lutter contre les violences en milieu rural.
Une centaine de relais sont aujourd'hui en place dans le Tarn. Ce projet est novateur car il fait appel à tous les citoyens : infirmières à domicile, médecins, kinés, pharmaciens, agents d'accueil, postières, coiffeurs, responsables de friperies... Toute personne peut être un relais si elle est sensibilisée et formée et si elle est en contact avec les femmes. Nous travaillons avec les Familles rurales, les syndicats agricoles, les personnels de la caisse d'allocations familiales (CAF) ou de la mutualité sociale agricole (MSA), ou encore les associations caritatives.
Après leur sensibilisation et leur formation, ces personnes ont pour rôle de repérer et détecter certaines difficultés vécues par les femmes, afin de les informer et de les orienter vers les structures spécialisées. Elles ont également pour rôle de distribuer des plaquettes d'information et différents outils existants. Cependant, disposer de « personnes relais » ne suffit pas : il est important de créer du lien avec elles. Si le Covid nous en a quelque peu empêchés cette année, nous organisons en temps normal des déjeuners avec les « personnes relais » afin d'échanger avec elles sur ce que vivent les victimes et de créer du lien pour ne pas laisser ces volontaires seuls. Nous essayons d'organiser ces repas collectifs dans différents villages.
Jusqu'ici, nous n'avions bénéficié d'aucun fonds dédié à cette question. Ce n'est qu'en 2019 que nous avons disposé de financements pour la mise en place du colloque. En 2020, c'est la DRPS Occitanie qui nous a financés pour développer la mise en place de cette action sur d'autres départements, c'est-à-dire mailler l'ensemble des territoires du Tarn en partenariat avec le CIDFF, avec lequel nous travaillons très étroitement depuis des années, et travailler dans la Haute-Garonne et les Pyrénées-Orientales. N'oublions pas que les territoires au nord et au sud de Toulouse sont ruraux. Nous avons commencé un travail que nous espérons pouvoir développer plus largement en 2021.
Nous avions également pour objectif de développer une méthodologie et des outils transférables dans d'autres départements, d'accompagner ces derniers et de coordonner les différentes actions. Depuis cette année, nous avons reçu de nombreuses demandes de territoires hors Occitanie souhaitant développer ce concept : le Beaujolais, le Finistère, cinq associations des Pays de la Loire, ou encore le Cantal. Nous sommes en lien avec eux et espérons, avec la Fédération nationale Solidarité Femmes, pouvoir coordonner ces associations qui souhaitent mettre en place des personnes relais.
J'espère que nos sollicitations auprès de quelques départements nous permettront de bénéficier de financements complémentaires en 2021. C'est grâce au travail militant des associations de Parole de Femmes que nous avons pu réaliser notre travail jusqu'ici.
Il est grand temps de prendre conscience qu'en zone rurale, le poids des stéréotypes de genre, de la communauté familiale et du « qu'en dira-t-on » est très important, ce qui empêche aujourd'hui encore de nombreuses femmes de sortir du silence. La mobilité est certes un problème, mais il n'est pas le seul. Les femmes nous indiquent que, même si elles ont une voiture, le contrôle de leur temps exercé par l'auteur des violences les handicape davantage. Si elles souhaitent consulter un autre médecin, leur compagnon violent leur interdit de s'y rendre.
Je souhaite également aborder la question des néo-ruraux. Ils sont nombreux. Par exemple, Monsieur travaille à Toulouse et le couple s'installe dans la campagne environnante, dans un rayon de soixante kilomètres. La femme quitte son travail dans la ville précédente et n'en trouve pas dans sa nouvelle région. Elle se retrouve donc seule à la maison. Son compagnon utilise la voiture pour se rendre au bureau, la privant de moyen de transport. Nous observons de nombreux couples dans cette situation, au sein desquels il n'y avait aucun problème auparavant, mais où des problèmes de violences apparaissent. Il est important de le noter.
Les enfants sont aussi exposés aux violences. Depuis 2016, nous avons mis en place le service « Des mots pour le dire », seul dispositif de ce genre dans le département. Nous recevons les mères et la fratrie pour que chacun puisse parler de ses émotions et pour aider la femme à reprendre sa place de maman. Ce service fonctionne très bien. Nous ne disposons malheureusement pas de fonds suffisants pour répondre à toutes les demandes. Nous avons reçu cette année quarante-huit mères et quatre-vingt-dix enfants. Leur nombre augmente chaque année.
Nous sommes prêts à répondre à tout département souhaitant prendre connaissance de notre méthodologie. Ils peuvent nous appeler ou envoyer un mail à ruraliteparoledefemmes81@gmail.com.