Il est vrai que la réforme des études de santé a entraîné d'énormes difficultés. Nous ne les avons pas encore mesurées : la réforme s'est faite en cours d'année et ne faisait pas partie de l'enquête. Cela dit, j'ai connaissance de retours montrant que les étudiants sont totalement perdus et ne comprennent pas ce qui se passe. Ils ont en revanche très bien compris les places réservées aux différentes catégories d'étudiants. Cette affaire n'est pas complètement réglée et va susciter des discussions au plus haut niveau.
Nous allons, à l'OVE, travailler en priorité sur deux sujets : la santé mentale des étudiants, en collaboration avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), et la précarité. Un groupe de travail se met en place avec des économistes et d'autres spécialistes. Nous disposerons alors de statistiques sur l'année complète. En tout cas, l'année écoulée a été probablement encore plus compliquée pour les étudiants en santé que pour les autres.
Sur les mesures qui existent, j'ai parlé des dispositifs d'orientation, mais on doit aussi noter le succès des plateformes d'écoute. Si elles ont été longues à se mettre en place, elles ont bien fonctionné. Elles se sont appuyées sur les nombreuses initiatives locales qui se manifestent actuellement. Le ministère a annoncé un « chèque psychologue » ainsi que des plateformes de contact avec des psychologues, réparties sur le territoire. Cette semaine, une plateforme nationale démarre. Cela donnera de la visibilité sur ce qui se passe réellement, notamment en termes de demande, car les besoin semblent forts, à tous les niveaux. La question a été posée de savoir si on préférait le contact d'un psychologue sur place ou dans le campus. Étant donné que les psychologues n'y sont plus, ce contact n'est pas évident. Mais il l'est encore moins dans la famille. Les plateformes ont fonctionné grâce à cela : elles constituaient un relais qui permettait d'être écouté sans avoir à aller plus loin dans des confidences qui n'étaient pas adaptées au cercle familial. Il faudra donc pérenniser ces dispositifs.
Les services de santé universitaires ont été saturés dès le premier confinement. Mais des questions de fond se posent sur ce sujet. L'université a-t-elle vocation a avoir un service de santé avec tous les spécialistes sur un campus dont on sait qu'il est éclaté sur le territoire ? Ne faut-il pas plutôt privilégier des relais et des professionnels de santé travaillant ensemble en réseau et prenant en charge, avec un suivi, un même étudiant ? Une vraie réflexion d'ensemble doit être menée au niveau national avec les acteurs de la vie étudiante.
Sur les plateformes de tchat, je n'ai pas d'éléments sauf ce que chacun peut savoir en lisant les témoignages sur internet. Toutes les initiatives sont bonnes à prendre. Si c'est utile pour les étudiants, pourquoi pas ! Mais tout ne doit pas être mis sur le même plan. Pour les situations les plus graves, il faut de vrais processus de prise en charge et de suivi. Un accompagnement personnalisé est donc nécessaire, et c'est une question de moyens.
Cette question se posera à la rentrée, de même que tout ce qui touchera aux questions d'alimentation. Les Crous ont fait beaucoup d'efforts dans ce domaine. Il y a eu une révolution en termes de respect des normes, notamment environnementales. On a constaté une ambition de proposer des repas à la fois variés et équilibrés. Les progrès ont été significatifs, mais la période était tellement particulière qu'un bilan s'impose. Le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) y procèdera. Dominique Marchand, que vous entendrez sans doute, envisage de regarder les évolutions récentes en s'interrogeant sur les conséquences à tirer du panier à 1 euro, tout en ayant à l'esprit qu'il faut aller plus loin dans la réflexion sur la restauration. Les étudiants avaient en effet déserté les restaurants traditionnels Crous. Il faut trouver la bonne réponse à leurs besoins.
Concernant la fermeture des établissements et les enseignants qui n'auraient pas été au rendez-vous : je trouve que c'est un peu sévère. Là aussi, les situations diffèrent. Cela s'est très bien passé dans certains secteurs et moins bien dans d'autres, comme on peut le voir à travers certains témoignages d'étudiants. Je pense que le sujet central est la formation des enseignants, qui n'avaient pas suffisamment anticipé ce genre de situation. « Tout le monde devait s'y mettre », certes, mais ce n'est pas la même chose de donner des cours prévus en présentiel et les transformer en trois semaines en cours à distance. Des techniques permettent de capter l'intérêt de l'étudiant, mais en trois semaines, c'était très difficile. Je crois qu'on paye aujourd'hui le retard de certains établissements de l'enseignement supérieur à affronter la numérisation qui est inéluctable à plus ou moins long terme.
Dans la durée, nous avons besoin de bilans plus fins. Il nous faut aller au-delà des témoignages individuels - certes nécessaires pour appréhender la réalité vécue par les étudiants - et examiner précisément les points faibles à relever. La Conférence des présidents d'université (CPU) envisage d'ailleurs des bilans plus précis à partir de témoignages recueillis. Ceux-ci n'ont toutefois pas fait remonter les choses qui ont fonctionné, et il y a en a ! La difficulté est qu'il faut aujourd'hui traiter les urgences. Vous connaissez la formule : un train qui arrive à l'heure, on n'en parle pas...
On éprouve encore cette difficulté de mesure, qui va se résoudre : sur l'année complète 2020-2021, l'OVE, la CPU, les Crous et les collectivités territoriales, qui s'investissent dans des plans de vie étudiante, auront à coeur d'aller au-delà du premier niveau de remontée pour analyser les effets structurels de la crise. Le sujet de la formation des enseignants est fondamental.