Intervention de Monique Ronzeau

Mission d'information Conditions de la vie étudiante — Réunion du 11 mars 2021 à 14h00
Audition de Mme Monique Ronzeau présidente de l'observatoire national de la vie étudiante ove

Monique Ronzeau, présidente de l'OVE :

Qu'est-ce qui va devoir être pris en compte à l'avenir ?

Nous avons connu trois temps.

D'abord l'urgence du démarrage de la crise : il a fallu que les établissements et les étudiants s'adaptent et que des aides financières nouvelles soient développées.

Nous traversons aujourd'hui une deuxième phase, qui est celle de la crise qui dure et provoque l'usure. On a le sentiment que les étudiants sont très inquiets, et de façon de plus en plus atone. Les questions ne sont plus celles du début, quand on pensait que tout allait redevenir comme avant et qu'il fallait réagir dans l'urgence. Ils attendent de façon assez indéterminée et essayent de survivre - je parle des plus touchés par cette crise.

Vos travaux vont nourrir le troisième temps : l'anticipation et la réflexion sur la sortie de crise. Elle devra consister à redéfinir des axes, comme la formation des enseignants-chercheurs ou l'organisation générale des établissements. Le campus physique ne peut plus être pensé comme avant, des questions complexes d'immobilier et d'implantation sur les territoires se posent en arrière-plan. L'évolution du rapport de l'étudiant à son établissement devra aussi être prise en compte. La différence entre universités et grandes écoles tient aussi à ce que les étudiants de ces dernières ont manifesté une reconnaissance pour leur établissement. Cette reconnaissance s'est très vite délitée pour les étudiants des universités, et en particulier dans les disciplines de sciences humaines et sociales (SHS), droit et Inspé. Pour ces derniers, la situation est très inquiétante, car il s'agit des futurs enseignants : un effort significatif devra être ici fourni.

Ces questions structurelles dépassent la réponse aux difficultés conjoncturelles liées à la crise. Il faudra examiner l'équilibre entre pilotages national et local - c'est-à-dire pour ce dernier, le lien entre l'établissement d'enseignement supérieur, les Crous et les collectivités. L'échelon du territoire a été sollicité dans l'urgence dans la gestion de la crise. On le voit ces dernières semaines : des plateformes se mettent en place en collaboration avec les collectivités, plusieurs régions ont constitué une coordination, au départ informelle, mais qui désormais se traduit par des actions plus pérennes. La région agit aussi avec les services de l'État : les nouveaux « vice-chanceliers » à l'enseignement supérieur vont jouer un rôle important dans la diffusion de certaines mesures.

Il faudra capitaliser cet acquis et poursuivre cette coordination et cette mobilisation intéressante dans la durée.

Par ailleurs, assurer la rentrée universitaire prochaine sera difficile. L'enjeu principal est la socialisation des anciens et des nouveaux étudiants qui reviennent. Il faudra recréer le lien social et la possibilité de revenir sur un site universitaire en reprenant des habitudes d'étudiants, des liens avec les enseignants et les pairs. Aujourd'hui, ce n'est pas évident. On a des témoignages poignants de déconnexion avec ces réalités. Certes, les jeunes ont une réelle faculté d'adaptation, mais elle ne peut pas tout : il faudra faciliter les choses par des dispositifs de médiation et de remédiation. Que se passera-t-il au niveau de Parcoursup pour ceux qui ne savaient pas quelle filière choisir et vont arriver à l'université un peu par hasard ? Il faudra traiter ce sujet au niveau de l'accueil des nouveaux inscrits dans l'enseignement supérieur à la rentrée 2021.

Pour terminer, des éléments encourageants montrent que le système a bien réagi et a évité une catastrophe. Mais il faut aller au-delà. Des étudiants dont la mesure en volume est complexe, ont décroché, même si ce décrochage potentiel ne s'est pas vérifié au moment des examens. De ce point de vue, les chiffres sont bons et pratiquement identiques aux années précédentes dans de nombreux établissements : ce signe montre qu'on a les moyens d'aller chercher ces étudiants. Le décrochage psychologique est, lui, plus difficile à cerner et à mesurer.

L'enjeu de la rentrée est fondamental : on ne peut pas se permettre de la rater. Je ne suis pas d'accord, à titre personnel, avec le terme de « génération sacrifiée ». Elle est éprouvée, peut-être traumatisée, mais certainement pas « sacrifiée ». Il y a eu des cours, il y aura des diplômes et des examens. Mais ces éléments ne permettront pas de tout résoudre. Il faudra retravailler avec les populations concernées pour qu'elles ne deviennent pas une génération mise entre parenthèse.

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