Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les sénateurs, Mesdames et Messieurs les intervenants, bonjour à tous. J'essaierai d'être assez brève tout en vous donnant quelques informations sur les actions mises en oeuvre dans mon département.
Dès 2015, le conseil départemental, sous la présidence de Philippe Bas, s'est emparé de cette politique. Une délégation aux droits des femmes a été créée. Je ne reviendrai pas sur les constats relatés par les uns et les autres. Sachez toutefois que dans la Manche, en 2020, nous avons constaté une augmentation de 16 % des violences faites aux femmes. L'accueil des victimes de violences conjugales par des travailleurs sociaux du département connaît donc une hausse. C'est devenu leur quotidien, surtout dans les zones rurales.
Les problématiques ont été largement identifiées. Les publics concernés comptent des personnes âgées - la population de ces territoires étant vieillissante - ainsi que les personnes en situation de handicap. Les violences conjugales sont parfois niées ou banalisées. Parmi ces publics, la perte d'autonomie peut générer des violences du côté chez l'aidant comme chez l'aidé. Les enfants sont des victimes collatérales que nous devons également accompagner avec nos services.
À l'isolement géographique, car les services ne se situent pas toujours à proximité et les réseaux de transport y sont peu développés, s'ajoutent des difficultés de mobilité, et l'isolement des acteurs locaux. Les élus sont parfois démunis face à ces situations et peuvent être perçus comme le seul interlocuteur des victimes résidant en territoire rural. Des réponses doivent y être apportées. Nous devons favoriser la mobilité de ces publics et rapprocher les services de l'usager en délocalisant les lieux de permanence. Les travailleurs sociaux du département exercent dans les centres médico-sociaux mais également au sein des territoires de solidarité dans les maisons France Services ou dans les mairies. Le développement de l'accessibilité numérique fait également partie de nos priorités. S'y ajoutent un maillage de personnes formées et informées et une communication publique et collégiale entre l'ensemble des parties prenantes.
En partenariat avec les signataires du protocole départemental, le département a créé une fiche réflexe pour rappeler le cadre légal et donner des repères aux élus. Elle a été diffusée par les conseillers départementaux à l'ensemble des communes de leur canton. Nous mettons également en oeuvre, depuis 2018, la démarche « Territoire 100 % inclusif ». En 2019, nous avons adopté une politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes car il nous a semblé important de disposer d'une feuille de route permettant d'afficher des propositions d'action structurées dans ce domaine. Dans le cadre du travail engagé par le protocole départemental, il a été décidé de créer un observatoire des violences et des réalités manchoises. Pour l'instant, il fait partie de l'Observatoire départemental de la protection de l'enfance, mais nous souhaitons créer une entité dédiée afin de connaître la répartition géographique des cas de violence, d'observer les suites données à ces démarches, d'évaluer la qualité de la prise en charge des victimes, de rapprocher les cultures professionnelles afin de prévenir les effets de violences, et d'adhérer aux réseaux de prévention. Les conseillères conjugales et familiales des territoires de solidarité interviennent aussi dans les établissements scolaires, notamment les collèges, pour mener des actions de prévention. Je ne rappelle pas le rôle de la Protection maternelle et infantile (PMI). En suivant les familles, la PMI permet de détecter des situations de violences intrafamiliales. Parmi les propositions d'actions de la politique départementale, la formation continue des professionnels sociaux et médico-sociaux est également primordiale et concerne prioritairement la compréhension des phénomènes de violence, leur repérage et la prise en charge des victimes. Il est nécessaire de former à l'écoute et à l'accompagnement des victimes, mais aussi des auteurs. Ces professionnels doivent pouvoir participer à des temps d'échanges sur les pratiques.
En complément de ces formations, nous avons signé une convention de partenariat avec l'Association d'aide aux victimes, de contrôle judiciaire socioéducatif, d'enquête de personnalité, de médiation pénale (ACJM), afin de fournir aux professionnels du département les informations juridiques de premier niveau à apporter aux victimes.
Nous accompagnons également des victimes dans leur parcours de sortie de la violence, en assurant leur mise à l'abri et en développant des places en maison parentale. Nous avons lancé l'année dernière un appel à projets, reconduit en 2021, centré sur la prévention et la protection des personnes. Nous lui avons attribué un budget de 20 000 euros. En 2020, il a contribué à la création d'un fonds d'urgence pour les situations de crise, mais aussi à l'hébergement de victimes dans les territoires ruraux.
Il est évidemment nécessaire de décloisonner les réponses et de travailler en réseau avec nos partenaires. Nous disposons pour cela de plusieurs leviers : la communication publique de notre politique départementale, la signature du protocole départemental par quarante-sept acteurs départementaux, le protocole de lutte contre les violences sexuelles et sexistes à l'échelle de la juridiction de Coutances, décliné sur le territoire par un contrat local, l'implication politique et technique du département dans les CLSPD et CISPD (conseil local ou intercommunal de prévention de la délinquance), et la signature de conventions de partenariat pour la mise en oeuvre de réseaux VIF. Nous avons également développé des plans locaux inclusifs à l'échelle de chaque territoire de solidarité dans la Manche. Ils sont destinés à optimiser les complémentarités et à agir en partenariat avec les acteurs locaux sur les problématiques identifiées du territoire, dont la lutte contre les violences conjugales.
Le Grenelle aura permis un rapprochement des professionnels et des acteurs oeuvrant dans ce domaine. L'une des avancées notables concerne le rapprochement avec les forces de l'ordre. En 2020, le département de la Manche a été associé à deux sessions de formation de la Police et de la Gendarmerie sur la compréhension des violences et sur les leviers d'accompagnement des victimes. En 2021, les territoires de solidarité sont conviés à la formation de gendarmes pour présenter leurs missions dans les domaines de la prévention et de l'accompagnement social des victimes, travail quotidien des travailleurs sociaux.
Durant la crise sanitaire, et plus particulièrement pendant le confinement, l'État a mis en place des dispositifs d'alerte dans les pharmacies ou les grandes surfaces. Malheureusement, ils ont été organisés sans concertation avec les territoires de solidarité. Le suivi et la prise en charge des victimes auraient pu être optimisés. Nous souhaitons maintenir ou retrouver la dynamique enclenchée avant le confinement, sans quoi nous risquerions d'avancer au détriment des victimes.