Quand j'ai évoqué les grands campus, je pensais plus à la réorganisation en cours et à la fusion d'universités, ce qui n'est pas tout à fait la même chose en termes de conséquences sur la répartition territoriale. Si je prends par exemple Bordeaux, il reste un campus central, mais des antennes ou des sites délocalisés demeurent. On doit distinguer deux aspects. J'évoquais les établissements fusionnés qui sont à la pointe des établissements de recherche dans les classements internationaux. Ils sont peu nombreux, mais ont acquis ont dimension internationale qui leur permet d'impulser et de porter des politiques, notamment sur le numérique. J'écoutais en arrivant François Germinet, le président de l'université de Cergy-Pontoise, qui évoquait ces dimensions de différenciation entre les établissements. Il faudra prendre en compte les deux types d'évolution.
Pour revenir à ce que vous évoquez : on souffre depuis très longtemps d'une absence de vraie définition de ce qu'est un campus universitaire français. Nous n'avons pas l'histoire ni la culture anglo-saxonne, nord-européenne, voire suisse. On doit peut-être se poser des questions liées à l'urbanisation, à la nécessité d'équité de traitement sur le territoire, à la façon dont on veut créer une véritable vie étudiante à Paris et dans l'Île-de-France. Sur la question numérique, de nombreux exemples à l'étranger montrent qu'on peut parfaitement organiser une vie étudiante avec des outils numériques - qui ne doivent être exclusifs mais peuvent aider.
Vous évoquez aussi le fait qu'une mairie ne connaît pas la population étudiante de son territoire. Cela est vrai depuis très longtemps et évolue très peu. Soit l'étudiant est sur un « campus » (antenne ou site), soit il est dans une structure locale et habite ou travaille sur un autre territoire. Il n'y a pas de lieu fixe et unique auquel serait relié l'étudiant. Seul le niveau de la région peut disposer de ce type d'élément. La crise a mis en relief la nécessité de joindre concrètement les étudiants. Comment fait-on ? Aucun étudiant ne consulte sa boîte mail institutionnelle, tout passe par les réseaux sociaux ! Des exemples à l'étranger, où l'on utilise les mêmes outils que les étudiants pour les joindre, les faire travailler ensemble et les faire se rencontrer virtuellement, fonctionnent très bien. Nous n'en sommes, en France, qu'au début et n'avons pas encore les outils appropriés. Il faut faire attention à ne pas tomber dans du gadget et des plateformes inutiles qui s'essouffleront d'elles-mêmes. Pour en avoir discuté avec le nouveau bureau de la CPU, les universités sont très conscientes de ces enjeux. Il faut utiliser ce qu'on va apprendre de cette crise, mais aussi les innovations potentielles qu'elle dégagera pour progresser sur cette dimension de vie étudiante. C'est la première fois depuis longtemps que la vie étudiante est au coeur des préoccupations des établissements : j'en suis très satisfaite. Jusqu'ici ce n'était pas leur priorité - je ne dis pas qu'il ne se passait rien, mais ce n'était pas un élément de stratégie. C'est en train de changer en raison de la crise mais aussi parce la qualité de la vie étudiante devient un facteur d'attractivité internationale. Plusieurs articles de sociologues sont publiés pour aller vers une évaluation du bien-être et de la qualité de vie étudiante. Combien de fois a-t-on perçu les difficultés dans les universités sur le manque de possibilités d'accueil ? Le seul vrai campus qui existe à Paris est la Cité Universitaire, et il n'est pas sur le même créneau. Cela sera réinterrogé de façon assez profonde, notamment par les établissements d'enseignement supérieur.